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Guide de Blakes

Litige et règlement des différends au Canada

Chapitre VI : Organismes de réglementation et tribunaux administratifs


1. Caractère et objectif généraux des organismes de réglementation

Les ressorts canadiens comptent de nombreux organismes et tribunaux administratifs, régies et commissions, qui réglementent une vaste gamme d’activités et d’intérêts commerciaux. L’exploitation de presque toutes les entreprises peut être touchée d’une façon ou d’une autre par les activités d’un ou de plusieurs de ces organismes.

Les organismes et les tribunaux administratifs sont établis en vertu de lois, qui leur confèrent leur compétence et leur autorité. Les procédures de chaque tribunal varient autant que leurs champs de responsabilité et d’expertise, mais, de façon générale, tous les organismes doivent se conformer aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale. Ainsi, les parties visées par la décision d’un organisme ou d’un tribunal doivent avoir l’occasion d’être entendues, que ce soit verbalement ou par écrit.

La Cour suprême du Canada a établi deux normes de contrôle applicables aux décisions administratives, soit la norme de la décision raisonnable et celle de la décision correcte. La norme de contrôle applicable aux décisions administratives sera présumée être celle de la décision raisonnable et la cour de révision saisie du contrôle d’une décision selon cette norme doit s’intéresser avant tout aux motifs de la décision. Or, la norme de la décision raisonnable ne sera pas la norme applicable dans le cas des deux exceptions qui suivent :

  1. lorsque le législateur a exprimé l’intention que la norme de la décision correcte s’applique, soit en l’énonçant expressément, soit en prévoyant dans la loi un droit d’interjeter appel;
  2. lorsque la règle de droit exige l’application de la norme de la décision correcte, notamment dans le cas de questions constitutionnelles, de questions générales de droit qui revêtent une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et de questions de limite de compétences entre les tribunaux.

Lorsque la loi prévoit le droit d’interjeter appel d’une décision administrative, les questions de droit sont examinées automatiquement selon la norme de la décision correcte. Lorsqu’ils appliquent la norme de la décision correcte, les tribunaux d’appel n’ont pas de devoir de déférence à l’égard de l’entité administrative ayant pris les décisions qu’ils jugent incorrectes. Les questions de fait ou de fait et de droit sont examinées en fonction de la norme de l’erreur manifeste et dominante. Récemment, dans l’affaire Mason c. Canada (Citoyenneté et Immigration), la Cour suprême du Canada a souligné l’importance de la présomption interprétative selon laquelle les lois sont conformes au droit international.

2. Organismes de réglementation ayant une incidence sur les entreprises

2.1 Tribunal de la concurrence

Certains comportements non criminels réglementés par la Loi sur la concurrence du Canada sont susceptibles d’examens par le Tribunal de la concurrence (le « Tribunal »). Les membres du Tribunal comprennent les juges et les personnes qui possèdent une expertise en économie, en affaires et en droit. Ils sont nommés par le gouvernement du Canada afin d’entendre et de trancher des demandes en vertu des parties VII.1 et VIII de la Loi sur la concurrence.

Les pratiques susceptibles d’examen ne sont pas considérées comme criminelles ni interdites à moins qu’elles ne fassent l’objet d’une ordonnance du Tribunal visant précisément ce comportement ou cette partie. Les comportements susceptibles d’examen par le Tribunal comprennent le refus de vendre, l’exclusivité, les ventes liées, la limitation du marché, l’abus de position dominante, le maintien des prix de même que certains autres comportements « anti-concurrentiels ». Si le Tribunal détermine, selon la prépondérance des probabilités, qu’une personne a participé à une activité susceptible d’examen, il peut, selon l’activité, ordonner à cette personne de poser ou de cesser de poser un geste particulier à l’avenir. Le Tribunal ne peut pas imposer de pénalité pour la plupart des pratiques susceptibles d’examen, mais il peut imposer des sanctions administratives pécuniaires en vertu des dispositions relatives à l’abus de position dominante et à certaines pratiques commerciales trompeuses.


Le non-respect de certaines dispositions de la Loi sur la concurrence et l’omission de se conformer aux ordonnances du Tribunal de la concurrence peuvent constituer des infractions criminelles. Les accusations criminelles sont portées devant les cours criminelles, et non devant le Tribunal.

