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1. Survol
La production, la distribution et le transport d’électricité sont principalement régis par des lois provinciales. Ainsi, chaque province fixe son cadre réglementaire en ayant recours soit à des sociétés de services publics gouvernementales à tarifs réglementés ou au marché libre avec des fournisseurs privés de services publics, et choisit un bouquet énergétique en fonction de ses considérations de principe et des ressources disponibles.
À Terre‑Neuve-et-Labrador, à l’Île‑du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse, en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique, des producteurs privés ou une combinaison de sociétés privées et de sociétés d’État assurent la production d’électricité. Au Québec, en Saskatchewan, au Nouveau-Brunswick et au Manitoba, cette activité est essentiellement prise en charge par des sociétés d’État à tarifs réglementés. En outre, il existe partout au pays des producteurs d’électricité indépendants dont la production est utilisée pour subvenir à leurs propres besoins ou vendue au réseau électrique et aux services publics.
Divers régimes réglementaires encadrent les prix de gros et de détail de l’électricité. L’Alberta jouit d’un marché de la production d’électricité entièrement déréglementé tandis que celui de l’Ontario, que l’on qualifie souvent de marché hybride, ne l’est que partiellement. Dans la plupart des autres provinces, on trouve une structure de réglementation où un organisme de réglementation fixe le prix de l’électricité en fonction de son coût de production et d’acheminement vers les consommateurs. Les principales lois gouvernant le secteur de l’électricité au Québec, en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique sont présentées sommairement ci‑après.
1.1 Commissions et offices de l’énergie
Plusieurs lois au niveau tant fédéral que provincial régissent le secteur canadien de l’électricité. Dans bon nombre de cas, ces lois prévoient une réglementation continue par les organismes et les tribunaux provinciaux et fédéraux.
Au fédéral, la Régie de l’énergie du Canada est responsable d’encadrer les aspects interprovinciaux et internationaux du secteur de l’énergie. Elle est également responsable de réglementer la construction et l’exploitation de lignes de transport d’électricité internationales et interprovinciales désignées, ainsi que l’exportation et l’importation canadienne d’électricité.
En règle générale, la réglementation des lignes de transport d’électricité entièrement situées à l’intérieur des frontières d’une province relève d’un tribunal quasi judiciaire mis en place par cette dernière, à savoir notamment l’Alberta Utilities Commission (« AUC »), la British Columbia Utilities Commission, la Commission de l’énergie de l’Ontario (« CEO ») et la Régie de l’énergie du Québec. Habituellement, les tribunaux fédéraux et provinciaux de réglementation de l’énergie examinent, entre autres choses, la faisabilité économique et technique de même que les répercussions environnementales et socioéconomiques des projets relevant de leur compétence.
De plus, les sociétés de services publics qui fournissent de l’électricité dans une province relèvent généralement du tribunal de l’énergie de cette dernière. Le mandat des divers tribunaux varie d’une province à l’autre selon la méthode de réglementation privilégiée par celle‑ci.
1.2 Bouquet énergétique
Le Canada profite de considérables ressources hydroélectriques, l’hydroélectricité constituant une part appréciable de l’électricité produite au Québec, au Manitoba, en Colombie-Britannique, à Terre‑Neuve-et-Labrador et, dans une certaine mesure, en Ontario, en Alberta et dans les autres provinces.
Le Québec, le Manitoba, la Colombie-Britannique et l’Ontario jouissent d’un patrimoine hydroélectrique réglementé imposant qui alimente les contribuables locaux en électricité, à des taux inférieurs à ceux du marché. Le Québec, Terre‑Neuve-et-Labrador, la Colombie-Britannique et le Manitoba entreprennent de nouveaux travaux d’aménagement hydroélectrique, tandis que l’Ontario procède au réaménagement de certains de ses projets hydroélectriques au nord de la province et à l’évaluation de la faisabilité de nouveaux projets hydroélectriques.
L’énergie nucléaire répond à une partie des besoins de base de l’Ontario et du Nouveau‑Brunswick. En Ontario, des travaux ont été entrepris sur un petit réacteur nucléaire modulaire de 300 mégawatts (MW) sur le terrain de la centrale nucléaire de Darlington, et le gouvernement a annoncé son intention d’ajouter trois autres petits réacteurs modulaires de 300 MW à Darlington au cours des années à venir. Par ailleurs, des études préliminaires à des travaux d’aménagement sont en cours en vue d’aménager des nouveaux réacteurs nucléaires d’une capacité de production de 4 800 MW sur le site existant de la centrale nucléaire de Bruce, et des remises à neuf sont prévues ou en cours sur des génératrices existantes à chacune des centrales nucléaires de Darlington, de Bruce et de Pickering. L’Alberta examine aussi des propositions relatives à la production d’énergie nucléaire au cas par cas. Les gouvernements de l’Alberta et de la Saskatchewan ont d’ailleurs tous deux manifesté leur intérêt pour la mise en place de mesures incitatives visant l’utilisation des technologies de petits réacteurs nucléaires dans ces provinces. À l’opposé, le Québec a fermé sa seule centrale nucléaire (mais envisage actuellement de la remettre en service), et la politique de la Colombie-Britannique exclut expressément l’aménagement de centrales nucléaires.
Le Canada dispose également de grandes quantités de réserves de gaz naturel ou de charbon. Aussi trouve-t-on des centrales qui exploitent ces ressources dans plusieurs provinces canadiennes. La possibilité d’accentuer ou de réduire rapidement le recours à ces modes de production d’énergie fait souvent en sorte qu’on les emploie pour soutenir d’autres sources intermittentes telles que l’énergie éolienne et solaire. L’Alberta a récemment haussé considérablement sa capacité de production au gaz en vue de remplacer la production au moyen des centrales thermiques au charbon, dont l’élimination complète a été achevée en juin 2024. L’Ontario a également éliminé la production au charbon, tandis que la Nouvelle-Écosse a légiféré pour fixer un objectif en vue d’éliminer sa production au charbon d’ici 2030.
Chacune des provinces a fixé ses propres cibles en matière d’énergie renouvelable, ainsi que ses plans faisant étant des mesures proposées pour les atteindre. La plupart de ces mesures prennent la forme de programmes gouvernementaux offerts pour stimuler l’énergie renouvelable, comme l’octroi de contrats d’achat d’électricité à long terme à des prix préférentiels, y compris en mettant sur pied des programmes d’offre standards, des demandes de proposition et des programmes d’appels d’offres.
1.3 Technologies émergentes
Petits réacteurs modulaires
En 2018, le Canada a publié la Feuille de route des petits réacteurs modulaires (« PRM ») canadiens (la « Feuille de route »), dans laquelle il conclut que la mise en œuvre d’une stratégie pour les PRM réussie au Canada doit inclure le financement de projets de démonstration de PRM, des changements législatifs et réglementaires, la participation du public et des cadres habilitants internationaux. En décembre 2019, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Saskatchewan ont signé un protocole d’entente, auquel s’est jointe l’Alberta le 14 avril 2021, afin d’établir un cadre procédural visant à maximiser leurs possibilités d’accéder aux débouchés commerciaux au Canada et à l’international. Dans le cadre de ce protocole d’entente, les ministres de l’Énergie des signataires initiaux ainsi que les chefs de la direction de Bruce Power, d’Ontario Power Generation (« OPG ») et de SaskPower ont rédigé un rapport de faisabilité (le « rapport »), lequel fait état d’une vaste expertise en Ontario et au Nouveau-Brunswick au chapitre de la conception, de la construction et de la mise en service de réacteurs nucléaires. De plus, le Canada abrite d’abondantes ressources : c’est en Saskatchewan que se trouve le bassin d’Athabasca, soit la plus grande réserve d’uranium dans le monde.
En décembre 2020, le Canada a publié le Plan d’action canadien des PRM (le « Plan d’action »), qui est fondé sur les recommandations de la Feuille de route. Le Plan d’action cherche à établir le leadership du Canada dans ce secteur en ancrant les emplois, la propriété intellectuelle et les chaînes d’approvisionnement au pays. Des investissements ont déjà été effectués dans certaines provinces. En mars 2022, les gouvernements de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick, de l’Alberta et de la Saskatchewan ont publié un Plan stratégique pour le déploiement des petits réacteurs modulaires (le « Plan stratégique »), lequel constitue le dernier produit livrable prévu dans le protocole d’entente interprovincial. L’Alberta et la Saskatchewan ont conclu un protocole d’entente bilatéral distinct en mai 2024, qui est principalement axé sur la décarbonisation industrielle et la fiabilité du réseau, tout en prévoyant l’avancement de l’aménagement de PRM dans ces deux provinces.
Le Plan d’action et le Plan stratégique précisent que la mise en œuvre des projets de PRM devrait comprendre trois volets : un projet de PRM de 300 MW sur le site de la centrale nucléaire de Darlington, en Ontario, d’ici 2028 (auquel se sont ajoutés depuis trois autres PRM sur ce site), suivi de projets similaires en Saskatchewan; deux concepts avancés de PRM au Nouveau-Brunswick comprenant l’achèvement d’unités de démonstration d’ici 2030; et des microréacteurs pour les collectivités éloignées comprenant un projet de démonstration de cinq MW déjà en cours et dont la mise en service devrait avoir lieu d’ici 2026. En Ontario, OPG s’est engagée à construire le projet de PRM sur le site de la centrale nucléaire de Darlington conformément à ce qui est indiqué dans le Plan d’action. Au Nouveau-Brunswick, les investissements dans le développement des PRM ont commencé dès 2018, Énergie NB s’étant engagée à consacrer 10 M$ CA à une grappe de recherche de pointe dans la province, tandis que Moltex Energy (« Moltex ») et ARC Nuclear Canada Inc. (« ARC Canada ») s’engageaient de leur côté à investir 5 M$ CA. En 2021, le gouvernement du Nouveau-Brunswick s’est engagé à fournir un financement de 20 M$ CA à ARC Canada en vue de la mise sur le marché de PRM, tandis que le gouvernement fédéral a accordé 50,5 M$ CA à Moltex aux fins du développement de PRM dans la province également. En 2023, Ressources naturelles Canada a déployé le Programme facilitant les petits réacteurs modulaires, lequel a pour but de financer la recherche et le développement liés au traitement des déchets générés par les PRM, ainsi que de développer les chaînes d’approvisionnement relatives aux PRM au Canada. Grâce au maintien de l’appui des secteurs public et privé, le Canada se positionne en tant que chef de file de ce secteur.
