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Section VI : Acquisition d’une entreprise canadienne

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1.      Introduction

Le présent chapitre vise à fournir un aperçu des principales considérations juridiques dont il faut tenir compte dans le cadre de l’acquisition d’une entreprise canadienne. Ces considérations varieront selon qu’il s’agit de l’acquisition d’une société ouverte, c’est-à-dire une opération de fusion et acquisition (« F&A ») visant une ou des sociétés ouvertes (ci-après, une « opération de F&A de sociétés ouvertes ») ou de l’acquisition d’une société fermée ou d’une filiale ou division d’une société ouverte (ci-après, une « opération de F&A de sociétés fermées »). Le présent chapitre fait un survol (i) des considérations relatives aux opérations de F&A de sociétés ouvertes; (ii) des considérations relatives aux opérations de F&A de sociétés fermées; et (iii) des considérations supplémentaires applicables à ces deux types d’opération. 

2.      Opérations de F&A de sociétés ouvertes

L’acquisition d’une société ouverte canadienne se fait couramment par voie d’arrangement ou au moyen d’une offre publique d’achat.[1] La majorité des opérations « amicales » de F&A de sociétés ouvertes au Canada sont réalisées par voie d’arrangement en vertu de la loi sur les sociétés en vertu de laquelle la société cible est constituée, qui est habituellement la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA ») ou une loi provinciale ou territoriale sur les sociétés. En revanche, les offres publiques d’achat sont principalement utilisées dans le contexte des opérations « hostiles ». Une description plus ample de ces deux structures est fournie ci-après, suivie d’un sommaire du processus habituel relatif à l’acquisition d’une société ouverte, ainsi que d’un aperçu des principales modalités d’une telle opération.

2.1       Arrangements

Les lois canadiennes sur les sociétés prévoient une procédure aux termes de laquelle une société peut demander au tribunal de rendre une ordonnance approuvant un arrangement à son égard. En vertu des lois canadiennes sur les sociétés, le terme « arrangement » est général et de vaste portée. Par exemple, selon la LCSA, un arrangement est défini comme incluant, entre autres :

  1. l’échange de valeurs mobilières d’une société contre des biens, du numéraire ou d’autres valeurs mobilières soit de la société, soit d’une autre personne morale;
  2. la fusion d’une personne morale et d’une société pour former une société régie par la LCSA.

La liste des opérations qui constituent un arrangement en vertu des lois sur les sociétés est longue et non exhaustive, de sorte qu’un large éventail de réorganisations préalables à la clôture et d’opérations similaires peuvent être effectuées dans le cadre d’une acquisition par voie d’arrangement.

2.1.1   Acquisition d’une entreprise par voie d’arrangement 

La convention définitive régissant une acquisition par voie d’arrangement est habituellement appelée une convention d’arrangement, laquelle énonce les diverses modalités de l’opération, y compris la contrepartie devant être versée aux porteurs de titres de la société cible, les conditions de clôture, les obligations incombant à chacune des parties relativement au respect de ces conditions, ainsi que d’autres engagements que doivent respecter les parties pendant la période entre la signature de la convention d’arrangement et la clôture de l’opération. L’annonce au grand public (l’« annonce ») de l’opération a habituellement lieu à la suite de la signature de la convention d’arrangement par les parties, mais, dans certaines circonstances, l’opération proposée sera annoncée publiquement avant la signature de la convention d’arrangement.[2] 

Conformément au droit des sociétés, un arrangement doit être approuvé par un tribunal ainsi que par les actionnaires de la société cible (habituellement, il faut que 66 et 2/3 % des voix exprimées à une assemblée des actionnaires soient en faveur de l’opération pour que celle-ci soit approuvée).[3] Peu de temps après la signature de la convention d’arrangement, la société cible demande au tribunal de rendre une ordonnance provisoire approuvant le processus relatif à la convocation et à la tenue d’une assemblée des actionnaires en vue de faire approuver l’arrangement. Une circulaire de sollicitation de procurations (la « circulaire ») est alors envoyée aux actionnaires de la société cible (habituellement, dans les 30 à 60 jours suivant la signature de la convention d’arrangement). La circulaire doit comporter suffisamment de renseignements pour permettre aux porteurs de titres habilités à voter de se former une opinion éclairée afin de déterminer s’ils voteront pour ou contre la résolution relative à l’arrangement. Elle doit également contenir certains renseignements prescrits. Bien que les circulaires canadiennes ne soient pas assujetties à l’examen des organismes de réglementation en valeurs mobilières avant leur envoi aux actionnaires, le tribunal et le directeur nommé en vertu de la LCSA peuvent fournir des commentaires limités sur le projet de circulaire avant l’envoi de cette dernière aux actionnaires.[4] 