Dans la plupart des cas, les plaintes sont soumises au Tribunal par le commissaire de la concurrence, qui est nommé par le gouvernement fédéral afin de veiller à l’application de la Loi sur la concurrence. Toutefois, les particuliers et les sociétés ont le droit de demander la permission du Tribunal pour déposer des plaintes directement au Tribunal relativement à six domaines circonscrits : l’exclusivité, les ventes liées, le refus de vendre, le maintien des prix, la limitation du marché et l’abus de position dominante.

En ce qui concerne les fusionnements, si le commissaire conclut qu’une opération de fusion ou une opération de fusion proposée est susceptible d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence, le commissaire peut contester l’opération devant le Tribunal. Le Tribunal dispose de vastes pouvoirs pour dissoudre un fusionnement réalisé, ordonner à un acquéreur d’aliéner la totalité ou une partie des actifs ou des actions ou empêcher les parties de procéder à la totalité ou à une partie du fusionnement proposé s’il conclut, selon la prépondérance des probabilités, que le fusionnement est susceptible d’empêcher ou de réduire considérablement la concurrence dans un marché donné. Au moment de décider s’il doit rendre ou non l’ordonnance, le Tribunal doit prendre en considération divers facteurs, notamment la portée de la concurrence étrangère, la déconfiture ou la déconfiture vraisemblable de l’entreprise achetée, la mesure dans laquelle des substituts acceptables existent, les entraves à l’accès, la subsistance du niveau de concurrence réelle, l’élimination d’un concurrent dynamique et efficace, la nature des changements et des innovations sur un marché visé, ainsi que tout autre facteur pertinent pour la concurrence.

2.2 Organismes de réglementation des valeurs mobilières au Canada

La réglementation des marchés des capitaux incombe principalement aux provinces et aux territoires. Ainsi, chaque province et chaque territoire s’est doté de lois, de règlements, de règles et de politiques concernant la gouvernance des marchés des capitaux. De plus, chacun de ces ressorts canadiens a mis sur pied un organisme chargé de réglementer les marchés des capitaux et de faire appliquer les lois sur les valeurs mobilières propres au ressort concerné. Fort heureusement, ces différents organismes ont adopté, dans une large mesure, des approches comparables au chapitre de la gouvernance des marchés des capitaux.

Conformément à la législation qui l’habilite, l’organisme de réglementation des valeurs mobilières de chaque province et de chaque territoire est responsable d’administrer la loi sur les valeurs mobilières de sa province ou de son territoire et doit s’acquitter de toutes les fonctions qui lui incombent en vertu de cette loi. Celles-ci comprennent les fonctions administratives et les fonctions d’établissement de règles et de politiques, sans oublier les fonctions d’enquête et de contrôle de l’application qui sont essentiellement similaires dans tous les ressorts canadiens.

L’organisme de réglementation des valeurs mobilières de chaque province et de chaque territoire dispose de pouvoirs considérables pour faire appliquer les lois sur les valeurs mobilières de la province ou du territoire. Il est habilité à faire enquête sur toute question qu’il peut juger opportune pour l’application régulière du droit des valeurs mobilières ou la réglementation des marchés des capitaux dans sa province ou son territoire. Il est également habilité à participer à l’application régulière du droit des valeurs mobilières ou de la réglementation des marchés des capitaux dans d’autres ressorts.

Le pouvoir d’enquête permet aux personnes désignées par l’organisme de réglementation des valeurs mobilières d’enquêter ou de se renseigner sur les affaires d’une personne ou d’une société. Il leur confère le droit d’interroger les personnes ou d’examiner les documents ou les choses visés par l’enquête demandée. La personne qui entreprend l’enquête dispose de vastes pouvoirs, notamment celui d’assigner une personne à comparaître et de la contraindre à témoigner sous serment ou autrement. En vertu de la Securities Act récemment modifiée de la Colombie-Britannique, les biens de tierces parties peuvent être saisis par la commission des valeurs mobilières provinciale, et les tiers propriétaires et responsables de la tenue de registres tiers peuvent être contraints de collaborer à une enquête. Selon les résultats d’une enquête, les organismes de réglementation des valeurs mobilières se voient conférer le pouvoir concomitant de réaliser des audiences administratives ou réglementaires devant un tribunal quasi judiciaire composé de commissaires désignés. Des modifications récentes à la Securities Act de la Colombie-Britannique habilitent également la commission des valeurs mobilières de cette province à imposer des conséquences aux parties qui ne se conforment pas à une assignation ou à une demande d’information, et ce, sans que la commission doive obtenir une ordonnance à cet effet auprès d’un tribunal, comme c’était le cas précédemment.