Hydrogène bleu et hydrogène vert
En décembre 2020, le gouvernement fédéral a publié la Stratégie canadienne pour l’hydrogène (la « Stratégie ») dans laquelle il affirme que, en tant que troisième plus important producteur d’hydrogène et troisième plus important producteur d’hydroélectricité, le Canada, qui abrite un cinquième des grands projets de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (« CUSC ») en cours dans le monde, possède déjà certaines des infrastructures d’approvisionnement et de distribution de l’hydrogène nécessaires pour produire et exporter de l’hydrogène bleu et de l’hydrogène vert. Le Canada étant également un chef de file en R&D et pour la plupart des développements technologiques liés à l’hydrogène, il n’aura pas à chercher loin pour l’expertise nécessaire afin de continuer à perfectionner ses capacités dans le domaine. L’Ontario, le Québec, l’Alberta et la Colombie-Britannique ont emboîté le pas en présentant leur propre plan de développement de l’hydrogène dans lesquels les provinces proposent des mesures immédiates, y compris le financement de la recherche et du développement et le renouvellement de la réglementation.
En effet, le pays a déjà effectué des investissements de grande envergure dans le secteur de l’hydrogène, notamment dans des actifs de production et de liquéfaction d’hydrogène dans l’est du Canada et dans des infrastructures liées aux véhicules à pile à combustible hydrogène et des infrastructures de ravitaillement en hydrogène dans l’ouest et le centre du pays. Grâce aux investissements publics et privés mentionnés ci-dessus, mais aussi grâce aux stratégies relatives à l’hydrogène mises de l’avant par les gouvernements fédéral et provinciaux, le Canada est sur le point de devenir un chef de file du secteur de l’hydrogène en pleine évolution.
Stockage d’énergie
Alors que l’Ontario prévoit une hausse de la demande de 2 % par année au cours des 20 prochaines années en raison de l’électrification, de la décarbonisation et de la croissance économique, la province a lancé des processus d’approvisionnement accélérés et à long terme visant à accroître les ressources de stockage à des fins commerciales afin de soutenir l’intégration à grande échelle des ressources renouvelables, comme l’énergie éolienne et solaire. De plus amples renseignements sont fournis ci-après à cet égard. Bien que l’Ontario ait adopté une position en matière de stockage de l’énergie qui ne privilégie aucune technologie particulière et que diverses solutions de stockage soient déployées en Ontario (stockage thermique; volants d’inertie; air comprimé; production d’hydroélectricité à partir d’une réserve pompée; hydrogène), le stockage dans des batteries constitue la solution la plus largement adoptée. L’Ontario et l’Alberta ont tous deux un certain nombre de nouvelles installations de stockage dans des batteries à grande échelle en cours d’aménagement pour lesquels des contrats ont été passés ou le seront bientôt. En 2023, six installations de stockage dans des batteries de 20 MW ont été mises sous tension en Alberta, ce qui porte la capacité de production installée totale de stockage dans des batteries à 190 MW dans la province.
2. Québec – Secteur de l’électricité et cadre législatif
2.1 Secteur de l’électricité et principaux facteurs du cadre réglementaire
Le marché de l’électricité du Québec est réglementé. La Régie de l’énergie du Québec est l’organisme réglementaire qui supervise et régit le transport et la distribution de l’électricité dans la province. Hydro-Québec, une société d’État, est responsable de fournir un approvisionnement annuel garanti de 165 térawattheures (« TWh ») d’« électricité patrimoniale ». Ce volume d’électricité patrimoniale correspond approximativement à la production totale d’énergie des installations « patrimoniales » d’Hydro-Québec et constitue la principale source d’approvisionnement du marché québécois, répondant à environ 90 % des besoins de charge locale.
2.1.1 Hydro-Québec
Hydro-Québec, dont le seul actionnaire est le gouvernement du Québec, est le plus important service public d’électricité au Canada et l’un des plus importants en Amérique du Nord. Aux termes de sa loi constitutive, Hydro-Québec dispose de vastes pouvoirs en matière de production, d’approvisionnement et de distribution d’électricité partout dans la province. Elle est également autorisée à acheter toute l’électricité produite par des producteurs indépendants du Québec. Hydro-Québec peut faire appel à d’autres producteurs privés pour fournir l’électricité nécessaire grâce à des contrats à court et à long terme.
Au cours des dernières années, Hydro-Québec a fait l’objet d’une série de changements organisationnels et constitue aujourd’hui une entité unique organisée structurellement en trois groupes principaux, axés respectivement sur la stratégie et les finances, la planification énergétique et l’expérience client, et l’exploitation et les infrastructures. Hydro-Québec demeure responsable des activités de production, de transport et de distribution, y compris :
- produire de l’électricité pour approvisionner le marché québécois et vendre de l’électricité sur les marchés de gros;
- exploiter le réseau de transport de la province et gérer les mouvements d’énergie sur le territoire québécois;
- distribuer l’électricité aux consommateurs québécois en jouissant de droits quasi exclusifs de distribution d’électricité dans la province, et gérer l’approvisionnement en électricité (y compris des programmes de gestion de la consommation d’électricité comme la tarification dynamique, des options tarifaires et des programmes d’efficacité énergétique). Pour répondre aux besoins en électricité au-delà du volume d’électricité patrimoniale, Hydro-Québec s’approvisionne par appel d’offres sur le marché;
- concevoir et réaliser des projets de construction et de réfection des installations de production et de transport (comme l’intégration de nouvelles sources d’énergie renouvelable et la construction ou la réfection d’installations de production d’énergie).
2.1.2 Régie de l’énergie
La Régie de l’énergie du Québec (la « Régie ») est l’organisme responsable de l’encadrement réglementaire du transport et de la distribution de l’électricité. Les tarifs d’électricité au Québec doivent être approuvés par celle‑ci. La Régie a été créée en vertu de la Loi sur la Régie de l’énergie (la « Loi ») avec la compétence requise pour réglementer les secteurs de l’électricité et du gaz naturel en réponse aux exigences de l’ouverture du marché nord-américain de l’électricité, dont la garantie d’un accès non discriminatoire aux marchés. En 2000, la Loi a été modifiée afin d’introduire des mesures de concurrence dans la fourniture d’électricité, d’assouplir le mode de fonctionnement de la Régie, d’élargir ses sources de financement et d’établir les tarifs et les conditions auxquels l’électricité est transportée et distribuée.
La Régie établit et modifie les tarifs et les conditions auxquels l’électricité est transportée par le transporteur d’électricité, ainsi que les tarifs et les conditions auxquels elle est distribuée par les distributeurs d’électricité. Les tarifs sont fixés ou modifiés en favorisant des mesures ou des mécanismes incitatifs afin d’améliorer la performance du transporteur d’électricité ou des distributeurs d’électricité, en vue ultimement de protéger les intérêts des consommateurs. Les activités de transport et de distribution d’Hydro-Québec (de même que celles des distributeurs municipaux) sont donc assujetties à une forme traditionnelle de la réglementation axée sur le coût du service de ces activités.
Plus précisément, la Régie réglemente les portions de la production, du transport et de la distribution du marché de l’électricité au Québec, comme il est indiqué ci‑après :
- Activités de distribution d’électricité d’Hydro‑Québec : Approbation des conditions de service; approbation du plan d’approvisionnement et des spécifications contractuelles; fixation des tarifs; supervision des appels d’offres; production de rapports de recherche et approbation des contrats d’approvisionnement, et gestion des plaintes des consommateurs (y compris celles des redistributeurs d’d’Hydro-Québec et des redistributeurs municipaux).
- Activités de transport d’électricité d’Hydro-Québec : Fixation des tarifs locaux et de point à point; application des mécanismes incitatifs réglementaires pour promouvoir les gains d’efficacité; approbation des conditions de service; adoption des normes de fiabilité du réseau de transport; autorisation des projets d’investissement, et gestion des plaintes des consommateurs.
- Normes de fiabilité du réseau de transport au Québec : Nomination du Coordonnateur de la fiabilité et vérification du modèle de fiabilité; examen, adoption et mise en œuvre des normes de fiabilité obligatoires du réseau de transport; contrôle de la conformité des entités assujetties aux normes de fiabilité, notamment par la mise en œuvre d’ententes entre la Régie et les deux organismes en Amérique du Nord ayant l’expertise pour établir et vérifier l’application des normes de fiabilité en matière de transport d’électricité; contrôle de la conformité des entités visées par les normes de fiabilité et, en cas de contravention à ces normes, imposition d’un plan correctif et de sanctions financières et, dans certains cas, application de mesures correctives.
2.2 Bouquet énergétique du Québec et stratégie énergétique
En 2019, la capacité de production totale d’électricité du Québec s’est élevée à 46 380 MW, provenant principalement de l’hydroélectricité (94 %), suivie de l’énergie éolienne (5 %) et de l’énergie tirée de la biomasse (0,7 %). En 2012, le Québec disposait, selon les estimations, de ressources hydroélectriques non encore exploitées de 45 000 MW, dont 20 000 MW pouvaient présenter un potentiel sur le plan économique. Les ressources éoliennes exploitables du Québec représentaient approximativement près de huit millions de mégawatts.
Au cours de la dernière décennie, les provinces ont réitéré à plusieurs reprises leurs engagements en matière de transition énergétique. En 2016, le gouvernement du Québec a publié la Politique énergétique du Québec 2016-2030 (la « Politique »). La mise en œuvre de la Politique, qui doit se faire en plusieurs phases, dont la première s’est terminée par l’adoption d’une loi régissant sa mise en œuvre, avait pour objectif de guider de la province dans le cadre de sa transition vers des énergies renouvelables ou de sources d’énergie à faibles émissions de carbone. À la lumière de données de 2013, la Politique établit les cibles suivantes pour 2030 : (i) améliorer de 15 % l’efficacité avec laquelle l’énergie est utilisée; (ii) réduire de 40 % la quantité de produits pétroliers consommés; (iii) éliminer l’utilisation du charbon thermique; (iv) augmenter de 25 % la production totale d’énergies renouvelables, et (v) augmenter de 50 % la production de bioénergie.
En 2017, le gouvernement du Québec a dévoilé le Plan d’action 2017-2020 (le « Plan d’action ») visant à mettre en œuvre les premières étapes de la Politique au moyen d’investissements publics totalisant 1,5 G$ CA. Le Plan d’action prévoyait notamment la construction par Hydro-Québec d’une centrale solaire de 100 MW, la réfection de centrales électriques plus anciennes, et la modification de cadres législatifs régissant le tarif L (le tarif qu’applique Hydro-Québec à la consommation des grandes entreprises industrielles) et les exportations d’énergie éolienne produite par le secteur privé.
