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Guide de Blakes

Litige et règlement des différends au Canada

Chapitre II : Survol du processus judiciaire canadien


Le Canada est régi par deux systèmes de droit différents : la common law et le droit civil. Dans le système de common law – dans toutes les provinces et tous les territoires, sauf le Québec –, les tribunaux interprètent la signification et l’application de la législation et, de ce fait, créent le droit, plutôt que se fier à la législation émanant du gouvernement seulement. Les décisions des tribunaux établissent des précédents pour des décisions futures dans des affaires semblables. Le système de common law est fondé sur l’expression stare decisis, qui signifie le « respect des décisions » et sur la hiérarchie des tribunaux; les décisions des tribunaux supérieurs lient les juges des tribunaux inférieurs. La common law est soumise à la Loi constitutionnelle de 1867 et à la Charte canadienne des droits et libertés. Le système de droit civil – uniquement au Québec – est fondé sur le CCQAux termes de ce système, le CCQ est la principale source de droit et les décisions des tribunaux servent de guides sur la façon de l’interpréter. Cela dit, le système de common law a eu une forte influence au Québec et les décisions antérieures font souvent autorité pour ce qui est de leur interprétation et de leur application du CCQ. Au Québec, il n’y a pas de procès avec jury pour des affaires civiles.


1. Procédures judiciaires générales

1.1 Délai d’introduction des procédures

Les délais d’introduction des actions sont établis dans les lois provinciales et territoriales, à certaines exceptions près pour des questions de compétence fédérale. Si une partie n’entame pas les procédures judiciaires dans les délais de prescription applicables, il pourrait lui être interdit de faire valoir sa réclamation.


Les délais de prescription varient d’une province à l’autre et d’un territoire à l’autre, et souvent même dans une même province ou un même territoire, selon le type d’action. Le délai de prescription général en Alberta, en Colombie-Britannique et en Ontario est de deux ans pour la plupart des actions civiles, mais dans certaines circonstances limitées, il est plus court. À titre d’exemple, en Colombie-Britannique, le délai pour envoyer un avis de réclamation à un organisme municipal n’est que de deux mois pour certains types de réclamation.


En plus des délais de prescription fixés dans les lois, certaines doctrines de common law – comme celles du retard injustifié et de l’acquiescement – accordent aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire de rejeter une réclamation si le demandeur ne fait pas valoir ses droits dans un délai raisonnable.

Il est recommandé aux personnes qui pourraient possiblement vouloir intenter une action d’obtenir un avis juridique dès qu’elles ont connaissance d’une réclamation, et ce, afin d’éviter de dépasser le délai de prescription et de risquer de ne pas pouvoir intenter l’action.


1.2 Actes de procédure

Dans les actions civiles au Canada, la nature et la portée du différend que doivent résoudre les tribunaux sont définies par les actes de procédure déposés par les parties au différend. Les actes de procédure sont un exposé concis des faits que chaque partie doit prouver devant le tribunal afin d’établir sa position. Le demandeur doit plaider tous les faits nécessaires pour établir une cause d’action valable contre chaque défendeur, et chaque défendeur doit plaider tous les faits nécessaires pour réfuter cette cause d’action. Les actes de procédure visent à définir les faits et les questions en litige qui seront pertinents au procès.

1.2.1 Actes introductifs d’instance

Pour intenter une action civile, un acte introductif d’instance doit être déposé auprès du tribunal et signifié à la partie adverse. Les règles de procédure dans chaque province de common law et chaque territoire, ainsi que dans le CPC, précisent les modèles requis. La plupart des provinces et territoires exigent qu’une action soit intentée au moyen d’une déclaration (au Québec, une demande introductive d’instance) qui énonce les détails de la réclamation et le redressement demandé.

Un document introductif d’instance plus schématique – à savoir, un avis d’action/de poursuite – est permis au Nouveau-Brunswick et en Ontario. Un avis d’action/de poursuite donne un avis général de la poursuite. Aux termes des règles de procédure, une déclaration est annexée à l’acte introductif d’instance ou est déposée et signifiée à une date ultérieure.

1.2.2 Défense

Après la signification d’une déclaration, chaque défendeur dispose d’un certain nombre de jours pour remettre une réponse juridique officielle (généralement appelée une défense) à la déclaration. Si la défense n’est pas signifiée au demandeur et déposée auprès du tribunal au plus tard à l’échéance applicable, le demandeur pourrait demander au tribunal un jugement par défaut contre le défendeur sans autre avis au défendeur. Voir chapitre II, rubrique 1.5.1 « Jugement par défaut ».

Si le défendeur demande un redressement à l’encontre du demandeur, il peut déposer une demande reconventionnelle contre le demandeur. Le défendeur peut également présenter des réclamations contre d’autres défendeurs dans une demande entre défendeurs, ou il peut se joindre à d’autres parties dans l’action au moyen d’une mise en cause ou, au Québec, d’une action en garantie. Voir chapitre II, rubrique 1.2.4 « Jonction des parties ».

1.2.3 Modification des actes de procédure

Les règles de procédure dans chaque province et chaque territoire permettent généralement aux parties de modifier les actes de procédure. Toutefois, il y a des différences importantes quant au délai et à la méthode pour apporter de telles modifications. L’autorisation du tribunal peut être requise dans certaines circonstances.

De façon générale, une partie a le droit de modifier son acte de procédure avant la clôture de la procédure écrite (habituellement définie comme le moment où toutes les parties ont déposé leurs actes de procédure et où le délai pour une réponse est expiré). Dans certains ressorts canadiens, la partie adverse peut demander au tribunal d’annuler la modification, alors que dans d’autres ressorts, la modification peut généralement se faire sans autorisation du tribunal, sauf si la modification exige la jonction, la radiation ou la substitution d’une partie. En Colombie-Britannique, par exemple, les parties peuvent apporter librement une modification avant la signification de l’avis du procès, après quoi elles doivent obtenir l’autorisation du tribunal ou le consentement des autres parties.

1.2.4 Jonction des parties

Aux termes des règles de procédure dans les ressorts canadiens de common law et du CPC, le tribunal peut ajouter ou substituer une personne comme partie à une instance : 1) lorsque cette personne aurait dû être jointe comme partie ou que la participation de cette personne à l’instance est essentielle pour assurer la résolution effective de toutes les questions en litige dans la procédure; ou 2) lorsqu’il est juste et opportun de le faire. Ainsi, le tribunal a le pouvoir discrétionnaire de joindre non seulement les « parties nécessaires », mais également les parties lorsqu’une question de droit et de fait commune est soulevée au cours de l’instance, que la demande de redressement découle de la même opération ou du même événement et que la jonction paraît susceptible de faciliter l’administration de la justice.

Les règles de procédure de bon nombre de ressorts canadiens prévoient que le tribunal peut accorder une dispense de jonction aux parties. Cette dispense peut être accordée si la jonction de plusieurs demandes ou parties paraît susceptible de compliquer ou de retarder indûment l’audience ou de causer un préjudice indu. Le redressement peut prendre la forme d’audiences distinctes ou d’une ordonnance adjugeant des dépens à une partie à titre d’indemnité si elle a dû assister à une partie de l’audience à laquelle elle n’est pas intéressée — ou la dispenser d’y assister.

1.2.5 Jonction des questions en litige

Une partie peut joindre plusieurs causes d’action contre la partie adverse dans la même procédure.

1.3 Constitution de la preuve

1.3.1 Précisions

Les règles de procédure des ressorts canadiens de common law et le CPC énoncent les exigences relatives aux actes de procédure dans le cadre d’une instance. Si un acte de procédure ne fournit pas tous les renseignements nécessaires pour pouvoir répondre aux allégations ou s’il est vague ou trop général, une partie peut demander des « précisions ». Les précisions fournissent une explication plus détaillée des faits ou des questions de droit de la demande. Si la partie adverse omet de fournir les précisions dans les délais impartis, une demande peut être présentée au tribunal pour que celui-ci lui ordonne de les fournir.

