Le 28 mars 2023 (le « jour du Budget »), la ministre des Finances du Canada a présenté le budget fédéral de 2023 (le « Budget 2023 »). Même si certains avaient prédit que le programme législatif chargé du ministère des Finances au cours des dernières années donnerait lieu à un budget léger en mesures fiscales, le Budget 2023 contient des changements significatifs sur le plan fiscal. Dans le présent bulletin, nous nous intéressons aux plus importantes mesures concernant la fiscalité des entreprises qui sont présentées dans le Budget 2023.
FAITS SAILLANTS
Malgré la décision en instance de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Deans Knight, le Budget 2023 indique que le ministère des Finances a l’intention d’aller de l’avant avec une réforme importante de la règle générale anti-évitement (la « RGAÉ »). Les modifications proposées comprennent : 1) l’ajout d’un préambule aux fins d’interprétation; 2) la réduction du seuil pour une « opération d’évitement »; 3) l’obligation de prendre en considération la « substance économique » dans la détermination d’un évitement fiscal abusif; 4) la prolongation de la période de nouvelle cotisation; et 5) l’imposition d’une pénalité de 25 % du montant de l’avantage fiscal demandé.
De plus, dans le contexte post-COVID marqué par des pressions économiques de plus en plus fortes exercées sur les gouvernements, le Budget 2023 présente un projet de règles visant à mettre en œuvre la taxe sur les rachats d’actions annoncée dans l’Énoncé économique de l’automne 2022 et propose d’éliminer la déduction des dividendes intersociétés pour les institutions financières sur les actions détenues à titre de biens évalués à la valeur du marché.
Le Budget 2023 prévoit également un important ensemble de crédits d’impôt visant à encourager le développement de l’économie propre du Canada.
TABLE DES MATIÈRES :
MESURES VISANT L'IMPÔT SUR LE REVENU DES ENTREPRISES
MESURES VISANT L'IMPÔT SUR LE REVENU DES PARTICULIERS
MESURES VISANT LA FISCALITÉ INTERNATIONALE
MESURES VISANT L’IMPÔT SUR LE REVENU DES ENTREPRISES
Règle générale anti-évitement
En août 2022, le ministère des Finances a publié un document de consultation sollicitant des commentaires sur les façons de renforcer la RGAÉ. Dans le document de consultation, on soulignait qu’il existait déjà un vaste corpus de jurisprudence sur la RGAÉ, et que la RGAÉ s’était révélée un outil raisonnablement efficace pour lutter contre l’évitement fiscal. Néanmoins, dans le document de consultation, le ministère des Finances a exprimé des préoccupations au sujet de certaines lacunes perçues de la version actuelle de la RGAÉ (fondées en grande partie sur des décisions dans lesquelles l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») n’a pas réussi à appliquer la RGAÉ).
Dans le Budget 2023, le gouvernement propose des modifications significatives touchant la RGAÉ. Il est intéressant de noter que le gouvernement a choisi de proposer ces changements, qui étaient prévus dans le document de consultation, sans attendre la décision très attendue n’ayant pas encore été rendue de la Cour suprême du Canada (la « CSC ») dans l’affaire Deans Knight. Cette décision pourrait fournir des directives supplémentaires quant à l’interprétation ou à l’application de la RGAÉ. Cela dit, ces propositions se veulent la continuation du processus de consultation, à la suite duquel le gouvernement a l’intention de publier une autre ébauche des propositions et d’annoncer leur date d’entrée en vigueur.
D’ailleurs, trois éléments doivent être présents pour que la RGAÉ s’applique, soit : un « avantage fiscal »; une « opération d’évitement »; et un « abus » d’une disposition pertinente de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »), ou de la LIR en entier, lue dans son ensemble. Lorsque la RGAÉ s’applique, les attributs fiscaux d’une « opération d’évitement » peuvent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un « avantage fiscal » qui serait par ailleurs réalisé. Cependant, la RGAÉ ne s’applique que s’il peut raisonnablement être considéré que l’opération entraînerait par ailleurs un « abus » des dispositions de la LIR ou un « abus » eu égard à ces dispositions lues dans leur ensemble.