Ces thèmes ont également été repris dans des politiques plus récentes, comme le Plan pour une économie verte 2030 lancé par le gouvernement du Québec en 2020. Le Plan pour une économie verte 2030 définit plusieurs objectifs relatifs à l’innovation et à l’expansion des infrastructures publiques en vue de faciliter la transition de la province vers l’énergie électrique. Les plans d’action et plans stratégiques adoptés plus récemment continuent de mettre en évidence l’importance de trois objectifs liés à l’objectif visé par la société, soit exploiter le potentiel d’énergie renouvelable de la province tout en atténuant les impacts environnementaux connexes : (i) éliminer progressivement les combustibles fossiles au profit des sources d’énergie renouvelables, afin de parvenir à la décarbonisation; (ii) optimiser la transition énergétique grâce à l’innovation en matière de technologies propres; et (iii) adopter une approche décentralisée pour améliorer les connaissances des consommateurs en matière d’utilisation efficace de l’énergie. De même, la mise à jour des orientations du gouvernement québécois en matière d’utilisation du territoire devrait être publiée prochainement, et l’on s’attend à ce qu’elle accélère le développement des projets éoliens.
En 2023, des changements législatifs (le projet de loi nº 2) ont été adoptés pour accorder au gouvernement du Québec un pouvoir plus étendu sur l’approbation de l’approvisionnement en électricité. Auparavant, Hydro-Québec était officiellement tenue d’approuver les demandes de blocs de puissance de moins de 5 MW. Ces demandes devront désormais faire l’objet d’une approbation par le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (le « Ministre »). Les dispositions du projet de loi nº 2 sont transitoires, et il reste toujours à adopter des règlements précis à ce sujet. À l’heure actuelle, Hydro-Québec n’est pas tenue d’approvisionner en électricité les projets de 5 MW et plus d’entités qui n’ont pas conclu d’entente avec Hydro-Québec avant le 2 décembre 2022.
En juin 2024, le gouvernement du Québec a déposé d’importants changements législatifs (le projet de loi nº 69). Ce projet de loi très attendu modifiera, une fois adopté, la plupart des lois existantes en matière d’énergie au Québec, dans le but de permettre à la province d’atteindre ses objectifs de carboneutralité et de transition énergétique d’ici 2050. Les éléments clés du projet de loi sont les suivants :
1. Gouvernance
La mise en œuvre d’un plan de gestion intégrée des ressources énergétiques, devant être mis à jour tous les six ans, constitue l’une des mesures phares du projet de loi nº 69. Hydro-Québec doit soumettre le premier plan à l’approbation du gouvernement au plus tard le 1er avril 2026. Le plan doit viser à promouvoir le développement énergétique au sein de la province, en mettant l’accent sur la transition énergétique, et doit préciser la cible d’approvisionnement en électricité qu’Hydro-Québec doit atteindre pour satisfaire aux besoins en électricité des marchés provinciaux dans les délais prévus par le plan. En prévision de l’élaboration du premier plan, le projet de loi nº 69 suggère une cible annuelle des approvisionnements en électricité de 255 TWh (soit une hausse de 60 TWh par rapport au volume de production actuel, conformément au Plan d’action 2035). Le projet de loi nº 69 prévoit également des obligations d’information rehaussées pour Hydro-Québec, l’élaboration d’objectifs communs entre la Régie et Hydro-Québec, l’accélération des audiences devant la Régie, une réduction de la taille du conseil d’administration d’Hydro-Québec et la facilitation des partenariats entre Hydro-Québec et les commutés autochtones aux fins de l’aménagement de projets éoliens.
2. Aménagement de nouveaux projets d’énergie
Pour simplifier l’approvisionnement en électricité, le projet de loi nº 69 éliminera l’obligation absolue pour Hydro-Québec (dans ses activités de distribution d’électricité) de procéder par appel d’offres pour conclure des contrats d’achat d’électricité et accordera au gouvernement provincial (indépendamment de la Régie) le pouvoir d’obliger Hydro-Québec à le faire à certaines conditions, à sa seule appréciation. Hydro-Québec (en sa qualité de distributeur d’électricité) aura également la faculté de conclure des contrats bilatéraux d’achat d’électricité, avec l’approbation de la Régie, au besoin. Le projet de loi accorde en outre au Ministre des pouvoirs accrus en matière de développement commercial et industriel dans la province en stipulant que, à certaines conditions (qui seront précisées par la Régie), Hydro-Québec devra obtenir l’approbation du Ministre pour distribuer de l’électricité. Enfin, sous réserve de l’approbation du gouvernement, le projet de loi nº 69 permettra la construction de petites centrales hydroélectriques privées (d’une capacité de 100 MW ou moins).
3. Distribution d’électricité
Le projet de loi nº 69 permettra aux producteurs d’énergie renouvelable de vendre et de distribuer de l’électricité à un client privé unique pour les besoins de ses installations. Même si ces transactions seront limitées à certains contextes (qui ne sont pas clairement définis dans le projet de loi nº 69 à l’heure actuelle) et nécessitent l’autorisation du gouvernement, le projet de loi nº 69 s’écarte de la législation actuelle, qui réserve les droits de vente et de distribution de l’électricité à Hydro-Québec et à un nombre limité d’acteurs municipaux et privés bénéficiant de droits acquis.
4. Fixation des tarifs
Le projet de loi nº 69 annule des changements apportés par la législation antérieure en matière de fixation des tarifs. Alors que les tarifs de l’électricité étaient auparavant liés à l’inflation, le pouvoir d’ajuster les tarifs sera restitué à la Régie. À cette fin, la Régie procédera à une révision tarifaire pour l’électricité une fois tous les trois ans (plutôt qu’une fois tous les cinq ans comme c’est le cas actuellement) et fixera les tarifs en fonction de ce qu’elle calcule comme étant les revenus annuels dont a besoin Hydro-Québec pour assurer l’exploitation de son réseau (tant comme distributeur que comme transporteur d’électricité). Dans certaines situations, Hydro-Québec peut demander à la Régie des modifications de tarifs ou de conditions de service en dehors des révisions tarifaires triennales. En outre, le projet de loi nº 69 élimine la protection spéciale contre l’indexation offerte par le tarif L applicable à l’électricité patrimoniale d’Hydro-Québec et prévoit que les tarifs commerciaux et industriels devront également être fonction des revenus annuels requis par Hydro-Québec pour assurer ses activités de distribution. En revanche, le projet de loi nº 69 prévoit des mécanismes pour protéger les clients résidentiels des hausses prononcées des tarifs, comme la création d’un fonds de réserve pour limiter l’impact de la hausse des tarifs.
Des consultations supplémentaires auront lieu avant l’adoption prévue du projet de loi nº 69 à la fin de l’année 2024.
En 2011, le gouvernement du Québec a lancé son Plan Nord, une initiative qui vise le développement intégré d’infrastructures liées au transport, aux mines et à l’énergie dans le vaste territoire québécois qui s’étend au nord du 49e parallèle (une superficie de 1,2 million de km2, soit 72 % de la superficie du Québec). Plusieurs nouveaux projets de production d’électricité ont été mis en service, parmi lesquels le complexe hydroélectrique de la Romaine, inauguré à la fin de 2023, qui constitue le plus important complexe d’Hydro-Québec depuis celui de la Baie-James, et le parc éolien Apuiat, d’une puissance de 200 MW, dont la mise en service est prévue pour la fin de 2024 et qui marque un partenariat entre Boralex et les communautés innues. Au cours des dernières années, Hydro-Québec a établi des partenariats avec diverses communautés et administrations autochtones afin d’aligner les projets aux besoins des communautés et d’offrir aux acteurs locaux des possibilités de gestion et de propriété.
Plusieurs municipalités québécoises ont également été choisies comme emplacements nord-américains pour la fabrication de batteries. Les municipalités de Shawinigan, de Trois-Rivières et de Bécancour sont à la tête de ce nouveau mouvement en matière de chaînes d’approvisionnement, avec plusieurs projets en cours d’aménagement. L’année 2023 a elle seule a été particulièrement fructueuse, le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et un consortium formé par la Ford Motor Company et les sociétés sud-coréennes EcoProBM et SK On ayant investi plus de 1,2 M$ CA pour financer la fabrication de cathodes à Bécancour. Des développements en matière de chaînes d’approvisionnement en batteries dans la région métropolitaine de Montréal ont également été annoncés, notamment la construction par Solutions énergétiques Volta d’une usine de feuilles de cuivre à Granby et l’aménagement par Northvolt d’installations de production de batteries au lithium-ion à McMasterville et à Saint-Basile-le-Grand.
Au cours de la dernière décennie, Hydro-Québec a également tiré parti de ses excédents d’énergie pour exporter de l’électricité propre aux États-Unis, en particulier dans l’État de New York et en Nouvelle-Angleterre, notamment dans le cadre du projet New England Clean Energy Connect reliant la frontière entre le Québec et le Maine et la ville de Lewiston au Maine.
Compte tenu de l’augmentation constante de la demande en énergie, Hydro-Québec a annoncé en 2023 sept nouveaux projets de production d’électricité dont la mise en exploitation commerciale est prévue pour le 1er décembre 2026. Totalisant une puissance installée de 1 303,36 MW, six de ces sept projets sont des projets éoliens. Plus récemment, en juillet 2024, Hydro-Québec a annoncé son intention d’aménager elle-même un projet éolien de 9 G$ CA dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. L’achèvement de ces installations, qui pourraient produire jusqu’à 3 000 MW, en fera l’un des plus grands projets de ce type en Amérique du Nord. Hydro-Québec a également lancé un autre appel d’offres en 2023, qui comprend un nouveau critère géographique : pour être admissibles, les projets soumis doivent être situés précisément dans des zones cibles identifiées comme des régions stratégiques pour l’intégration des infrastructures au réseau électrique d’Hydro-Québec.
3. Ontario – Secteur de l’électricité et cadre législatif
3.1 Élaboration des politiques et réglementation
Deux entités élaborent la politique de l’électricité et régissent le marché de l’électricité de l’Ontario : le Gouvernement ontarien et la Commission de l’Énergie de l’Ontario. Une société appartenant à la province administre le marché de l’électricité : la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (« SIERE »).