En plus de leur capacité de tenir des audiences administratives, les organismes de réglementation des valeurs mobilières sont habilités à intenter des poursuites quasi criminelles en vertu de la législation provinciale ou territoriale relative aux infractions. Il existe trois types d’infractions quasi criminelles :

  1. les infractions générales, comme le fait de faire une déclaration fausse auprès de l’organisme de réglementation des valeurs mobilières;
  2. les infractions commises par les administrateurs et/ou les dirigeants, comme le fait d’acquiescer à la perpétration d’une infraction générale;
  3. les infractions relatives aux opérations d'initiés et à la communication d’information privilégiée. Toute personne trouvée coupable d’avoir commis une infraction de ce type peut se voir imposer une amende maximale de 5 M$ CA et/ou une peine de prison maximale de cinq ans.

En Colombie-Britannique, les accusations peuvent être déposées par le gouvernement provincial en vertu de la Offence Act et entendues devant un tribunal provincial.

Les enquêtes ou les audiences d’un organisme de réglementation des valeurs mobilières provincial ou territorial portent généralement sur la fonction principale de celui-ci, soit de veiller au respect des obligations en matière de communication en temps opportun d’information exacte et suffisante aux marchés des capitaux par les participants de ceux‑ci. Les autres fonctions comprennent la tenue d’enquêtes et la mise en œuvre de procédures d’exécution afin de restreindre ou de décourager les pratiques et procédures du marché frauduleuses et déloyales et le maintien de normes élevées d’aptitude et de conduite professionnelle afin d’assurer la conduite honnête et responsable des participants du marché. En conséquence, l’organisme de réglementation des valeurs mobilières d’une province ou d’un territoire peut tenir des audiences sur des questions comme la manipulation du marché, les obligations de fournir de l’information continue et exacte, ainsi que les violations relatives aux opérations d’initiés.

Les décisions des organismes de réglementation des valeurs mobilières peuvent être portées en appel. Ces appels peuvent être interjetés devant les tribunaux, qui agissent en qualité d’autorité de surveillance à l’égard des décisions de ces organismes. Par le passé, les tribunaux sont peu intervenus dans de telles décisions.

Les organismes de réglementation des valeurs mobilières provinciaux et territoriaux ont une compétence d’appel à l’égard des décisions des « organismes d’autoréglementation », comme l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières, l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels et d’autres organismes de surveillance de l’industrie qui ont un pouvoir réglementaire précis à l’égard des participants des marchés des capitaux. Cette compétence d’appel est exprimée en termes généraux, mais par convention, elle est aussi restreinte que celle exercée par les tribunaux à l’égard des décisions des organismes de réglementation des valeurs mobilières provinciaux et territoriaux.

Le gouvernement fédéral et certaines des provinces ont signé un protocole d’accord en septembre 2014 officialisant les modalités et conditions d’un nouveau projet de protocole d’accord concernant le régime coopératif de réglementation des marchés des capitaux (le « régime coopératif ») au Canada. Dans le cadre du régime coopératif, le gouvernement fédéral ainsi que les gouvernements de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard, de Terre-Neuve-et-Labrador, de la Nouvelle-Écosse et du Yukon délégueraient des pouvoirs à un organisme unique de réglementation, à savoir l’Autorité de réglementation des marchés des capitaux, afin que celle-ci applique la Loi sur la stabilité des marchés des capitaux proposée par le gouvernement fédéral. Toutes les administrations participantes adopteraient cette loi pour remplacer leurs lois en vigueur respectives sur les valeurs mobilières. Le régime coopératif aura pour objet de réglementer le marché des capitaux de manière à engendrer au Canada des marchés des capitaux plus efficients et concurrentiels sur la scène internationale, à mieux protéger les investisseurs, à intégrer des points de vue divers, à accroître la capacité du Canada de cerner et de gérer le risque systémique à l’échelle nationale, ainsi qu’à permettre au Canada de jouer un rôle plus actif sur la scène internationale. En 2017, la Cour d’appel du Québec a statué que le projet de régime coopératif était inconstitutionnel. Toutefois, cette décision a été portée en appel devant la Cour suprême du Canada qui, à l’automne 2018, a statué à l’unanimité que le régime coopératif était constitutionnel. Malgré la décision de la Cour suprême du Canada, le régime coopératif n’a pas encore été mis en œuvre. En avril 2019, la Nouvelle-Écosse a accepté de se joindre au régime coopératif et a signé le protocole d’accord. En raison des effets de la pandémie de COVID-19 et de l’attention que nécessitaient les mesures mises en place par les provinces et les territoires pour pallier cette situation, les travaux relatifs à l’établissement du régime coopératif ont été suspendus le 31 mars 2021. Bien que ces travaux puissent reprendre à tout moment, aucune autre action n’a été mise en œuvre en date de la publication des présentes en mars 2024.