Lorsque la contrepartie est composée de titres de l’acquéreur, la circulaire doit contenir des renseignements semblables à ceux qui figurent dans un prospectus concernant les activités, le rendement financier et la situation financière de l’acquéreur, ainsi qu’à ceux figurant dans les états financiers pro forma de ce dernier donnant effet à la réalisation de l’arrangement. Pour les sociétés du secteur des ressources, des rapports techniques sur les terrains ou les ressources pétrolières et gazières de l’acquéreur peuvent être exigés. En émettant des titres en tant que contrepartie, l’acquéreur devient un « émetteur assujetti » en vertu des lois canadiennes sur les valeurs mobilières et doit donc remplir certaines obligations d’information continue.

L’assemblée des actionnaires de la société cible se tient habituellement environ 30 jours après la mise à la poste de la circulaire et, sous réserve de l’obtention de l’approbation requise, l’approbation définitive du tribunal est demandée et obtenue dans les quelques jours qui suivent. Par conséquent, à moins que les approbations réglementaires applicables n’exigent un délai plus long, l’acquisition de la totalité des actions de la société cible au moyen d’un arrangement peut habituellement être réalisée environ 90 jours après la signature et l’annonce.

2.2       Offres publiques d’achat

Aux termes des lois canadiennes sur les valeurs mobilières, une offre publique d’achat s’entend d’une offre d’acquisition[5] de titres comportant droit de vote ou de titres de capitaux propres en circulation d’une catégorie donnée faite à une ou plusieurs personnes qui sont dans le territoire intéressé en fait ou d’après l’adresse inscrite dans les registres de la cible, pour autant que les titres visés par l’offre d’acquisition ajoutés aux titres de l’initiateur[6] représentent au total au moins 20 % des titres de cette catégorie qui sont en circulation à la date de l’offre d’acquisition.[7] Le cadre réglementaire régissant les offres publiques d’achat impose, à l’encontre de toute partie présentant une offre d’acquisition de titres qui constitue une offre publique d’achat, de nombreuses exigences en matière de fond, de procédure et d’information à fournir.

Une partie souhaitant acquérir une participation minoritaire importante dans des titres en circulation d’une société ouverte tentera habituellement d’être dispensée de l’application des exigences relatives aux offres publiques d’achat. Pour ce faire, elle peut veiller à ce que sa participation demeure en deçà du seuil de 20 % susmentionné ou acquérir une participation plus importante aux termes de l’une des dispenses prévues par la loi qui s’appliquent dans certaines situations. Toutefois, une partie souhaitant acquérir la totalité des actions d’une société ouverte peut le faire en présentant une offre publique d’achat visant la totalité des actions de la société cible conformément aux exigences applicables, et ce, même lorsque l’opération proposée n’a pas l’appui du conseil d’administration de la société cible.

2.2.1   Acquisition d’une entreprise au moyen d’une offre publique d’achat

Les offres publiques d’achat sont fortement réglementées par un régime qui vise à réaliser les objectifs en matière d’ordre public qui suivent :

  1. l’égalité de traitement des porteurs de titres de la société cible;
    1. la présentation d’information suffisante aux porteurs de titres de la société cible pour permettre à ces derniers d’évaluer de manière avisée l’offre proposée;
    2. un délai suffisant pour que les porteurs de titres de la société cible puissent prendre une décision éclairée au sujet de l’offre proposée;
    3. dans le contexte d’une offre publique d’achat hostile, un délai adéquat pour permettre au conseil d’administration de la société cible d’adopter des stratégies d’optimisation de la valeur de l’entreprise, notamment la sollicitation d’une meilleure offre;
    4. des restrictions en matière d’acquisition avant, pendant et après une offre publique d’achat.