3.1.1 Gouvernement de l’Ontario
Le cabinet ontarien conserve une compétence pour établir des politiques visant le secteur énergétique de l’Ontario, mais le ministre de l’Énergie assure la supervision quotidienne des industries de l’électricité et du gaz naturel de l’Ontario. Avec l’autorisation du cabinet, le ministre de l’Énergie peut publier des directives d’orientation à l’intention de la CEO et de la SIERE, qui doivent les mettre en œuvre. Le ministre de l’Énergie a aussi l’autorité d’exiger de la CEO qu’elle étudie toute problématique liée au secteur de l’énergie de l’Ontario et lui offre des conseils sur la question.
3.1.2 Commission de l’Énergie de l’Ontario
La CEO constitue l’organisme de réglementation du secteur de l’électricité en Ontario. Bien qu’elle relève du ministre de l’Énergie, elle fonctionne comme une entité indépendante. Ses responsabilités consistent notamment à déterminer les tarifs facturés pour les services réglementés dans le secteur de l’électricité, y compris les services de transport et de distribution; à approuver la construction de nouvelles installations de transport et de distribution; à rédiger des règles en vue de régir la conduite des participants au secteur de l’électricité; à représenter les consommateurs d’électricité; à entendre les appels de décisions rendues par la SIERE; à examiner et à approuver le budget et les frais de la SIERE; et à surveiller les marchés de l’électricité et à faire part de ses observations au ministre de l’Énergie.
En Ontario, le coût du transport de l’électricité et de sa distribution jusqu’aux clients et le coût de l’électricité sont facturés séparément. Habituellement, la CEO réglemente le coût du service de transport et de distribution alors que le coût de l’électricité est établi sur le marché de gros en temps réel de la SIERE. En outre, le gouvernement provincial a imposé à la plupart des acheteurs d’électricité une charge supplémentaire appelée l’ajustement global, qui est habituellement inversement relié au prix de l’électricité sur le marché de la SIERE; de manière générale, plus le prix sur le marché est faible, plus le taux de l’ajustement global sera élevé.
3.2 Création du marché et sociétés remplaçantes d’Ontario Hydro
Jusqu’en 1998, Ontario Hydro, société appartenant à la province, dominait le secteur ontarien de l’électricité; elle assurait la production, le transport, l’élaboration du réseau, la sécurité électrique ainsi que la distribution en milieu rural et dans les régions éloignées. En 1998, Ontario Hydro a été scindée en cinq sociétés, qui appartiennent toutes à la province, dont Ontario Power Generation Inc., qui a assumé la responsabilité des actifs de production d’Ontario Hydro; Hydro One Inc., qui a repris les entreprises de transport et de distribution rurale d’Ontario Hydro; et la SIERE, qui a pris en charge l’administration du marché de l’électricité ontarien et la direction de l’exploitation du réseau électrique de la province.
Le 1er mai 2002 a marqué l’ouverture d’un marché de vente de gros et de détail pleinement concurrentiel, mais un gel du prix de l’électricité et des tarifs de distribution a été décrété en décembre 2002 en raison des pressions politiques occasionnées par la volatilité du prix de l’électricité. Quoique cette mesure ait depuis été abolie, une certaine régularisation des prix et certaines subventions demeurent.
Cette action interventionniste a sonné le glas des activités de production des négociants. L’Office de l’électricité de l’Ontario (« OEO »), créé pour agir à titre de contrepartie solvable, permettait d’offrir de nouvelles sources de production sur le marché, grâce à des contrats d’achat d’électricité à long terme ou des contrats de différences. L’OEO était aussi responsable de la planification à long terme du réseau, de la gestion de l’énergie et de la demande, ainsi que de certains aspects de l’évolution du marché.
Le gouvernement de l’Ontario a fusionné l’OEO et la SIERE, qui ne forment maintenant qu’une seule entité agissant sous le nom de la SIERE, fusion qui a pris effet le 1er janvier 2015.
3.3 Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité
La SIERE est une société sans but lucratif appartenant à l’État. À la suite de sa fusion avec l’OEO le 1er janvier 2015, la SIERE a deux principales fonctions :
administrer le marché de l’électricité en Ontario;
administrer le processus de marchés publics et gérer les contrats d’électricité (dont était responsable l’ancien OEO).
3.3.1 Les marchés au comptant et financier de la SIERE
La SIERE assume la responsabilité d’administrer les marchés de l’électricité en Ontario et de diriger l’exploitation du réseau de transport de l’électricité de la province. Elle a publié les règles qui régissent le marché de l’électricité et des services accessoires en Ontario. La SIERE a l’obligation d’administrer le marché de l’électricité en conformité avec les règles du marché, et les participants au marché sont tenus d’observer ces règles. Après sa fusion avec l’OEO le 1er janvier 2015, la SIERE a pris en charge les responsabilités de cette dernière, soit administrer le processus de marchés publics visant des contrats d’électricité à long terme ainsi que la planification des systèmes, la conservation et la gestion des demandes à long terme.
La SIERE administre à la fois le marché au comptant et le marché financier de l’électricité. Sur le marché au comptant, la SIERE exploite le marché de gros en temps réel et le marché des services accessoires. La SIERE peut aussi offrir un service au comptant grâce à la fiabilité des contrats de production en continu conclus avec des producteurs d’électricité (Reliability Must-Run Contracts). Pour l’heure, le marché des droits de transport constitue l’unique marché financier du secteur. Les acheteurs et les vendeurs d’électricité ont le choix de conclure des contrats physiques bilatéraux qui ne font pas partie du processus de planification et de répartition de la SIERE.
3.3.2 Marché de gros en temps réel et prix de l’électricité
Sur le marché de gros en temps réel, le prix de l’électricité est fixé en fonction de la disponibilité des ressources et des fluctuations de la demande. La SIERE dirige un marché en temps réel, c’est-à-dire que les achats d’électricité y sont réalisés au fur et à mesure que naissent les besoins.
Chaque jour, la SIERE établit les prévisions concernant la demande en électricité et rend cette information accessible aux participants au marché. Les producteurs et autres fournisseurs d’énergie désireux de fournir de l’électricité soumettent leurs offres que la SIERE associe ensuite à la demande prévue. Elle accepte d’abord les offres au prix le plus bas et ainsi de suite jusqu’à ce qu’un nombre suffisant de celles‑ci ait été accepté pour combler les besoins de la clientèle. Les fournisseurs d’électricité reçoivent des instructions selon les offres retenues. Après quoi, ils alimentent en électricité le réseau électrique aux fins de transport et de distribution aux clients. Tous les fournisseurs sont payés au même prix d’équilibre, soit celui de la dernière offre acceptée. Toutes les cinq minutes, un nouveau prix est fixé qui varie selon la demande sur le marché. La moyenne des prix fixés pour chaque intervalle de cinq minutes est calculée afin de déterminer le tarif horaire de l’énergie en Ontario.
Bien que les projections à long terme laissent poindre un accroissement de la demande d’électricité d’au moins 2 % par année (en Ontario, à partir de 2025, la demande énergétique devrait surpasser l’offre jusqu’en 2040), historiquement, la province s’est retrouvée avec une capacité de production excédentaire qui fait chuter les prix du marché de gros. Par exemple, en Ontario, un surplus de la production de base a forcé les propriétaires de centrales nucléaires et les grands producteurs d’hydroélectricité en continu à soumettre des offres à une tarification négative. Cette pression à la baisse sur les prix du marché de gros ne s’est pas répercutée sur le prix total payé pour l’électricité puisque la plupart des consommateurs d’électricité en Ontario paient également une charge supplémentaire, appelée l’ajustement global, qui sert à couvrir le coût d’une gamme de programmes gouvernementaux, comme les prix garantis payés aux producteurs aux termes de divers contrats d’approvisionnement de même que des programmes d’économie et de gestion de la demande.
Le taux de l’ajustement global varie chaque mois et est établi au moyen d’une formule prescrite par un règlement du gouvernement. Il est habituellement inversement relié au prix de l’électricité sur le marché de la SIERE qui fait en sorte qu’un tarif horaire de l’énergie en Ontario plus faible entraînera un taux d’ajustement global plus élevé.
Le montant de l’ajustement global que paient les clients résidentiels et les petites entreprises est calculé en fonction de la consommation d’électricité par le client chaque mois. Toutefois, pour certains grands consommateurs, il est calculé en fonction de leur demande de pointe moyenne lorsque l’utilisation de l’électricité à l’échelle du réseau est à son plus haut, et non en fonction de leur consommation réelle.
Dans le cadre de l’Initiative de conservation industrielle (« ICI »), le taux de l’ajustement global des grands consommateurs, c’est‑à‑dire ceux dont la demande de pointe horaire moyenne dépasse 5 MW ou se situe entre 500 KW et 5 MW dans le cas de certains clients industriels et commerciaux, varie pour chacun selon son utilisation de l’électricité pendant les cinq plus importantes heures de pointe simultanées pour la période du 1er mai au 30 avril de chaque année. Par exemple, si une entreprise admissible à l’ICI utilise en moyenne une demande d’électricité de 1 % pendant les cinq périodes de pointe simultanées les plus élevées de l’année, son taux d’ajustement global représentera 1 % de l’ensemble des coûts de l’ajustement global. Les grands consommateurs admissibles peuvent réduire leur facture d’électricité en réduisant leur utilisation pendant les périodes de pointe à l’échelle du réseau.
Les consommateurs d’électricité en Ontario paient, en plus du coût de l’électricité, des frais supplémentaires pour le transport et la distribution jusqu’aux clients, aux tarifs régis par l’OEO.
3.3.3 Marché des réserves d’exploitation
La SIERE administre un marché des réserves d’exploitation qui assure que des surplus de capacité énergétique d’électricité demeurent disponibles en cas d’événement imprévu sur le marché en temps réel, comme une forte hausse de la demande, un bris de matériel imprévu à une centrale ou une chute inattendue du vecteur vent. La SIERE peut faire appel à cette capacité supplémentaire offerte sur le marché des réserves d’exploitation par des producteurs assujettis à la répartition ou des fournisseurs de charges commandées (par exemple, des utilisateurs de grands volumes en mesure de réduire leur consommation) qui peuvent rapidement donner suite aux instructions de répartition de la SIERE.
3.3.4 Services accessoires
Les services accessoires doivent maintenir la fiabilité du réseau dirigé par la SIERE, notamment la régulation de la fréquence, la régulation de la tension, la puissance réactive et la capacité de démarrage à froid. La SIERE offre des services accessoires en concluant des contrats avec des participants au marché qui fournissent ce genre de services conformément aux normes de rendement énoncées dans les règles de marché.