2.3 Organismes de protection de l’environnement


Une multitude de lois et de règlements en matière de protection de l’environnement existent aux échelons fédéral et provinciaux/territoriaux au Canada. Ces règlements encadrent le rejet des contaminants; la gestion et l’élimination des déchets; l’exploitation des ressources naturelles; ainsi que l’importation, la fabrication, la vente et l’utilisation des substances toxiques. De nombreuses activités relevant de ces règlements nécessitent l’obtention de licences, de permis ou d’approbations du gouvernement. 


Les organismes ou les ministères gouvernementaux qui veillent à l’application des lois et des règlements canadiens en matière de protection de l’environnement sont habilités à faire enquête sur les violations de la loi et à engager des poursuites relativement à celles‑ci ainsi qu’à rendre diverses ordonnances et à établir des directives exigeant la conformité aux lois ou la prise de mesures correctives coûteuses.

En ce qui concerne les activités d’application de la loi, l’outil le plus courant dont disposent les organismes environnementaux est d’engager des poursuites devant les tribunaux inférieurs qui se penchent sur les infractions non criminelles réglementaires. Même si certains organismes provinciaux, territoriaux et fédéraux ont récemment obtenu le pouvoir d’imposer des sanctions administratives sans procédures judiciaires, cet outil d’application est rarement utilisé étant donné que les sanctions possibles sont relativement mineures. Les personnes physiques et morales poursuivies devant les tribunaux sont assujetties aux amendes maximales qui, dans le cas des personnes morales, peuvent totaliser des millions de dollars. Les personnes physiques, dont les dirigeants et les administrateurs de sociétés, peuvent être condamnées à un emprisonnement d’un à cinq ans.

À la différence des véritables infractions criminelles, l’organisme qui intente des poursuites n’est pas tenu d’établir l’intention de violer la législation environnementale en question. Toutefois, un accusé peut être acquitté d’une accusation de nature réglementaire s’il peut démontrer que l’infraction est survenue malgré ses efforts diligents de respecter la législation pertinente. Cette défense de « diligence raisonnable » représente un élément important du droit réglementaire ou « quasi criminel » canadien. La diligence raisonnable a conduit à l’élaboration de systèmes de gestion et de conformité environnementales par les personnes qui se livrent à des activités pouvant avoir des effets néfastes sur l’environnement.

Les organismes gouvernementaux disposent de pouvoirs discrétionnaires de réglementation des activités au moyen d’ordonnances, de directives et de permis. Par conséquent, les lois sur la protection de l’environnement prévoient généralement des droits d’appel devant un tribunal indépendant ou quasi indépendant. En outre, les lois sur la protection ou l’évaluation de l’environnement comportent aussi des exigences en matière d’audience publique pour les projets d’importance, comme les installations d’élimination des déchets dangereux et les projets industriels ou de ressources naturelles de grande envergure, visant à garantir que les qualités environnementales du projet et les inquiétudes du public sont toutes deux prises en compte avant le commencement du projet.

Des audiences ou des procédures d’appel peuvent survenir lorsque les organismes assortissent les permis de gestion de l’air et d’élimination des eaux usées ou des déchets de modalités et conditions coûteuses ou lorsqu’ils refusent simplement de délivrer un permis. Il est aussi généralement possible d’appeler d’une décision lorsqu’un organisme environnemental impose une sanction administrative ou rend une ordonnance qui exige qu’une personne procède à une enquête ou prenne des mesures de remédiation. Dans certains cas, ces procédures d’appel prévues par la loi aboutissent en cour ou sont soumises à l’exécutif du gouvernement.

Conformément aux principes généraux selon lesquels un tribunal ne devrait pas être lié par la jurisprudence et devrait pouvoir développer sa propre expertise afin de traiter les questions qui lui sont soumises, les procédures utilisées par les divers tribunaux de protection de l’environnement varient. Ainsi, les règles de preuve jurisprudentielles rigides s’appliquent rarement, et des efforts sont déployés afin d’accommoder les citoyens ordinaires qui participent au processus d’audience, particulièrement ceux devant les tribunaux environnementaux, car la participation du public est considérée comme une part importante de la protection de l’environnement.