Une partie souhaitant acquérir une société ouverte canadienne au moyen d’une offre publique d’achat doit présenter une offre formelle aux actionnaires de la société cible sous la forme d’une note d’information relative à une offre publique d’achat (une « note d’information »), que l’initiateur envoie par la poste aux actionnaires de la société cible. La note d’information doit contenir certains renseignements prescrits concernant l’offre et les parties, y compris l’actionnariat et les opérations antérieures de l’initiateur et des parties qui lui sont liées relativement aux actions de la cible. Si la société cible compte des actionnaires québécois, ce qui arrive souvent, la note d’information doit également être rédigée en français aux fins de l’envoi aux actionnaires québécois, à moins qu’une dispense de minimis ne s’applique. Elle doit être remise à la société cible et déposée auprès des commissions des valeurs mobilières, ou des autorités similaires, et des bourses compétentes, mais n’est pas assujettie à un examen préalable. En général, l’initiateur peut fixer librement le prix de l’offre et verser la contrepartie en espèces ou en titres (ou en une combinaison d’espèces et de titres).

Lorsque le prix d’achat est composé de titres de l’initiateur, la note d’information doit contenir des renseignements semblables à ceux qui figurent dans un prospectus concernant les activités, le rendement financier et la situation financière de l’initiateur, ainsi qu’à ceux figurant dans les états financiers pro forma de ce dernier donnant effet à la réalisation de l’offre. Pour les sociétés du secteur des ressources, des rapports techniques sur les terrains ou les ressources pétrolières et gazières de l’initiateur peuvent être exigés. En émettant des titres en tant que contrepartie, l’acquéreur devient un « émetteur assujetti » en vertu des lois canadiennes sur les valeurs mobilières et doit donc remplir certaines obligations d’information continue.

La réglementation en valeurs mobilières exige généralement qu’une offre demeure ouverte pour acceptation pendant une période minimale de 105 jours, durant laquelle période l’initiateur ne peut faire l’acquisition de titres visés par l’offre. Ce délai minimal de dépôt peut, avec le consentement du conseil d’administration de la société cible, être réduit à 35 jours. Cependant, dans le cas d’une offre non sollicitée, ce délai minimal de dépôt demeurera à 105 jours si la société cible n’appuie pas l’offre proposée et si elle ne réussit pas à dénicher une offre concurrente auprès d’une autre partie. Durant ce temps, le conseil d’administration de la société cible peut tenter de dissuader les actionnaires d’accepter l’offre non sollicitée. Il peut également tenter de dénicher une offre concurrente ou de trouver d’autres solutions de rechange qu’il estime supérieures à l’offre non sollicitée. Ce faisant, le conseil d’administration de la société cible doit tout de même se conformer aux politiques des autorités canadiennes en valeurs mobilières. Ces politiques ont pour but de veiller à ce que les actionnaires puissent décider d’accepter ou non une offre. Elles visent également à s’assurer que les mesures prises par le conseil d’administration de la cible n’ont pas pour effet d’empêcher les actionnaires de prendre une telle décision ou de porter atteinte au caractère ouvert de la procédure de l’offre publique d’achat. Si la société cible fait l’objet d’une offre concurrente et qu’elle accepte de renoncer au délai minimal de dépôt de 105 jours pour cette dernière, ou qu’elle annonce son intention de réaliser une autre opération de changement de contrôle (ou une opération similaire), l’initiateur de l’offre initiale peut alors réduire le délai minimal de dépôt relatif à son offre de manière à ce que ce délai prenne fin 35 jours après la date de l’offre ou 10 jours après la date à laquelle l’initiateur envoie par la poste aux actionnaires de la société visée un avis de modification du délai minimal de dépôt pour l’offre, selon la dernière de ces éventualités à survenir.