3.3.5 Fiabilité grâce aux contrats de production en continu (Reliability Must-Run Contracts)
La SIERE peut conclure des contrats d’énergie hydroélectrique en continu destinés à assurer la fiabilité du réseau et ainsi faire appel à la centrale sous contrat pour produire l’électricité nécessaire au maintien de la fiabilité du réseau électrique. Les coûts engagés par la SIERE aux fins de ces contrats sont recouvrés auprès de l’ensemble des participants du marché dans le cadre du processus de règlement de la SIERE.
3.3.6 Marché des droits de transport
Le marché des droits de transport permet aux participants du marché de vendre et d’acheter des droits de transport associés à des opérations entre le marché administré par la SIERE et un marché de l’électricité adjacent. Le marché des droits de transport donne, aux participants du marché qui importent et exportent de l’électricité, la possibilité de se procurer à l’avance une protection financière afin de couvrir les prix d’électricité payés aux interconnexions. La SIERE procède à des enchères pour des droits de transport; ces instruments financiers donnent à un titulaire le droit à un montant de règlement calculé en fonction de la différence entre les prix de l’énergie dans deux zones distinctes. La SIERE décide des offres qui sont acceptées compte tenu de l’enchère à prix uniforme de tous les droits de transport.
3.3.7 Processus d’engagement pour le prochain jour ouvrable
Le processus d’engagement pour le prochain jour ouvrable (Day-Ahead Commitment Process) qu’a instauré la SIERE oblige les fournisseurs assujettis à la répartition et les fournisseurs de charges commandées à soumettre des offres une journée à l’avance, et les producteurs sont en mesure de signaler à l’avance toute limite restreignant leur production pour une journée d’acheminement donnée. Le processus d’engagement pour le prochain jour ouvrable vise à améliorer la circulation de l’information relative à l’exploitation du marché pour permettre à la SIERE et aux participants du marché de mieux juger de la suffisance des ressources du marché, et il aide à prévoir les prix du marché pour le jour suivant.
3.3.8 Processus de marchés publics de la SIERE et mesure des contrats d’électricité
Le 1er janvier 2015, la SIERE a pris en charge les fonctions qui étaient assurées par l’OEO, dont les responsabilités consistaient à prévoir la demande pour les ressources électriques et leur fiabilité, à moyen et à long terme, à planifier adéquatement la production, la gestion de la demande, la conservation et le transport pour l’Ontario et à assurer la disponibilité de nouvelles sources de production grâce à divers processus d’approvisionnement. Cette capacité est répartie selon plusieurs types de combustibles, dont l’énergie nucléaire, le gaz naturel (à la fois la production combinée de chaleur et d’électricité ainsi que la production à cycle simple/mixte) et les énergies renouvelables (les énergies éolienne et solaire, l’hydroélectricité et la bioénergie).
Le rapport annuel d’acquisition (le « RAA ») 2022 de la SIERE signale l’intention de la SIERE de lancer une demande de propositions pour acquérir une capacité d’au moins 5 000 MW afin de satisfaire divers besoins de fiabilité. La SIERE a donc lancé, entre autres initiatives, une demande de propositions accélérée pour acquérir une capacité de 1 500 MW au moyen de ressources pouvant être mises en service le 1er mai 2026, une demande de propositions à moyen terme pour acquérir une capacité de 700 MW au moyen de ressources pouvant être mises en service entre le 1er mai 2024 et le 1er mai 2026, et une demande de propositions à long terme 1 en vue d’acquérir une capacité de 2 200 MW au moyen de ressources pouvant être mises en service le 1er mai 2027. En 2023, la SIERE a attribué 17 contrats de stockage dans le cadre de la demande de propositions accélérée, ce qui représente une nouvelle capacité de 1 177 MW se raccordant au réseau d’ici 2026, et a attribué cinq contrats (un parc éolien et quatre installations au gaz naturel) aux termes de la demande de propositions à moyen terme. La SIERE a clôturé le processus de demande de propositions à long terme en juin 2024 par la conclusion de 13 contrats représentant au total une nouvelle capacité de près de 2 194 MW, au moyen d’installations qui devraient entrer en service entre le 1er mai 2026 et le 1er mai 2028.
La prochaine phase du plan d’approvisionnement (une demande de propositions à long terme 2 et une demande de propositions à moyen terme 2) cherchera à répondre aux besoins en matière de fiabilité qui émergeront entre 2029 et le début des années 2030, et ce par trois avenues différentes : (i) le volet relatif à la production énergétique visant l’obtention de nouvelles sources d’approvisionnement totalisant environ 2 000 MW en vue d’une mise en service d’ici 2030; (ii) le volet relatif à la capacité visant la mise en service d’une capacité variant de 500 MW à 1 000 MW d’ici 2031; (iii) l’acquisition de ressources à long délai d’approvisionnement (qui pourraient comprendre de nouveaux actifs hydroélectriques et de nouvelles installations de stockage de longue durée) en vue d’obtenir une capacité de 500 MW à 1 000 MW devant être mise en service d’ici 2034.
De plus, l’Ontario a annoncé récemment son soutien pour l’ajout de quatre petits réacteurs nucléaires modulaires de 300 MW sur le site de la centrale nucléaire de Darlington et de nouveaux réacteurs nucléaires d’une capacité de production de 4 800 MW sur le site de la centrale nucléaire de Bruce.
3.3.9 Projet de renouvellement du marché de la SIERE
La SIERE mène actuellement un projet de renouvellement du marché dans le but d’examiner et de mettre en œuvre des modifications fondamentales de la conception du marché visant à accroître la certitude pour les participants du marché et à réduire le coût de l’électricité en Ontario. À l’heure actuelle, le marché de l’électricité de l’Ontario utilise une approche fondée sur deux « calendriers » pour l’établissement et le règlement des décisions opérationnelles et, par le passé, l’Ontario obtenait de l’électricité supplémentaire principalement en concluant des contrats d’approvisionnement à long terme avec des producteurs d’électricité indépendants. On prévoit que le renouvellement du marché entraînera des changements fondamentaux à l’égard de ces deux pratiques 1) en mettant sur pied un marché fondé sur un calendrier unique qui utilisera les prix selon l’emplacement pour les producteurs et les autres ressources participant directement au marché de la production d’électricité de gros, 2) en établissant un marché pour le prochain jour ouvrable liant les participants sur le plan financier, et 3) en optimisant le mécanisme de demandes et d’offres sur le marché intrahoraire tant pour l’énergie que pour les réserves d’exploitation (c’est-à-dire des engagements à l’unité en temps réel bonifiés).
La SIERE en est actuellement à la phase de la mise en œuvre. Les initiatives de renouvellement du marché, dont la mise aux enchères pour accroître la capacité, devraient être mises en œuvre le 1er mai 2025.
3.4 Transport et distribution
Hydro One Networks Inc. (« HONI »), filiale en propriété exclusive d’Hydro One Inc. (« Hydro One »), est propriétaire et exploitant de plus de 90 % des actifs de transport d’électricité en Ontario. HONI exploite aussi une importante entreprise de distribution. Il s’agit de la plus grande société de distribution locale de l’Ontario. Elle dessert quelque 1,3 million de clients, situés pour l’essentiel dans les régions rurales de la province. Les autres sociétés de distribution locale appartiennent, pour la plupart, en partie aux municipalités. Les sociétés de transport et de distribution, dont HONI, reçoivent des permis délivrés par la CEO et sont assujetties à une réglementation tarifaire établie par la CEO en fonction du coût des services.
Avant 2015, Hydro One, société mère de HONI, était une société d’État et la propriété exclusive de la province. En avril 2015, le gouvernement de l’Ontario a annoncé son intention d’élargir la participation dans Hydro One au moyen d’un premier appel public à l’épargne. Hydro One a effectué deux appels publics à l’épargne, et l’Ontario a vendu environ 2,4 % des actions ordinaires en circulation à une société en commandite appartenant à 129 Premières Nations en Ontario, ce qui a ramené la participation du gouvernement de l’Ontario à environ 47,4 % du total des actions ordinaires émises et en circulation d’Hydro One.
Le gouvernement provincial encourage les sociétés de distribution locale appartenant aux municipalités à se regrouper afin de former des sociétés de distribution locale d’envergure. La province s’attend à ce que le regroupement de ces sociétés permette de réaliser des économies d’échelle au bénéfice des usagers de l’électricité. La Commission de l’énergie de l’Ontario a lancé une consultation publique sur la question en juillet 2023, qui s’est achevée en juin 2024 par la publication d’une version actualisée de son manuel sur les regroupements de distributeurs et de transporteurs d’électricité (OEB Handbook to Electricity Distributor and Transmission Consolidations), ainsi que des documents à déposer dans le cadre des demandes de regroupement.
En outre, l’Ontario a récemment pris des mesures afin d’encourager les promoteurs du secteur privé à participer au développement de nouveaux projets de transport à grande échelle. Cette initiative comprend une dispense de l’obligation, en vertu de l’article 92 de la Loi de 1998 sur la Commission de l’énergie de l’Ontario, d’obtenir une autorisation préalable de construction de la part de la CEO pour la construction, l’expansion ou le renforcement de lignes de transmission financées par le secteur privé par des transporteurs d’électricité non titulaires d’un permis.
4. Alberta – Secteur de l’électricité et cadre législatif
L’Alberta est la seule province canadienne, et un des rares ressorts dans le monde, dont le marché de la production d’électricité de gros est concurrentiel et déréglementé (communément appelé « Power Pool » ou réseau commun d’énergie) et où le prix de l’électricité est fixé partout en Alberta toutes les heures de l’année. L’Alberta Electric System Operator (« AESO »), organe créé en vertu de l’Electric Utilities Act (« EUA »), exploite ce marché. Actuellement, toute vente et tout achat d’énergie dans la province se négocient sur le réseau commun d’énergie, et le prix horaire sert à déterminer le revenu des producteurs, ainsi que le coût payé par les consommateurs. Par ailleurs, la vaste gamme d’ententes contractuelles qui ont cours sur le marché fait en sorte que le prix horaire n’est pas le même pour tous les participants. Or, il n’en demeure pas moins que ces contrats sont influencés par le signal du prix horaire. Ces signaux de prix, par opposition à un modèle réglementé de « coût du service », font du marché de l’électricité de l’Alberta une plateforme déréglementée exceptionnellement adaptée à la dynamique de l’offre et de la demande.