Préambule
Le Budget 2023 propose d’ajouter un préambule en trois volets décrivant la portée de la RGAÉ en termes généraux, dans le but d’aider à régler les questions d’interprétation et de s’assurer que la RGAÉ s’applique comme prévu.
Conformément au premier volet, la RGAÉ s’applique pour refuser les avantages fiscaux des opérations d’évitement qui entraînent directement ou indirectement un abus des dispositions de la LIR ou un abus eu égard à ces dispositions lues dans leur ensemble « tout en permettant aux contribuables d’obtenir les avantages fiscaux visés par les dispositions applicables ». On peut avancer que le fait de mettre l’accent sur l’octroi d’avantages fiscaux « visés » est contraire à la façon dont la RGAÉ fonctionne actuellement, puisque le paragraphe 245(4) de la LIR prévoit que la RGAÉ ne s’appliquera que si elle entraîne un abus, et les tribunaux ont établi qu’il incombe à l’ARC de démontrer que les avantages fiscaux entraînent un abus. Dans le Budget 2023, le gouvernement ne propose pas de modifier l’exigence prévue au paragraphe 245(4) selon laquelle la RGAÉ ne s’applique que s’il y a abus. Il semble donc peu probable que la mention des avantages « visés » dans le préambule puisse transférer ce fardeau de l’ARC au contribuable.
Selon le deuxième volet, la RGAÉ établit un équilibre entre le besoin de certitude des contribuables dans la planification de leurs affaires et la responsabilité du gouvernement de protéger l’assiette fiscale et l’équité du régime fiscal.
Le troisième volet du préambule établit que la RGAÉ peut s’appliquer qu’une stratégie fiscale ait été ou non prévue (vraisemblablement par le Parlement). Cela semble avoir été proposé en réponse à une déclaration des juges majoritaires de la CSC dans l’affaire Alta Energy selon laquelle la RGAÉ a été « adoptée dans le but d’identifier des stratégies fiscales qui n’avaient pas été prévues ». Il sera intéressant de voir comment l’ARC s’acquittera de son fardeau d’établir que l’obtention d’un avantage fiscal prévu conformément aux règles techniques de la LIR constitue un mauvais usage ou un abus de ces dispositions si elles ont été rédigées de manière à permettre l’obtention d’un tel avantage.
Opération d’évitement
Il est proposé dans le Budget 2023 de réduire le seuil du critère de l’« opération d’évitement ».
Selon la définition actuelle, une « opération d’évitement » s’entend d’une opération (ou d’une opération faisant partie d’une série d’opérations), dont découle, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables (l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable). Dans le Budget 2023, il est proposé de modifier cette définition en supprimant l’exception relative aux « objets véritables » et de définir plutôt une opération d’évitement comme une opération à l’égard de laquelle il est raisonnable de considérer que « l’un des objets principaux » d’entreprendre ou d’organiser celle-ci était d’obtenir l’avantage fiscal. Le critère de « l’un des objets principaux » est semblable au critère de « l’un des objets principaux » établi dans la Convention multilatérale, qui a été adoptée au Canada en 2019 et qui a modifié bon nombre des conventions fiscales existantes du Canada. Cependant, contrairement à ce que prévoit la Convention multilatérale, il est signalé que lorsque le critère de « l’un des objets principaux » est satisfait, il incombe tout de même à l’ARC de démontrer qu’il y a eu un abus ou une utilisation abusive aux fins de la RGAÉ.
L’élargissement de la définition d’une « opération d’évitement », en réduisant le seuil du critère des « objets véritables » à « l’un des objets principaux », affaiblit considérablement le rôle de gardien de celle-ci. Il s’agit d’un changement par rapport à l’interprétation antérieure du paragraphe 245(3) de la LIR, qui consistait « à soustraire à l’application de la RGAÉ les opérations ou séries d’opérations qui pouvaient raisonnablement être considérées comme ayant été principalement effectuées pour un objet non fiscal » (tiré de la décision rendue par la CSC dans l’affaire Trustco Canada).
