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1. Survol
Le marché de l’infrastructure demeure vigoureux au Canada. Les trois ordres de gouvernement, soit fédéral, provincial/territorial et municipal, participent à l’aménagement et à la mise en œuvre de projets d’infrastructure, chacun d’eux utilisant diverses entités qui lui sont rattachées pour fournir et dispenser directement des services publics. Le présent survol traite plus particulièrement des projets d’immobilisations d’envergure et à valeur élevée visant l’aménagement d’infrastructures publiques.
Le gouvernement fédéral, la plupart des provinces ainsi que de nombreuses municipalités urbaines ont investi beaucoup de ressources à l’amélioration des infrastructures au Canada, selon une combinaison de modèles de prestation traditionnels, de modèles de réalisation de projet financé (sous forme de partenariats public-privé ou « PPP ») et de modèles de contrats collaboratifs.
De nombreux gouvernements provinciaux du Canada ont mis en place un organisme responsable des projets d’immobilisations d’envergure. Infrastructure Ontario, Infrastructure BC, Alberta Infrastructure et la Société québécoise des infrastructures (« SQI ») sont les organismes provinciaux les plus actifs.
Le gouvernement fédéral a établi la Banque de l’infrastructure du Canada (« BIC ») en juin 2017, dont la mission est d’investir 35 G$ CA en financement fédéral dans des projets d’infrastructures qui génèrent des revenus, servent l’intérêt public et attirent des capitaux privés. La BIC dispose de vastes pouvoirs qui lui permettent de chercher des solutions de financement novatrices pour les projets d’infrastructures publiques. Elle privilégie les secteurs des infrastructures vertes, de l’énergie propre, du transport en commun, du commerce et du transport, ainsi que l’amélioration de l’accès à Internet haut débit. Elle a aussi comme mandat d’offrir des services-conseils aux promoteurs de projets dès les premières étapes de l’élaboration d’un projet dans le but d’en maximiser le potentiel. À ce jour, la BIC a approuvé des investissements totalisant 9,7 G$ CA à l’échelle du Canada pour des projets tels que le Réseau express métropolitain, le petit réacteur modulaire de Darlington et un certain nombre d’initiatives municipales concernant des autobus à zéro émission.
La méthode d’approvisionnement par PPP a servi au Canada dans le cadre de projets de routes, de ponts, de chemins de fer (notamment de transport en commun rapide), d’hôpitaux, de palais de justice, d’établissements scolaires, de centrales hydroélectriques ainsi que de projets de gestion de matières organiques, d’aqueduc et de traitement des eaux pour des concessions à long terme. Une grande variété de logements et d’autres installations publiques ont également été construits, soit selon une méthode de conception-construction, de conception-construction-exploitation, de conception-construction-financement, de conception-construction-financement-entretien ou d’autres structures d’opération.
Plus récemment, des modèles de contrats collaboratifs ont vu le jour dans certains secteurs du marché canadien, comme les contrats d’alliance, la réalisation de projet intégrée et la méthode d’exécution graduelle de type conception-construction. Ces modèles collaboratifs sont de plus en plus courants, notamment dans le cadre de projets dans les domaines des transports en commun et des soins de la santé en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario.
Le gouvernement fédéral et plusieurs provinces canadiennes ont adopté des lois sur le paiement rapide et l’adjudication obligatoire qui s’appliquent aux projets d’infrastructures publiques :
- Depuis le 1er octobre 2019, (sous réserve de certaines dispositions transitoires), la Loi sur la construction de l’Ontario comprend un régime obligatoire de paiements rapides et un mécanisme obligatoire de règlement accéléré des différends, lequel mécanisme est administré et supervisé par une nouvelle entité, l’Ontario Dispute Adjudication for Construction Contracts (« ODACC »).
- En Alberta, la loi intitulée Builders’ Lien (Prompt Payment) Amendment Act est entrée en vigueur le 29 août 2022. En vertu de cette loi, la Builder’s Lien Act est devenue la Prompt Payment and Construction Lien Act. Elle prévoit par ailleurs un mécanisme de règlement de différends par voie d’arbitrage et introduit un régime de paiement rapide obligatoire similaire à celui prévu par la Loi sur la construction de l’Ontario.
- En Saskatchewan, la Builders’ Lien (Prompt Payment) Amendment Act, 2019 est entrée en vigueur le 1er mars 2022. Elle établit un régime de paiement rapide et un mécanisme d’arbitrage qui sont similaires à ceux prévus à la Loi sur la construction de l’Ontario.