Une évaluation des impacts environnementaux est généralement demandée lorsqu’un projet industriel d’envergure nécessite l’obtention d’un permis environnemental. Un tel projet suscite souvent des préoccupations du public largement répandues à l’échelle locale et régionale concernant les répercussions éventuelles du projet sur l’environnement naturel et social. Le processus vise non seulement à obliger le promoteur à faire la preuve qu’il a évalué tous les impacts environnementaux possibles et pris les mesures pour les atténuer, mais démontre aussi que le public a été consulté et a eu l’occasion d’exprimer ses inquiétudes. Si le processus de consultation publique initial échoue à répondre aux préoccupations du public, une audience publique peut être nécessaire pour permettre un débat public de fond. Le processus prend souvent une tournure politique, car le pouvoir de certains tribunaux se limite uniquement à rendre des comptes sur l’audience à un haut responsable du gouvernement et à formuler des recommandations.

Par le passé, les audiences administratives qui visaient à porter en appel les décisions relatives aux licences et aux permis environnementaux ou les ordres d’assainissement de l’environnement suscitaient moins la controverse. Dans les derniers temps, cependant, les organismes environnementaux canadiens se sont montrés plus insistants dans ces domaines. Ainsi, dans de nombreuses régions du pays, un très grand nombre de demandes d’appel remettant en question la sagesse des autorités environnementales dans l’exercice de leurs pouvoirs ont été déposées devant les tribunaux environnementaux. Les tentatives de remédier à la contamination passée des sols et des eaux souterraines ont été particulièrement litigieuses et ont mené à des procédures d’appel qui se sont étirées devant les tribunaux de protection de l’environnement pour finalement aboutir en cour. Dans de nombreux cas, d’anciens propriétaires, occupants, hauts dirigeants et administrateurs étaient nommés dans les ordonnances environnementales, peu importe qu’il y ait ou non des preuves de leur non-respect des lois applicables à l’époque ou de leur participation directe aux activités ayant causé la pollution ou la contamination en question.

2.4 Offices et commissions de l’énergie

Plusieurs lois régissent le secteur canadien de l’énergie aux échelons fédéral et provinciaux/territoriaux. Dans bon nombre de cas, ces lois prévoient une réglementation continue par les organismes et les tribunaux provinciaux, territoriaux et fédéraux.

En 2019, l’Office national de l’Énergie a été remplacé par la Régie de l’énergie du Canada afin de tenir compte des priorités des Canadiens, notamment de leur volonté d’accroître la prévisibilité, la transparence et la participation du public et d’élargir le rôle des peuples autochtones.

La Régie de l’énergie du Canada est un organisme de réglementation fédéral indépendant qui réglemente les aspects interprovinciaux et internationaux du secteur de l’énergie, notamment les suivants :

  • la construction et l’exploitation de pipelines interprovinciaux et internationaux qui transportent des marchandises, notamment le pétrole et le gaz naturel;
  • le transport, les droits et les tarifs des pipelines;
  • la construction et l’exploitation de lignes de transport d’électricité internationales et interprovinciales désignées;
  • l’exportation et l’importation de gaz naturel, de pétrole et d’électricité.

En règle générale, la réglementation des lignes de transport d’électricité et des pipelines entièrement situés à l’intérieur des frontières d’un ressort canadien relève de l’organisme de réglementation de ce dernier. Habituellement, les offices de l’énergie fédéraux, provinciaux et territoriaux examinent la faisabilité économique et technique de même que l’impact environnemental et socioéconomique des projets proposés.

De plus, la réglementation des sociétés de services publics qui fournissent des services d’électricité et de gaz naturel à l’intérieur d’une province ou d’un territoire relève habituellement des organismes de réglementation de la province ou du territoire en question, comme l’Alberta Utilities Commission, la British Columbia Utilities Commission, la Commission de l’énergie de l’Ontario et la Régie de l’énergie du Québec. Les mandats des divers organismes varient d’un ressort à l’autre et dépendent de la façon dont les services publics d’électricité et de gaz naturel sont réglementés. En général, les offices ont la responsabilité de prendre des décisions concernant les plaintes et d’approuver les tarifs de distribution et de transmission imposés par les diverses sociétés de services publics qu’ils réglementent. Ils peuvent aussi réglementer les négociants de gaz naturel et d’électricité même s’ils ne fixent habituellement pas les prix des marchandises vendues.

