Le 19 mars 2019, le ministre des Finances a déposé le budget fédéral canadien de 2019 (le « Budget 2019 »). Le gouvernement avait déjà indiqué que l’objectif principal du Budget 2019 ne concernerait pas les questions liées aux entreprises, puisque celles-ci avaient été traitées en grande partie dans l’Énoncé économique de l’automne 2018. Néanmoins, le Budget 2019 comporte certaines modifications fiscales importantes, en particulier pour les intervenants des secteurs des fonds d’investissement et des marchés financiers. Le gouvernement a également proposé des modifications notables à l’imposition des options d’achat d’actions des employés, dont les détails devraient être dévoilés plus tard cette année.
Voici un aperçu des dispositions clés du Budget 2019, qui sont abordées dans le détail ci‑dessous :
Traitement des options d’achat d’actions des employés
Mesures visant la fiscalité internationale
- Opérations de transfert de sociétés étrangères affiliées
- Mécanismes de prêt d’actions transfrontaliers
- Mesures de prix de transfert
Mesures fiscales relatives aux fonds d’investissement
- Attribution aux détenteurs d’unités demandant le rachat
- Modifications aux règles (de requalification) des contrats dérivés à terme
- Programme de la recherche scientifique et du développement expérimental
- Incitatifs fiscaux pour les organisations journalistiques canadiennes
Mesures visant les taxes de vente et d’accise
TRAITEMENT DES OPTIONS D'ACHAT D'ACTIONS DES EMPLOYÉS
Dans le Budget 2019, le gouvernement annonce son intention de limiter les avantages découlant du régime d’imposition actuel des options d’achat d’actions des employés. Les documents du Budget 2019 ne contiennent pas de détails précis à cet égard, mais on y précise que des changements devraient être annoncés « avant l’été 2019 » et s’appliqueraient uniquement aux options accordées à compter de la date de l’annonce des propositions législatives précises. Les options d’achat d’actions émises auparavant seront assorties de dispositions transitoires. Certains pourraient saisir cette occasion pour émettre de nouvelles options avant l’adoption des nouvelles dispositions législatives et ces options continueraient donc d’être assujetties aux règles existantes.
Depuis des décennies, la plupart des titulaires d’options d’achat d’actions des employés bénéficient d’un traitement des plus avantageux : i) ils ne paient aucun impôt au moment de l’octroi; et ii) la valeur de leurs options en jeu au moment de l’exercice est imposée au même taux que les gains en capital (c’est-à-dire la moitié du taux d’imposition normal).
Le Budget 2019 propose un changement majeur à ce dernier avantage. Il prévoit en effet que l’accès au taux d’imposition des gains en capital sera réservé aux octrois d’options dont la valeur ne dépasse pas 200 000 $ CA par année par employé, selon la juste valeur marchande des actions sous-jacentes. Sans doute pour éviter toute contestation de la part des entreprises relativement nouvelles pour lesquelles les options d’achat d’actions constituent une composante clé de la rémunération de leurs hauts dirigeants, les nouvelles règles ne s’appliqueront qu’aux « grandes entreprises bien établies et matures » (par opposition à celles que le Budget 2019 qualifie d’« entreprises en démarrage et d’entreprises canadiennes en croissance rapide »). Ces termes ne sont pas définis dans les documents du Budget 2019.
Cette mesure pourrait inciter les employeurs concernés à envisager d’autres solutions que les options d’achat d’actions, comme les droits à la plus‑value des actions ou d’autres régimes de rémunération fondés sur des titres de capitaux propres pour certains employés.
Cette proposition soulève de nombreuses questions importantes, notamment quelle définition sera donnée au terme « grandes entreprises bien établies et matures » et, plus fondamentalement encore, dans quelle mesure l’abandon de ce traitement de longue date semblable à celui accordé aux gains en capital est approprié d’un point de vue politique.
Le Budget 2019 invoque curieusement la volonté d’harmoniser le traitement fiscal canadien des options d’achat d’actions des employés prévu avec celui des États-Unis. Comme de nombreux aspects du régime fiscal canadien (dont les taux d’imposition) diffèrent fondamentalement de ceux du régime américain, certains se questionnent sur la pertinence de cette initiative.
