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Alberta : Une entrevue peut être menée sans la présence d’un avocat lors d’une enquête sur un accident de travail

22 juillet 2024

Dans le cadre de l’affaire Neustaedter v. Alberta (Labour Relations Board), la Cour d’appel de l’Alberta (la « CAA ») a récemment confirmé une décision rendue lors d’un appel devant le Conseil des relations de travail de l’Alberta, laquelle confirmait des sanctions imposées aux appelants en vertu de la loi albertaine intitulée Occupational Health and Safety Act (l’« OHSA ») pour avoir nui et refusé de participer à des entrevues liées à un décès survenu sur le lieu de travail.

Contexte

En octobre 2019, un employé de la société appelante, Volker Stevin Contracting Ltd. (« VSC »), a succombé à des blessures subies sur le lieu de travail. Dans le cadre d’une enquête de la Occupational Health and Safety (« OHS ») de l’Alberta, un représentant de l’OHS s’est rendu au bureau de VSC pour réaliser des entrevues de certains témoins. Or, sur place, un conseiller juridique de VSC a refusé de quitter la pièce lors des entrevues et, par conséquent, celles-ci n’ont pas eu lieu. Par la suite, l’OHS a envoyé des lettres à VSC dans lesquelles elle demandait que des entrevues puissent avoir lieu hors de la présence du conseiller juridique de VSC, mais elle s’est butée au refus de ce dernier qui prétendait que la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte ») confère aux employés le droit d’être accompagné par un conseiller juridique lors d’une entrevue réalisée par un représentant de l’OHS. 

Plus tard, l’OHS a fait signifier à VSC quatre ordonnances rendues en vertu de l’OHSA qui enjoignaient aux quatre employés concernés de se prêter à des entrevues par visioconférence afin de faire en sorte que l’information recherchée puisse être recueillie. Cela étant, le conseiller juridique de VSC a de nouveau soutenu que le représentant de l’OHS n’avait pas le pouvoir d’exiger qu’une entrevue soit menée sans la présence d’un conseiller juridique.

En raison de ce qui précède, un représentant de l’OHS a imposé des sanctions administratives à VSC pour avoir entravé ou nuit à une enquête de l’OHS en raison de son refus de permettre à des témoins de prendre part à une entrevue sans la présence d’un conseiller juridique. Le représentant de l’OHS a également imposé des sanctions administratives à chacun des individus appelants pour refus de participer à l’enquête.

VSC et chacun des employés concernés ont fait appel des sanctions devant le Conseil des relations de travail de l’Alberta (« CRTA »), alléguant que les dispositions relatives aux sanctions sont anticonstitutionnelles, que l’OHS ne peut obliger les employés à participer aux entrevues, que l’OHS ne peut pas insister pour mener des entrevues sans la présence d’un conseiller juridique, que les appelants n’avaient pas contrevenu à l’OHSA, et que, de toute façon, les sanctions imposées étaient inappropriées.

Le CRTA ayant rejeté ces appels, les appelants ont alors déposé des pourvois en contrôle judiciaire quant à cette décision. Le juge des requêtes a conclu que la décision de l’ALRB était raisonnable, a rejeté les pourvois et a adjugé les dépens à l’encontre des appelants. Ces derniers ont alors interjeté appel des décisions de fond comme celles sur les dépens.

En rejetant l’appel, la CAA a statué que l’alinéa 51j) de l’OHSA confère expressément aux représentants de l’OHS le pouvoir de mener des entrevues et d’obtenir des déclarations aux fins de l’application de l’OHSA; que le paragraphe 53(2) prévoit que les témoins doivent se plier à toute demande d’information d’un représentant de l’OHS; et que l’article 54 exige que les témoins collaborent à une enquête.

La CAA a confirmé le jugement que l’ancienne Cour du Banc de la Reine (maintenant appelée Cour du Banc du Roi) a rendu dans l’affaire Ebsworth v. Alberta (Human Resources and Employment) (l’« affaire Ebsworth ») en concluant que ce jugement est juridiquement valable et que, contrairement à ce que les appelants prétendent, il n’avait pas été infirmé par la CAA.

En somme, la CAA a noté que les témoins n’avaient aucune raison de craindre de s’incriminer puisque l’information obtenue en vertu du paragraphe 53(2) de l’OHSA est obtenue aux fins de l’application de cette loi, notamment pour la prévention des incidents et des blessures sur le lieu de travail, et non en vue d’éventuelles poursuites. De plus, le paragraphe 53(7) de l’OHSA prévoit expressément que les déclarations ne sont pas admissibles en preuve à quelques fins que ce soit lors d’un procès, d’une enquête publique en vertu de la Fatality Inquiries Act ou d’une autre procédure, sauf pour les fins qui y sont énumérées expressément, y compris pour mettre en cause la crédibilité d’un témoin. Par conséquent, de telles déclarations sont divulguées uniquement dans des circonstances extraordinaires.

La CAA a indiqué qu’elle n’avait trouvé aucune source suggérant que les « principes de justice fondamentale » de l’article 7 de la Charte comprennent le droit d’être accompagné d’un conseiller juridique lors d’une telle entrevue. La CAA a ajouté que les appelants n’ont pas non plus présenté de sources en ce sens.

Les leçons à retenir

Ce qu’il importe de retenir de ce jugement, c’est que les représentants de l’OHS sont généralement dotés de vastes pouvoirs d’enquête en vertu de l’OHSA, y compris le pouvoir de réaliser des entrevues de témoins sans la présence d’un conseiller juridique. Le fait d’opposer des refus catégoriques à des demandes raisonnables, comme en l’espèce, entraînera non seulement l’imposition possible de sanctions, mais pourrait aussi vraisemblablement mener à un jugement défavorable dans la mesure où des accusations étaient portées. S’il est vrai qu’un représentant de l’OHS n’a pas carte blanche lorsqu’il mène une enquête, les entreprises auraient intérêt à collaborer pleinement à une telle enquête et à ne pas l’entraver, à plus forte raison lorsque celle-ci porte sur un accident ayant causé un décès.

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