1.3.2 Communication des documents

Après l’échange d’actes de procédure, les parties à une instance dans les ressorts canadiens de common law doivent échanger une liste de l’ensemble des documents qui sont en leur possession ou dont ils ont la garde et qui sont pertinents à l’égard des questions soulevées dans les actes de procédure, à l’exception des documents privilégiés. Dans certains ressorts canadiens, ces documents sont accompagnés d’un affidavit de documents sous serment d’un représentant de chaque partie.

Au Canada, la définition du terme « documents » englobe les documents papier, les courriels, les fichiers informatiques, les enregistrements audio, les vidéos et les documents sur support électronique. La définition du terme « pertinence » est également large.

La partie adverse a le droit de recevoir une copie de chaque document figurant dans la liste de documents qui ne sont pas privilégiés. Les documents privilégiés sont généralement ceux qui sont créés en vue de la prestation ou de l’obtention de conseils juridiques (le « privilège du secret professionnel de l’avocat ») ou principalement en prévision d’un litige, même si on n’a pas recours à un avocat. Dans le cas où des conseils juridiques de quelque nature que ce soit sont demandés à un conseiller juridique professionnel, les communications confidentielles relatives à la prestation ou à l’obtention de ces conseils font l’objet d’une protection permanente contre toute divulgation, à moins que le client ne renonce à cette protection. Le privilège du secret professionnel de l’avocat s’applique aux communications de n’importe quelle forme, mais pas aux faits pouvant être mentionnés dans ces communications si ceux-ci sont par ailleurs susceptibles d’être communiqués et pertinents. Bien qu’ils ne soient pas fournis à l’autre partie, les documents privilégiés doivent faire l’objet d’une liste distincte dans la liste de documents.

Si un tiers détient des documents pertinents, une partie à une action peut présenter une demande d’ordonnance exigeant que ce tiers produise ces documents à des fins d’examen. Encore une fois, il y a une dispense pour les documents privilégiés.

Sous réserve de certaines exceptions, les parties à une action ne peuvent utiliser la preuve ou l’information obtenue par suite de la communication de documents et de l’interrogatoire préalable oral des autres parties au litige à d’autres fins que celles de l’instance pour laquelle la preuve a été obtenue.


Ce processus de communication de documents n’a pas été intégré dans le droit québécois. Afin d’obtenir des documents d’une autre partie, une partie au litige doit envoyer une assignation à produire (dans le cas de documents), dans laquelle elle précise les documents qu’elle veut obtenir, ou demander que lui soient communiqués des documents précis sous forme d’engagement lors d’un interrogatoire préalable

1.3.3 Administration de la preuve électronique

Le processus de collecte, d’examen et de production des courriels, des fichiers informatiques et des autres dossiers électroniques pertinents s’appelle l’« administration de la preuve électronique ». Dès le début d’un litige, ou même avant, une partie devrait imposer une exigence de conservation aux fins du litige afin de conserver et de recueillir les fichiers électroniques pertinents. L’omission de le faire pourrait nuire à la cause d’une partie voire, dans des cas extrêmes, entraîner le rejet d’une demande.

Le processus d’administration de la preuve électronique peut être long et coûteux. Cela est d’autant plus vrai dans le cas de litiges découlant de projets ou d’opérations d’envergure ou complexes, dans le cadre desquels il peut y avoir des millions de documents électroniques pertinents. Afin de tenter de faciliter le processus d’administration de la preuve électronique, les Règles de procédure de l’Ontario ont adopté les Principes de Sedona Canada concernant l’administration de la preuve électronique, qui se trouvent maintenant dans leur troisième édition. Ces principes encouragent les parties à collaborer afin d’établir un plan conjoint d’administration de la preuve qui définit la portée et le processus connexe, comme la mise en place de protocoles de codage des documents et le recours à l’analyse assistée par la technologie. Ils ont principalement pour objet de veiller à ce que le processus d’administration de la preuve électronique soit proportionné à la nature du litige et au montant en jeu.


Mis à part l’Ontario, seulement quelques autres ressorts canadiens ont modifié leurs règles de procédure afin d’aborder directement les défis que présente l’administration de la preuve électronique. Cependant, des tribunaux de la plupart des ressorts canadiens ont démontré qu’ils sont de plus en plus disposés à mettre l’accent sur la proportionnalité du processus d’administration de la preuve électronique, plutôt qu’à faire respecter rigoureusement la règle habituelle voulant que tous les documents pertinents doivent être produits, surtout si les parties se sont entendues sur la portée et le processus de l’administration de la preuve électronique.


1.3.4 Interrogatoires préalables

Après l’échange des documents pertinents, les parties peuvent interroger au préalable la partie adverse. Dans certains ressorts canadiens, dont l’Alberta, ce processus s’intitule questioning. Comme c’est le cas pour d’autres aspects de la procédure civile, chaque ressort canadien dispose de règles différentes relativement à la disponibilité et à la portée des interrogatoires préalables dans le cadre d’une action. Dans certaines provinces, comme l’Ontario, il n’y a pas de droit automatique permettant d’interroger au préalable plus d’un représentant d’une partie qui est une personne morale ou d’interroger des personnes qui ne sont pas des parties au litige. Pour ce faire, une partie doit obtenir la permission du tribunal.

Le témoin interrogé pour le compte d’une partie qui est une personne morale doit être bien informé au sujet de ce dont la personne morale a connaissance. Si le témoin ne connaît pas la réponse à une question donnée, il pourrait devoir se renseigner et fournir la réponse à une date ultérieure par écrit. Par exemple, un représentant d’une personne morale pourrait devoir découvrir ce qu’un autre employé a dit ou fait relativement à une question en particulier. Dans des affaires complexes, il n’est pas rare qu’il y ait de nombreuses demandes pour fournir de l’information et des documents.

Sous réserve de certaines exceptions, notamment lorsque de l’information est considérée comme privilégiée, la personne interrogée doit répondre à toutes les questions pendant l’interrogatoire préalable. Toutes les réponses sont données sous serment ou sous affirmation solennelle en présence d’un sténographe judiciaire, et aucun juge n’est présent. L’interrogatoire se déroule généralement dans un bureau. La partie qui pose les questions pourra utiliser la transcription de l’interrogatoire plus tard lors de l’instance.

Une partie doit avoir remis sa liste des documents qui feront l’objet de l’interrogatoire préalable avant de pouvoir signifier un avis d’interrogatoire, à moins que les parties n’en conviennent autrement. Les interrogatoires préalables peuvent être un processus long et coûteux, et bon nombre d’affaires sont réglées à cette étape. Certains ressorts canadiens, comme l’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique, imposent une limite quant à la durée d’un interrogatoire préalable. Cette durée peut être prolongée sur consentement ou par ordonnance du tribunal.


Au Québec, un défendeur peut, avant ou après le dépôt de la défense, interroger le demandeur ou le représentant d’un demandeur qui est une personne morale, tandis que le demandeur interroge habituellement le défendeur ou le représentant d’un défendeur qui est une personne morale seulement après le dépôt de la défense, afin d’assurer l’efficacité et la gestion adéquate de l’instance. Au cours de ces interrogatoires, le demandeur peut demander que des documents lui soient communiqués sous forme d’engagements à une date ultérieure. Des tiers peuvent être interrogés uniquement avec leur consentement et avec celui de l’autre partie, ou avec la permission du tribunal.