Il reste à voir l’importance qui sera accordée à ce changement dans le contexte des différends liés à la RGAÉ, étant donné que la grande majorité des affaires relatives à la RGAÉ sont tranchées sur le volet « abus » du critère existant (ayant été déterminé auparavant que l’opération constituait une « opération d’évitement »).
Abus
Comme il était proposé dans le document de consultation sur la RGAÉ (qui faisait suite à la lettre de mandat de la ministre des Finances émanant du cabinet du premier ministre du Canada), le Budget 2023 introduit une règle d’interprétation unique sur la substance économique, laquelle sera appliquée à l’étape de l’« abus ». Les modifications proposées, dans leur forme actuelle, signalent que, lorsqu’une opération d’évitement « manque considérablement de substance économique », « il en ressort normalement » un abus.
Du reste, le Budget 2023 souligne que la substance économique ne supplanterait pas l’approche générale en vertu de la législation canadienne de l’impôt sur le revenu, laquelle est axée sur la forme juridique d’une opération (en d’autres mots, il ne s’agirait pas d’une transition générale vers une approche axée sur la substance économique plutôt que sur la forme juridique). Il est par ailleurs précisé dans le Budget 2023 qu’un manque de substance économique ne signifiera pas toujours qu’une opération est abusive, notant que dans les cas où les résultats fiscaux recherchés reflètent l’objet des dispositions ou du mécanisme invoqués, aucun évitement fiscal abusif ne sera reconnu même dans les cas où une substance économique serait manquante.
La tournure « il en ressort normalement » établit une nouvelle norme dans la législation canadienne de l’impôt sur le revenu. Toutefois, la manière dont il conviendrait de mettre en balance un éventuel manque de substance ou un manque de substance affirmé dans le cadre d’une analyse plus traditionnelle de l’objet et de l’esprit des dispositions ou du mécanisme invoqué n’est pas totalement claire.
Les modifications proposées énumèrent les facteurs qui tendent, selon les circonstances particulières, à révéler qu’une opération « manque considérablement » de substance économique. En voici quelques exemples :
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la totalité, ou la presque totalité des possibilités pour le contribuable de réaliser des gains ou des bénéfices et de subir des pertes, conjointement avec celles des contribuables ayant un lien de dépendance, resterait inchangée, notamment en raison des flux financiers circulaires, de la compensation des situations financières et du délai entre les étapes de la série;
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il serait raisonnable de conclure que, au moment où l’opération était conclue, la valeur de l’avantage fiscal escomptée dépassait le rendement économique non fiscal escompté, lequel exclut aussi bien l’avantage fiscal que tout avantage fiscal se rattachant à une autre juridiction;
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il serait raisonnable de conclure que la totalité, ou la presque totalité, des objets d’entreprendre ou d’organiser l’opération ou la série était d’obtenir l’avantage fiscal (il n’est pas clair si l’expression « la totalité, ou la presque totalité » a le même sens que celui qui lui est conféré lorsqu’elle est utilisée ailleurs dans la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada (« LIR »), lesquelles autres occurrences, selon l’ARC, correspondraient généralement à 90 % ou plus).
Période de nouvelle cotisation prolongée
Il est proposé dans le Budget 2023 de permettre à l’ARC, trois ans après la fin de la période normale de cotisation, d’établir une cotisation ou une nouvelle cotisation relativement aux cotisations liées à la RGAÉ sauf si l’opération a été déclarée au ministre en tant qu’« opération à déclarer » en vertu de l’article 237.3 de la LIR. Selon les dispositions de l’article 237.3 de la LIR, un contribuable a le choix de divulguer une opération susceptible d’être assujettie à la RGAÉ de façon préventive, auquel cas la période normale de nouvelle cotisation s’appliquera (en règle générale, quatre ans pour les fiducies de fonds commun de placement (« FFCP ») ainsi que les sociétés autres que des sociétés privées sous contrôle canadien (« SPCC »), et trois ans pour les autres). Cette divulgation préventive pourrait, en plus des modifications proposées aux règles de divulgation obligatoire publiées par le ministère des Finances en août 2022, inciter davantage les contribuables et/ou leurs conseillers à déclarer de plus en plus ces opérations en vertu de l’article 237.3 de la LIR.
