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Des tribunaux d’appel reconnaissent les clauses d’arbitrage dans les contrats de consommation

Par Karine Russell, Robin Reinertson, Laura Cundari et Victor Lima (stagiaire)
21 août 2023

Le 4 août 2023, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (la « CACB ») a rendu des décisions connexes dans Williams v. Amazon.com Inc. (l’« affaire Williams ») et dans Petty v. Niantic Inc. (l’« affaire Petty »). Dans ces deux affaires, la CACB a confirmé la suspension partielle des actions collectives proposées en matière de protection du consommateur, statuant que les conventions d’arbitrage contenues dans les contrats électroniques types étaient valides et exécutoires. Une semaine plus tôt, la Cour d’appel fédérale a elle-aussi confirmé une suspension de procédure dans l’affaire Difederico v. Amazon.com Inc. (l’« affaire Difederico ») – une action collective proposée en matière de protection du consommateur comportant des faits similaires – en faveur de l’arbitrage. Ces décisions confirment qu’en l’absence d’une intervention de la législature claire à l’effet contraire, les conventions d’arbitrage seront généralement exécutoires, même celles prévues dans les contrats d’adhésion types.

Contexte

Dans l’affaire Williams, le demandeur a créé un compte auprès d’Amazon.ca afin d’effectuer des achats sur le marché en ligne d’Amazon. Ce faisant, il a accepté les conditions d’utilisation électroniques d’Amazon, qui prévoient le recours à l’arbitrage en cas de différends relatifs au contrat. Le demandeur a entrepris une action collective proposée devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique (la « CSCB ») dans laquelle il alléguait, entre autres, que les pratiques commerciales des défendeurs contrevenaient à la législation sur la protection du consommateur et à la Loi sur la concurrence. Les défendeurs ont demandé avec succès à la CSCB de suspendre l’action en vertu de la convention d’arbitrage, sauf pour certaines réclamations en matière de protection des consommateurs qui, selon la Cour suprême du Canada (la « CSC »), ne pouvaient être soumises à l’arbitrage.

Dans l’affaire Petty, les demandeurs ont entrepris une action collective proposée devant la CSCB contre Niantic Inc. et d’autres défendeurs relativement à des « boîtes à butin » et à des achats effectués dans le cadre de jeux vidéo pour appareils mobiles. Dans cette affaire, les demandeurs alléguaient notamment des violations de la législation sur la protection du consommateur et un enrichissement injustifié. Les défendeurs ont demandé à la BCSC de suspendre l’action (sauf, encore une fois, pour certaines réclamations en matière de protection des consommateurs) en se fondant sur une convention d’arbitrage contenue dans les modalités de service électroniques que les demandeurs acceptent avant de jouer aux jeux vidéo en cause.

Devant le juge siégeant en cabinet, les demandeurs dans l’affaire Petty ont fait valoir sans succès que l’affaire Williams ne devrait pas être pris en considération parce qu’elle avait été tranchée avant la décision de la CSC dans l’affaire Uber Technologies Inc. c. Heller (l’« affaire Uber »), dans laquelle la majorité des juges a conclu qu’une convention d’arbitrage dans un contrat intervenu entre Uber et un livreur était inique et, par conséquent, non exécutoire. (Consultez notre Bulletin Blakes intitulé La clause d’arbitrage d’Uber est inique, selon la Cour suprême du Canada.)

La CSCB a rejeté les arguments de ces demandeurs et a accordé la suspension partielle demandée par les défendeurs. Le juge siégeant en cabinet a conclu que les faits dans l’affaire Petty se distinguait de ceux de l’affaire Uber, notamment parce que le processus prévu dans la convention d’arbitrage en cause constituait une méthode viable de résolution des différends individuels des demandeurs en fonction du dossier de preuve.

Décisions d’appel confirmant les suspensions partielles

Les demandeurs dans les affaires Williams et Petty ont interjeté appel. Les appels soulevaient des questions similaires et ont été entendus la même semaine par la même formation de juges de la CACB. Dans les deux cas, la CACB a confirmé les suspensions et rejeté les appels des demandeurs. La CACB a fait remarquer qu’en vertu de la législation sur l’arbitrage de la Colombie-Britannique et en l’absence d’autres restrictions législatives applicables sur le caractère exécutoire des conventions d’arbitrage dans la province, le tribunal est tenu de rendre une ordonnance suspendant les procédures judiciaires intentées autrement qu’en recourant à l’arbitrage, à moins qu’il ne conclue que la convention d’arbitrage est nulle, inopérante ou inexécutable. Cela établit une présomption en faveur de l’exécution des conventions d’arbitrage, contrairement à ce qui se passe dans certaines autres provinces où la législation annule les dispositions d’arbitrage obligatoire contenues dans les contrats de consommation types.

La CACB a déterminé que les décisions des juges siégeant en cabinet, lesquelles portaient sur des questions mixtes de fait et de droit, commandaient un haut degré de déférence. En examinant les faits et les éléments de preuve précis dans les affaires Williams et Petty, y compris les processus d’arbitrage particuliers prévus dans chaque cas, la nature des contrats en cause ainsi que les arguments des demandeurs à l’égard des défendeurs, le tribunal a conclu que ces affaires étaient profondément différentes de l’affaire Uber. Même s’il y avait une inégalité du pouvoir de négociation entre les demandeurs et les défendeurs dans les deux affaires, celle-ci n’entraînait pas un marché imprudent et ne menait donc pas à une conclusion d’iniquité. Aucune de ces affaires ne portait sur des contrats fondés sur un état de nécessité et, dans chaque cas, les processus d’arbitrage prévus étaient peu coûteux ou sans frais pour les consommateurs. Bien que les demandeurs aient voulu faire traiter leurs différends par voie d’actions collectives plutôt que par voie d’arbitrage, leur préférence ne constitue pas un facteur pertinent dans une demande de suspension.

Principaux points à retenir

Les affaires Williams, Petty et Difederico confirment qu’après l’affaire Uber, en l’absence d’une intention de la législature claire de limiter l’arbitrage des réclamations en matière de protection des consommateurs, les conventions d’arbitrage demeurent généralement exécutoires. Cela vaut même pour les contrats d’adhésion conclus avec des consommateurs types si le processus d’arbitrage prévu est accessible et offre un moyen viable de résoudre le différend. Les conventions d’arbitrage contestées que contenaient les conditions d’utilisation ou les conditions de service électroniques dans ces affaires n’ont pas été considérées comme iniques ou invalides pour des considérations d’ordre public. Ces récentes décisions attestent que les tribunaux canadiens reconnaissent l’arbitrage comme méthode viable de règlement des différends.

Pour en savoir davantage, communiquez avec :

Francis Rouleau         +1-514-982-4016
Karine Russell            +1-604-631-3303
Robin Reinertson       +1-604-631-3323
Laura Cundari            +1-604-631-4177

ou un autre membre de notre groupe Litige et règlement des différends.