1.3.5 Interrogatoires avant la motion ou l’instance

Outre les dispositions régissant les interrogatoires préalables, la plupart des provinces ont adopté des dispositions concernant les interrogatoires oraux de témoins hors cour, avec la permission du tribunal ou le consentement des parties. On peut convoquer une personne à un interrogatoire au moyen d’une assignation, dans laquelle on peut également lui demander d’apporter à l’interrogatoire tous les documents pertinents qui sont en sa possession.

À l’instar des interrogatoires préalables, les interrogatoires de témoins avant la motion ou l’instance se déroulent sous serment ou sous affirmation solennelle en présence d’un sténographe judiciaire, généralement dans un bureau. La transcription est utilisée lors de l’instance ou de l’audition de la motion.

1.4 Requêtes et demandes interlocutoires

1.4.1 Requêtes procédurales générales

Les tribunaux canadiens consacrent beaucoup de temps et de ressources pour fournir aux parties à un litige une procédure préparatoire au procès équitable, équilibrée et en temps opportun. Les demandes au tribunal de cette nature visent généralement à obtenir des directives ou des décisions « entre les étapes » au cours du litige et, par conséquent, sont connues sous le nom de requêtes ou de demandes interlocutoires.

Les règles de pratique et le CPC permettent de fixer une date pour les requêtes interlocutoires moyennant un avis relativement court aux parties adverses. Toutefois, chez certains greffes de tribunaux, il existe d’importants retards dans la fixation des dates; l’obtention d’une date de requête pour les requêtes non urgentes peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

Dans le cas des requêtes interlocutoires, les avocats défendent leurs positions respectives en fonction essentiellement de la preuve présentée dans des affidavits qui peut faire l’objet d’un contre-interrogatoire. La plupart des ressorts canadiens font appel à des services de sténographes judiciaires privatisés de sorte que le contre-interrogatoire des souscripteurs d’affidavit a lieu dans un cabinet d’avocats, plutôt qu’au palais de justice.

Des requêtes interlocutoires sont souvent introduites afin :

  • d’établir si le tribunal devrait se déclarer compétent à l’égard de la question en litige;
  • de forcer un demandeur à fournir une garantie à titre de sûreté pour les frais de litige du défendeur lorsqu’il semble probable que le demandeur sera incapable de payer les frais admissibles du défendeur, s’il n’obtient pas gain de cause;
  • de radier les actes de procédure d’une partie, ou de demander un autre type de recours, lorsque cette partie n’a pas respecté les exigences procédurales de l’action;
  • de regrouper plusieurs actions lorsque des questions et des faits communs devraient être traités ensemble, ou scinder une poursuite en plusieurs actions dans le cas contraire;
  • d’appliquer les règles de pratique et d’autres protections procédurales, par exemple en forçant une partie à assister à un contre-interrogatoire ou à un interrogatoire préalable, à répondre à des questions ou à fournir des documents demandés qui devraient être utiles dans le cadre du litige;
  • de surveiller des processus supervisés par le tribunal, tels que la nomination d’un séquestre, d’un séquestre-gérant ou d’un liquidateur;
  • de contester un jugement ou une mesure prise sans que les parties adverses aient été avisées de manière appropriée.

Dans la plupart des cas, les avocats canadiens se montrent courtois et respectueux au palais de justice, tout en défendant les intérêts de leur client de manière aussi convaincante que possible.


1.4.2 Injonctions

1.4.2.1 Critère général

Une injonction est une ordonnance du tribunal qui empêche la commission ou la poursuite d’un acte fautif, qui empêche une rupture de contrat imminente ou existante ou cherche à préserver des droits ou des actifs en attendant l’issue d’un litige. Les injonctions qui interdisent à une partie d’entreprendre ou de poursuivre une certaine conduite constituent le type le plus courant d’injonction. Toutefois, des injonctions peuvent également imposer l’obligation à une partie de commencer ou de continuer à agir d’une certaine façon.

Puisque le tribunal se voit demander de restreindre les droits d’une autre partie, la demande et l’obtention d’une mesure injonctive est un processus complexe et le recours demandé ne sera accordé que dans les circonstances où la partie qui demande l’injonction peut prouver tous les éléments suivants :

1.   il existe une question sérieuse à trancher : le tribunal évaluera généralement le fond de l’affaire provisoirement afin d’établir que la réclamation n’est pas frivole ni vexatoire;

2.   le refus d’accorder le recours demandé causera un préjudice irréparable aux intérêts du demandeur : le terme « irréparable » dans ce contexte signifie que le demandeur doit convaincre le tribunal que le préjudice engendré est probable et que, de par sa nature, il n’est pas possible d’y remédier par des dommages-intérêts pécuniaires;

3.   la « prépondérance des inconvénients » favorise l’octroi de l’injonction : le tribunal doit comparer les intérêts respectifs des parties, en soupesant le « préjudice » allégué au demandeur si ses intérêts ne sont pas protégés comparativement à l’incidence sur les autres parties si leurs droits sont restreints de la manière demandée.

Les injonctions sont un recours en equity et sont donc de nature discrétionnaire. Lorsqu’il décide d’accorder ou non une injonction, un tribunal doit examiner le contexte global dans lequel la demande est présentée et établir si la décision d’accorder ou de refuser d’accorder une injonction serait juste dans les circonstances. Le tribunal peut décider qu’une mesure injonctive n’est pas appropriée si, par exemple, il semble que :

  • le demandeur a causé un retard ou par ailleurs ne demande pas la mesure de bonne foi;
  • le demandeur a un droit de protection moindre que des tiers qui peuvent être touchés par l’injonction;
  • l’injonction causerait un préjudice injustifié à l’intimé;
  • l’injonction ne serait pas dans l’intérêt public;
  • l’injonction constituerait, en réalité, une décision finale à l’égard de l’affaire;
  • l’injonction forcerait, en réalité, le tribunal à effectuer une supervision continue des intérêts commerciaux des parties.
1.4.2.2 Engagement à l’égard des dommages

Une mesure injonctive est un recours extraordinaire qui peut avoir des conséquences importantes s’il n’est pas utilisé de manière appropriée. Par conséquent, le demandeur doit habituellement prendre un engagement significatif de payer des dommages-intérêts dans l’éventualité où l’injonction serait accordée, mais où le demandeur n’obtiendrait pas gain de cause à l’issue du litige. Le non‑respect de cet engagement pourrait avoir des conséquences sérieuses associées à la violation ou au mépris d’une ordonnance du tribunal.

1.4.2.3 Injonctions Mareva

Une injonction Mareva est une ordonnance préalable au procès utilisée dans des affaires appropriées afin d’empêcher un défendeur de se mettre à l’abri d’un jugement en dissipant des actifs ou en déplaçant ceux‑ci dans un ressort étranger. Afin de l’obtenir, le demandeur doit démontrer un risque réel de dissipation ou de déplacement d’actifs, par opposition à de simples craintes ou soupçons.

Un tribunal n’accordera une injonction Mareva que dans les cas les plus clairs, et le demandeur doit généralement prendre un engagement à l’égard des dommages. Habituellement, une demande d’injonction Mareva est présentée sans avis aux autres parties et le demandeur doit établir :

  • une forte probabilité de succès;
  • une communication complète et franche de tous les faits importants dont le tribunal devait être informé pour étudier la demande;
  • les détails complets de la réclamation, en présentant fidèlement tous les arguments invoqués par le défendeur qui contredisent la réclamation du demandeur;
  • un risque réel que le défendeur déplace des actifs à l’extérieur du ressort ou qu’il les dissipe afin d’éviter la possibilité d’un jugement;
  • des raisons de croire que le défendeur a des actifs situés dans le ressort.
1.4.2.4 Ordonnances Anton Piller

Une ordonnance Anton Piller est essentiellement un mandat de perquisition civil. Le but d’une ordonnance Anton Piller est de protéger la preuve contre une destruction éventuelle et de récupérer des biens appartenant au défendeur qui peuvent être nécessaires pour prouver les prétentions du demandeur. Le demandeur doit demander au tribunal d’émettre une telle ordonnance. Si cette dernière est émise, elle doit contenir des protections procédurales pour le défendeur et ne pas outrepasser ce qui est nécessaire pour corriger le problème.

