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Guide de Blakes

Litige et règlement des différends au Canada

Chapitre I : Introduction


1. Aperçu

Le Canada est une confédération composée de 10 provinces et de 3 territoires. Outre le gouvernement fédéral, chaque province et territoire a son propre gouvernement. Le siège du gouvernement fédéral est situé à Ottawa, où se réunissent les députés fédéraux de partout au pays. De plus, la population de chaque province élit des membres à une assemblée législative ou à un parlement provincial.

La Loi constitutionnelle de 1867 du Canada précise les domaines dans lesquels chaque palier de gouvernement a le pouvoir de légiférer. La réglementation du trafic et du commerce, les banques, les brevets, les droits d’auteur, la loi criminelle et la taxation, entre autres, sont du ressort du gouvernement fédéral. Les domaines les plus notables qui relèvent des provinces et des territoires sont la propriété et les droits civils ainsi que l’administration de la justice. Rien d’étonnant à ce qu’il existe des zones de chevauchement. Depuis longtemps, le partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux est source de conflits au Canada.

En raison du régime fédéral du Canada, il peut être nécessaire, dans le cadre d’un différend, de tenir compte à la fois de la législation fédérale et de la législation provinciale/territoriale, selon l’objet du différend en cause. Puisque l’administration de la justice est du ressort provincial/territorial, il peut y avoir des situations où il est plus avantageux ou approprié d’intenter ou de contester une action dans une province ou un territoire en particulier.


2. Système judiciaire

Il y a trois types de tribunaux au Canada. Le choix du tribunal qu’il convient de saisir d’une action est une étape cruciale du processus judiciaire.

Le premier type de tribunal canadien est la cour supérieure de chaque province et territoire. C’est elle qui statue le plus souvent sur les litiges commerciaux et qui possède la compétence générale et inhérente pour entendre les causes civiles et criminelles. Selon la province ou le territoire, le tribunal de première instance est appelé « Cour du Banc du Roi », « Cour suprême » ou « Cour supérieure ». Chaque province et chaque territoire a sa propre cour d’appel, qui est appelée la « Cour d’appel » de la province ou du territoire concerné. Les appels de décisions de la cour d’appel d’une province donnée ou d’un territoire donné sont entendus par la Cour suprême du Canada.


Le deuxième type de tribunal canadien est la cour provinciale ou territoriale, qui tire sa compétence de la législation provinciale ou territoriale (selon le cas). Comme pour la cour supérieure de chaque province et de chaque territoire, la cour provinciale/territoriale porte un nom différent selon la province ou le territoire en question. Par exemple, la Cour provinciale de l’Alberta a récemment été renommée Cour de justice de l’Alberta. En règle générale, la cour provinciale/territoriale a compétence sur certaines questions de droit civil, criminel, familial et provincial/territorial. La compétence de la cour provinciale/territoriale sur les affaires civiles est très limitée par rapport à celle de la cour supérieure. Par exemple, en Alberta, la cour provinciale n’a pas compétence sur les différends fonciers et ne peut trancher des litiges que si les sommes en cause ne dépassent pas 100 000 $ CA. Les appels des décisions de la cour provinciale ou territoriale sont généralement entendus par la cour supérieure de la province ou du territoire concerné. Par exemple, les appels des décisions rendues par la Cour de justice de l’Alberta sont entendus généralement par la Cour du Banc du Roi de l’Alberta. De même, les appels des décisions de la Cour provinciale de la Colombie-Britannique, qui est le nom de la cour provinciale de cette province, sont généralement entendus par la Cour suprême de la Colombie-Britannique, soit la cour supérieure de cette province.

Les tribunaux du troisième type, soit les cours fédérales, ont compétence sur les affaires relevant de lois fédérales (par exemple, la Loi de l’impôt sur le revenu et la Loi sur les marques de commerce), sur certaines questions qui entrent dans le champ de compétence du gouvernement fédéral et, plus particulièrement, sur l’ensemble des conseils, commissions et tribunaux administratifs de régime fédéral. La Cour fédérale du Canada et la Cour canadienne de l’impôt sont deux tribunaux de première instance dont les décisions peuvent être portées en appel devant la Cour d’appel fédérale. Les appels des décisions de la Cour d’appel fédérale sont entendus par la Cour suprême du Canada.