À l’expiration du délai minimal de dépôt, l’initiateur sera autorisé à acquérir la totalité des actions déposées en réponse à l’offre, pourvu que plus de 50 % des actions de la société cible dont l’initiateur (ou toute personne agissant de concert avec ce dernier) n’a pas la propriété véritable ou sur lesquelles il n’exerce pas une emprise aient été déposées en réponse à l’offre et dont le dépôt n’a pas été révoqué. À la suite d’une telle prise de livraison initiale d’actions en réponse à l’offre, l’initiateur sera tenu de prolonger d’au moins 10 jours le délai au cours duquel les actions peuvent être déposées; durant ce délai prolongé, les actionnaires n’ayant pas déjà déposé leurs actions en réponse à l’offre seront autorisés à le faire. 

2.2.2   Acquisitions forcées et opérations de deuxième étape (transactions d’éviction) 

Si l’initiateur acquiert suffisamment d’actions dans le cadre d’une offre publique d’achat pour être propriétaire de plus de 66 2/3 % des actions de la société cible, il pourra généralement effectuer une acquisition forcée en vertu du droit des sociétés ou une opération de deuxième étape pour ainsi acquérir le reste des actions qu’il n’a pas acquises dans le cadre de l’offre et devenir propriétaire de la totalité de la société cible. La méthode et le délai d’acquisition des actions restantes de la cible varieront en fonction du pourcentage d’actions acquises dans le cadre de l’offre, mais les actions qui n’ont pas été déposées en réponse à l’offre peuvent être acquises dans tous les cas dans un délai d’environ 45 jours suivant la réalisation de l’offre. Pour s’assurer d’être en mesure d’acquérir la totalité des actions de la société cible, l’initiateur assortira souvent son offre d’une condition à son obligation de prendre livraison des actions visées par l’offre, selon laquelle un nombre suffisant d’actions doit être déposé en réponse à l’offre pour que l’initiateur soit propriétaire de plus de 66 2/3 % des actions de la société cible après la prise de livraison. 

2.3       Avantages et inconvénients des arrangements et des offres publiques d’achat

Comparativement à une offre publique d’achat, un arrangement comporte plusieurs avantages comme moyen d’acquérir une société cible, notamment les suivants : (i) aux termes d’un arrangement, l’acquéreur peut faire l’acquisition de la totalité des actions de la société cible dans le cadre d’une seule opération de clôture, plutôt que d’avoir à procéder à une acquisition forcée ou à une transaction d’éviction comme ce serait le cas pour une offre publique d’achat; (ii) un arrangement offre une certaine flexibilité en matière de structuration relativement, entre autres, aux régimes incitatifs en actions de la société cible et à la réorganisation de cette dernière préalablement à la clôture; (iii) s’il s’agit d’un arrangement aux termes duquel la contrepartie est composée, en totalité ou en partie, de titres de l’acquéreur, il est possible de se prévaloir d’une dispense des exigences d’inscription prévues dans la législation en valeurs mobilières des États-Unis, puisque l’opération doit être approuvée par un tribunal; (iv) les parties à un arrangement ont l’assurance que les modalités de l’opération sont équitables, puisque l’arrangement doit être approuvé par un tribunal; et (v) il n’est pas nécessairement obligatoire de fournir une version française d’un plan d’arrangement aux résidents du Québec.

Quant à elle, une offre publique d’achat a pour avantage principal de ne pas nécessiter l’appui et la coopération du conseil d’administration de la société cible. Il faut savoir que, dans le cadre d’une opération amicale, la société cible a l’obligation contractuelle d’aider et de coopérer à la réalisation de l’opération. Cet avantage que comporte l’offre publique d’achat revêt donc une importance pratique considérable dans le contexte d’opérations hostiles, lesquelles sont, d’ailleurs, presque toujours réalisées au moyen d’une offre publique d’achat. En revanche, plus de 90 % des opérations amicales de F&A au Canada sont réalisées par voie d’arrangement.