Le mécanisme de divulgation préventive, bien que nouveau dans la législation fédérale, arrive après l’adoption de mesures similaires dans le cadre du régime québécois de la RGAÉ. En 2009, la ministre des Finances du Québec a en effet rendu public un mécanisme de divulgation préventive visant certaines opérations susceptibles d’être assujetties à la RGAÉ du Québec. Afin de donner aux autorités fiscales québécoises plus de temps pour examiner les opérations dites d’évitement, la période normale de nouvelle cotisation a par ailleurs été prolongée de trois ans, à moins qu’une divulgation préventive ne soit faite. Le mécanisme de divulgation préventive mis en place au Québec est volontaire et limité aux circonstances susceptibles d’entraîner l’application de la RGAÉ du Québec.
Il convient de noter que si l’opération en cause implique un non-résident ayant un lien de dépendance ou encore si l’application réussie de la RGAÉ à une opération mène à une retenue d’impôt, l’opération peut déjà faire l’objet d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation au-delà de la période normale de nouvelle cotisation.
Fait intéressant du Budget, la possibilité qu’une période de nouvelle cotisation soit prolongée aux fins de la RGAÉ, tout comme le fait que des périodes puissent être prolongées (peut-être de façon indéterminée) en vertu des dispositions proposées visant les opérations à déclarer (et aux termes d’autres règles de divulgation obligatoire proposées), ne s’accompagne d’aucun changement apporté aux périodes pour lesquelles les contribuables sont tenus en vertu de la LIR (et des règlements connexes) de tenir des livres et des registres éventuellement pertinents pour l’établissement de leurs incidences fiscales. Les contribuables pourraient vouloir passer en revue leurs politiques en matière de conservation de documents afin de prévoir des périodes de conservation plus longues dans certains cas, dans la mesure où de nouvelles cotisations pourraient être établies au-delà des périodes de conservation de documents prévues par la loi.
Pénalité
Comme il était proposé dans le document de consultation sur la RGAÉ, le Budget 2023 introduit une pénalité correspondant à 25 % du montant de l’avantage fiscal refusé en raison de l’application de la RGAÉ (une mesure qui, encore une fois, a déjà été adoptée dans le régime québécois de la RGAÉ). Cette initiative vise à renforcer l’effet dissuasif de la RGAÉ, en veillant à ce que les contribuables n’optent pas pour une approche « qui ne risque rien n’a rien » au moment d’envisager de réaliser une opération susceptible d’être assujettie à la RGAÉ. Il convient de noter qu’il n’est pas proposé que la pénalité de 25 % s’applique aux attributs fiscaux inutilisés (par exemple, une augmentation du capital versé qui n’a pas encore été remboursé). Cette exception est appropriée, puisqu’un attribut fiscal qui n’a pas été utilisé ne génère aucune économie d’impôt. Il n’empêche que le calcul de la pénalité pourrait être peaufiné, car la façon dont sera évalué le montant de l’avantage fiscal lorsque celui-ci consiste en un report plutôt qu’en un évitement fiscal n’est pas claire.
Un contribuable ne se verra pas infliger la pénalité si l’opération qui est considérée comme assujettie à la RGAÉ a été déclarée en vertu de l’article 237.3 de la LIR (que ce soit obligatoirement ou selon le mécanisme de divulgation préventive). Il n’existe pas de défense fondée sur la diligence raisonnable prévue par la loi pour cette pénalité, bien que la jurisprudence soit abondante quant à une défense fondée sur la diligence raisonnable en common law relativement aux pénalités infligées en vertu de la LIR. Il sera intéressant de voir comment les tribunaux appliqueront cette mesure dans le contexte d’une pénalité associée à la RGAÉ, lorsque l’opération en question, par définition, était conforme aux dispositions techniques de la LIR.
Date d’entrée en vigueur
La date de l’entrée en vigueur des modifications proposées dont il a été question précédemment n’est pas précisée dans le Budget 2023, il semblerait qu’elle sera plutôt annoncée quelque temps après la tenue d’une période de consultation supplémentaire. Les parties intéressées sont invitées à fournir leurs commentaires sur les propositions qui concernent la RGAÉ au ministère des Finances au plus tard le 31 mai 2023.