Le tribunal de dernière instance est la Cour suprême du Canada, qui est le plus haut tribunal du pays. Dans certaines circonstances, surtout en matière criminelle, les décisions peuvent être portées en appel de plein droit devant la Cour suprême du Canada. Dans la plupart des cas, toutefois, les parties à des affaires civiles ne peuvent interjeter appel que si elles obtiennent la permission — ou l’autorisation — de la Cour suprême du Canada à la suite du dépôt d’une demande à cet effet auprès de cette dernière.


3. Common law et droit civil

Il est important de comprendre la hiérarchie des tribunaux du Canada pour bien saisir le rôle de la jurisprudence au Canada. À l’exception du Québec, toutes les provinces canadiennes, ainsi que les territoires canadiens, appliquent un régime de « common law ».

Dans un régime de common law, le principe du stare decisis s’applique, c’est-à-dire que les précédents, ou les décisions rendues antérieurement par des tribunaux supérieurs, lient tous les tribunaux inférieurs du même territoire de compétence. Une décision de la cour supérieure d’une province ou d’un territoire est un élément convaincant pour la cour supérieure d’une autre province ou d’un autre territoire, mais n’a pas force obligatoire. De même, une décision de la cour d’appel d’une province ou d’un territoire n’a force obligatoire que dans sa propre province ou son propre territoire, mais elle peut constituer un élément convaincant dans d’autres provinces et territoires. Il n’est pas rare que les cours d’appel de deux provinces ou territoires rendent des décisions différentes sur des questions de droit semblables. Toutefois, une décision de la Cour suprême du Canada lie les autres tribunaux canadiens de tous les types et de toutes les instances.

Le Québec applique un régime de « droit civil » qui découle du Code civil des Français de 1804. Le Code civil du Québec  (le « CCQ ») établit la loi du Québec régissant les différends entre les personnes dans la société. Le principe du stare decisis ne revêt pas autant d’importance puisque le CCQ lui-même se veut clair et facile à appliquer. Bien que l’intégration dans le régime fédéral pose certaines difficultés lorsque des décisions fondées sur le CCQ sont portées en appel, la Cour suprême du Canada conserve sa pleine compétence sur les décisions rendues en vertu du CCQ.


4. Modes de règlement extrajudiciaire

Les parties à un litige peuvent également avoir recours à des modes de règlement extrajudiciaire des différends, comme la médiation ou l’arbitrage. Dans bien des cas, les parties peuvent s’engager contractuellement à régler tous leurs différends par voie d’arbitrage. La plupart du temps, les tribunaux canadiens appliqueront une clause d’arbitrage d’un contrat conclu avant le différend en interdisant aux parties de recourir aux tribunaux et en les obligeant à se soumettre à l’arbitrage. En règle générale, les parties qui souhaitent régler leurs différends par voie d’arbitrage ou de médiation doivent conclure un accord à cet effet, mais une disposition d’un contrat conclu avant le différend constitue un accord suffisant.


Dans certains territoires de compétence canadiens, les tribunaux offrent (et, dans certains cas, peuvent même exiger) des procédures de médiation judiciaire ou de règlement des différends qui permettent aux parties de tenter de régler un différend sans passer par le processus judiciaire après qu’une action officielle a été intentée.


Outre le système judiciaire, le Canada compte un large éventail de tribunaux administratifs et réglementaires qui ont compétence sur diverses activités commerciales. Ces tribunaux ont souvent le pouvoir d’imposer des pénalités et de prononcer des ordonnances de faire.


