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Guide de Blakes

Litige et règlement des différends au Canada

Chapitre III : Actions collectives

1. Actions collectives

Les actions collectives sont des instances engagées par un représentant demandeur au nom ou au bénéfice d’un groupe de personnes ayant des causes d’action communes. Une action collective vise à traiter efficacement des affaires de torts prétendument causés à un grand nombre de personnes et à améliorer l’accès à la justice pour les personnes dont les causes d’action n’auraient pas pu par ailleurs faire l’objet de poursuites. Chacune des dix provinces canadiennes dispose de législation régissant spécifiquement les actions collectives et, au fédéral, les Règles des Cours fédérales prévoient que des actions collectives peuvent être intentées pour les causes relevant de la compétence de la Cour fédérale. De plus, la Cour suprême du Canada a statué que des actions collectives peuvent être engagées en l’absence de loi habilitante officielle.

1.1 Certification et annulation de la certification

Les lois sur les actions collectives prévoient qu’une telle action sera engagée de la même manière qu’une poursuite ordinaire.

Dans la plupart des ressorts canadiens, le demandeur doit présenter une motion pour permettre que l’instance constitue une action collective après son introduction. Tant que le tribunal n’a pas certifié l’instance, le représentant demandeur ne peut agir au nom du groupe. Au Québec, le demandeur doit présenter une demande d’autorisation pour exercer une action collective et pour agir en tant que représentant du groupe avant l’introduction de l’action par voie de demande introductive d’instance.

La motion en vue de la certification est présentée à un juge. Dans les ressorts canadiens de common law, les conditions à remplir pour obtenir la certification d’une action collective sont semblables et comprennent généralement les suivantes :

  • La plaidoirie doit révéler une cause d’action.
  • Il doit exister un groupe identifiable d’au moins deux personnes.
  • Les demandes des membres du groupe doivent soulever contre les défendeurs des questions communes à tous les membres du groupe.
  • L’action collective doit être la meilleure procédure pour que soient réglées de façon juste et efficace les questions communes.
  • Il doit y avoir un représentant demandeur qui peut représenter de façon juste et appropriée les intérêts du groupe, qui a présenté un plan pour faire avancer l’action collective au nom du groupe et qui n’a pas de conflit d’intérêts avec d’autres membres du groupe.

En 2020, l’Ontario a modifié sa loi sur les actions collectives. En vertu de la loi modifiée, les questions de fait et de droit qui sont communes aux membres d’un groupe doivent l’emporter sur les questions qui touchent uniquement les membres de ce groupe pris individuellement. De plus, les tribunaux ontariens devront déterminer si une action collective constitue le meilleur moyen pour résoudre le litige, par rapport à diverses autres procédures comme celles prévues par la réglementation et d’autres mécanismes de réparation déjà en place.


Le Québec applique des critères assez semblables pour l’autorisation des actions collectives (qui équivaut à la certification des actions collectives). Le Québec a toujours été considéré comme ayant les conditions les moins restrictives à cet égard car, contrairement aux lois des ressorts canadiens de common law, le CPC ne prévoit pas de critère voulant que l’action collective soit la « meilleure procédure ».

L’avis d’ordonnance de certification doit être remis à tous les membres éventuels du groupe et un délai est fixé pour permettre à ces personnes de participer à l’instance ou de s’en retirer. Le mode de remise de l’avis aux membres du groupe dépend surtout de la taille et de la nature du groupe. Il peut aller de l’envoi postal ou d’un courriel aux membres connus du groupe à la publication de l’avis dans les médias de masse et en ligne.

Un tribunal peut ordonner l’annulation de la certification d’une action collective si, par suite de nouveaux renseignements ou événements, les conditions de la certification ne sont plus remplies. Si la certification d’une action collective est annulée, l’instance peut se poursuivre sous forme d’une ou de plusieurs instances entre les parties désignées.


1.2 Conditions de participation

Les conditions à remplir pour participer à une action collective diffèrent d’une province canadienne à l’autre. La Colombie‑Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, l’Ontario, le Québec et la Nouvelle-Écosse ont des régimes d’« exclusion » suivant lesquels tous les membres d’un groupe qui ne souhaitent pas participer à une action collective, quel que soit leur lieu de résidence, doivent prendre des mesures concrètes pour se retirer, sans quoi ils demeureront membres du groupe et seront liés par un jugement ou un règlement sur les questions communes.

Au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve-et-Labrador, des régimes distincts s’appliquent aux membres d’un groupe résidents et non-résidents. Dans ces provinces, les membres d’un groupe résidents ont la possibilité de se retirer. Toutefois, les membres d’un groupe qui résident à l’extérieur de la province et qui souhaitent participer à l’action collective et être liés par l’issue de celle-ci doivent prendre des mesures concrètes pour y participer, comme il est indiqué dans l’ordonnance de certification.

La Cour suprême du Canada n’a pas encore statué précisément sur la question de savoir si une cour provinciale ou territoriale peut certifier, constitutionnellement ou autrement, un « groupe national » composé de membres de plus d’une province ou d’un territoire, pas plus qu’elle n’a statué sur le caractère exécutoire d’une ordonnance rendue dans le cadre d’une action collective à l’encontre des non-résidents. Toutefois, les tribunaux de plusieurs ressorts canadiens de common law certifient régulièrement des groupes nationaux, ce qui donne lieu parfois au chevauchement de plusieurs actions collectives engagées dans divers ressorts.