2.4       Processus relatif à une opération et modalités typiques

Il n’existe pas de processus unique menant à l’annonce d’une opération de F&A de sociétés ouvertes négociée au Canada. Dans certains cas, la société cible peut amorcer le processus en communiquant avec un petit nombre d’acquéreurs potentiels ou en lançant un processus d’« enchères » plus officiel, dans le cadre duquel un plus grand nombre d’acquéreurs potentiels reçoivent des renseignements concernant la société cible et sont invités à respecter un échéancier déterminé relativement au processus menant à l’annonce de l’opération. Dans d’autres cas, l’acquéreur potentiel peut amorcer le processus en présentant une proposition non sollicitée au conseil d’administration de la société cible; si le conseil d’administration estime que la proposition est intéressante, il peut décider d’aller de l’avant en entamant des discussions seulement avec cet acquéreur potentiel, ou encore décider d’amorcer un processus dans le cadre duquel il approcherait également d’autres acquéreurs possibles.

Les discussions et les échanges d’information pendant l’étape de la vérification diligente et des négociations se déroulent habituellement aux termes d’une entente de statu quo et de confidentialité intervenue entre l’acquéreur et la société cible. Les parties signent ensuite une convention définitive. C’est au moment de la conclusion de cette entente définitive qu’a lieu habituellement la première annonce de l’opération au grand public, à moins que des circonstances exceptionnelles, telles qu’une fuite, obligent les parties à annoncer l’opération plus tôt dans le processus. Il arrive souvent aussi que l’acquéreur conclue en même temps des conventions de soutien avec les membres du conseil d’administration de la société cible et, dans certains cas, un ou plusieurs actionnaires importants de cette dernière. Aux termes de ces conventions, les administrateurs et les actionnaires concernés s’engagent à voter en faveur de l’opération (ou, dans le cas plus rare d’une offre publique d’achat amicale, à déposer leurs actions en réponse à l’offre).

Les modalités relatives aux opérations de F&A de sociétés ouvertes sont largement dictées par des pratiques bien établies au sein du marché. Il est d’usage qu’une convention définitive comporte des dispositions de « résiliation fiduciaire », lesquelles permettent au conseil d’administration de la société cible de résilier la convention définitive afin d’accepter une offre supérieure non sollicitée reçue d’un tiers. En revanche, l’acquéreur peut habituellement se prévaloir de certains mécanismes de « protection de l’opération », tels que l’obtention d’un engagement de non-sollicitation de la part de la société cible, le droit d’égaler toute offre supérieure reçue par la société cible avant que celle-ci puisse résilier la convention, ainsi que le droit de recevoir une indemnité de rupture en cas de résiliation de la convention. La convention définitive comporte également des engagements régissant la conduite des parties au cours de la période précédant la clôture de l’opération, des conditions de clôture (qui sont limitées), ainsi que des déclarations et garanties des parties. Ces déclarations et garanties ne survivent pas à la clôture et, par conséquent, ne donnent pas lieu à des droits d’indemnisation pour l’acquéreur après la clôture.

3.      F&A de sociétés fermées

La question fondamentale à se poser dans le cadre de l’acquisition d’une société fermée est la suivante : doit-on acheter des actions ou des actifs? La réponse à cette question dépendra de divers facteurs, dont la facilité avec laquelle l’opération peut être mise en œuvre, ainsi que les incidences fiscales de l’acquisition. Les principales caractéristiques des acquisitions d’actions et d’actifs sont présentées ci-après, suivies d’un aperçu des modalités courantes d’acquisitions de sociétés fermées.

3.1       Achat d’actions

La plupart des acquisitions de sociétés fermées canadiennes sont structurées sous forme d’opérations d’achat d’actions. Un achat d’actions est généralement plus simple et plus facile à réaliser qu’un achat d’actifs. Il permet d’éviter les problèmes pratiques associés au transfert de plusieurs actifs et contrats individuels. De plus, il nécessite l’obtention de moins de consentements de tiers (c.-à-d., seulement les consentements requis en cas de changement de contrôle de l’entreprise, plutôt que les consentements plus couramment requis dans le cadre de la cession d’un contrat). Un achat d’actions peut également comporter des avantages fiscaux pour le vendeur puisqu’il permet généralement à ce dernier de bénéficier du régime appliqué aux gains en capital à l’égard de tout gain réalisé à la vente des actions, ce qui vient réduire l’impôt total à payer.