Bien que le gouvernement ait souligné l’incidence selon le revenu des « dépenses fiscales » associées à la déduction actuelle pour options d’achat d’actions, certains intervenants des communautés fiscales et d’affaires auront sans aucun doute un point de vue bien différent sur cette question.
MESURES VISANT LA FISCALITÉ INTERNATIONALE
Opérations de transfert de sociétés étrangères affiliées
Les règles sur les opérations de transfert des sociétés étrangères affiliées (les « règles OTSEA ») ont été instaurées en 2012 dans le but de mettre fin aux nombreux avantages découlant de planifications fiscales existantes pour certaines multinationales ayant des filiales canadiennes. Le fait que ces multinationales pouvaient faire en sorte que leurs filiales canadiennes s’endettent pour investir dans des sociétés étrangères dont les dividendes seraient exonérés de l’impôt canadien préoccupait le gouvernement. Ces règles empêchaient également ces entités d’utiliser leurs fonds excédentaires pour investir dans des sociétés étrangères. Le ministre des Finances était d’avis qu’une telle structure érodait l’assiette fiscale canadienne.
À l’heure actuelle, les règles OTSEA s’appliquent lorsqu’une société résidant au Canada (une « société résidente ») qui est contrôlée par une société non-résidente effectue certains placements dans des sociétés étrangères affiliées. Lorsqu’elles s’appliquent, ces règlent se traduisent par une réduction du capital versé des actions de la société résidente ou par un dividende réputé versé par la société résidente, lequel dividende ferait l’objet d’une retenue d’impôt.
Pour l’instant, les règles OTSEA ne s’appliquent que lorsque la société résidente est contrôlée par une société non-résidente. Le Budget 2019 propose d’élargir le champ d’application de ces règles aux sociétés résidentes qui sont contrôlées par i) un particulier non-résident; ii) une fiducie non-résidente; ou iii) un groupe de personnes ayant entre elles « un lien de dépendance », englobant toutes combinaisons de sociétés non-résidentes, de particuliers non-résidents et de fiducies non-résidentes. Comme le concept de « lien de dépendance » en droit fiscal canadien comprend non seulement les personnes liées, mais aussi les personnes qui sont considérées comme ayant un lien de dépendance « de fait », la dernière catégorie visée par les règles pourrait, dans certains cas, créer beaucoup d’incertitude quant à la portée des règles.
Ces propositions pourraient avoir un impact important lorsqu’un ou plusieurs groupes d’investissement ou investisseurs en capital-investissement acquièrent des participations importantes dans des sociétés cibles canadiennes qui ont des filiales étrangères. Les circonstances propres à une situation permettront en grande partie de déterminer si, de fait, différentes parties n’ont entre elles aucun lien de dépendance. Il peut être difficile de tirer une telle conclusion, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer si différentes parties ont des intérêts distincts ou communs.
Ces propositions visent à « faciliter l’atteinte des objectifs en matière de politique des règles sur les opérations de transfert des sociétés étrangères affiliées ». Il n’est pas certain que l’élargissement du champ d’application des règles OTSEA au-delà du contrôle par les sociétés étrangères soit conforme à l’objectif de la politique fiscale initiale dont il est question ci-dessus. Avant d’adopter cette proposition, le ministre des Finances devrait se demander si cette formulation particulière établit un juste équilibre entre les objectifs en matière de politique et l’objectif général de certitude, de prévisibilité et d’équité, compte tenu de l’incertitude mentionnée précédemment.
Ces changements aux règles OTSEA s’appliquent aux opérations ou aux événements survenant à compter du 19 mars 2019 (le « jour du budget »).
Mécanismes de prêt d’actions transfrontaliers
En règle générale, lorsqu’une personne emprunte une action, elle doit verser des paiements au prêteur en contrepartie des dividendes payés sur l’action jusqu’à ce que l’emprunteur remette l’action ou une action identique au prêteur. La Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi ») prévoit des règles qui recaractérisent ces paiements compensatoires au titre de dividendes aux fins de la retenue d’impôt. Lorsque l’opération est admissible à titre de « mécanisme de prêt de valeurs mobilières » au sens de la Loi, et que la valeur mobilière empruntée est une action, les paiements versés en compensation des dividendes payés sur l’action empruntée sont réputés être des intérêts ou des dividendes selon la garantie offerte dans le cadre de l’opération. Lorsque l’emprunteur de valeurs mobilières résidant au Canada a fourni une somme en espèces ou un titre d’emprunt d’un gouvernement admissible d’un montant correspondant à hauteur de 95 % ou plus de la valeur des actions empruntées, ces paiements compensatoires au titre de dividendes sont réputés être des dividendes aux fins de la retenue d’impôt. Autrement, ces paiements sont réputés être des intérêts aux fins de la retenue d’impôt.
