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Guide de Blakes

Litige et règlement des différends au Canada

Chapitre IV : Droit et procédure au Québec


1. Survol

Le Québec fait partie des rares ressorts canadiens où le droit se pratique régulièrement en anglais et en français. Bien que la majorité des avocats pratiquant au Québec soient bilingues et puissent prodiguer des conseils dans les deux langues, il existe néanmoins une perception de barrière linguistique qui semble rendre le Québec moins accessible que les autres territoires. Cependant, la majeure partie des litiges dans les autres villes que Montréal se déroulent en français.

Depuis l’adoption du projet de loi no 96 du Québec, les procédures civiles au Québec sont sujettes à de nouvelles exigences linguistiques. Bien que le français ou l’anglais puisse être utilisé dans le cadre de toute procédure engagée devant les tribunaux de cette province, une personne morale qui souhaite déposer des actes de procédure en anglais est tenue désormais d’y joindre une traduction française certifiée. Elle doit également assumer les frais liés à la production de cette traduction. Au moment de la publication des présentes, la validité des dispositions relatives à ces exigences faisait l’objet d’une contestation constitutionnelle et l’application de ces dispositions demeurait suspendue en attendant l’issue de la contestation.

Une autre différence importante à noter est que le Québec a un régime de droit civil, soit le Code civil du Québec, tandis que les neuf autres provinces et tous les territoires du Canada appliquent un régime de common law. Le fait que le Québec soit régi par un code civil ne signifie pas que la common law ne peut pas être invoquée au Québec. En fait, la common law peut régir les litiges de droit public ou administratif ainsi que les litiges portés devant la Cour fédérale du Canada (qui siège dans les villes de Montréal et de Québec) ou des questions qui relèvent de la compétence fédérale en vertu de la Constitution canadienne, comme le droit pénal, le droit de la faillite et de l’insolvabilité ou le droit maritime.


Sur le plan de la procédure, les instances au Québec doivent suivre le CPC, qui ressemble dans une certaine mesure aux diverses règles de procédure que l’on trouve dans les provinces de common law. Une importante réforme du CPC est entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Le nouveau CPC vise notamment à simplifier et à moderniser de nombreuses règles de procédure civile et à confirmer l’existence de modes privés et volontaires de prévention et de règlement des différends, de même qu’à encourager les parties à explorer ces avenues avant d’intenter des poursuites. D’autres modifications ont également été apportées plus récemment au CPC. Depuis le 1er juin 2022, certains documents et actes utilisés dans le cadre d’opérations immobilières doivent être rédigés en français. Le projet de loi no 8, qui est entré en vigueur le 30 juin 2023, apporte d’importantes modifications à la procédure civile à la Cour du Québec.

2. Tribunaux et compétences du Québec

Le Québec possède deux principaux niveaux de tribunaux : 1) une cour supérieure, à savoir la Cour supérieure du Québec, qui a la compétence principale et inhérente pour entendre la plupart des affaires civiles, et 2) une cour provinciale inférieure, à savoir la Cour du Québec, qui a une compétence limitée prescrite par la loi. La Cour supérieure du Québec est le tribunal de compétence générale en première instance et entend en première instance toute action qui ne fait pas exclusivement partie de la compétence d’un autre tribunal en vertu d’une disposition de la loi. Ainsi, la Cour supérieure du Québec a une compétence inhérente qui s’apparente à la compétence des cours supérieures des autres ressorts canadiens.

Comme c’est le cas dans les autres ressorts canadiens, la compétence en matière de faillite est attribuée expressément à la Cour supérieure du Québec en vertu du paragraphe 183(1.1) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

La Cour du Québec a la compétence, à l’exclusion de la Cour supérieure, pour entendre les affaires civiles dans lesquelles la somme demandée ou la valeur de la chose réclamée est inférieure à 75 000 $ CA, sauf les actions qui sont réservées à la Cour fédérale du Canada. Or, si la somme réclamée ou la valeur de la chose réclamée atteint ou excède 75 000 $ CA sans toutefois dépasser 100 000 $ CA, la Cour du Québec et la Cour supérieure du Québec ont compétence concurrente en la matière. Cette compétence concurrente particulière donne suite à un arrêt de la Cour suprême du Canada rendu en 2021 et à des modifications subséquentes au CPC qui sont entrées en vigueur le 30 juin 2023. Il reste à voir toutefois si ces modifications sont suffisantes pour être conformes à l’arrêt de la Cour suprême du Canada sur la limite de la valeur pécuniaire des causes que peut entendre la Cour du Québec.