Bien que la plupart des provinces ne disposent pas de procédure officielle pour coordonner les actions collectives contestées engagées dans différentes provinces et portant sur la même question, certaines provinces ont publié des instructions relatives à la pratique visant l’adoption d’un protocole pour la coordination des audiences de règlement dans les actions collectives. En Colombie-Britannique, lorsque plusieurs actions collectives portant sur la même question sont proposées ou engagées dans différentes provinces, la législation exige que le tribunal détermine dans quelle province l’action doit être instruite à l’étape de la certification. Le tribunal peut alors permettre la certification de l’action collective en Colombie-Britannique, refuser la certification en Colombie‑Britannique en faveur d’une autre province ou refuser la certification pour une partie des membres du groupe proposés qui peuvent obtenir la certification dans une autre province. En 2020, l’Ontario a adopté des modifications à sa législation sur les actions collectives qui imposent une procédure similaire à celle de la Colombie-Britannique décrite précédemment. 

Les tribunaux du Québec ont pour la plupart résisté à la tentation d’autoriser des groupes nationaux. Dans les cas où des groupes nationaux ont été autorisés, les tribunaux du Québec ont généralement exigé que les membres du groupe soient des résidents du Québec ou que leur cause d’action ait un lien avec la province aux termes des règles du droit international privé.

1.3 Déroulement de l’action collective

Une fois que l’action collective est certifiée, on entame le processus normal d’enquête préalable sur les questions communes. Le défendeur a le droit d’interroger au préalable le ou les représentants demandeurs. Avec l’autorisation du tribunal, le défendeur peut également interroger au préalable les autres membres du groupe.

En règle générale, le juge qui rend l’ordonnance de certification entendra toutes les motions présentées dans le cadre de l’action collective avant l’instruction des questions communes. Dans certaines provinces, le même juge peut également procéder à l’instruction des questions communes.

Le règlement des questions faisant l’objet d’une action collective peut nécessiter plus d’une instruction. La première instruction portera sur les questions certifiées comme étant communes à tous les membres du groupe et peut donner lieu à une décision quant au droit à des dommages-intérêts et au montant global de ceux-ci. Le jugement sur les questions communes lie tous les membres du groupe qui ne se sont pas retirés de l’instance. En outre, toutes les résolutions sur consentement approuvées par le tribunal, comme les règlements ou les rejets, lient tous les membres du groupe.

Une fois qu’une décision a été rendue sur les questions communes, il peut être nécessaire d’évaluer de plus près des demandes individuelles. Si un montant global de dommages-intérêts est établi en faveur du groupe, le tribunal doit déterminer, en consultation avec les conseillers juridiques, la méthode à suivre pour répartir les dommages-intérêts entre les membres du groupe. Si des questions individuelles demeurent en suspens après que le tribunal a rendu sa décision sur les questions communes, une procédure doit être établie pour l’évaluation de ces demandes. Le tribunal jouit d’un grand pouvoir discrétionnaire quant au choix de la méthode à suivre pour évaluer les demandes individuelles; il peut notamment décider de se fonder sur les preuves de réclamation déposées ou aller jusqu’à ordonner des instructions complètes des questions individuelles. La méthode d’évaluation choisie par le tribunal dépendra notamment des faits de chaque affaire, du montant des dommages-intérêts ainsi que de la nature et de la portée des questions en suspens.

1.4 Appels

Dans les provinces de common law, il existe un droit d’appel d’une ordonnance refusant de certifier une instance ou d’annuler la certification d’une instance. Dans certaines provinces, une ordonnance certifiant une instance comme action collective ne peut être portée en appel qu’avec l’autorisation du tribunal. Au Québec, il existe un droit d’appel d’une ordonnance refusant d’autoriser une action collective, mais une permission d’appeler est requise à l’égard d’une ordonnance autorisant une action collective, et une telle permission n’est accordée que dans des cas exceptionnels.

Dans toutes les provinces, il existe un droit d’appel d’un jugement sur les questions communes. De plus, il est généralement possible d’interjeter appel de plein droit des ordonnances statuant sur des questions individuelles.

Si un représentant demandeur n’interjette pas appel d’une ordonnance d’audience en vue de la certification ou d’un jugement sur des questions communes dans les délais prescrits, ou si le demandeur se désiste de l’appel, tout autre membre du groupe peut interjeter appel avec l’autorisation du tribunal.

1.5 Dommages-intérêts, dépens, financement et honoraires d’avocats

Les ressorts canadiens ont des approches différentes sur la question des dépens. En Ontario et en Alberta, par exemple, des dépens peuvent être accordés à l’encontre de la partie perdante dans une action collective comme dans toute autre instance. En Colombie-Britannique et à Terre-Neuve-et-Labrador, toutefois, des dépens sont rarement accordés dans une action collective, mais les tribunaux ont le pouvoir discrétionnaire d’accorder des dépens lorsque la conduite d’une partie est jugée vexatoire, frivole ou offensante, ou lorsque des mesures inappropriées ou non nécessaires ont été prises.

Le représentant demandeur doit retenir les services d’un avocat pour qu’il agisse au nom de l’ensemble du groupe relativement à la décision sur les questions communes. Les honoraires conditionnels sont permis dans toutes les provinces. L’entente relative aux honoraires d’avocats et aux débours doit 1) être consignée par écrit, 2) indiquer les modalités de paiement des honoraires et des débours, 3) indiquer une estimation des honoraires prévus, 4) indiquer si les honoraires sont subordonnés à l’issue favorable, et 5) indiquer le mode de paiement choisi. Dans la plupart des provinces, l’entente relative aux honoraires et aux débours entre un avocat et le représentant demandeur n’est exécutoire qu’avec l’autorisation du tribunal sur demande de l’avocat. Les sommes dues aux termes d’une entente exécutoire constituent une charge de premier rang sur les sommes qui font l’objet d’un règlement amiable ou sur le montant des dommages‑intérêts.

Dans certains ressorts canadiens, le représentant demandeur peut obtenir du financement provenant de fonds de dotation publics pour payer les frais de justice.

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