Comme les intérêts autres que les « intérêts sur des créances participatives » payés par un résident canadien à un non-résident avec lequel le résident n’a pas de lien de dépendance sont généralement exonérés de la retenue d’impôt en vertu de la Loi, les règles existantes incitent les parties qui concluent des conventions de prêts de valeurs mobilières transfrontaliers à ne pas respecter les exigences en matière de garantie décrites ci‑dessus. Par conséquent, sous réserve des questions d’évitement, un non‑résident pouvait prêter ses actions canadiennes donnant droit à des dividendes à un emprunteur de valeurs mobilières résidant au Canada aux termes d’un mécanisme de prêt de valeurs mobilières qui ne respecte pas les exigences en matière de garantie décrites ci-dessus et pouvait recevoir des paiements compensatoires au titre de dividendes qui n’étaient pas assujettis à la retenue d’impôt. Si le non‑résident n’avait pas prêté les actions, les dividendes qu’il aurait reçus auraient été assujettis à la retenue d’impôt.
Le Budget 2019 propose d’éliminer cette possibilité d’éviter la retenue d’impôt de la façon décrite ci‑dessus lorsque les actions empruntées sont celles d’un émetteur canadien. Les paiements compensatoires au titre de dividendes versés à un prêteur de valeurs mobilières non‑résident aux termes d’un mécanisme de prêt de valeurs mobilières seront réputés être des dividendes de source canadienne aux fins de la retenue d’impôt, peu importe le type de garantie offerte dans le cadre de l’opération. Des règles connexes veilleront à ce que ce traitement s’applique aux fins d’un traité.
En outre, le Budget 2019 prévoit l’introduction de règles visant à assurer qu’une retenue d’impôt sur des paiements compensatoires au titre de dividendes versés sur des actions canadiennes à un prêteur de valeurs mobilières non‑résident ne puisse pas être évitée en « maquillant » le prêt d’actions afin qu’il ne soit pas admissible à titre de « mécanisme de prêt de valeurs mobilières » au sens de la Loi. Pour ce faire, le concept de « mécanisme de prêt de valeurs mobilières déterminé » a été élargi aux règles relatives à la retenue d’impôt régissant les mécanismes de prêt de valeurs mobilières. Ce terme a été introduit dans le budget fédéral 2018 et s’applique désormais dans le contexte de la retenue d’impôt. Cette mesure vise à assurer qu’il ne soit plus possible d’éviter la retenue d’impôt applicable en vertu des règles régissant le traitement des paiements versés aux termes d’un mécanisme de prêt de valeurs mobilières en ne se conformant pas à toutes les exigences techniques énoncées dans la définition d’un « mécanisme de prêt de valeurs mobilières ».
Ces changements s’appliqueront aux paiements compensatoires versés à compter du jour du budget. Cependant, lorsqu’un prêt de valeurs mobilières était en place avant le jour du budget, seuls les paiements compensatoires effectués après septembre 2019 seront assujettis à ces nouvelles règles.
Enfin, il est proposé dans le Budget 2019 de mettre un terme à un piège de longue date dans les règles régissant le traitement de la retenue d’impôt sur les paiements versés aux termes des mécanismes de prêt de valeurs mobilières. Selon les règles existantes, lorsque l’action empruntée est une action étrangère plutôt qu’une action canadienne et que l’opération est garantie de la façon indiquée ci‑dessus, les paiements compensatoires au titre de dividendes sont réputés être des dividendes de source canadienne assujettis à la retenue d’impôt. Le Budget 2019 prévoit des changements visant essentiellement à régler cette question, de sorte que les paiements compensatoires au titre de dividendes relatifs aux actions d’une société non‑résidente ne seraient généralement pas réputés être des dividendes de source canadienne assujettis à la retenue d’impôt. Ce changement s’appliquera aux paiements compensatoires au titre de dividendes versés à compter du jour du budget.