Lorsqu’ils obtiennent une ordonnance Anton Piller, le demandeur et ses avocats, qui supervisent le processus de saisie à titre d’officiers de justice, sont autorisés à pénétrer dans les locaux et à faire une perquisition et une saisie de documents en possession du défendeur. Le tribunal assume la garde de tout document saisi.

Étant donné la nature extraordinaire et interventionniste de l’ordonnance Anton Piller, le seuil à atteindre pour obtenir le recours est encore plus élevé que pour d’autres types d’injonctions. L’élément de surprise est habituellement nécessaire pour accomplir l’objectif de préserver la preuve, de sorte que la demande est présentée au tribunal dans le cadre d’une audience à huis clos et sans avis à aucune autre partie. Pendant l’audience, le tribunal s’attend à ce que le demandeur lui communique entièrement toutes les questions pertinentes dont il a connaissance, y compris les renseignements qui nuisent à la demande. Si le demandeur omet de communiquer tous les faits importants, le tribunal a toute la discrétion voulue pour rejeter la demande.

Afin de réussir à obtenir une ordonnance Anton Piller, le demandeur doit établir :

  • une forte probabilité de succès;
  • que le préjudice, éventuel ou réel, sera très grave si une ordonnance n’est pas accordée. Le « préjudice » concerne l’éventualité que le demandeur soit incapable de faire valoir sa cause dans le cadre d’un procès si les documents en question ne sont pas disponibles;
  • la partie à l’encontre de laquelle l’ordonnance est accordée est réellement en possession de preuves ou de documents incriminants;
  • il est « réellement possible » que la partie à l’encontre de laquelle la demande est présentée détruise, cache les documents ou s’esquive avec ceux‑ci avant la tenue de l’audience définitive. Comme il est parfois impossible pour un demandeur de produire une preuve directe à cet égard, les tribunaux canadiens peuvent être disposés à inférer un risque de destruction si le demandeur peut démontrer au tribunal que le défendeur a agi de manière malhonnête ou suspecte. Le tribunal ne fera pas cette inférence à la légère; les preuves d’un comportement malhonnête ou suspect doivent être convaincantes.

À l’instar des autres demandes d’ordonnance injonctive, généralement, le demandeur doit prendre un engagement à l’égard des dommages.

1.5 Jugement rendu sommairement par le tribunal sans procès

1.5.1 Jugement par défaut

Les règles de pratique de chaque ressort de common law au Canada ainsi que celles prévues au CPC permettent à un demandeur de demander un jugement par défaut lorsque le défendeur, après avoir reçu un avis en bonne et due forme, n’a pas déposé les actes de procédure nécessaires en réponse à l’action, après l’expiration de la période de dépôt. Les demandes de jugement par défaut ne nécessitent généralement pas de comparution devant le tribunal. Un jugement par défaut peut être obtenu en déposant les documents appropriés auprès du tribunal, y compris une preuve de la signification et une preuve attestant que le défendeur n’a pas déposé les documents de réponse appropriés.

Si la réclamation du demandeur vise un montant liquidé, le demandeur peut faire enregistrer un jugement par défaut contre un défendeur pour une somme précise (qui ne dépasse pas le montant liquidé), les intérêts, s’il y a droit, et les frais. Si la réclamation vise une somme non liquidée, comme des dommages-intérêts généraux pour souffrances et douleurs, le tribunal rendra un jugement par défaut contre le défendeur pour des dommages-intérêts et des frais d’un montant qui sera établi par le tribunal à une date ultérieure.

Lorsqu’un jugement par défaut est une ordonnance définitive du tribunal, le défendeur a le droit de demander son annulation dans certaines circonstances. De telles demandes sont souvent accueillies lorsque l’omission de déposer des documents du défendeur n’était pas intentionnelle ou délibérée, que la demande du défendeur a été effectuée dès qu’il a été raisonnablement possible après que celui-ci a été informé du jugement par défaut et qu’il existe une défense qu’il convient d’approfondir. Néanmoins, il incombe à la partie à laquelle une action est signifiée d’y répondre de manière appropriée et dans les meilleurs délais.

1.5.2 Rejet d’une action pour cause de retard/défaut d’agir

Sur requête d’un défendeur, un tribunal peut rejeter une action s’il détermine qu’elle a fait l’objet d’un retard déraisonnable. Habituellement, un tribunal déclare un tel retard s’il s’est écoulé un an ou deux. Toutefois, le seuil peut être plus tard selon la province ou le territoire. Une ordonnance rejetant une instance en raison d’un défaut de poursuite peut avoir de graves incidences pour un demandeur; aussi, une telle ordonnance ne sera pas rendue à la légère. En particulier, l’ordonnance ne sera pas rendue sans donner à la partie contrevenante la possibilité de remédier au défaut, à moins que le défaut n’ait été intentionnel ou qu’il n’entraîne un risque considérable de ne pas pouvoir tenir un procès équitable.

Pour que la requête de rejet pour cause de retard d’une partie soit acceptée, le droit exige généralement que le retard soit inhabituel et inacceptable et qu’il cause ou cause vraisemblablement un préjudice à la partie présentant la requête. Étant donné la nature de la requête, les tribunaux canadiens dans la plupart des territoires ont fait en sorte qu’il soit difficile d’obtenir une telle ordonnance. Il n’est pas rare que les requêtes ne soient pas acceptées, même si les retards se mesurent en années.

Au Québec, il y aura présomption de désistement de l’action d’un demandeur si le demandeur fait défaut de déposer une inscription pour enquête et audition de l’action sur le fond dans les six mois suivant la date à laquelle le protocole est accepté. Le tribunal prolonge habituellement ce délai sur requête indiquant des motifs valables à l’appui de la prolongation demandée.

1.5.3 Jugement sommaire et procès sommaires

1.5.3.1 Jugement sommaire

Les règles relatives aux jugements sommaires permettent à une partie d’obtenir un jugement sans procès dans certaines situations. La partie qui demande un jugement sommaire doit prouver qu’il n’y a aucune véritable question litigieuse nécessitant la tenue d’un procès.

Habituellement, un jugement sommaire n’était accordé que dans des situations très claires. Toutefois, la Cour suprême du Canada a récemment statué que le jugement sommaire est un outil qui devrait être utilisé pour simplifier le règlement des différends et améliorer l’accès à la justice et qui devrait donc être envisagé de façon plus générale.


Par conséquent, le rôle du juge dans le cadre d’une motion sur jugement sommaire est maintenant plus grand, alors qu’avant, dans le cadre d’une telle motion, le tribunal ne se prononçait pas sur des questions ou des faits contestés, n’évaluait pas la crédibilité et ne tranchait pas de questions de droit dans une instance en jugement sommaire. 


Cette approche en évolution a été codifiée dans les Règles de procédure civile de l’Ontario, qui permettent à un juge qui rend une décision sur une motion sur jugement sommaire d’apprécier la preuve, d’évaluer la crédibilité d’un déposant, de tirer une conclusion raisonnable de la preuve ou de tenir un mini-procès pour permettre des témoignages oraux, à moins qu’il ne soit dans l’intérêt de la justice de réserver ces pouvoirs lors d’un procès. Bien que des changements similaires aient été codifiés seulement dans certains autres ressorts canadiens, les tribunaux à l’échelle du Canada ont généralement accepté le principe selon lequel un jugement sommaire devrait être accordé lorsque c’est possible.