Dans le cadre d’une vente d’actions typique, tous les actifs de la société cible deviennent la propriété indirecte de l’acquéreur, sous réserve du respect des exigences de consentement applicables dans le cadre d’un changement de contrôle. De plus, l’acquéreur hérite indirectement de la totalité des passifs de la société cible (sous réserve des clauses d’exclusion et d’indemnisation que les parties auront négociées).

3.2       Achat d’actifs

En règle générale, un achat d’actifs est moins avantageux sur le plan fiscal pour le vendeur, car celui-ci devra inclure dans son revenu certaines sommes tirées de la vente, notamment la récupération de l’amortissement sur les actifs vendus. En revanche, il peut présenter certains avantages pour l’acheteur, notamment s’il souhaite exclure de l’opération certains éléments de l’entreprise ou les dettes de cette dernière, ou augmenter le coût fiscal de biens amortissables. Toutefois, pour ce qui est de la mise en œuvre de l’opération et de l’intégration des actifs concernés après la clôture, un achat d’actifs est généralement plus complexe. Pour cette raison, l’acheteur pourrait préférer réaliser l’opération de F&A sous forme d’achat d’actions. Un achat d’actifs peut présenter un risque accru que certains actifs nécessaires aux activités de l’entreprise ne soient pas adéquatement visés par l’opération. Les acheteurs cherchent habituellement à atténuer ce risque au moyen de la vérification diligente et de déclarations et de garanties relatives à la suffisance des actifs. L’achat d’actifs constitue la seule façon d’acquérir une unité d’exploitation maintenue avec d’autres unités d’exploitation au sein d’une seule structure d’entreprise, à moins de procéder à une réorganisation préalable à la clôture qui ferait en sorte que l’unité d’exploitation visée soit détenue sous forme de société distincte.

3.3       Modalités habituelles 

Comparativement aux pratiques du marché dans le cadre des opérations visant des sociétés ouvertes, les conventions d’achat et de vente de sociétés fermées comportent plus souvent un plus grand nombre de conditions de clôture. Ces conditions peuvent comprendre l’obtention de consentements de tiers (plutôt que seulement les approbations réglementaires requises) ou des conditions liées au rendement, lesquelles ne figurent jamais parmi les conditions des opérations de F&A de sociétés ouvertes. En outre, les conventions d’achat et de vente de sociétés fermées peuvent prévoir des protections relatives au prix d’achat, telles que des entiercements, des retenues et des clauses d’indexation, ainsi que divers ajustements qui ne peuvent pas s’appliquer aux opérations de F&A de sociétés ouvertes, dont l’ajustement du fonds de roulement et de la dette. De plus, contrairement aux opérations de F&A de sociétés ouvertes, les conventions d’achat et de vente de sociétés fermées comprennent habituellement des déclarations et des garanties qui survivent à la clôture, ainsi que des indemnités postérieures à la clôture. À noter également, de plus en plus d’acquéreurs participant à des opérations de F&A de sociétés fermées souscrivent une assurance des déclarations et des garanties, ce qui est moins courant dans les opérations de F&A de sociétés ouvertes. 

Au Canada, l’ajustement des comptes à la réalisation (également connu sous le nom d’« ajustement du fonds de roulement ») est couramment utilisé pour déterminer le prix d’achat final d’une opération, contrairement au mécanisme de « locked box » (soit un mécanisme permettant de fixer le prix d’une opération sans que des ajustements puissent y être apportés après la clôture), lequel est courant en Europe et dans certains autres territoires. Par conséquent, dans une convention d’achat canadienne utilisant l’ajustement des comptes à la réalisation, l’acheteur n’assume le risque financier qu’à la clôture de l’opération, à l’opposé d’une convention utilisant un mécanisme de « locked box », soit un mécanisme qui fait en sorte que le prix d’achat final convenu par les parties à l’opération ne peut faire l’objet d’aucun ajustement postérieur à la clôture (ce qui, à la signature, entraîne le transfert du risque financier à l’acquéreur).

4.      Autres considérations

4.1      Exigences en matière de concurrence et d’investissement étranger

Dans le cas de grandes acquisitions, il est nécessaire d’obtenir une autorisation en vertu de la Loi sur la concurrence. Voir le paragraphe 1.4 du chapitre IV, « Réglementation en matière de fusions », pour obtenir de plus amples renseignements au sujet des lois sur la concurrence pouvant s’appliquer. 