Ordre d’application des règles sur les prix de transfert
Comme la plupart des territoires, le Canada dispose de règles sur les prix de transfert qui sont fondées sur le « principe de pleine concurrence », qui est reconnu à l’échelle internationale. En vertu de ces règles, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») peut redresser la valeur ou la nature des montants pertinents en ce qui a trait au calcul de l’impôt lorsque les modalités d’une opération entre des parties ayant un lien de dépendance ne reflètent pas les modalités dont des parties sans lien de dépendance auraient convenu dans des circonstances similaires. Dans bon nombre de cas, d’autres dispositions de la Loi s’appliquent également aux mêmes faits ou aux mêmes opérations. Selon le Budget 2019, dans le cas où à la fois les règles sur les prix de transfert et une autre disposition de la Loi peuvent s’appliquer, il y a incertitude quant à l’application ayant préséance.
Le Budget 2019 propose la modification de la Loi de manière à établir que les redressements en vertu des règles sur les prix de transfert (s’il y a lieu) soient effectués avant l’application de toute autre disposition de la Loi. Cette modification entraînerait probablement des redressements relatifs aux prix de transfert plus importants et plus fréquents, ce qui entraînerait à son tour l’imposition par l’ARC de plus lourdes pénalités. Le Budget 2019 fait allusion à cette motivation, sans toutefois élaborer sur la justification politique de cette proposition. Il y a également la possibilité que les retenues d’impôts soient pratiquées plus fréquemment en vertu des règles relatives aux « redressements secondaires », qui peuvent s’appliquer pour qu’un dividende soit réputé avoir été payé dans le cadre d’un redressement de revenu.
Le Budget 2019 prévoit que les exceptions actuelles aux règles sur les prix de transfert continueront de s’appliquer relativement aux situations dans lesquelles une société étrangère affiliée contrôlée doit une somme donnée à une société résidant au Canada, ou une société résidant au Canada fournit une garantie pour le remboursement d’une créance d’une société étrangère affiliée. Cependant, l’avis de motion de voies et moyens accompagnant le Budget 2019 propose d’abroger une disposition qui rend inapplicables certaines règles prévues par la Loi là où les règles relatives aux prix de transfert s’appliquent. Les règles en question limitent généralement les déductions à des montants raisonnables. Selon ces mêmes règles, certaines opérations avec une personne reliée sont présumées avoir lieu à leur juste valeur marchande. Ces règles permettent également à l’ARC de réaffecter des montants entre le coût d’un bien, les frais de service et les paiements liés à des clauses restrictives dans certaines circonstances. Le ministre des Finances estime vraisemblablement que cette disposition n’est plus nécessaire compte tenu du nouvel ordre d’application des règles. Ce serait toutefois préoccupant si cette abrogation avait pour effet de permettre l’application de ces règles où un redressement de prix de transfert aurait déjà été effectué. Un tel résultat serait difficile à justifier d’un point de vue de politique fiscale.
Période de nouvelle cotisation applicable
Le Budget 2019 propose d’intégrer la vaste définition d’« opération » figurant dans les règles sur les prix de transfert aux fins de la règle prévue au sous-alinéa 152(4)(b)(iii) de la Loi, qui prolonge la période normale de nouvelle cotisation pour les opérations impliquant un contribuable et un non‑résident avec lequel le contribuable a un lien de dépendance. De toute évidence, cette proposition vise à donner à l’ARC plus de pouvoirs afin qu’elle puisse prolonger le délai de prescription pour procéder à des redressements suivant une vérification. Cependant, les difficultés rencontrées par l’ARC en l’absence de ce changement n’ont pas été précisées. Soulignons que le délai de prescription prolongé prévu au sous‑alinéa 152(4)b)(iii) ne se limite pas aux prix de transfert. Tout redressement résultant d’« opérations » impliquant un non-résident ayant un lien de dépendance est maintenant assujetti au délai de prescription prolongé. La modification proposée s’appliquera donc bien au-delà du contexte des prix de transfert.
Cette mesure s’appliquera aux années d’imposition pour lesquelles la période normale de nouvelle cotisation se termine le jour du budget ou après.