La Cour du Québec a une Division des petites créances qui possède ses propres règles de procédure pour les réclamations d’au plus 15 000 $ CA. Cette limite monétaire, qui fait l’objet d’une hausse annuelle en fonction d’une indexation fondée sur certains paramètres réglementaires, doit augmenter d’au moins 1 000 $ CA chaque année. De plus, le Québec a des cours municipales dont la compétence et les pouvoirs des juges de paix sont prévus dans des lois spéciales.

La Cour d’appel du Québec est le tribunal général d’appel pour le Québec. Elle entend l’appel de tout jugement sujet à ce recours, sauf disposition contraire expresse dans le CPC. Plus précisément, il peut être interjeté appel de tout jugement définitif de la Cour supérieure du Québec ou de la Cour du Québec. Cependant, la permission de la Cour d’appel doit être obtenue lorsque la valeur de l’objet du litige en appel est inférieure à 60 000 $ CA.

Un jugement interlocutoire de la Cour supérieure ou de la Cour du Québec peut faire l’objet d’un appel de plein droit s’il rejette une objection à la preuve fondée sur certains devoirs de confidentialité. Les autres jugements interlocutoires ne peuvent faire l’objet d’un appel que si la permission est accordée. Un juge de la Cour d’appel peut accorder la permission d’en appeler si la décision paraît déraisonnable compte tenu des principes directeurs ou de la procédure.

Les arrêts de la Cour d’appel sont généralement rendus par des formations de trois ou de cinq juges. Le dernier mot en matière de litiges au Québec revient à la Cour suprême du Canada, comme dans les ressorts canadiens de common law.

3. Le régime contractuel de responsabilité au Québec

3.1 Rupture de contrat

Deux dispositions du CCQ précisent ce qu’est une réclamation pour rupture de contrat. L’article 1458 explique la responsabilité de la partie en rupture :

Toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés.

Elle est, lorsqu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu’elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l’application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.

L’article 1590 énonce ce que constitue l’exécution d’une obligation :

L’obligation confère au créancier le droit d’exiger qu’elle soit exécutée entièrement, correctement et sans retard.

Lorsque le débiteur, sans justification, n’exécute pas son obligation et qu’il est en demeure, le créancier peut, sans préjudice de son droit à l’exécution par équivalent de tout ou partie de l’obligation :

1)   forcer l’exécution en nature de l’obligation;

2)   obtenir, si l’obligation est contractuelle, la résolution ou la résiliation du contrat ou la réduction de sa propre obligation corrélative;

3)   prendre tout autre moyen que la loi prévoit pour la mise en œuvre de son droit à l’exécution de l’obligation.

Il est à noter que, en droit civil, l’inexécution d’un contrat ne donne pas toujours le droit d’intenter une action. Par exemple, un cas de force majeure exonère le cocontractant de sa responsabilité, même si le contrat ne contient pas de clause de force majeure.

3.2 Recours en cas de rupture de contrat

Plusieurs recours sont ouverts en cas de rupture de contrat, notamment l’exécution en nature, la résiliation et la résolution du contrat, la réduction des obligations, l’inexécution et le droit de rétention.

L’exécution en nature est un recours courant au Québec, mais il s’agit d’un recours exceptionnel en common law. Un tribunal refusera de prononcer une exécution en nature si l’obligation devant être exécutée est une obligation intuitu personæ, c’est-à-dire qu’elle nécessite la participation unique et personnelle d’une personne physique. Qui plus est, l’exécution en nature sera refusée si l’obligation est illégale, dangereuse ou impossible à exécuter ou que celle-ci porte atteinte aux droits d’un tiers, et que les mesures prises sont si complexes qu’il serait difficile, voire impossible, pour le tribunal de vérifier le respect de l’ordonnance.