Une importante réforme du marché est actuellement en cours pour relever les défis auxquels est confronté, et sera confronté à l’avenir, le marché de l’énergie de l’Alberta, notamment la décarbonisation, la rétention économique, l’intermittence de l’offre et la fiabilité du réseau. Il est prévu que l’initiative Restructured Energy Market (REM) nécessitera un développement d’au moins trois ans et une mise en œuvre progressive sur au moins cinq ans. L’initiative REM pourrait modifier sensiblement la tarification et les autres dynamiques du marché, mais ne devrait pas changer la nature fondamentalement déréglementée et concurrentielle du marché de gros de la production d’électricité en Alberta.
Des mesures provisoires ont été adoptées en mars 2024 au soutien du développement de l’initiative REM, dont l’adoption du règlement intitulé Market Power Mitigation Regulation, visant à atténuer les fluctuations de prix, et du règlement intitulé Supply Cushion Regulation, visant à assurer un approvisionnement adéquat. Des versions initiales des règles de l’AESO destinées à faciliter la mise en œuvre des deux règlements sont entrées en vigueur le 1er juillet 2024.
4.1 Élaboration des politiques et réglementation
Le gouvernement de l’Alberta est responsable d’établir la politique de l’électricité, laquelle est mise en œuvre principalement par trois entités qui régissent et surveillent le marché de l’électricité de l’Alberta : l’AUC, l’AESO et le Market Surveillance Administrator (« MSA »).
4.1.1 L’Alberta Utilities Commission
L’AUC est une agence gouvernementale indépendante quasi judiciaire dont le mandat consiste à veiller à ce que la prestation des services publics en Alberta soit assurée de façon juste et responsable, tout en tenant compte de l’intérêt public. Pour ce faire, elle régit les services publics de distribution de l’électricité de manière que les consommateurs reçoivent un service sécuritaire et fiable à des tarifs justes et raisonnables. L’AUC est notamment responsable de superviser les droits et les tarifs applicables au transport d’électricité, de choisir et d’approuver les nouvelles installations de transport et de production, d’établir les exigences relatives aux marchés de l’électricité de détail et de se prononcer sur la conduite des participants du marché.
4.1.2 L’Alberta Electric System Operator
L’AESO est l’exploitant indépendant du réseau d’électricité albertain. Sa principale responsabilité est d’assurer que l’exploitation et la planification du réseau d’électricité interconnecté de l’Alberta (« REIA ») se fassent de manière sécuritaire, fiable et à moindre coût ainsi que d’assurer un accès libre et équitable au REIA. L’AESO maintient l’équilibre du REIA en surveillant la demande d’électricité et en acheminant l’approvisionnement en électricité pour répondre à cette demande en temps réel. Pour ce faire, l’AESO gère les ententes d’électricité conclues sur le réseau commun d’énergie. Pour prévoir les besoins futurs, il prévoit la croissance de l’offre et de la demande en vue de déterminer le type d’installations de transport qui devra être construit, de même que le moment et l’endroit où ces installations devront être construites.
L’AESO met également en place des tarifs de transport dans le but de couvrir les frais associés à la construction, à l’entretien et à l’exploitation du REIA. Ces tarifs, assujettis à l’approbation de l’AUC, sont conçus pour assurer une affectation équitable des coûts entre les parties intéressées et pour soutenir un marché concurrentiel. À l’heure actuelle, les producteurs paient les coûts pour raccorder leurs unités de production au REIA, tandis que les consommateurs paient tous les autres coûts associés au transport au moyen d’un tarif fondé sur l’utilisation.
Des modifications prévues au règlement albertain sur le transport d’électricité, le Transmission Regulation, devraient permettre de réattribuer les coûts de transport à certains ou à l’ensemble des producteurs en fonction de la causalité des coûts à l’avenir. Les modifications devraient également permettre un certain niveau de congestion sur le REIA.
4.1.3 Le Market Surveillance Administrator
Mis en place par l’EUA, le MSA agit comme contrôleur du marché albertain de l’électricité, pour en assurer l’exploitation juste, efficace et ouvertement concurrentielle. Le MSA a le mandat très vaste d’observer le marché albertain et d’enquêter à ce sujet afin d’évaluer la conduite des participants du marché et de traiter les plaintes reçues. Si le MSA considère qu’un participant a violé les règles du marché ou les principes d’un marché juste, efficace et compétitif, le dossier en question sera transféré à l’AUC, qui rendra une décision.
4.2 Power Pool ou réseau commun d’énergie de l’Alberta
Le Power Pool (ou « réseau commun d’énergie ») de l’Alberta se définit comme un réseau central indépendant accessible à tous, qui fonctionne à la manière d’un marché au comptant, appariant la demande en électricité aux offres de prix les plus bas pour établir le prix horaire du réseau. Le réseau commun d’énergie est régi par les lois de l’offre et de la demande d’un marché concurrentiel dans lequel l’électricité est achetée et vendue en « temps réel », à mesure qu’elle est produite et consommée. L’AESO gère les ententes d’électricité conclues sur le réseau commun d’énergie, en plus d’accepter des offres de vente d’électricité de producteurs et des soumissions de diverses sources de « consommation » (acheteurs d’électricité) par l’entremise d’une plateforme de négociation en ligne. En 2023, le marché de l’électricité de gros de l’Alberta comptait 276 participants et a réalisé environ 15,8 G$ CA d’opérations liées à l’électricité.
4.2.1 Établissement du prix du réseau commun d’énergie
À l’heure actuelle, les fournisseurs offrent un prix pour l’électricité qu’ils produisent sept jours avant l’heure de livraison. Pourvu qu’ils aient une raison acceptable liée à l’exploitation, ils peuvent modifier leurs volumes à tout moment, de même que leur prix d’offre jusqu’à deux heures avant l’heure de livraison, après quoi le prix ne peut plus être modifié. En vertu du règlement intitulé Supply Cushion Regulation, l’AESO est autorisée à mettre en service des actifs à long délai de synchronisation lorsqu’il est prévu que sa réserve d’approvisionnement pourrait être inférieure à la réserve de base de 932 MW. Parmi les résultats attendus de l’initiative REM, on peut citer l’introduction d’un marché pour le prochain jour, qui permettrait aux producteurs de bloquer des offres, généralement avant le prochain jour d’exploitation. Cette mesure devrait conférer aux producteurs la capacité de prédire avec précision leur disponibilité en comptant sur une plus grande certitude et une plus grande stabilité des prix, mais pourrait avoir l’effet inverse pour les producteurs qui n’ont pas cette capacité, comme les producteurs d’énergie renouvelable.
En se fondant sur ces prix d’offre, l’AESO génère un « classement préférentiel » qui trie les offres du prix le plus bas au prix le plus élevé pour chaque heure de la journée. L’AESO achemine alors les offres du prix le plus bas à la fin du classement, et remonte la liste jusqu’à ce que toutes les demandes d’électricité aient été comblées pour l’heure en question. Le prix horaire du réseau, qui est payé pour tous les MW vendus pendant cette heure, est établi en fonction de la dernière offre acceptée dans le classement. L’initiative REM pourrait avoir pour effet d’abréger l’intervalle de calcul du prix du réseau commun.
À l’heure actuelle, les importateurs et certains fournisseurs dont la production est « non acheminable » doivent offrir leur production d’électricité au réseau commun d’énergie à « coût nul », c’est-à-dire que leur production est offerte sans qu’ils puissent exercer d’influence sur les prix. Ces offres à coût nul sont les premières dans le classement, et les fournisseurs de ces dernières recevront le prix du réseau établi par les offres à prix fixe. Les « preneurs de prix » n’ont pas d’influence sur l’établissement du prix horaire du réseau et doivent accepter le prix établi par le réseau.
Les fournisseurs de production d’électricité « acheminable » peuvent également choisir d’être des preneurs de prix s’ils souhaitent garantir l’acheminement de leur production. Par exemple, les fournisseurs de production d’électricité de base à faibles coûts (p. ex., au moyen de centrales de cogénération) offrent généralement une partie de leur capacité de production à coût nul, afin de s’assurer que leur production soit acceptée dans le réseau commun. Il est très coûteux et fastidieux de fermer une production d’électricité de base, c’est pourquoi les propriétaires des installations évitent généralement les situations où leur production de base n’est pas acheminée en raison d’un prix d’offre plus élevé que le prix établi par le réseau commun.
4.2.2 Offre et vente d’électricité sur le réseau commun d’énergie
Trois catégories de vendeurs peuvent offrir et vendre de l’électricité sur le réseau commun d’énergie : les négociants en électricité, qui négocient de l’électricité à l’intérieur de l’Alberta; les importateurs, qui importent de l’électricité grâce à des liens interprovinciaux avec la Saskatchewan ou la Colombie-Britannique ou à l’entente internationale avec le Montana et vendent cette électricité sur le réseau commun d’énergie; et les producteurs.
4.2.3 Offre et achat d’électricité sur le réseau commun d’énergie
On distingue trois catégories d’acheteurs autorisés à acheter de l’électricité sur le réseau commun d’énergie : les détaillants qui commercialisent et vendent de l’électricité auprès de petits consommateurs commerciaux et résidentiels sur un marché de détail concurrentiel; les clients qui bénéficient d’un accès direct, généralement d’importants clients industriels qui achètent leur électricité en gros sur le réseau commun d’énergie; et les exportateurs qui achètent de l’électricité sur le réseau commun d’énergie et l’exportent en Colombie-Britannique, en Saskatchewan ou au Montana. Pour participer au réseau commun d’énergie, il est nécessaire d’obtenir un permis auprès de l’AESO.
4.2.4 Accords commerciaux sur le réseau commun d’énergie
La production et la vente d’électricité en Alberta sont régies par l’EUA, qui exige que la totalité de l’électricité entrant ou sortant du REIA soit négociée sur le réseau commun d’énergie. Il existe trois méthodes pour vendre de l’électricité en Alberta : sur le réseau commun d’énergie au prix horaire établi, par un contrat de vente directe, et par un contrat financier à terme.
1. Ventes sur le réseau commun d’énergie
Comme mentionné précédemment, l’AESO crée un indice horaire, ou prix horaire du réseau, en fonction de l’offre la plus élevée permettant d’équilibrer l’offre et la demande. Ce prix horaire est imputé à l’acheteur et payé au vendeur qui participe au marché de gros pendant l’heure en question. Le prix horaire du réseau est plafonné, de sorte que tous les prix acheteurs et vendeurs pour l’électricité doivent se situer entre 0 $ CA/MWh et 999,99 $ CA/MWh.