Le CPC ne comporte aucune disposition en matière de jugement sommaire.


1.5.3.2 Procès sommaire

Une requête pour procès sommaire est fondée sur un affidavit, sans nécessité de témoignages. Une partie peut demander au tribunal un jugement dans une action ou sur une question. Le requérant, et chacune des autres parties au dossier, peut produire sa preuve à l’appui de la requête, ou pour s’opposer à celle-ci, au moyen d’affidavits, de réponses à des interrogatoires écrits, de réponses à la preuve recueillie dans des interrogatoires préalables, d’aveux et de témoignages d’experts. La preuve peut également inclure les transcriptions de contre-interrogatoires de divers souscripteurs d'affidavit. En Ontario, les procès sommaires peuvent inclure le contre-interrogatoire et le réinterrogatoire de témoins, à la condition qu’un avis d’une telle intention soit donné 10 jours avant le procès.

À l’audition d’une requête aux termes des règles sur les procès sommaires, le tribunal peut rendre jugement en faveur d’une partie, soit sur une question précise, soit de manière générale, à moins que le tribunal ne soit pas en mesure de constater les faits nécessaires pour trancher les questions en litige, malgré l’ensemble de la preuve présentée, ou si le tribunal est d’avis qu’il serait injuste de trancher les questions en litige dans le cadre d’un procès sommaire.

Dans les ressorts canadiens où les tribunaux ne peuvent pas constater les faits, trancher des questions de droit et évaluer la crédibilité dans le cadre de motions sur jugement sommaire, ils sont autorisés à le faire dans le contexte d’un procès sommaire.

Le processus des procès sommaires comporte des limites. Les tribunaux n’entendront pas de telles requêtes dans des circonstances où il serait injuste de trancher de façon définitive les questions en litige sans la tenue d’un procès complet. Pour rendre sa décision, le tribunal tiendra compte du montant en jeu, de la complexité de la question en litige, de l’urgence de la question, de la probabilité de préjudice découlant d’autres retards, du fait que la crédibilité est une question clé ou non, du coût de la tenue d’un procès traditionnel par rapport au montant en jeu et d’autres questions qui pourraient avoir une incidence sur l’équité du processus.

Le CPC ne comporte aucune disposition en matière de procès sommaire.

1.5.4 Autres requêtes

1.5.4.1 Exposé de cause

Les parties à une instance peuvent convenir qu’une question de droit ou de fait donnée pourrait essentiellement régler leur différend. Dans de tels cas, la plupart des territoires permettent aux parties de soumettre à l’opinion du tribunal une question de droit ou de fait sous forme d’exposé de cause.

L’exposé de cause est présenté au tribunal et les parties énoncent les faits et déposent les documents nécessaires pour trancher la question posée. Avec le consentement des parties, si une question de l’exposé de cause est tranchée, le tribunal peut tirer des déductions justifiées, accorder une mesure de redressement précise ou ordonner qu’un jugement soit rendu.

1.5.4.2 Instances sur un point de droit

Un point de droit soulevé dans un acte de procédure peut, avec le consentement des parties ou à la suite d’une ordonnance du tribunal, être inscrit pour audition et décidé à tout moment avant le procès. La tenue d’une audition sur un point de droit donne au tribunal la possibilité de trancher une question de droit qui va au cœur de l’action, sans avoir à décider des questions de fait soulevées dans l’instance. Toutefois, une telle audition n’est appropriée que si la question est de savoir si une demande ou une défense valable peut être soulevée par les allégations d’une partie, dans l’hypothèse où elles sont véridiques. Les faits relatifs à un point de droit ne doivent pas être contestés et il doit être possible de trancher le point de droit sans entendre des éléments de preuve. Afin de décider de tenir ou non une instance sur un point de droit, le tribunal doit examiner si le fait de trancher la question servirait l’objectif ultime de supprimer une demande qui pourrait être injustifiable en droit, faisant ainsi gagner temps et efforts.

1.6 Procédure simplifiée

Certains ressorts canadiens ont adopté une procédure judiciaire simplifiée pour les litiges civils concernant des questions peu complexes ou des demandes visant un montant inférieur à un seuil déterminé, dans le but de tenter de réduire les frais de justice en réduisant la complexité procédurale.

En Ontario, par exemple, si la demande porte sur une somme d’argent, des biens immeubles ou des biens meubles dont la valeur totalise au plus 200 000 $ CA, la « procédure simplifiée » est obligatoire. Lorsque les montants en cause dépassent 200 000 $ CA, l’action peut se dérouler dans le cadre de la procédure simplifiée si les parties sont d’accord ou si le demandeur renonce à la partie de sa demande qui excède le seuil.

Bien qu’elles varient d’un ressort canadien à l’autre, les règles régissant la procédure simplifiée restreignent habituellement la portée des interrogatoires préalables permis et prévoient des dates de procès plus rapprochées.

1.7 Gestion de l’instance et conférences préparatoires au procès

La plupart des ressorts canadiens, dont l’Ontario et la Colombie-Britannique, ont adopté des règles particulières pour la gestion du processus judiciaire, y compris la gestion de l’instance. Chaque ressort canadien a établi ses propres procédures de gestion de l’instance, qui prévoient diverses nouvelles échéances souvent écourtées pour les différentes étapes d’une instance. Les instances faisant l’objet de ces procédures sont habituellement soumises à un calendrier établi par accord des parties ou par ordonnance d’un officier de justice. Bon nombre des ressorts canadiens exigent que les parties tentent une médiation avant la tenue d’un procès. C’est pour ces raisons, entre autres, que la plupart des affaires civiles et commerciales au Canada sont réglées bien avant de parvenir à l’étape du procès.

Qu’une action fasse ou non l’objet d’une gestion de l’instance, si l’action n’est pas réglée à une étape précoce et que la date du procès approche, l’affaire sera probablement portée devant un officier de justice ou un juge qui n’est pas le juge du fonds pour la tenue d’une conférence préparatoire au procès. Le tribunal peut ordonner la tenue d’une conférence ou une partie à l’instance peut en demander la tenue. Le but de la conférence est d’évaluer la possibilité de conclure un règlement, de simplifier les questions en litige, de déterminer le moment et la durée du procès et de contribuer de façon générale à la résolution de l’instance.

1.8 Dépens

1.8.1 En quoi consistent les dépens?

Au Canada, la partie qui obtient gain de cause dans une instance recouvre souvent auprès de la partie qui succombe une partie des frais qu’elle a engagés pour poursuivre la cause ou présenter sa défense. Ces frais peuvent comprendre notamment les honoraires d’avocats et les frais nécessaires, comme le coût des rapports d’experts et les frais de déplacement, associés aux différentes étapes de l’instance.

Les tribunaux exercent habituellement leur pouvoir discrétionnaire selon les principes suivants : 1) les dépens sont généralement adjugés à l’encontre de la partie qui succombe en faveur de la partie qui obtient gain de cause; 2) sauf dans de rares cas, une partie ne devrait pas être pleinement indemnisée des dépens engagés dans le cadre de l’instance; 3) les dépens servent souvent à encourager un règlement entre les parties; et 4) les dépens servent à pénaliser les parties pour l’utilisation inefficace ou le gaspillage des ressources des tribunaux et des parties.