Impôt sur le rachat de capitaux propres
Comme il avait été annoncé dans l’Énoncé économique de l’automne de 2022, le Budget 2023 introduit un impôt sur le rachat de capitaux propres. La création de ce nouvel impôt est fortement inspirée de l’impôt de 1 % qui s’applique désormais aux rachats d’actions aux États-Unis en vertu de la loi intitulée Inflation Reduction Act of 2022. L’objectif déclaré de ces impôts est d’encourager les sociétés ouvertes à réinvestir leurs bénéfices plutôt qu’à racheter leurs actions. On peut néanmoins se demander si cet objectif sera réellement atteint. Lorsqu’on examine la situation aux États-Unis, rien ne semble indiquer que les opérations de rachat d’actions diminuent. Les sociétés ouvertes peuvent racheter des titres de capitaux propres pour une multitude de raisons qui ne sont pas nécessairement d’ordre fiscal.
Ce nouvel impôt correspond à 2 % de la valeur nette des rachats de capitaux propres effectués au cours de l’année d’imposition visée pour la plupart des sociétés publiques, des sociétés de personnes et des fiducies au Canada. Une entité est réputée être une « entité visée » assujettie à cet impôt si elle est :
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une société résidant au Canada (sauf une société de placement à capital variable);
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une FFCP qui, selon le cas, est une fiducie de placement immobilier (« FPI ») ou une fiducie intermédiaire de placement déterminée (« FIPD ») (ou une fiducie qui serait une FIPD si ses biens étaient situés au Canada); ou
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une société de personnes intermédiaire de placement déterminée (« SPIPD ») (ou une société de personnes qui serait une SPIPD si ses biens étaient situés au Canada);
dans chaque cas, à la condition que les titres de capitaux propres de l’entité soient inscrits à la cote d’une bourse de valeurs désignée.
Contrairement à l’impôt de 1 % applicable aux États-Unis, l’impôt sur le rachat des capitaux propres proposé au Canada s’appliquerait non seulement aux offres des émetteurs dans le cours normal de leurs activités, dans le cadre desquelles les actionnaires bénéficient généralement du régime appliqué aux gains en capital, mais aussi à d’autres situations, y compris les offres importantes, à l’occasion desquelles les actionnaires peuvent être assujettis à l’impôt sur les dividendes réputés.
Aux fins du calcul de l’impôt de 2 %, la valeur nette des rachats de capitaux propres est égale à la juste valeur marchande totale des capitaux propres (à l’exception des titres de capitaux propres qui satisferaient à la très étroite définition de « dette substantielle », comme il est décrit ci-après) de l’entité visée qui sont rachetés, acquis ou annulés au cours de l’année d’imposition applicable, moins la juste valeur marchande totale des capitaux propres (sauf une dette substantielle) de l’entité visée qui sont émis au cours de l’année d’imposition en question. En vertu d’une règle de minimis, une entité visée ne sera pas assujettie à cet impôt lorsque le total brut de ses rachats, acquisitions ou annulations pour l’année est inférieur à 1 M$ CA.
Les rachats, acquisitions, annulations et émissions effectués dans le cadre de certaines opérations de réorganisation ou d’acquisition sont exclus de ce calcul.
Le Budget 2023 comprend en outre deux règles anti-évitement connexes. D’une part, les titres de capitaux propres qui sont rachetés, acquis ou annulés (ou émis) par une entité visée seront inclus (ou exclus) dans le calcul de la valeur nette des rachats de capitaux propres lorsqu’il est raisonnable de considérer que l’un des objets principaux del’opération ou de la série d’opérations en question est, de façon générale, d’entraîner une diminution nette du montant assujetti à l’impôt de 2 %.
D’autre part, les capitaux propres d’une entité visée qui sont acquis par certaines entités affiliées seront réputés acquis par l’entité visée aux fins du présent régime, sous réserve d’exceptions restreintes relatives à certains achats effectués par des courtiers en valeurs mobilières inscrits et des fiducies établies au profit des employés.