- Au Nouveau-Brunswick, la Direction des services législatifs du Cabinet du procureur général a recommandé une réforme en deux étapes de la Loi sur le privilège des constructeurs et des fournisseurs de matériaux. Dans le cadre de la première de ces étapes, la Loi sur les recours dans le secteur de la construction est entrée en vigueur le 1er novembre 2021, remplaçant par le fait même la Loi sur le privilège des constructeurs et des fournisseurs de matériaux et modernisant ainsi la législation relative aux privilèges de construction. Dans le cadre de la seconde étape, le gouvernement du Nouveau-Brunswick surveille les développements dans les autres provinces et territoires pour ce qui est des régimes de paiement rapide et de règlement des différends par arbitrage.
- Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a adopté des projets de loi prévoyant l’établissement de mécanismes de paiement rapide et de règlement des différends. Les projets de loi 119 et 211 ont obtenu la sanction royale, mais ne sont pas encore entrés en vigueur.
- Le gouvernement de la Colombie‑Britannique a mis sur pied un comité de travail sectoriel dont le mandat consiste à collaborer avec le ministère du Procureur général dans le but de présenter un projet de loi sur l’établissement d’un régime de paiement rapide au cours de l’automne 2022. Aucun projet de loi à cet effet n’a été déposé en date des présentes.
- Au Manitoba, le projet de loi 38, Loi modifiant la Loi sur le privilège du constructeur (paiement rapide) a obtenu la sanction royale le 30 mai 2023, mais n’est pas encore entrée en vigueur.
Ailleurs au Canada, diverses lois provinciales sur le paiement rapide et le règlement des différends sont en cours d’élaboration et de mise en œuvre. Par exemple, le gouvernement du Québec a mis sur pied des projets pilotes visant à faire l’essai de deux principaux mécanismes de facilitation des paiements pour les contrats publics et les sous-contrats connexes : un calendrier de paiement obligatoire et un mécanisme de règlement des différends prévoyant le recours à un intervenant-expert dans le but de régler rapidement les différends. Ces projets s’appuient sur des principes comparables à ceux énoncés dans la Loi sur la construction (Ontario) et adaptés au droit civil. Par suite de ces projets pilotes, le projet de loi no 12 a été adopté, lequel modifie la Loi sur les contrats des organismes publics.
Au fédéral, la Loi fédérale sur le paiement rapide des travaux de construction a reçu la sanction royale le 21 juin 2019 et entrera en vigueur le jour fixé par un décret du gouverneur en conseil. Cette loi s’appliquera à tous les contrats de construction qui existaient avant sa date d’entrée en vigueur, laquelle n’a pas encore été arrêtée, et établit des exigences de paiement rapide pour les immeubles fédéraux et les biens réels fédéraux qui s’apparentent aux exigences de paiement rapide prévues dans la Loi sur la construction (Ontario).
Pour la plupart des projets d’infrastructure d’envergure du secteur public au Canada, qu’ils soient réalisés sous forme de PPP ou selon de nouveaux modèles de prestation, les types de risques associés au secteur public comprennent les changements législatifs discriminatoires ou propres à une industrie, les frais d’assurance, les événements non assurables ainsi que les risques liés aux conditions environnementales préexistantes, mais non repérables. La partie du secteur privé et celle du secteur public se partagent habituellement les risques liés aux événements de force majeure. Dans plusieurs ressorts, la pandémie de COVID-19 a donné lieu à de nouvelles dispositions dans les contrats, lesquelles prévoient le risque de dépassement de coûts et de retard dû à la pandémie de COVID-19 en particulier, ou à toute autre épidémie ou pandémie qui pourrait survenir à l’avenir.
La façon dont les parties privées gèrent les risques varie selon les modèles de prestation, le contrat négocié avec le secteur public, la façon dont l’entité du secteur privé s’organise et répartit les risques parmi ses participants, la structuration du modèle de paiement, ainsi que la possibilité d’obtenir de l’assurance. Au cours des dernières années, le secteur public a adopté des solutions de rechange aux modèles de contrats à prix fixe, y compris des modèles de prix cibles avec partage des inconvénients et des bénéfices, dans le cadre de la diversification des modèles de contrat et en réponse aux forces du marché.
2. L'état actuel du marché des infrastructures publiques
Le marché des PPP au Canada est bien installé : nombre des premiers projets en PPP ont déjà été menés à bien et sont maintenant en exploitation, tandis que beaucoup d’autres ont été vendus à des investisseurs à long terme sur le marché secondaire. En outre, à mesure qu’ils progressent, bon nombre de projets sont vendus ou font l’objet d’un premier refinancement; c’est alors que sont mis à l’épreuve les mécanismes du partage des bénéfices entre les autorités publiques et le secteur privé pour ce qui est de l’efficience accrue des solutions de financement et des bénéfices à la vente. De plus, pour la réalisation de projets d’envergure, les autorités contractantes du secteur public ont de plus en plus recours à de nouveaux modèles de contrats, tels que les contrats collaboratifs, ainsi qu’à des modèles de contrat plus traditionnels.