1.8.2 Liquidation des dépens

Les tribunaux de chaque ressort canadien ont des lignes directrices pour l’établissement du montant des dépens à acquitter. Par exemple, l’Alberta a une annexe prédéfinie qui établit une échelle mobile pour les dépens entre parties, suivant laquelle une pleine indemnité n’est pas accordée dans la plupart des cas. L’Ontario a recours à un régime de tarification qui prévoit un barème de taux horaires en fonction des années d’expérience de l’avocat.

Dans certaines circonstances, le tribunal peut adjuger des dépens plus élevés pour sanctionner de graves allégations non fondées, comme une fraude ou une conspiration, ou un comportement déraisonnable d’une partie. Pour encourager les parties à transiger, la plupart des ressorts canadiens établissent des dépens en cas de défaut d’acceptation d’offres de règlement raisonnables et imposent des dépens plus élevés si une partie refuse une telle offre de manière déraisonnable.

En cas de différend relativement à l’évaluation quantitative des dépens à adjuger, y compris au caractère raisonnable des débours réclamés, la plupart des ressorts canadiens ont mis en place un mécanisme de règlement des différends spécial suivant lequel les parties peuvent comparaître devant un officier de justice nommé par le tribunal pour la liquidation des dépens.

Au Québec, les ordonnances de dépens sont symboliques et n’incluent pas généralement les honoraires d’avocats. 

1.8.3 Moment où des dépens sont payables

En règle générale, des dépens deviennent payables après l’issue d’un procès ou d’une requête au tribunal. Le tribunal a cependant le pouvoir discrétionnaire de déclarer exigibles « immédiatement » des dépens relatifs à des motions interlocutoires, peu importe la partie qui obtient gain de cause en fin de compte.

Une fois que les dépens ont été adjugés, la partie qui obtient gain de cause a le droit d’être payée. Toutefois, comme pour toute autre somme d’argent adjugée par le tribunal, la partie qui obtient gain de cause peut devoir faire valoir ce droit en ayant recours aux mécanismes d’exécution au civil.

1.8.4 Cautionnement pour dépens

Un défendeur peut demander au tribunal d’émettre une ordonnance enjoignant au demandeur de verser un cautionnement pour dépens avant l’instruction. Bien qu’il existe de légères différences entre les règles de chaque ressort canadien, un cautionnement pour dépens peut généralement être obtenu 1) lorsque le demandeur réside ou exploite une entreprise à l’extérieur de la province ou du territoire et n’a pas de biens dans cette province ou ce territoire; 2) lorsque le demandeur est une personne morale ou qu’il est constitué demandeur à titre nominal et qu’il existe de bonnes raisons de croire qu’il ne possède pas suffisamment de biens dans la province ou le territoire pour payer les dépens du défendeur; ou 3) lorsque l’action du demandeur est frivole et vexatoire et qu’il existe de bonnes raisons de croire que le demandeur n’a pas suffisamment de biens dans la province ou le territoire pour payer les dépens du défendeur.

Une ordonnance de cautionnement pour dépens exigera généralement qu’un demandeur consigne une certaine somme au tribunal ou fournisse une lettre de crédit pour garantir que des fonds sont disponibles pour régler les dépens adjugés à un défendeur qui obtient gain de cause. Le défaut de se conformer à une telle ordonnance dans le délai prescrit peut entraîner le rejet de l’action du demandeur. Dans de rares cas, une ordonnance de cautionnement pour dépens peut également être rendue en faveur d’un demandeur à l’encontre d’un défendeur.

1.8.5 Dépens afférents aux actions collectives

Voir le chapitre III, rubrique 1.5 « Dommages-intérêts, dépens, financement et honoraires d’avocats » pour en savoir plus sur les dépens afférents aux actions collectives.

1.9. Procès

Comme c’est le cas dans la plupart des ressorts de common law, moins de 5 % à 10 % des poursuites aboutissent à un procès. La plupart des affaires se règlent ou sont par ailleurs résolues à une étape antérieure de l’instance.


Dans bon nombre de ressorts canadiens, les processus de gestion des causes visent à garantir que les affaires judiciaires suivent leur cours et parviennent à l’étape du procès en temps opportun, soit habituellement deux à trois ans après le dépôt de la demande. Les affaires complexes s’étirent souvent sur plus de trois ans avant la tenue du procès, tandis que les affaires urgentes peuvent être traitées plus rapidement.


Dans la plupart des affaires commerciales, les procédures préparatoires au procès – y compris l’enquête préalable – se poursuivent jusqu’au début du procès. Des rapports d’experts et des rapports de réponse doivent être remis dans des délais déterminés avant l’instruction – qui varient habituellement entre 60 et 90 jours – pour que les témoins experts soient autorisés à témoigner à l’instruction. D’autres avis préparatoires au procès sont nécessaires pour que certains éléments de preuve documentaire puissent être présentés à l’instruction sans preuve formelle complète. Il est aussi pratique courante de remettre des avis de demande d’admission, qui exigent que la partie adverse admette certains faits, dans les semaines précédant l’instruction. Les avis de demande d’admission visent à circonscrire les questions en litige et à accroître le risque de coût pour la partie adverse si des faits non contestés ne sont pas reconnus. Des échanges de documents et des interrogatoires préalables supplémentaires ont souvent lieu dans les semaines ou les jours précédant la date prévue du début de l’instruction pour mettre à jour les renseignements communiqués avant l’instruction.

Dans la plupart des affaires instruites hors Québec, une partie peut demander un procès devant jury en remettant une convocation du jury. Toutefois, certains types d’affaires ne peuvent être instruites devant un jury, comme les affaires relevant du droit de la famille, les réclamations contre une municipalité et les demandes visant certaines formes de réparation en equity. Au Canada, il est rare que des parties choisissent de faire trancher des affaires civiles par un jury. Des jurys sont occasionnellement appelés à se prononcer sur des affaires de préjudice corporel et de diffamation. Le tribunal conserve le pouvoir discrétionnaire d’annuler la convocation du jury et d’exiger plutôt un procès devant juge en raison de la complexité de l’affaire ou d’un risque sérieux de préjugé ou de parti pris à l’échelle locale.

1.9.1 Exposés introductifs

Dans la plupart des ressorts canadiens, l’avocat du demandeur présente un exposé introductif au début de l’instruction. Habituellement, les juges préfèrent que l’avocat du défendeur présente également un exposé introductif avant la présentation des preuves, afin que tous les points de vue soient clairement exposés dès le début de l’instruction. Dans les affaires complexes, les exposés introductifs peuvent durer des heures, voire des jours, au cours desquels le juge se fait présenter de nombreux documents pertinents portant sur la question en litige, ainsi que des documents préparés par les avocats pour aider le tribunal, comme une chronologie des principaux événements, une liste des personnes impliquées, un glossaire des termes techniques ou un sommaire des faits admis. 

1.9.2 Interrogatoire des témoins

L’avocat qui procède à l’interrogatoire principal de ses propres témoins ne peut poser de questions suggestives (c.-à-d. des questions qui suggèrent les réponses), sauf sur des sujets non contentieux. À moins qu’il ne soit un expert, comme il est précisé ci-après, le témoin ne peut témoigner que sur des sujets dont il a une connaissance directe.

Une preuve par « ouï-dire » n’est généralement pas admissible, à moins qu’elle n’entre dans une exception reconnue à l’exclusion du ouï‑dire ou qu’elle ne soit jugée « nécessaire et fiable ».

Un avocat peut assigner un témoin et contre-interroger un employé, un administrateur ou un dirigeant de la partie adverse. Toutefois, l’avocat n’aura généralement pas le droit d’interroger un tel témoin au préalable.