La plupart de ces organismes fonctionnent d’une manière comparable à celle d’un tribunal civil. Ils peuvent notamment assermenter et interroger les témoins et recueillir les témoignages et tiennent des audiences publiques auxquelles peuvent participer les demandeurs et les parties intéressées. Ces audiences peuvent se dérouler oralement ou par écrit. Les décisions peuvent généralement être portées en appel devant un tribunal, même si le tribunal s’en remettra habituellement aux conclusions de fait et à l’expertise sectorielle de l’organisme et révisera principalement les erreurs de droit ou de compétence.

2.5 Tribunal canadien du commerce extérieur

Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le « TCCE ») est un tribunal administratif fédéral. Il s’agit d’un organisme quasi judiciaire qui exerce ses responsabilités prévues par la loi indépendamment du gouvernement. Le TCCE s’est doté de règles et de procédures qui s’apparentent à celles d’un tribunal judiciaire, mais qui sont moins strictes ou formelles, et ses procédures sont habituellement beaucoup plus courtes. Il a pour mandat d’appuyer un système commercial juste et ouvert.

2.5.1 Tribunal entendant les contestations des offres dans le cadre de marchés publics

Le TCCE agit à titre de tribunal entendant les contestations des offres dans le cadre de marchés publics fédéraux lorsqu’un soumissionnaire estime que le processus de marché public ou le traitement de sa soumission a été injuste. Les plaintes soumises au TCCE doivent être déposées dans les 10 jours ouvrables suivant la date à laquelle le plaignant prend conscience des lacunes du processus d’approvisionnement. Le TCCE procède presque toujours en se fondant sur les observations écrites du plaignant et du gouvernement. Il rend sa décision rapidement, habituellement dans un délai de trois mois.

Si la plainte est confirmée, le TCCE peut rendre diverses ordonnances, notamment une ordonnance demandant 1) la tenue d’un nouveau processus de marché public, 2) la réévaluation des soumissions présentées, 3) l’attribution du contrat au plaignant, 4) la résiliation du contrat spécifique ou 5) l’attribution de dommages-intérêts en fonction de la perte de profit du plaignant.

Les membres du TCCE ont acquis une grande maîtrise des politiques et des lois en matière de marchés publics fédéraux. Ainsi, la Cour d’appel fédérale accorde un poids considérable aux décisions du TCCE, et celles-ci ne sont pas facilement renversées par la cour.

Le TCCE peut avoir compétence concurrente avec la Cour fédérale pour entendre un litige en matière de marchés publics entre le soumissionnaire et le gouvernement fédéral. Toutefois, si le litige porte simplement ou principalement sur la question de savoir si le marché public a violé un accord commercial, la Cour fédérale peut refuser d'entendre le litige au motif qu'il aurait dû faire l’objet d’une plainte au TCCE. Si aucun accord commercial ne s'applique au marché public, le TCCE n’a pas compétence, et le litige doit être entendu par la Cour fédérale.

2.5.2 Dumping et subventionnement

Les accords commerciaux internationaux et la législation canadienne permettent à l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC ») d’imposer des droits sur les marchandises importées lorsque les producteurs canadiens sont défavorisés par la concurrence internationale déloyale. Ces mesures s’appliquent lorsque les marchandises importées sont vendues à un prix inférieur à celui en vigueur sur le marché local ou à un prix inférieur au coût de production (ce qu’on appelle le dumping) et sont avantagées par certains types de subventions gouvernementales ou d’autres mesures d’aide (ce qu’on appelle le subventionnement) et lorsque le dumping ou le subventionnement cause un « dommage sensible » à une branche de production nationale canadienne pour des marchandises similaires.

L’ASFC a la responsabilité de déterminer s’il y a eu dumping et/ou subventionnement. Elle rend une décision provisoire, puis une décision finale à ce sujet. Le rôle du TCCE dans le processus est de déterminer si le dumping et/ou le subventionnement a causé ou menace de causer un dommage sensible à une branche de production nationale ou des retards. Le TCCE tient une enquête préliminaire de dommage fondée exclusivement sur des observations écrites afin de déterminer si la plainte déposée auprès de l’ASFC offre une indication raisonnable de dommage. Si le TCCE rend une décision négative, toute l’enquête prend fin. Si le TCCE rend une décision positive, l’ASFC rend alors sa propre décision provisoire et le TCCE entreprend une enquête formelle de dommage. Si le TCCE estime qu’un dommage sensible a été causé, l’ASFC continue d’imposer des droits antidumping ou compensateurs à l’égard des importations faisant l’objet de dumping ou de subventionnement.