Le tribunal peut également prononcer la résolution ou la résiliation d’un contrat. La résolution d’un contrat s’entend de la nullité rétrospective et prospective d’un contrat, tandis que la résiliation d’un contrat s’entend de la nullité prospective d’un contrat. Lorsque la violation commise par le défendeur n’est pas assez grave pour justifier la résiliation ou la résolution d’un contrat, le demandeur peut, par voie de requête, demander au tribunal de réduire leurs obligations corrélatives aux termes du contrat. En attendant l’exécution du contrat par son cocontractant, le demandeur peut également suspendre l’exécution de ses obligations aux termes du contrat ou garder en sa possession des biens qui appartiennent au défendeur.

3.3 Dommages-intérêts

Outre les recours indiqués ci-dessus, le demandeur peut demander des dommages-intérêts pour compenser la perte qu’il subit ou le gain dont il est privé. Les dommages-intérêts contractuels sont moindres que les dommages-intérêts extracontractuels. Le défendeur n’est tenu que des dommages-intérêts qu’on a pu prévoir au moment où l’obligation a été contractée, sauf en cas de faute intentionnelle ou de faute lourde. Même dans ce dernier cas, le défendeur ne peut être tenu responsable que de ce qui constitue une suite immédiate et directe de l’inexécution.

4. La responsabilité extracontractuelle au Québec

Au Québec, le régime général de responsabilité extracontractuelle, qui se compare à la responsabilité délictuelle en common law, est énoncé à l’article 1457 du CCQ. Il est à noter que cet article ressemble beaucoup à l’article portant sur le régime contractuel de responsabilité :

Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde.

Les articles suivants du CCQ portent sur la responsabilité par le fait d’un mineur et la responsabilité du fait des biens. Au Québec, pour avoir gain de cause dans le cadre d’une action en responsabilité extracontractuelle, le demandeur doit prouver qu’il y a eu faute de la part du défendeur, qu’il a subi un préjudice et qu’il existe un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

4.1 Devoir de diligence

Contrairement à la common law, le droit civil impose un devoir de diligence général entre les personnes vivant en société. Bien que cela puisse sembler, de prime abord, élargir la portée de la responsabilité extracontractuelle au Québec, le droit civil a adopté une approche plus restrictive en ce qui concerne la faute et la causalité.

Pour illustrer la différence entre l’approche de la common law et l’approche du droit civil, prenons l’exemple d’un passant. Dans un territoire de common law, un passant qui voit une personne en détresse et qui ne fait rien pour l’aider ne peut pas être tenu responsable, car il n’a pas de devoir de diligence envers cette personne. Au Québec, un passant a l’obligation de prendre des mesures raisonnables pour aider une personne en détresse, mais il ne doit pas se mettre en danger.

4.2 Norme de diligence/faute

L’approche du droit civil en ce qui concerne la faute et la norme de diligence est essentiellement similaire à celle de la common law. Les deux régimes ont adopté une norme objective pour évaluer la conduite du défendeur. Le modèle fictif utilisé dans la common law est la « personne raisonnable » (reasonable person), tandis que le modèle traditionnellement utilisé en droit civil est le « bon père de famille », qui traduit indubitablement son âge. Plus récemment, deux nouveaux modèles ont fait leur apparition dans la doctrine, soit l’« honnête citoyen » (honest citizen) et la « personne prudente et diligente » (prudent and diligent person).

Pour atténuer l’effet du devoir de diligence général, les tribunaux évaluent parfois la teneur de la faute. La « personne prudente et diligente », bien qu’elle fasse preuve de prudence et de diligence, n’a pas l’obligation de prévoir toutes les conséquences possibles de ses actions. Ainsi, le tribunal pourrait statuer que le préjudice causé au demandeur est tellement inattendu ou au-delà de toute raison qu’il n’y a pas eu faute de la part du défendeur.