MESURES FISCALES RELATIVES AUX FONDS D’INVESTISSEMENT
Attribution aux détenteurs d’unités demandant le rachat
Les fiducies de fonds commun de placement sont assujetties à l’impôt sur le revenu (y compris les gains en capital imposables) au taux le plus élevé pouvant s’appliquer à un particulier. Cependant, elles sont généralement autorisées à déduire le montant du revenu et des gains en capital imposables qui ont été distribués à leurs détenteurs d’unités et qui ont été inclus dans le revenu de ces derniers. Habituellement, les fiducies de fonds commun de placement distribuent la totalité de leur revenu et de leurs gains en capital chaque année afin que ces revenus et gains ne soient pas assujettis à l’impôt sur le revenu.
Lorsqu’un détenteur d’unités d’une fiducie de fonds commun de placement demande le rachat d’une unité, la fiducie de fonds commun de placement doit souvent disposer d’un bien afin de financer le prix de ce rachat. Si la fiducie de fonds commun de placement réalise un gain en capital sur cette disposition, il y a risque de double imposition. Ceci s’explique par le fait que le détenteur d’unités demandant le rachat pourrait réaliser un gain en capital lors de la disposition de l’unité faisant l’objet du rachat, tandis que la fiducie de fonds commun de placement réaliserait un gain en capital lors de la disposition d’un bien pour financer ce rachat, lequel gain serait distribué aux détenteurs d’unités restants. Ces derniers paieraient alors de l’impôt sur la partie imposable de ce gain en capital.
Afin d’atténuer ce risque de double imposition, les fiducies de fonds commun de placement peuvent avoir recours au mécanisme de remboursement des gains en capital, qui prévoit un remboursement de l’impôt sur les gains en capital nets réalisés, selon une formule qui dépend en partie du montant des rachats des unités du fonds. En pratique, cette formule ne fonctionne pas adéquatement dans bien des cas. Par conséquent, plutôt que d’avoir recours au mécanisme de remboursement des gains en capital, de nombreuses fiducies de fonds commun de placement attribuent les gains en capital aux détenteurs d’unités qui demandent un rachat. Les gains en capital ainsi attribués par la fiducie de fonds commun de placement à un détenteur d’unités qui demande un rachat réduisent le produit de disposition des unités rachetées qui est versé au détenteur d’unités. Ainsi, un détenteur d’unités demandant un rachat paie généralement le même montant d’impôt, que la fiducie de fonds commun de placement lui ait attribué ou non les gains en capital provenant de ce rachat.
Selon les documents du Budget 2019, le ministre des Finances craint que, lorsque le montant d’un gain en capital attribué à un détenteur d’unités demandant un rachat est supérieur au montant du gain en capital qui aurait autrement été réalisé par le détenteur d’unités lors du rachat de ses unités, la portion excédentaire donnerait lieu à un report inapproprié des gains en capital pour les détenteurs d’unités restants plutôt qu’à la réduction d’une double imposition. Le ministre des Finances semble craindre que l’indifférence relative à l’impôt du détenteur d’unités demandant un rachat ait été mise à profit pour générer un gain en capital plus important que ce qui est raisonnablement lié à l’investissement du détenteur d’unités demandant le rachat. Si le gain en capital résulte de la disposition de biens par la fiducie de fonds commun de placement pour financer le rachat, il est difficile de déterminer comment un report serait nécessairement inapproprié, puisqu’en l’absence d’un tel rachat, la fiducie de fonds commun de placement n’aurait pas disposé des biens et n’aurait pas réalisé de gain en capital. Il y aurait lieu également de faire valoir qu’un détenteur d’unités demandant le rachat pourrait se voir attribuer sa portion des gains en capital réalisés précédemment par la fiducie de fonds commun de placement au cours de l’année du rachat, de sorte que cette portion ne soit pas assumée de manière inappropriée par les porteurs de parts restants.