Les parties à une affaire de contestation des offres ou de dumping ont le droit d’interjeter appel des décisions du TCCE devant les tribunaux fédéraux et, éventuellement, devant la Cour suprême du Canada. Dans certaines affaires mettant en jeu les intérêts américains ou mexicains, les décisions du TCCE concernant des allégations de dumping ou de subventionnement peuvent être passées en revue par un groupe binational en vertu de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (l’« ACEUM »).

2.5.3 Appels et autres questions

Le TCCE a notamment pour mandat d’entendre les appels des décisions de l’ASFC rendues en vertu de la Loi sur les douanes et de la Loi sur les mesures spéciales d'importation et des décisions du ministre du Revenu national rendues en vertu de la Loi sur la taxe d’accise. Dans le cas des décisions de l’ASFC rendues en vertu de la Loi sur les douanes, le TCCE entend les appels des décisions portant sur des questions de classement tarifaire, d’évaluation et de pays d’origine. Les propres règles de procédure du TCCE s’appliquent. Habituellement, les appels devant le TCCE sont entendus par des groupes de trois membres, mais dans certains cas, un seul membre peut entendre l’appel.

2.6 Conseils des relations de travail

Les lois sur les relations de travail de chaque province/territoire et le Code canadien du travail au fédéral prévoient la constitution d’un conseil des relations de travail. Les conseils des relations de travail sont des instances administratives spécialisées chargées de veiller au respect des lois applicables en matière de relations de travail. Ils s’acquittent de fonctions administratives et décisionnelles.

La plupart des conseils des relations de travail sont composés d’experts des relations de travail impartiaux et de représentants des travailleurs et de la direction. Au moment de rendre une décision, le conseil tranche les questions en groupe de trois personnes, composé généralement du président ou du président suppléant ou du vice-président et de deux membres, un représentant l’employeur et l’autre les employés, ou composé simplement du président, du président suppléant ou d’un vice-président siégeant seul.

Les conseils des relations de travail sont responsables des questions qui suivent :

  • l’accréditation et la révocation de l’accréditation des syndicats à titre d’agents négociateurs des employés;
  • le traitement et la résolution, par règlement ou décision, des plaintes relatives aux pratiques déloyales de travail et des plaintes d’employés contre leurs syndicats relativement au devoir de représentation juste;
  • la formulation de déclarations et de directives relativement aux grèves et aux lockouts illégaux et, dans certaines circonstances, au piquetage illégal;
  • la formulation de déclarations du successeur et de l’employeur connexe advenant la vente d’une entreprise ou d’autres opérations d’entreprise;
  • dans certains territoires et certaines circonstances, l’arbitrage des griefs découlant des conventions collectives;
  • la fourniture de directives relativement aux différends entre syndicats ou portant sur la compétence en ce qui concerne la répartition des responsabilités.

Les lois sur les relations de travail peuvent aussi déléguer aux conseils des relations de travail des responsabilités supplémentaires, comme celles d’enquêter sur les plaintes selon lesquelles un employé a fait l’objet de mesures disciplinaires pour avoir exercé ses droits en vertu des lois sur la santé et la sécurité au travail, de diriger l’établissement des modalités d’une première convention collective par l’arbitrage, de faire appliquer les lois sur l’emploi dans le secteur public, d’examiner les conclusions des agents des normes d’emploi au sujet de contraventions alléguées aux lois sur les normes d’emploi et d’entendre les appels des ordres remis par les inspecteurs concernant des violations des lois sur la santé et la sécurité.

Les conseils des relations de travail fournissent aussi des services régionaux ou administratifs qui visent à faciliter le règlement des différends et à permettre aux employeurs, aux syndicats et aux employés de concevoir des solutions adaptées à leurs besoins. La plupart des conseils des relations de travail comptent des agents qui ont la responsabilité de tenter de régler les différends, par la médiation ou autrement, après qu’une demande a été déposée à un conseil et de diriger les votes surveillés par le conseil, comme les votes sur l’accréditation ou les votes sur les offres finales, et d’offrir leur assistance à cet égard.