4.3 Préjudice

Les lois ayant trait au préjudice au Québec et dans le reste du Canada ne sont pas tellement différentes. S’il existe une différence, c’est que, au Québec, on traite le préjudice et la causalité de façon distincte, ce qui explique pourquoi on met davantage l’accent sur chacune de ces notions. L’une des particularités du CCQ est la reconnaissance du préjudice moral comme catégorie de dommages indemnisables. On a notamment eu recours au préjudice moral pour indemniser le solatium doloris, le préjudice subi par un conjoint ou un membre de la famille après le décès du demandeur ou un choc nerveux subi par un demandeur.

4.4 Causalité

Les tribunaux civils utilisent la causalité et, plus particulièrement, l’éloignement comme facteurs pour limiter l’effet du devoir de diligence général. Un défendeur ne sera pas tenu responsable de pertes que le tribunal juge trop éloignées.

5. Introduction d’une action et signification

Au Québec, on intente une action au moyen d’une demande introductive d’instance. Le défendeur doit, dans les 15 jours qui suivent la signification, répondre à cette demande en déposant une réponse. Les parties sont ensuite convoquées pour s’entendre sur un échéancier pour le traitement de l’affaire, ce que l’on appelle le protocole de l’instance. Le protocole de l’instance comprend toutes les questions de procédure concernant la présentation de motions préliminaires, la planification des interrogatoires hors cour, la production des rapports d’expertise et le dépôt de tous les actes de procédure pour instruire l’affaire. Si les parties ne s’entendent pas sur un échéancier, le juge leur en imposera un, qui prévoira les délais dans lesquels les diverses étapes procédurales doivent être achevées.

Dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle le protocole de l’instance est approuvé, les parties doivent déposer au tribunal une demande pour que l’affaire soit inscrite pour instruction. Cette demande est faite au moyen d’une déclaration commune indiquant que le dossier est en état et présentant des éléments tels que l’inventaire des pièces et la liste des témoins. Si la déclaration ne peut être commune, le demandeur ou une autre partie peut produire un projet de déclaration, et les autres parties ont alors 15 jours pour produire leur propre projet de déclaration indiquant ce qui doit, selon elles, y être ajouté ou retranché. Si les autres parties ne présentent pas leur propre projet de déclaration, le projet de déclaration initialement produit sera accepté.

À tout moment avant la date de l’instruction, le juge peut tenir une conférence préalable afin de déterminer s’il est possible qu’un règlement intervienne, si des aveux peuvent être faits et le temps nécessaire pour l’instruction. Au Québec, dans une poursuite type, les parties sont entendues de 12 à 36 mois après le dépôt de la demande introductive d’instance et, dans la plupart des affaires civiles, un juge québécois dispose d’un délai d’au plus six mois à compter de la fin de l’instruction pour rendre un jugement. La partie perdante a 30 jours pour en appeler de la décision du juge ou, s’il y a lieu, pour demander la permission d’en appeler. Au Québec, il n’existe aucune procédure pour les jugements sommaires.

Tous les documents introductifs d’instance, par exemple la déclaration introductive d’instance, doivent être signifiés par huissier ou par un autre moyen prévu remplaçant la signification en mains propres. La signification en mains propres se fait habituellement par un huissier et peut prendre d’un à plusieurs jours. Tous les autres documents de procédure doivent être signifiés en mains propres, soit par huissier, par la poste ou, si une partie a autorisé son avocat à accepter la signification, par courriel, par télécopieur ou par service de messagerie. La preuve de la signification est faite par un affidavit de signification sous serment de la personne ayant signifié les documents, ce qui est accepté devant les tribunaux comme preuve de signification.

Il existe des règles claires quant à la manière de signifier des documents à une entité qui n’est pas une personne physique. Par exemple, la signification en mains propres à une personne morale se fait par la remise du document à son siège (s’il est au Québec) ou à l’un de ses établissements au Québec, en laissant le document à une personne qui paraît être en mesure de le remettre à un dirigeant ou à un administrateur de la personne morale ou à l’un de ses agents, ou en le remettant à l’un d’eux, en mains propres.

6. Procédure des tribunaux de première instance

Au Québec, le délai de prescription applicable à la plupart des réclamations civiles contractuelles et extracontractuelles est de trois ans. Lorsque la cause d’action résulte d’un préjudice moral, corporel ou matériel qui se manifeste graduellement ou tardivement, le délai de prescription court à compter du jour où le préjudice se manifeste pour la première fois. Au Québec, la prescription est une question d’ordre public et on ne peut réduire les délais de prescription par contrat ou autrement.