Les autres exigences réglementaires clés applicables aux acquéreurs non canadiens sont celles prévues à la Loi sur Investissement Canada, lesquelles s’appliquent également à l’achat « de la totalité ou de la quasi-totalité des actifs d’exploitation de [l’entreprise canadienne] ». Ces exigences sont abordées à l’article 2 du chapitre IV, « Règles générales concernant les investissements étrangers ».

4.2      Incidences fiscales

Il n’existe pas de droit de timbre ou d’autre taxe ou impôt semblable payable au Canada dans le cas d’une acquisition d’actions. Le vendeur des actions pourrait devoir payer un impôt sur les gains en capital. Afin de s’assurer que les non-résidents du Canada paient l’impôt exigible à l’égard de la vente d’un « bien canadien imposable », qui peut comprendre certaines actions (par exemple, si les actions tirent principalement leur valeur d’un bien immobilier canadien), la Loi de l’impôt sur le revenu exige que l’acheteur d’un bien canadien imposable mène une « enquête sérieuse » et qu’il soit convaincu du statut de résident canadien du vendeur (normalement grâce à des déclarations à cet effet dans la convention d’achat).

Un vendeur qui est un non-résident pourrait devoir fournir à l’acheteur un certificat délivré par les autorités fiscales, qui sera accordé lorsque les arrangements appropriés auront été pris afin de garantir le règlement de toute obligation fiscale. Si le certificat n’est pas fourni, l’acheteur pourrait devoir retenir et remettre aux autorités fiscales 25 % du prix d’achat, que le vendeur ait ou non à payer de l’impôt sur la vente. Les actions d’une société ouverte qui sont inscrites à la cote d’une bourse de valeurs reconnue peuvent constituer un « bien canadien imposable » dans certaines circonstances. Toutefois, il n’est pas nécessaire, dans le cadre d’une opération de F&A de sociétés ouvertes, d’obtenir un certificat relatif à la vente de ces actions.

4.3      Obligations de l’acheteur à l’égard de tiers créanciers

Le droit canadien protège les créanciers d’une entreprise, ce qui pourrait influer sur l’acquisition de cette dernière. Tout d’abord, les créanciers dont la sûreté grève un bien immeuble ou meuble continueront d’avoir priorité à l’égard des actifs visés à l’encontre de l’acheteur. Certaines lois régissent l’enregistrement des sûretés au Canada, et des recherches peuvent être effectuées pour vérifier l’existence de telles sûretés. À moins que l’acheteur ne fasse l’acquisition des actifs sous réserve des sûretés existantes, ce qui peut être le cas à l’égard des biens immeubles et des éléments importants d’un bien meuble financé, le vendeur devrait s’acquitter de ses obligations et accorder mainlevée de la sûreté au moment de l’acquisition. Si des ententes de financement applicables doivent demeurer en vigueur après la clôture, une vérification diligente devrait être effectuée à l’égard des modalités commerciales et juridiques de ces ententes, y compris à l’égard de tout consentement qui pourrait être requis concernant un changement de contrôle comme condition préalable à l’acquisition.

4.4      Questions relatives à l’emploi

Dans le cadre d’une opération de F&A de sociétés fermées, il peut être mis fin à l’emploi de dirigeants et d’autres employés de la société cible, sous réserve du respect des lois canadiennes applicables et des modalités de tout contrat d’emploi ou de toute convention collective. À moins que le contrat de travail de l’employé ne précise les droits de ce dernier en cas de cessation d’emploi, selon la common law et le Code civil du Québec, l’employé licencié sans motif valable a droit à un préavis de cessation d’emploi ou à une indemnité tenant lieu de préavis raisonnable. Selon la durée de service de l’employé, son poste, sa rémunération, son âge et l’offre de postes semblables, l’avis de cessation d’emploi exigé (ou l’indemnité tenant lieu de préavis) peut varier entre un mois et 24 mois, et peut même être plus long dans des circonstances exceptionnelles. Voir le chapitre VIII, « Droit du travail et de l’emploi », qui aborde de manière générale les droits des employés.