Le règlement Market Power Mitigation Regulation, récemment adopté, applique un plafond au prix d’offre secondaire qui limite les offres des producteurs au montant le plus élevé entre a) 125 $/MWh, ou b) 25 fois le prix du gaz pour le prochain jour. Le plafond au prix d’offre secondaire ne s’appliquera qu’aux producteurs d’énergie non renouvelable qui ne disposent pas de capacité de stockage et dont la part de marché totale est égale ou supérieure à 5 %. Le plafond au prix d’offre secondaire ne sera déclenché que pour les producteurs qui ont déjà gagné deux douzièmes de leurs coûts d’investissement annualisés dans le cadre du réseau commun d’énergie au cours d’un mois donné et s’appliquera pour le reste de ce mois. En outre, l’initiative REM devrait avoir pour effet d’augmenter le plafond des prix du réseau commun dans certaines circonstances et d’autoriser des prix acheteurs et vendeurs négatifs.
2. Contrats de vente directe
Un contrat de vente directe est un contrat négocié de gré à gré entre deux parties en lien avec la vente ou l’achat d’électricité avant la production ou la consommation de cette électricité. Il permet à un producteur de négocier directement avec un consommateur pour établir un prix pour l’électricité, plutôt que d’avoir recours au prix du réseau commun. Malgré le fait que le prix soit négocié, qu’il soit indépendant du prix du réseau commun, et que le paiement soit effectué à l’extérieur du réseau commun d’énergie, le flux d’électricité du vendeur à l’acheteur a tout de même lieu sur le réseau commun d’énergie en temps réel et doit donc être déclaré à l’AESO. L’AESO doit connaître le volume d’électricité achetée afin que les volumes vendus sur le réseau ou puisés dans celui-ci soient ajustés pour refléter le contrat de vente directe.
La livraison d’électricité en temps réel au moyen du réseau commun d’énergie en vertu d’un contrat de vente directe ne requiert pas de production ou de consommation en temps réel, car l’AESO équilibre l’écart entre les volumes véritablement produits et consommés par les parties en comparaison et les volumes visés par un contrat de vente directe. Si un producteur produit un volume moindre que celui indiqué, la différence est considérée comme un achat sur le marché au comptant au prix horaire du réseau et est facturée au producteur. De la même manière, si un acheteur consomme un volume moindre que celui indiqué, la différence est considérée comme une vente sur le marché au comptant au prix du réseau et est payée aux fournisseurs.
3. Contrats financiers à terme
Un contrat financier à terme est une entente aux termes de laquelle une partie accepte de verser à l’autre partie la différence entre le prix indiqué dans le contrat et le prix horaire du réseau pour la durée du contrat. Ce type de contrat vise le flux monétaire et non la livraison d’électricité. Cette entente permet au producteur de couvrir ses risques, en s’assurant de recevoir le prix indiqué dans le contrat pour la durée de ce dernier. Sans un tel contrat, l’actif de production pourrait tourner au ralenti ou à perte chaque fois que le prix du réseau serait inférieur aux coûts d’exploitation du producteur. L’inconvénient pour le producteur est qu’il ne peut faire de profits supplémentaires lorsque le prix du réseau dépasse celui établi dans le contrat. Puisqu’un contrat financier à terme est conclu à l’extérieur du réseau commun d’énergie et est indépendant du flux d’électricité, il permet la participation de parties qui ne sont pas des acheteurs et des vendeurs inscrits au réseau commun d’énergie.
4.2.5 Services accessoires
L’AESO doit également fournir des services de soutien du réseau, ou « services accessoires », en faisant appel aux producteurs dans le cadre du transport d’électricité en assurant la stabilité du réseau par la régulation de la tension et de la fréquence. Ainsi, l’électricité est transmise de manière efficace et fiable partout en Alberta et les pannes d’électricité ou les réductions de tension sur le réseau complet sont évitées. Ces services accessoires sont semblables à ceux d’autres territoires, comme l’Ontario, et comprennent des régimes de réserve d’exploitation, de transport en continu, de démarrage à froid et de délestage des charges.
4.3 Marché de l’électricité
Le marché de l’électricité de l’Alberta se divise en trois secteurs : la production; le transport et la distribution; et la consommation (qui comprend le marché de détail). De façon générale, la production est complètement déréglementée, sauf en ce qui a trait aux exigences d’obtention de permis visant les installations. Inversement, le transport et la distribution sont presque entièrement réglementés, à une exception près : l’infrastructure de transport essentielle régie par le gouvernement. La consommation, quant à elle, est pour ainsi dire déréglementée, hormis pour ce qui est de l’option de tarif réglementé du marché de détail (voir l’alinéa 4.3.3. du chapitre XVI, « Consommation »).
4.3.1 Production
Avant 1996, le marché de la production d’électricité était réglementé en vertu d’un modèle de coût du service fondé sur les services publics, selon lequel les producteurs construisaient et exploitaient des centrales en échange d’un taux réglementé pour l’électricité. À la suite de la déréglementation du marché de la production, les accords d’achat d’énergie ont été introduits pour régir la vente d’électricité provenant des centrales électriques alors existantes.
Les accords d’achat d’électricité avaient une durée variable, le dernier ayant expiré le 31 décembre 2020. Après leur expiration, les installations sous-jacentes ont été retournées à leurs propriétaires initiaux pour servir au réseau commun d’énergie ou être mises hors service.
Les centrales électriques ajoutées après la déréglementation du marché en 1996 n’étaient pas assujetties aux accords d’achat d’électricité et ont été construites, et continuent de l’être, au moyen de capitaux privés. Sauf en ce qui concerne les projets réalisés dans le cadre du programme d’électricité renouvelable à présent terminé (aux termes duquel le gouvernement de l’Alberta s’est assuré d’une capacité de production d’électricité renouvelable pour la période allant de 2016 à 2019), les promoteurs et propriétaires de production d’électricité ne peuvent pas tabler sur un prix fixé par le gouvernement pour l’électricité; ils prennent plutôt tous les risques financiers que le réseau commun d’énergie générera un taux acceptable.
Les producteurs peuvent se protéger contre ces risques financiers en concluant des contrats de vente directe ou des contrats financiers à terme. Ils peuvent également transférer ces risques à des tiers en établissant d’autres types de relations contractuelles. Par exemple, dans un contrat d’achat ferme, un tiers accepte de verser au propriétaire de l’installation un paiement fixe lié à la capacité de production, de même que les coûts d’exploitation et d’entretien en continu, en échange du droit d’offrir et de vendre la capacité de production sur le réseau commun d’énergie.
La déréglementation a également éliminé l’obligation pour les promoteurs d’établir un besoin de nouvelles installations de production sur le marché, au moyen d’une procédure réglementaire avant la construction et l’exploitation d’une telle installation. Le développement de nouvelles installations est plutôt déterminé en fonction de la concurrence du marché, le prix du réseau et la capacité de transport servant de « signal de croissance » pour les promoteurs d’installations potentiels. Si un promoteur potentiel prévoit que l’offre et la demande produiront un prix de réseau capable de fournir un taux de rendement acceptable pour une nouvelle installation, et établit que la capacité de transport est suffisante pour que l’énergie produite soit distribuée au réseau d’électricité interconnecté de l’Alberta, il pourrait aller de l’avant avec le développement, la construction et l’exploitation de cette nouvelle installation. Les installations demeurent toutefois assujetties aux approbations réglementaires, notamment celle de l’AUC, en ce qui a trait à de nombreuses exigences d’obtention de permis, notamment en matière de choix de site, de protection de l’environnement et d’utilisation de l’eau.
4.3.2 Transport
En Alberta, le réseau de transport de l’électricité demeure un monopole naturel et est réglementé en vertu d’un modèle reposant sur le coût des services. L’AESO et l’AUC établissent le tarif de transport. Ce dernier est établi pour que le propriétaire de lignes de transport recouvre les coûts associés à l’exploitation et reçoive un taux de rendement raisonnable sur son investissement. Le transport d’électricité continue d’être réglementé par l’AUC en fonction tant du « besoin » que des exigences relatives aux « installations ».
Si les propriétaires d’installations de transport conservent la propriété de leurs composantes respectives au sein du réseau, celui-ci est exploité dans son ensemble par l’AESO. On dénombre quatre principaux propriétaires d’installations de transport dans la province : ATCO Electric Ltd., EPCOR Energy Inc., ENMAX Power Corporation et AltaLink Management Ltd, ce dernier étant propriétaire de plus de la moitié du réseau de transport de l’Alberta et desservant environ 85 % de sa population. Toutes les entités autorisées à négocier de l’électricité sur le réseau commun d’énergie bénéficient d’un libre accès au réseau de transport.
4.3.3 Consommation
La consommation se compose de deux éléments : (i) les clients qui disposent d’un accès direct au réseau, pour l’essentiel, de grands consommateurs industriels et commerciaux d’électricité qui sont des participants inscrits au réseau commun d’énergie et qui achètent directement leur électricité en gros auprès de celui‑ci; et (ii) le marché de détail, soit les consommateurs commerciaux modérés et résidentiels. Le marché est donc actuellement entièrement déréglementé pour les clients industriels et commerciaux qui soit agissent à titre de détaillants pour satisfaire leurs propres besoins, en interagissant directement avec le réseau commun d’énergie, soit s’approvisionnent auprès de détaillants concurrentiels.
Les participants au marché de détail, des clients résidentiels pour la plupart, ont accès à de l’approvisionnement en électricité offert par des détaillants concurrentiels ou par l’option de tarif réglementé régie par le gouvernement. Cette option permet aux clients résidentiels d’acheter leur électricité selon des tarifs établis mensuellement par l’AUC. Pour leur part, les clients du marché du détail peuvent choisir de conclure un contrat avec un détaillant concurrentiel dans lequel les tarifs et les modalités de service ne sont pas réglementés. Les clients qui choisissent de ne pas conclure de contrat avec un détaillant concurrentiel reçoivent automatiquement de l’électricité provenant du fournisseur visé par l’option de tarif réglementé par défaut de leur région, au tarif établi. Les changements proposés à l’option de tarif réglementé, qui devraient entrer en vigueur d’ici janvier 2025, visent notamment à renommer l’option de tarif réglementé pour en faire le « tarif de dernier recours » (Rate of Last Resort) et fixer l’option de tarif réglementé tous les deux ans plutôt qu’à chaque mois.