Pour traiter de cette question, le Budget 2019 propose d’instaurer une règle qui limiterait le montant déductible par une fiducie de fonds commun de placement à l’égard de l’attribution d’un gain en capital à un détenteur d’unités demandant un rachat, dans la mesure où le gain en capital attribué aurait été supérieur au gain en capital que le détenteur d’unités aurait réalisé à la disposition de ses unités. Pour en arriver à cette détermination, la fiducie de fonds commun de placement serait tenue de connaître le coût indiqué des unités du détenteur d’unités, ce qui pourrait ne pas être possible, notamment si les unités de la fiducie de fonds commun de placement sont négociées en bourse. Les fiducies de fonds commun de placement qui ne sont pas autorisées à attribuer le montant souhaité d’un gain en capital à un détenteur d’unités demandant un rachat seront tenues d’avoir recours au mécanisme de remboursement des gains en capital ou de distribuer le gain en capital restant aux autres détenteurs d’unités.
Certaines fiducies de fonds commun de placement attribuent également un revenu (autre que des gains en capital imposables) aux détenteurs d’unités demandant un rachat. Ceci permet aux fiducies de fonds commun de placement de s’assurer que les détenteurs d’unités n’évitent pas l’imposition de leur portion du revenu de la fiducie de fonds commun de placement au rachat de leurs unités. Selon les documents du Budget 2019, le ministre des Finances craint que certaines fiducies de fonds commun de placement utilisent l’attribution du revenu aux détenteurs d’unités demandant un rachat pour convertir les rendements qui seraient autrement qualifiés de revenus en gains en capital. Le ministre des Finances soutient que, pour que la planification de cette opération soit possible, il faut que les détenteurs d’unités demandant un rachat détiennent leurs unités au titre de revenu, et que les autres détenteurs d’unités détiennent les leurs à titre d’immobilisation.
Le Budget 2019 propose de refuser aux fiducies de fonds commun de placement la possibilité d’attribuer un revenu aux détenteurs d’unités demandant un rachat. Ceci pourrait entraîner des difficultés dans certaines circonstances. Par exemple, si un important détenteur d’unités demande le rachat de ses unités, le fonds devrait alors disposer de placements, ce qui générerait un revenu d’envergure devant être distribué aux détenteurs d’unités restants. Certaines fiducies de fonds commun de placement pourraient devoir faire une distribution spéciale (au comptant ou en unités qui seraient automatiquement regroupées) auprès de tous les détenteurs d’unités afin de s’assurer que le revenu réalisé par la fiducie pour financer le rachat ne soit pas assujetti à l’impôt.
Ces mesures s’appliqueront aux fiducies de fonds commun de placement pour les années d’imposition qui commencent le jour du budget ou après. Les fiducies de fonds commun de placement ont ainsi le reste de l’année pour se préparer à l’entrée en vigueur de ces changements, à moins que leur fin d’année d’imposition ne soit devancée par suite d’une fusion de fonds ou de faits liés à la restriction de pertes. Ces mesures devraient toucher un nombre important de fiducies de fonds commun de placement.
Modifications aux règles (de requalification) des contrats dérivés à terme
On retrouve dans le Budget 2019 une modification à la définition du terme contrat dérivé à terme (un « CDT ») qui ferait en sorte d’éliminer une échappatoire apparente dans la définition de ce terme qui, selon le ministre des Finances, pourrait être utilisé par les contribuables pour convertir certains revenus en gains en capital.
Les règles des CDT visent à empêcher les opérations de requalification qui font en sorte que des montants qui auraient autrement été inclus en totalité dans les revenus soient imposés à titre de gains en capital. De tels résultats sont habituellement obtenus en ayant recours à des contrats de vente ou d’achat à terme ou à d’autres types de contrats dérivés, bien souvent des fonds communs de placement ayant choisi de traiter leurs titres comme des « titres canadiens ».
Il est indiqué dans les documents du Budget 2019 que la pratique abusive est fondée sur une exception relative aux règles des CDT qui s’applique lorsque le rendement économique d’une opération d’achat ou de vente dépend du rendement réel du bien faisant l’objet de l’achat ou de la vente. Le ministre des Finances a fait valoir que cette exception visait à ce que les règles des CDT ne s’appliquent pas aux opérations commerciales, telles que les fusions et acquisitions. Les documents du Budget 2019 incluent l’exemple suivant d’une opération qui, selon le ministre des Finances, a été élaborée pour avoir recours à cette exception de façon inappropriée :
- Une fiducie de fonds commun de placement (un fonds d’investisseur) conclut un contrat d’achat à terme avec une contrepartie en vertu duquel il convient d’acquérir des parts d’un second fonds commun de placement (fonds de référence) à une date ultérieure convenue, pour un prix d’achat égal à la valeur de ces parts à la date du règlement du contrat d’achat à terme.