Le financement des infrastructures publiques demeure vigoureux et continue de se diversifier.
Dans le cadre de son Programme d’infrastructure Investir dans le Canada, le gouvernement fédéral fournit plus de 33 G$ CA de financement aux termes d’ententes bilatérales conclues avec des provinces et des territoires. Il convient toutefois de noter que les fonds rendus disponibles par l’intermédiaire de ce programme sont infimes par rapport aux besoins de financement énoncés publiquement par les principales agglomérations canadiennes. D’autres sources seront donc requises pour le financement des besoins canadiens en matière d’infrastructure du transport en commun, et les provinces ainsi que les municipalités devront plus particulièrement être mises à contribution.
Par exemple, le gouvernement de l’Ontario a prévu des investissements de plus de 184 G$ CA s’échelonnant sur les dix prochaines années, dont un investissement à hauteur de 20,6 G$ CA à compter de 2023 jusqu’en 2024. Ces investissements comprennent les affectations suivantes : 27,9 G$ CA pour la planification et/ou la réalisation de projets de prolongement et de réfection d’autoroutes; 70,5 G$ CA pour les projets de transport en commun, y compris quatre projets prioritaires de métro (soit la nouvelle ligne Ontario, le prolongement du métro vers Scarborough, le prolongement de la ligne de métro Yonge vers le nord et le prolongement vers l’ouest de la ligne Eglinton Crosstown); plus de 48 G$ CA pour les infrastructures hospitalières; près de 4 G$ CA à compter de 2019 jusqu’en 2020 pour soutenir l’engagement du gouvernement de l’Ontario à fournir un accès Internet haute vitesse à toutes les collectivités de la province d’ici la fin de 2025; 5,4 G$ CA pour le secteur de l’éducation postsecondaire; et 22 G$ CA, dont 15 G$ CA en subventions d’immobilisations, pour soutenir le renouvellement et l’expansion de projets visant les infrastructures écolières et la garde des enfants.
Dans son plan d’immobilisations pour 2023 (2023 Capital Plan), le gouvernement de l’Alberta propose d’investir 23 G$ CA dans les infrastructures, dont 6,5 G$ CA dans les infrastructures municipales, 3,1 G$ CA dans les installations de soins de la santé et 2,3 G$ CA auprès des routes et des ponts. Ce plan comprend également une affectation de 3,5 G$ CA sur trois ans pour la préservation des immobilisations et la remise en état d’installations existantes, telles que des immeubles, des routes et des ponts.
Dans son budget 2023, le gouvernement de la Colombie-Britannique prévoit des investissements dans les soins de la santé, le transport, le logement et l’éducation qui totaliseront 37,5 G$ CA pour l’ensemble des trois exercices couverts par le budget, notamment 13,3 G$ CA dans le secteur des transports.
Par ailleurs, on a observé une diversification des catégories d’actifs, qui comprennent dorénavant des centres de données et d’autres infrastructures numériques, des installations de production et de stockage d’énergie, des véhicules à zéro émission et des réseaux de recharge, ainsi que des lignes de télécommunications à haute vitesse, entre autres; cette diversification offre plus de possibilités pour les nouveaux arrivants nationaux et internationaux qui possèdent une expérience spécialisée. Avec l’aide des gouvernements fédéral et provinciaux, de nouveaux investissements sont également effectués auprès de projets d’infrastructures au sein de collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis, notamment le projet d’infrastructure du débarcadère de Kahkewistahaw, le projet de ligne de transport d’électricité Wataynikaneyap, le projet de liaison hydroélectrique et de fibre optique au Kivalliq, le projet ferroviaire Tshiuetin, le projet Oneida Energy Storage, le remplacement d’un ponceau sur le territoire de la Première Nation de Walpole Island, et l’usine de traitement des eaux sur le territoire de la Première Nation d’Alderville.
De plus, des investissements récents en matière de transition énergétique mettent davantage l’accent sur les projets relatifs à l’hydrogène propre, à l’énergie en tant que service et à la valorisation énergétique des déchets. À titre d’exemple, citons le Centre d’hydrogène de Niagara et le projet de système de transfert d’énergie des eaux usées brutes du Toronto Western Hospital en Ontario, ainsi que l’Initiative de rénovations énergétiques des bâtiments de la BIC. Dans le cadre de ses objectifs de politique liés au développement de l’économie verte canadienne et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre au Canada, le gouvernement fédéral a proposé, dans son Budget 2023, un ensemble d’incitatifs fiscaux liés à l’énergie verte qui prévoient des crédits d’impôt à l’investissement pour l’hydrogène propre, les technologies propres, l’électricité propre, la fabrication de technologies propres, ainsi que le captage, l’utilisation et le stockage du carbone.