4.4 Bouquet énergétique
4.4.1 Bouquet énergétique actuel
En date du 31 décembre 2023, l’Alberta disposait d’une capacité de production d’électricité de 20 777 MW et ses lignes de transport d’électricité s’étendaient sur environ 26 000 km. Le gaz naturel représente la majorité de sa capacité installée en 2023 (environ 57 %). La capacité restante est comblée par les sources renouvelables (environ 34 %) et le charbon et les combustibles mixtes (charbon et gaz naturel) (environ 6 %).
L’énergie éolienne constitue la plus importante capacité de production installée d’énergie renouvelable en Alberta. En date du 31 décembre 2023, l’Alberta se situait au deuxième rang de toutes les provinces et de tous les territoires du Canada, avec une capacité éolienne installée de 4 481 MW. À l’heure actuelle, la production éolienne constitue environ 22 % de sa capacité de production installée.
Après l’expiration du règlement intitulé Generation Approvals Pause Regulation, le gouvernement de l’Alberta a émis des lignes directrices à l’AUC qui doivent s’appliquer aux projets d’énergie renouvelable approuvés à partir du 1er mars 2024. Ces lignes directrices imposent des limites et des conditions aux aménagements réalisés sur des terres agricoles de catégorie 1 ou 2, sur des prairies naturelles ou à moins de 35 km de parcs provinciaux ou de « panoramas préservés » (pristine viewscapes). Les promoteurs devront également déposer une garantie de remise en état auprès de la province ou du propriétaire foncier du terrain sur lequel les infrastructures sont aménagées. Bien que la capacité de production installée provenant d’énergies renouvelables ait augmenté de 1 375 MW en 2023, il reste à voir si les récentes lignes directrices ralentiront le rythme de croissance du secteur des énergies renouvelables dans la province une fois qu’elles seront mises en œuvre.
4.4.2 Gestion des émissions de GES
En 2020, l’Alberta a mis en place le système d’innovation technologique et de réduction des émissions (le « système ») afin de gérer les grandes émissions industrielles en encourageant les installations énergivores à réduire leurs émissions et à investir dans une technologie propre. Le système exige que les installations dans le secteur de l’électricité se conforment au plafond de la « meilleure moyenne pour le gaz » (good-as-best-gas). Avant 2023, ce plafond était établi à 0,37 tonne d’équivalent CO₂ par MWh. La rigueur de ce plafond s’accroîtra annuellement entre 2023 et 2030; durant cette période, le plafond passera de 0,3626 à 0,3108 tonne d’équivalent CO2 par MWh. Les émetteurs peuvent atteindre le plafond d’émissions fixé de différentes façons, notamment en achetant des crédits auprès des installations qui ont dépassé leurs cibles de réduction d’émissions ou en contribuant au fonds établi dans le cadre du système.
5. Colombie-Britannique – Secteur de l’électricité et cadre législatif
Le marché de l’électricité de la Colombie-Britannique (« C.‑B. ») est réglementé. La British Columbia Utilities Commission (« BCUC »), organisme de réglementation indépendant, régit les services publics de distribution de l’électricité conformément à la Utilities Commission Act (« UCA »). La production de l’électricité et son transport vers les utilisateurs dans la province sont la responsabilité de la société de services publics de propriété provinciale BC Hydro, laquelle jouit d’un quasi-monopole sur ces activités.
Il n’existe aucune subvention importante ni aucun incitatif majeur pour les arrivants sur le marché de la production d’électricité en C.‑B. Aucun obstacle précis ne s’oppose aux investissements de particuliers ou de sociétés dans le secteur de l’électricité de la province même s’ils n’y résident pas. Toutefois, dans certains cas, le changement de contrôle d’un service public réglementé par la BCUC pourrait nécessiter l’approbation de cette dernière, qui doit déterminer si ce changement sert l’intérêt général.
On ne trouve pas en C.‑B. de marché libre de l’électricité comparable à ceux de l’Ontario et de l’Alberta. Quiconque est propriétaire ou exploitant d’équipement ou d’installations servant à la production, au stockage, au transport, à la vente, à la livraison ou à la fourniture d’électricité, de gaz naturel, de vapeur ou de tout autre agent servant à la production de lumière, de chaleur, de froid ou d’électricité destiné au public ou à une société, ou pour le compte de l’un ou l’autre de ces derniers, moyennant contrepartie, est régi à titre de service public en vertu de la UCA, sous réserve de diverses exceptions. La BCUC régit et supervise l’exploitation de tous les services publics, y compris l’établissement des normes de service et des taux. De plus, quiconque souhaite aménager et exploiter une installation de production d’électricité doit généralement obtenir un « certificat de commodité et de nécessité publique » auprès de la BCUC avant d’amorcer la construction ou l’exploitation de toute installation ou de tout réseau de service public ou encore d’entreprendre leur agrandissement.
La majorité des terres de la C.‑B. appartient à la province. Quiconque souhaitant établir une installation de production d’électricité érigera vraisemblablement sa construction sur des terres provinciales, ce qui pourrait nécessiter l’obtention auprès des organismes de réglementation provinciaux d’un bail ou d’une autre forme de tenure de même que de permis de construction et d’exploitation. Selon la nature du projet, un éventail de permis, d’approbations et d’évaluations liés à l’environnement peuvent s’imposer. De telles exigences pourraient s’appliquer aux projets visant des terres privées.
La C.‑B. abrite un grand nombre de Premières Nations (peuples autochtones) qui revendiquent la quasi-totalité des terres provinciales comme leur territoire traditionnel. De ce fait, le promoteur d’un projet énergétique, aux termes d’exigences juridiques, devra éventuellement mener des consultations auprès des Premières Nations concernées pour déterminer l’incidence potentielle, s’il y a lieu, de son projet sur les membres de ces communautés. Il devra peut-être mettre en place des mesures d’accommodement pour amenuiser cet impact. Aussi les promoteurs de projet signent-ils souvent des « ententes sur les répercussions et les avantages » ou des arrangements commerciaux similaires avec les Premières Nations visées. Dans toutes les provinces et tous les territoires canadiens, pareilles consultations et mesures d’accommodement sont exigées lorsqu’un projet risque d’entraîner des conséquences pour les Premières Nations.
Bien que BC Hydro soit de loin le plus grand producteur d’électricité en C.‑B., il demeure possible d’y établir ou d’y acquérir une société de production d’électricité indépendante (« SPEI ») qui produit en règle générale de l’électricité à partir de sources renouvelables. Les contrats d’approvisionnement énergétique conclus par une SPEI peuvent être approuvés par la BCUC si l’intérêt public le justifie. Vu le contrôle pour ainsi dire absolu qu’elle exerce sur le réseau de transport d’électricité de la province, presque toutes les SPEI concluent des ententes de connexion et de vente ou d’approvisionnement en électricité avec BC Hydro.
Les objectifs provinciaux de la C.‑B. en matière d’énergie sont intégrés dans la Clean Energy Act, promulguée en 2010. Ces objectifs comprennent notamment l’atteinte de l’autosuffisance en électricité, la promotion du développement de technologies innovantes qui soutiennent la conservation et l’efficacité énergétiques et l’utilisation de ressources propres ou renouvelables, et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En février 2024, le gouvernement de la C.‑B. a annoncé la mise à jour des objectifs énergétiques de la Clean Energy Act, y compris le remplacement de l’objectif existant, qui exige que 93 % de l’électricité produite en C.‑B. proviennent d’une production d’électricité propre ou renouvelable, par un nouvel objectif de 100 % d’ici 2030. Les mises à jour ont également introduit un nouvel objectif consistant à s’assurer que BC Hydro est prête à acquérir suffisamment d’électricité pour atteindre les objectifs climatiques à long terme de la C.‑B.
Le plan CleanBC, lancé initialement en 2018, a instauré une série de mesures visant à réduire les émissions, à mettre en place une économie plus propre et à se préparer aux répercussions des changements climatiques. En 2021, la C.‑B. a publié le document intitulé CleanBC Roadmap to 2030, lequel s’appuie sur le plan CleanBC et comporte des mesures plus strictes pour atteindre l’objectif de 2030 de la province pour la réduction des gaz à effet de serre, soit de réduire les émissions de 40 % par rapport aux niveaux de 2007. Ce plan prévoit également une augmentation de la production de l’énergie propre ou renouvelable à 100 % et comprend d’importants investissements dans l’électrification de la production pétrolière et gazière en amont et l’accès des industries à l’électricité. Ces mesures devraient mener à une hausse marquée de la demande d’électricité auprès de BC Hydro.
BC Hydro achève la réalisation du projet Site C Clean Energy (« projet Site C »), troisième barrage et centrale hydroélectrique sur la rivière de la Paix dans le nord-est de la Colombie-Britannique. Le projet Site C ajoutera 5 100 gigawattheures d’électricité chaque année et fournira 1 100 MW de capacité sûre au réseau. La première date de mise en service du projet Site C est actuellement prévue en 2025. Malgré la mise en service du projet Site C, la C.‑B. nécessitera de nouvelles sources de production d’électricité renouvelable pour atteindre les objectifs prévus au CleanBC Roadmap to 2030.
L’une des principales initiatives visant à soutenir les objectifs de la C.‑B. en matière d’énergie repose sur l’appel d’offres d’électricité de BC Hydro. En avril 2024, BC Hydro a lancé son premier appel d’offres concurrentiel depuis plus de 15 ans en vue d’acquérir de nouvelles sources d’électricité propre et renouvelable. Avant de lancer cet appel d’offres, BC Hydro a mené à bien un processus de consultation auprès des Premières Nations, des producteurs d’électricité indépendants et d’autres parties prenantes concernant l’approche adoptée par BC Hydro pour acquérir environ 3 000 gigawattheures (GWh) par an. Cet appel d’offres a pour objectif d’acquérir de l’énergie provenant : (i) de ressources propres ou renouvelables qui sont financièrement avantageuses pour les clients de BC Hydro, (ii) de projets pouvant être mis en service dès l’automne 2028, et (iii) de projets dont une composante significative sera réalisée en partenariat avec les Premières Nations. La demande de propositions est attendue en septembre 2024. Dans le cadre de l’appel d’offres d'électricité, la province a alloué une somme de 140 M$ à la B.C Indigenous Clean Energy Initiative destinée à soutenir les projets énergétiques menés par des groupes autochtones.