- Le fonds de référence détient un portefeuille de placements qui produit un revenu ordinaire entièrement imposable.
- Lors du règlement du contrat d’achat à terme, le fonds d’investisseur acquiert les parts du fonds de référence et traite le coût de ces parts comme équivalant au prix d’achat en vertu du contrat d’achat à terme.
- Par la suite, le fonds d’investisseur vend ou fait racheter immédiatement les parts du fonds de référence, ce qui lui permet de réaliser un gain qu’il traite comme un gain en capital, compte tenu du choix fait de traiter ses titres canadiens (comme les parts du fonds de référence) comme des immobilisations.
Il est proposé dans le Budget 2019 d’ajouter une nouvelle exigence limitant le recours à l’exception aux règles des CDT décrite ci-dessus, du fait que l’exception s’applique aux contrats d’achat. D’une manière générale, cette modification stipulera qu’il n’est pas permis d’invoquer l’exception visant les opérations commerciales si l’on peut raisonnablement considérer qu’un des principaux objectifs de la série d’opérations, qui fait partie d’un contrat visant l’achat subséquent d’un titre (ou d’un contrat équivalent), est de permettre au contribuable de convertir en gain en capital toute somme versée sur le titre, par son émetteur, durant la période pendant laquelle le titre est visé par le contrat, de même que si la contrepartie à l’opération est une institution financière ou un « investisseur indifférent relativement à l’impôt » (généralement un investisseur exonéré d’impôt ou un non-résident).
Cette proposition s’appliquera aux dispositions effectuées à compter du jour du budget. Toutefois, des dispositions transitoires limitées sont prévues pour les dispositions effectuées en 2019 en vertu de contrats conclus avant le jour du budget ou de contrats conclus après le jour du budget, mais qui sont, pour l’essentiel, similaires à des contrats antérieurs, pourvu que, dans chaque cas, le montant notionnel du bien sous-jacent au contrat ne dépasse pas les limites de croissance prévues.
Programme de la recherche scientifique et du développement expérimental
Le Programme de la recherche scientifique et du développement expérimental (la « RS&DE ») permet d’obtenir une déduction complète des dépenses admissibles engagées au cours de l’année, de même qu’un crédit d’impôt à l’investissement à l’égard de telles dépenses. Les sociétés privées sous contrôle canadien (les « SPCC ») ont le droit chaque année de réclamer un crédit d’impôt majoré entièrement remboursable à un taux de 35 % sur un maximum de 3 millions de dollars de dépenses en RS&DE admissibles. La limite des dépenses est réduite lorsque le revenu imposable de l’année d’imposition précédente se situe entre 500 000 $ et 800 000 $. La limite des dépenses est également réduite lorsque le montant de capital imposable utilisé au Canada pour l’année d’imposition précédente se situe entre 10 millions et 50 millions de dollars.
Selon la formule actuelle, le crédit pour la RS&DE peut être réduit de façon disproportionnée en présence d’une augmentation relativement faible du montant du revenu des SPCC dont le revenu se situe entre 500 000 $ et 800 000 $. Pour remédier à cette situation, il est proposé dans le Budget 2019 d’abroger le recours au revenu imposable comme facteur contribuant à déterminer la limite des dépenses annuelles d’une SPCC aux fins du crédit pour la RS&DE. Par conséquent, si une SPCC dispose d’un capital imposable utilisé au Canada inférieur à 10 M$, elle aura accès au crédit remboursable maximal pour la RS&DE, quel que soit son revenu. Cette mesure devrait offrir une meilleure prévisibilité à l’égard de l’élimination progressive du crédit pour la RS&DE, en particulier pour les petites et moyennes SPCC.
Cette mesure s’appliquera aux années d’imposition se terminant le jour du budget ou après.