5. Questions de compétence dans les tribunaux canadiens

5.1 Compétence des tribunaux canadiens

5.1.1 Dans quels cas un tribunal connaîtra-t-il d’une action intentée par un demandeur étranger?

Un tribunal canadien connaîtra d’une action intentée par toute personne morale, à condition que cette personne ait une adresse aux fins de signification dans le ressort canadien dans lequel l’action est intentée. Un demandeur étranger pourrait toutefois être tenu de fournir un cautionnement pour couvrir les frais de défense du défendeur, dont le montant variera d’un ressort canadien à l’autre et selon les circonstances.

5.1.2 Dans quels cas un tribunal exercera-t-il sa compétence sur un défendeur étranger?

Un tribunal canadien exercera sa compétence sur un défendeur étranger si celui-ci réside ou a reçu signification dans le territoire de compétence du tribunal ou se soumet volontairement à la compétence du tribunal. Un tribunal exercera également sa compétence sur un défendeur étranger si celui‑ci a reçu signification à l’extérieur du territoire de compétence, mais qu’il existe un lien réel et substantiel entre l’objet du litige, les parties et le territoire de compétence du tribunal.

5.1.3 Dans quels cas un tribunal refusera-t-il d’exercer sa compétence en faveur d’un tribunal plus approprié?

Au Canada, un tribunal peut refuser d’exercer sa compétence s’il existe un autre tribunal qui est manifestement plus approprié pour la poursuite de l’action et la réalisation des fins de la justice.

Les défendeurs étrangers tenteront souvent de convaincre le tribunal canadien de refuser d’exercer sa compétence en faveur de leur territoire de résidence. Les tribunaux canadiens tiennent compte de divers facteurs pour déterminer quel territoire a le lien le plus étroit et le plus substantiel avec l’affaire. Par exemple, bien qu’un tribunal ait compétence sur un défendeur ayant reçu signification dans son territoire de compétence, le tribunal refusera probablement d’exercer sa compétence si le défendeur n’a qu’une présence passagère dans son territoire.

5.2 Exécution des ordonnances extraprovinciales/extraterritoriales

Un jugement rendu dans une province canadienne ou un territoire canadien peut être reconnu et exécuté ailleurs au Canada (c’est-à-dire dans une autre province ou un autre territoire) si l’une des conditions suivantes est respectée :

  • il existe un lien réel et substantiel entre la province/le territoire d’origine et l’affaire ou le défendeur;
  • le défendeur se soumet à la compétence du tribunal d’origine;
  • il existe d’autres critères justifiant la compétence du tribunal d’origine, comme la présence ou la résidence habituelle du défendeur.

Toutes les provinces de common law, ainsi que tous les territoires, ont des lois accordant la réciprocité qui facilitent la reconnaissance et l’exécution des jugements des autres provinces/territoires. Il existe des lois semblables entre des provinces/territoires du Canada et certains États américains.

Comme le Québec est la seule province canadienne qui applique un régime de droit civil, il ne dispose pas de loi accordant la réciprocité qui facilite la reconnaissance et l’exécution des jugements des autres provinces canadiennes et des territoires canadiens. Les exigences de fond relatives à la reconnaissance et au caractère exécutoire des jugements non québécois se trouvent exclusivement dans le Code civil du Québec (le « CCQ »), tandis que les exigences de procédure en la matière se trouvent exclusivement dans le Code de procédure civile du Québec (le « CPC »). Aux fins de l’application du droit québécois, les autres provinces canadiennes et les territoires canadiens sont considérés comme des États étrangers.

Les tribunaux du Québec reconnaissent et appliquent habituellement les jugements non québécois, sauf si : 1) le tribunal d’origine n’avait pas compétence pour rendre le jugement; 2) le jugement n’est pas définitif; 3) le jugement a été rendu en violation des principes fondamentaux de la procédure; 4) un litige entre les mêmes parties, fondé sur les mêmes faits et ayant le même objet, a donné lieu au Québec à une décision ou est en instance devant un tribunal québécois; 5) le jugement est manifestement incompatible avec l’ordre public; ou 6) le jugement sanctionne des obligations découlant des lois fiscales d’un État étranger qui ne reconnait pas et qui n’applique pas les lois fiscales du Québec.

Litige et règlement des différends

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