Si une question ne peut être réglée de façon informelle par les services régionaux d’un conseil, celui‑ci tiendra une audience formelle et rendra une décision écrite. Les conseils des relations de travail tiennent des audiences décisionnelles complètes au cours desquelles les parties sont tenues de présenter des éléments de preuve et leurs arguments juridiques. Les ordonnances des conseils des relations de travail peuvent être mises en application par l’exercice des pouvoirs des tribunaux ou par une poursuite par le conseil.

Les décisions des conseils des relations de travail sont protégées de l’intervention des tribunaux par des clauses restrictives dans les lois sur les relations de travail qui prévoient habituellement que les décisions d’un conseil sont définitives et lient les parties. Toutefois, une partie à une procédure menée par un conseil des relations de travail peut toujours tenter de faire annuler une décision du conseil en demandant une révision judiciaire. Les décisions du conseil seront généralement passées en revue selon la norme de la décision raisonnable. Un tribunal annulera la décision d’un conseil si celui‑ci a contrevenu aux principes de justice naturelle ou d’équité procédurale.

3. Consultations avec les peuples autochtones

La Loi constitutionnelle de 1982 du Canada consacre les droits des peuples autochtones du Canada. Plus particulièrement, l’article 35 reconnaît les droits sui generis (uniques) qui imposent à la Couronne l’obligation de se conduire honorablement envers les peuples autochtones. Cette obligation fait partie du processus visant à réconcilier l’affirmation par la Couronne de sa souveraineté sur des peuples autochtones et l’exercice de son autorité sur des terres et ressources qui étaient jusque-là sous l’autorité de ces peuples. Dans le cadre de son obligation, la Couronne est tenue de consulter et, s’il y a lieu, d’accommoder les peuples autochtones lorsque sa conduite pourrait avoir un effet préjudiciable sur les droits ancestraux.


Pour les besoins de l’obligation de consulter, la conduite de la Couronne comprend une décision par un organisme gouvernemental, un ministre du cabinet ou une entité administrative ayant l’autorité de délivrer une licence, un permis ou une autre autorisation à des promoteurs de projet non gouvernementaux. Ainsi, les droits ancestraux doivent souvent être pris en compte lors de l’approbation par les organismes de réglementation des projets d’extraction de ressources ou d’infrastructures, comme les projets qui nécessitent l’approbation de la Régie canadienne de l'énergie. Le droit et la pratique éclairant les rôles respectifs du gouvernement, de l’organisme de réglementation ou du tribunal et des promoteurs de projets lors de la consultation des peuples autochtones dans le cadre du processus d’approbation réglementaire continuent d’évoluer.

La Cour suprême du Canada a conclu que la Couronne peut recourir au processus réglementaire afin de s’acquitter partiellement ou complètement de son obligation de consulter, tant que les obligations et pouvoirs prévus par la loi de l’organisme lui permettent de faire ce que l’obligation exige dans la situation donnée. Comme la Couronne est toujours liée par son obligation, cela peut nécessiter des actions supplémentaires au nom de la Couronne afin de prévoir des avenues supplémentaires de consultation et d’accommodement véritables avant l’approbation d’un projet. Le processus d’approbation de la Régie canadienne de l'énergie peut lui-même déclencher l’obligation de consulter. Au bout du compte, la consultation par la Couronne doit être appropriée et adéquate, et toute décision touchant les droits des Autochtones ou les droits issus d’un traité doit être prise conformément à l’obligation de consulter.

L’ampleur de la consultation requise des Autochtones dépend du contexte, notamment de la solidité des revendications des peuples autochtones à l’égard du droit invoqué et les effets préjudiciables potentiels du projet proposé. Par exemple, le gouvernement ou l’organisme de réglementation peut être tenu de prendre en compte les intérêts des Autochtones en soumettant l’approbation du projet au respect de conditions relatives à la protection de l’environnement ou en exigeant que les promoteurs d’un projet démontrent comment le projet peut profiter aux peuples autochtones. Lorsque la Couronne ne remplit pas adéquatement son obligation de consulter ou, s’il y a lieu, d’accommoder, les peuples autochtones visés peuvent demander un contrôle judiciaire de la décision prise par l’organisme gouvernemental ou réglementaire. Selon le type de décision en cause, le contrôle judiciaire doit être entamé devant une cour supérieure provinciale/territoriale ou la Cour fédérale. Habituellement, une demande de contrôle judiciaire doit être soumise dans un délai de 30 à 60 jours suivant la date de la décision.

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