Incitatifs fiscaux pour les organisations journalistiques canadiennes
Il a été annoncé dans l’Énoncé économique de l’automne 2018 que le Budget 2019 fournirait davantage de renseignements sur certaines mesures fiscales de soutien au journalisme canadien. Comme prévu, le Budget 2019 comporte les propositions suivantes :
- Ajout des « organisations journalistiques enregistrées » en tant que nouvelle catégorie de donataires reconnus;
- Crédit d’impôt remboursable pour la main-d’œuvre de 25 % offert aux organisations journalistiques admissibles sur les salaires et traitements versés aux employés de salle de presse admissibles (sous réserve d’un plafond de 55 000 $ par employé admissible et par année, qui sera réduit du montant de toute autre aide gouvernementale reçue à l’égard de ces salaires et traitements);
- Crédit d’impôt non remboursable temporaire de 15 % offert aux particuliers pour les abonnements à des services d’information numériques admissibles canadiens (sous réserve d’un plafond de 500 $ en frais d’abonnement à ces services par année).
Cette nouvelle catégorie de donataires reconnus sera généralement accessible aux organisations journalistiques à but non lucratif qui satisfont à certains critères d’admissibilité et qui ont présenté une demande d’enregistrement à l’ARC à titre d’« organisation journalistique enregistrée ». En tant que donataires reconnus, les organisations journalistiques à but non lucratif admissibles pourront remettre des reçus officiels de dons et seront admissibles au financement provenant d’organismes de bienfaisance enregistrés; toutefois, contrairement aux organismes de bienfaisance enregistrés, les organisations journalistiques devront fournir le nom de chaque personne qui, dans une année, aura versé à l’organisation des dons totalisant plus de 5 000 $.
En plus d’autres exigences particulières, le statut d’organisation journalistique canadienne admissible (une « OJCA ») sera un critère obligatoire pour se prévaloir de chacune des trois mesures. D’après les documents du Budget 2019, certains critères devront être respectés par les organisations afin qu’elles soient admissibles à titre d’OJCA et un groupe indépendant sera formé afin de préciser les critères. Outre d’autres exigences, il est proposé dans le Budget 2019 que pour qu’une organisation soit admissible à titre d’OJCA, elle devra exercer ses activités au Canada (et, dans le cas d’une société, avoir été constituée au Canada et résider au Canada). De plus, les membres qui la contrôlent ou son conseil d’administration devront respecter certains critères relatifs à la citoyenneté canadienne.
La mesure prévoyant l’ajout des organisations journalistiques enregistrées en tant que nouvelle catégorie de donataires reconnus entrera en vigueur le 1er janvier 2020.
Le crédit d’impôt remboursable pour la main d’œuvre s’appliquera aux salaires et aux traitements gagnés le 1er janvier 2019 ou après.
Le crédit d’impôt des particuliers pour les abonnements numériques sera offert à l’égard des montants admissibles payés après 2019 et avant 2025.
MESURES VISANT LES TAXES DE VENTE ET D’ACCISE
Il est proposé dans le Budget 2019 d’élargir l’allègement de TPS/TVH à certaines substances biologiques ainsi qu’à certains appareils médicaux et services de soins de santé. Il est à noter que le Budget 2019 prévoit des allègements de TPS/TVH sur les fournitures et les importations d’ovules humains, de même que sur les importations d’embryons humains in vitro (le sperme humain est détaxé depuis 1993).
Il est proposé dans le Budget 2019 de modifier le cadre du droit d’accise pour les produits du cannabis en imposant un droit d’accise uniforme sur les extraits de cannabis (dont les huiles de cannabis), le cannabis comestible et le cannabis pour usage topique, en fonction du contenu total de tétrahydrocannabinol (le « THC »). Auparavant, les huiles de cannabis pouvaient être taxées selon la quantité de matériel de cannabis utilisé pour produire les huiles, ce qui entraînait des difficultés en matière de conformité pour les producteurs titulaires d’une licence. Il est proposé que le taux du droit d’accise combiné fédéral-provincial-territorial soit de 0,01 $ par milligramme de THC contenu dans le produit final. À l’instar du régime existant pour le cannabis séché, le droit fondé sur la teneur en THC sera imposé aux titulaires de licence de cannabis au moment de l’emballage, et sera exigible lorsque le produit est livré à une personne qui n’est pas titulaire d’une licence de cannabis (par exemple, un grossiste provincial, un détaillant ou un consommateur). Les modifications proposées entreront en vigueur le 1er mai 2019, sous réserve de règles transitoires.
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Ressources connexes
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