Pendant un contre-interrogatoire, un témoin ne peut pas discuter de questions liées à l’affaire avec son propre avocat ni avec aucune autre personne. Les témoins peuvent être déclarés « opposés » si leurs réponses sont incohérentes avec leurs déclarations extrajudiciaires antérieures. Le juge du fonds peut décider de déclarer qu’un témoin est opposé en se basant sur l’importance des incohérences, sur un motif pour appuyer la partie adverse ou sur une preuve de collusion avec la partie adverse, ainsi que sur la conduite du témoin au procès. Un témoin qui est déclaré opposé peut être contre-interrogé par l’avocat qui lui a demandé de témoigner.


1.9.3 Témoins experts

Un expert peut être appelé à témoigner au procès lorsque c’est nécessaire et pertinent et lorsqu’un avis d’expert ou une autre forme d’assistance technique aidera le tribunal dans l’administration de la justice entre les parties.

L’expert peut être tenu de produire le dossier intégral, y compris les versions antérieures du rapport d’expert. Selon le territoire de compétence, la production du dossier de l’expert doit avoir lieu avant ou pendant le procès.

1.9.4 Preuve documentaire

À moins que l’authenticité de documents spécifiques ne soit mise en cause, la plupart des affaires civiles se déroulent dans un esprit de collaboration en ce qui concerne l’admission de documents en preuve. Les parties produisent habituellement un ou plusieurs recueils conjoints de documents à l’usage du tribunal. Habituellement, les documents pertinents ont été jugés admissibles en preuve dans le cadre des procédures d’enquête préalable préparatoires au procès et, au besoin, dans le cadre des avis de documents préparatoires au procès communiqués avant l’instruction. Lorsque l’authenticité d’un document est mise en doute, le document est traité de la même manière que les autres faits contestés à l’instruction.

1.9.5 Utilisation de l’interrogatoire préalable à l’instruction

Les transcriptions d’interrogatoires préalables ne sont pas considérées comme des éléments de preuve à l’instruction à moins qu’elles ne soient versées au dossier par la partie qui a mené l’interrogatoire ou utilisées pour contester les propos d’un témoin de la partie adverse qui a donné une réponse contradictoire dans son interrogatoire préalable. Une partie peut nuancer ou contredire un élément de preuve versé au dossier provenant de l’interrogatoire préalable de la partie adverse en faisant référence à d’autres éléments de preuve devant le tribunal.

Par souci d’équité pour un témoin, toute déclaration antérieure incohérente prétendument faite par ce témoin avant le témoignage à l’instruction doit généralement être présentée au témoin pendant son témoignage afin de lui donner la possibilité d’expliquer la contradiction apparente. Cette règle s’applique que la déclaration antérieure ait été faite pendant l’interrogatoire préalable ou dans un autre contexte.

1.9.6 Durée des procès

La plupart des affaires civiles sont jugées en l’espace d’une ou de deux semaines. Toutefois, dans les affaires complexes mettant en cause d’importantes sommes d’argent, les procès peuvent durer un an ou plus. Dans bon nombre de ressorts canadiens, les avocats doivent convenir à l’avance d’un échéancier pour le procès qui comprend des listes de témoins et des estimations du temps qui leur est alloué. Cependant, les tribunaux canadiens sont encore réticents à imposer et à appliquer des échéanciers aux procès.

1.9.7 La décision

Les juges prennent souvent un certain temps après la fin du procès pour réfléchir avant de rendre leur décision écrite, notamment les motifs de leurs conclusions. La période pendant laquelle le jugement est en délibéré dépend habituellement de la complexité des questions en litige. La plupart des décisions sont rendues au bout de quelques mois. Le tribunal invite souvent les parties à présenter d’autres observations à l’égard des dépens qu’il convient d’adjuger.

1.10 Jugements

1.10.1 Jugements et ordonnances

Un jugement est une décision définitive rendue sur une ou plusieurs questions faisant l’objet d’un litige. En règle générale, un jugement prend effet à la date à laquelle le juge le prononce, et non à la date à laquelle une ordonnance ou un jugement officiel est inscrit au greffe. Toutefois, le juge peut préciser une date de prise d’effet antérieure ou ultérieure à la date du prononcé.

Des jugements peuvent être rendus sous forme écrite ou verbale. Une fois qu’un jugement est rendu, une ordonnance doit être rédigée dans la forme prescrite puis être inscrite. Habituellement, la partie qui obtient gain de cause rédigera l’ordonnance et en fera ensuite approuver la forme par toutes les parties qui ont comparu au procès ou à l’audience. L’ordonnance est ensuite inscrite par le greffier en tant qu’ordonnance du tribunal. Si une ou plusieurs parties refusent d’approuver l’ordonnance, une partie peut obtenir une rencontre pour en faire établir la version définitive par le tribunal.

Au Québec, les jugements sont déposés au greffe et inscrits dans les registres, sans qu’il soit nécessaire de faire approuver une ordonnance par les parties.

1.10.2 Intérêts

Lorsque le montant des intérêts exigibles sur des créances constatées par jugement est prévu par contrat, les intérêts antérieurs au jugement seront habituellement établis en fonction du contrat. Au Canada, il est illégal de facturer des intérêts à un taux annuel effectif supérieur à 60 % (cette interdiction fait l’objet de modifications réglementaires qui ne sont pas encore entrées en vigueur en date de la publication des présentes). De plus, un taux stipulé sur une base mensuelle ou quotidienne pourrait ne pas être exécutoire si le contrat ne stipule pas expressément le taux d’intérêt annuel équivalent.

S’il n’y a pas d’entente explicite ou implicite entre les parties, le taux applicable aux intérêts antérieurs au jugement sera établi par le ressort canadien dans lequel la cause sera entendue. En règle générale, les intérêts antérieurs au jugement seront calculés au taux fixé pour le papier commercial à 30 jours.

1.11 Appels

1.11.1 Possibilité de faire appel

Il existe souvent un droit automatique d’interjeter appel d’une décision de première instance devant une instance supérieure, comme une cour d’appel provinciale ou territoriale.

Le délai à respecter pour déposer un avis d’appel ou une motion en autorisation d’interjeter appel diffère d’un ressort canadien à l’autre et dépend de la nature de la cause. En règle générale, les délais varient entre 15 et 60 jours. Par exemple, en Colombie-Britannique, le délai est habituellement de 30 jours à compter du jour suivant la date de prise d’effet du jugement. En Ontario, l’avis d’appel doit être signifié à l’intimé dans un délai de 30 jours, alors que s’il faut présenter une demande d’autorisation d’interjeter appel, celle-ci doit être déposée auprès de la Cour divisionnaire de l’Ontario dans un délai de 15 jours.

Il n’est pas rare que les décisions rendues par des tribunaux administratifs, comme le Tribunal de la concurrence ou une commission des valeurs mobilières provinciale, fassent l’objet d’une révision judiciaire ou soient portées en appel devant un tribunal. La possibilité de demander une révision judiciaire ou d’interjeter un appel dépendra de la législation instituant le tribunal administratif concerné. Dans certains cas, les décisions arbitrales peuvent aussi faire l’objet d’une révision ou être portées en appel.

Une décision d’une cour d’appel provinciale ou territoriale ou de la Cour d’appel fédérale peut être portée en appel devant la Cour suprême du Canada, qui est le plus haut tribunal du pays et le dernier recours judiciaire des parties à un litige au Canada. La Cour suprême du Canada a compétence en matière de droit civil au Québec et de common law dans les autres provinces et territoires et peut entendre les affaires dans tous les domaines du droit.


Dans la plupart des cas, pour interjeter appel devant la Cour suprême du Canada, un appelant doit demander l’autorisation du tribunal. La Cour suprême peut accorder l’autorisation d’interjeter appel si elle estime que l’affaire soulève des questions dont l’importance pour le public transcende les intérêts immédiats des parties en cause et que, par conséquent, elle devrait en être saisie. Chaque année, la Cour suprême reçoit jusqu’à 600 demandes d’autorisation d’interjeter appel et accueille environ 80 de ces demandes. 