Dans le cadre d’une poursuite type au Québec, le CPC prévoit divers recours dont les parties peuvent se prévaloir dans le contexte de procédures civiles. Outre le dépôt de la demande introductive d’instance visant l’obtention de dommages-intérêts, des recours provisoires sont également ouverts au Québec, notamment des injonctions interlocutoires. Le demandeur peut solliciter auprès d’un juge l’autorisation de saisir avant jugement des biens du défendeur s’il y a des motifs de croire que sans cette mesure, il pourrait être impossible d’obtenir le remboursement de sa créance. De même, l’article 517 du CPC prévoit qu’un demandeur peut aussi faire saisir certains biens avant jugement, sans l’autorisation du tribunal, notamment le bien meuble que le demandeur est en droit de recouvrer et le bien meuble qu’une disposition de la loi lui permet de faire saisir pour assurer l’exercice de ses droits sur celui-ci.

Au Québec, les jugements définitifs peuvent également être exécutés au moyen d’un bref de saisie et de la vente d’un bien, d’une saisie-arrêt par le créancier judiciaire des sommes dues au débiteur judiciaire, et d’une ordonnance pour forcer la mise en possession. Au Québec, un jugement définitif ne peut être exécuté que lorsqu’il devient exécutoire et que le délai pour interjeter appel est expiré.

Enfin, la partie perdante doit, aux termes de l’article 340 du CPC, payer tous les frais de justice, y compris les honoraires du sténographe, à moins que le tribunal n’en décide autrement en indiquant ses motifs. De même, le tribunal peut décider, en indiquant ses motifs, de réduire les frais relatifs aux expertises faites à l’initiative des parties, notamment lorsqu’il estime que l’expertise était inutile, que les frais sont déraisonnables ou qu’un seul expert aurait suffi. Les honoraires d’avocats peuvent être recouvrés en cas d’abus de procédure par l’autre partie, auquel cas les honoraires sont généralement accordés en dommages-intérêts dans le cadre de la demande introductive d’instance ou d’une procédure accessoire plutôt que comme adjudication de dépens. Le recouvrement de ces honoraires est toutefois exceptionnel. En règle générale, chaque partie paie les honoraires de ses propres avocats, qui ne peuvent être recouvrés auprès de la partie perdante.

7. Constitution de la preuve et interrogatoire des témoins

7.1 Généralités

Au Québec, la constitution de la preuve est régie par les articles 221 à 230 du CPC. Les interrogatoires écrits et oraux doivent être indiqués dans le protocole de l’instance. Les interrogatoires oraux ne sont pas permis pour les réclamations de moins de 50 000 $ CA. Dans tous les cas, le droit à des interrogatoires oraux se limite à trois heures pour les réclamations de moins de 100 000 $ CA, et à cinq heures pour les autres réclamations. Cette période peut passer de cinq à sept heures ou de trois à quatre heures avec l’accord de toutes les parties. L’interrogatoire oral se fait sous serment devant un sténographe judiciaire, et chaque partie peut poser des questions pertinentes à chacune des parties adverses.

Au Québec, les objections soulevées pendant un interrogatoire oral, notamment celles portant sur la pertinence, n’empêchent généralement pas la poursuite de l’interrogatoire, le témoin étant tenu de répondre à la question, sous réserve de toute objection sur laquelle le juge doit se prononcer. Cela dit, le témoin peut refuser de répondre à des questions ayant soulevé des objections sur le fondement 1) qu’il ne peut être contraint, 2) de ses droits fondamentaux ou 3) de la protection d’un intérêt légitime important. Dans ce cas, le tribunal doit se prononcer sur les objections dans les cinq jours.