1.11.2 Norme de contrôle

Le degré de retenue judiciaire accordé à une cour ou à un tribunal inférieur par une cour d’appel dépend de la question en litige et correspond à la norme de contrôle applicable.

Une cour d’appel infirmera rarement les conclusions de fait formulées lors d’un procès par un jury ou par un juge de première instance. Une conclusion de fait ne peut être infirmée en appel que s’il y a une « erreur manifeste et dominante ». Par conséquent, la plupart des appels de décisions de tribunaux inférieurs portent sur la question de savoir si la cour ou le tribunal inférieur a fait une erreur dans l’interprétation ou l’application du droit. Si une cour d’appel estime que le tribunal inférieur a interprété ou appliqué le droit de façon erronée, elle peut infirmer la décision du tribunal inférieur.


La norme de contrôle présumée pour les tribunaux administratifs spécialisés est celle qui consiste à déterminer si la décision est raisonnable, tant dans son résultat que dans son raisonnement. Selon cette norme de la décision raisonnable, il convient de faire preuve de retenue à l’égard de la décision du tribunal. Ces décisions ne sont infirmées que lorsqu’elles sont jugées intrinsèquement incohérentes ou indéfendables, compte tenu des contraintes factuelles et juridiques. Cependant, il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue à l’endroit d’un tribunal spécialisé lorsque le législateur a indiqué qu’une norme différente doit s’appliquer ou lorsque la primauté du droit l’exige. Par exemple, la retenue n’est pas de mise si la question en litige en est une d’ordre constitutionnel. De plus, il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue à l’endroit des tribunaux spécialisés sur les questions d’équité procédurale.

1.12 Exécution des jugements

Une fois qu’un jugement définitif est rendu, le créancier en vertu du jugement peut prendre diverses mesures pour faire exécuter le jugement, notamment une enquête, la saisie et la vente des biens meubles et immeubles du débiteur et la saisie-arrêt du salaire et des autres créances. Il incombe au créancier de faire exécuter le jugement.

Les créanciers n’ont pas, en vertu des jugements rendus en leur faveur, priorité sur les autres créanciers. Si le débiteur en vertu du jugement a peu ou pas d’actifs, il pourrait être impossible pour le créancier de recouvrer les sommes dues en vertu du jugement. Dans la plupart des cas, si un débiteur déclare faillite, il est libéré de la créance constatée par jugement.


Bien que le processus d’exécution puisse être fastidieux, en particulier si des biens immeubles sont en cause, le créancier qui a l’intention de recouvrer les fruits du jugement rendu en sa faveur peut effectivement utiliser les procédures à sa disposition pour l’exécution des jugements et des autres ordonnances de tribunaux à cette fin.

1.12.1 Enquêtes : interrogatoire à l’appui de l’exécution forcée

Dans la plupart des ressorts canadiens, le créancier en vertu du jugement a le droit d’enjoindre au débiteur en vertu du jugement de subir un interrogatoire sous serment à l’appui de l’exécution forcée. Pendant l’interrogatoire, le créancier peut poser au débiteur toute question pertinente à l’égard de l’exécution forcée du jugement, notamment des questions sur la raison de son défaut de payer ou de se conformer à l’ordonnance, le montant de ses revenus et la valeur de ses biens, ses créances et ses dettes, toute aliénation de ses biens avant ou après le moment où le jugement a été rendu et les ressources qu’il a ou pourrait avoir pour exécuter le jugement. Dans certains ressorts canadiens, le tribunal a également le pouvoir discrétionnaire d’ordonner l’interrogatoire d’une autre personne qui peut avoir connaissance de la situation du débiteur, y compris le conjoint du débiteur.

1.12.2 Saisie et vente des biens meubles et immeubles

1.12.2.1 Biens immeubles

Le créancier en vertu du jugement peut faire exécuter le jugement rendu en sa faveur à l’encontre des biens immeubles du débiteur en vertu du jugement. Le créancier doit d’abord enregistrer le jugement à l’égard du titre de propriété du débiteur. Faute de renouvellement, l’enregistrement expirera généralement après une période déterminée.

Une fois qu’un jugement est enregistré à l’égard du titre de propriété d’un bien immeuble, le créancier peut tenter de faire vendre l’intérêt du débiteur sur le bien. Différentes procédures s’appliquent dans chaque ressort canadien pour la vente des biens-fonds des débiteurs. Certains ressorts canadiens exigent la tenue d’une audience avant la vente du bien-fonds et d’autres imposent des périodes d’attente après l’enregistrement. En définitive, une fois que les procédures sont respectées, un représentant désigné, comme un shérif ou un huissier, procédera à la vente du bien-fonds.

Sauf sous le régime du droit québécois, le créancier en vertu du jugement n’est pas un créancier garanti; si d’autres charges sont enregistrées à l’égard du titre de propriété du bien du débiteur au moment de l’enregistrement du jugement, celles-ci auront priorité de rang sur le jugement. De plus, le créancier aura égalité de rang avec les autres créanciers dont les jugements sont enregistrés à l’égard du titre de propriété du bien du débiteur, même si ces enregistrements sont effectués ultérieurement, pour autant qu’ils le soient avant la vente. Au Québec, le créancier en vertu du jugement jouit d’une hypothèque légale qui prend rang à compter de son inscription. Lorsqu’aucune hypothèque, aucun privilège ni aucune autre sûreté semblable ne sont enregistrés à l’égard de l’intérêt du débiteur sur le bien-fonds, le produit de la vente sera habituellement distribué au prorata aux créanciers reconnus. Lorsqu’un débiteur n’a qu’un intérêt conjoint ou partiel sur le bien, seul cet intérêt peut être vendu.

1.12.2.2 Biens meubles

Le créancier en vertu du jugement peut saisir et vendre tous les biens meubles du débiteur en vertu du jugement, à l’exception de certains éléments et montants insaisissables. Les éléments insaisissables peuvent comprendre les articles ménagers, les outils de travail, les vêtements essentiels et les articles médicaux essentiels. Des représentants désignés, comme des shérifs ou des huissiers, procèdent à la saisie et à la vente des biens du débiteur. Si des actifs sont saisis et vendus, le créancier a droit aux frais d’exécution du jugement. Comme dans le cas des biens immeubles, le produit tiré de la vente des biens meubles est habituellement distribué au prorata aux créanciers reconnus. Toutefois, les montants exigibles aux termes d’ordonnances alimentaires auront généralement préséance sur les autres créances constatées par jugement non garanties.

1.12.3 Saisie-arrêt des créances

L’une des mesures d’exécution les plus efficaces est la saisie-arrêt. Une ordonnance de saisie-arrêt exige que la personne, la société ou l’institution financière à laquelle elle est signifiée consigne au tribunal toute somme effectivement due au débiteur en vertu du jugement, au lieu de la payer au débiteur. Un créancier peut obtenir une ordonnance de saisie-arrêt en s’adressant au greffe après le jugement. Des renseignements sur les sources probables d’argent dû au débiteur en vertu du jugement peuvent être obtenus dans le cadre du processus d’interrogatoire à l’appui de l’exécution forcée.

En règle générale, une ordonnance de saisie-arrêt sera signifiée à la succursale bancaire où le débiteur a un compte bancaire, ainsi qu’aux employés et/ou aux clients du débiteur. Dans certains ressorts canadiens, une partie du salaire du débiteur est insaisissable. Après qu’une somme a été consignée au tribunal, elle est distribuée au prorata à tous les créanciers inscrits en vertu du jugement.

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