Enfin, la partie interrogée peut s’engager à fournir des renseignements ou des documents à une date ultérieure si ceux-ci ne sont pas disponibles au moment de l’interrogatoire. Il est à noter que l’affidavit de documents n’existe pas au Québec. Une partie n’a pas l’obligation de communiquer d’avance tous les documents qui sont pertinents à l’égard d’une question en litige et qui se trouvent ou se sont trouvés en sa possession ou sous son contrôle ou sa garde. Les interrogatoires hors de cour sont donc particulièrement importants et permettent à la partie qui procède à l’interrogatoire d’obtenir des engagements de la partie adverse pour se faire communiquer les documents pertinents.

7.2 À l’étranger

L’article 499 du CPC permet l’interrogatoire de témoins à l’étranger au moyen d’une commission rogatoire. Plus particulièrement, le tribunal peut, sur motion, nommer un commissaire pour interroger une personne qui réside à l’extérieur du Canada, si son témoignage ne peut pas être recueilli à l’aide de moyens technologiques.

Toute partie peut, après avoir donné un avis aux autres parties, faire admettre des interrogatoires et des contre-interrogatoires par le tribunal et les joindre à la commission rogatoire. Dans tous les cas, qu’il y ait eu ou non des interrogatoires préalables, le commissaire peut lui-même poser, et il doit permettre aux parties de poser, toutes questions pertinentes. De plus, le commissaire réserve les objections à la preuve. Les dépositions sont consignées par écrit et signées par le témoin et le commissaire, à moins qu’elles ne soient transcrites par un sténographe dûment assermenté.

Enfin, le commissaire est autorisé à faire une copie de tout document déposé en preuve par un témoin qui refuse de s’en départir.

8. Reconnaissance de jugements étrangers

Les règles régissant l’exécution des ordonnances de tribunaux situés à l’extérieur du Québec sont énoncées dans le Livre dixième du CCQ. Les mêmes règles s’appliquent à l’exécution des ordonnances de tribunaux d’autres pays et de tribunaux des autres ressorts canadiens. La demande d’exécution se fait au moyen d’une demande introductive d’instance.


L’article 3155 du CCQ prévoit que l’autorité du Québec reconnaît et, le cas échéant, déclare exécutoire toute décision rendue hors du Québec, sauf dans les cas suivants :

  • L’autorité du pays dans lequel la décision a été rendue n’était pas compétente suivant les dispositions du titre du CCQ concernant la reconnaissance et l’exécution des décisions étrangères.
  • La décision, dans le territoire où elle a été rendue, est susceptible d’un recours ordinaire, ou n’est pas définitive ou exécutoire.
  • La décision a été rendue en violation des principes essentiels de la procédure.
  • Un litige entre les mêmes parties, fondé sur les mêmes faits et ayant le même objet, a donné lieu au Québec à une décision, est pendant devant une autorité québécoise ou a été jugé dans un pays tiers.
  • Le résultat de la décision étrangère est manifestement incompatible avec l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales.
  • La décision sanctionne des obligations découlant des lois fiscales d’un pays étranger.

L’article 3158 du CCQ prévoit également que les tribunaux québécois se limitent à vérifier si la décision étrangère dont la reconnaissance ou l’exécution est demandée remplit les conditions prévues dans le CCQ en ce qui a trait à la reconnaissance et à l’exécution des décisions étrangères, sans procéder à l’examen au fond de cette décision.

L’article 3168 du CCQ prévoit que la compétence d’une autorité étrangère n’est reconnue par les tribunaux québécois que dans les cas suivants :

  • Le défendeur était domicilié dans le pays où la décision a été rendue.
  • Le défendeur avait un établissement dans le pays où la décision a été rendue et la contestation est relative à son activité dans ce pays.
  • Un préjudice a été subi dans le pays où la décision a été rendue.
  • Les obligations découlant d’un contrat devaient y être exécutées.
  • Les parties ont soumis à l’autorité étrangère les litiges qui sont nés ou qui auraient pu naître entre elles à l’occasion d’un rapport de droit déterminé.
  • Le défendeur a reconnu la compétence de l’autorité étrangère.

Ainsi, dès lors que le tribunal québécois a établi que l’autorité étrangère était compétente et qu’aucune des exceptions prévues à l’article 3155 du CCQ ne s’applique, la décision sera reconnue et déclarée exécutoire.

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