Comme il a été mentionné précédemment, bien que les documents du Budget 2023 donnent à penser que la définition de « dette substantielle » englobe les actions privilégiées « de type dette », la définition réelle est rédigée de façon très étroite. Plus précisément, une « dette substantielle » y est définie comme des capitaux propres qui ne sont pas convertibles ou échangeables (sauf contre des capitaux propres qui, s’ils étaient émis, seraient une dette substantielle du même émetteur), qui ne confèrent pas de droit de vote, qui sont assortis d’un coupon exprimé en pourcentage du prix de souscription et qui sont remboursables ou rachetables pour un prix qui ne dépasse pas le prix de souscription, plus toute distribution impayée. Selon cette définition, les actions privilégiées qui sont remboursables moyennant une légère prime par rapport au prix de souscription, afin de tenir compte du remboursement anticipé, ne semblent pas satisfaire les critères de la définition.
Ce nouvel impôt s’applique aux opérations réalisées après 2023.
Selon le Budget 2023, il est estimé que cette mesure permettrait de tirer 2,5 G$ CA en recettes sur cinq ans, à compter 2023-2024.
Déduction des dividendes reçus par des institutions financières
À la suite de l’imposition de nouveaux impôts visant les grandes institutions financières du Canada l’an dernier, y compris le dividende pour la relance au Canada, le gouvernement fédéral propose d’adopter une autre hausse importante des impôts dans ce secteur.
Dans le Budget 2023, le gouvernement fédéral propose une modification d’envergure au chapitre de sa politique fiscale fondamentale, soit de refuser la déduction des dividendes intersociétés pour les actions de sociétés canadiennes détenues par des institutions financières à titre de biens évalués à la valeur du marché. Les actions sont généralement considérées comme étant des biens évalués à la valeur du marché d’une institution financière, sauf si l’institution financière possède des actions représentant au moins 10 % des droits de vote et de la juste valeur marchande de l’émetteur, ou si elle est liée à l’émetteur. Cette mesure s’applique également aux actions détenues par une institution financière qui sont émises par une société (autre qu’une institution financière) et qui constituent un bien à évaluer de l’institution financière de sorte que, par exemple, les dividendes versés par une société de placement à capital variable sur les actions qui constituent un bien à évaluer et qui sont détenues par une institution financière seraient assujettis à cette règle même si ces actions n’étaient pas autrement des biens évalués à la valeur du marché.
Pour expliquer ce changement d’envergure, le Budget 2023 énonce que la politique qui sous-tend les règles d’évaluation à la valeur du marché consiste à traiter les biens évalués à la valeur du marché comme générateurs d’un revenu d’entreprise, et que cette politique est incompatible avec celle qui sous-tend la déduction des dividendes reçus. Toutefois, le Budget 2023 ne précise pas pourquoi cette déduction, qui fournit une mesure d’intégration et qui permet d’éviter la double imposition ou l’imposition multiple des bénéfices des sociétés, est incompatible avec le revenu d’entreprise. Il n’est pas clair non plus pourquoi cette affirmation est exacte. En effet, il y a lieu d’en déduire que le gouvernement fédéral estimait que la déduction des dividendes intersociétés était conforme au régime des biens évalués à la valeur du marché lorsque ce régime a été instauré en 1994.
Notons que cette nouvelle mesure ne limite pas son champ d’application aux actions couvertes, ce qui semble avoir été le point de mire de mesures anti-évitement précédentes, ni ne différencie les actions au chapitre du traitement comptable.
Cette mesure s’applique aux dividendes reçus après 2023.
Selon le Budget 2023, cette mesure augmenterait les recettes fédérales de 3,15 G$ CA sur cinq ans à compter de 2024-2025, et de 790 M$ CA annuellement par la suite.
Énergie propre
Le Budget 2023 met beaucoup l’accent sur le développement du secteur de l’« économie propre » au Canada en introduisant de nouveaux crédits d’impôt et en fournissant des détails supplémentaires sur les crédits d’impôt annoncés précédemment. Ces crédits comprennent les suivants :
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le crédit d’impôt à l’investissement dans l’hydrogène propre (« crédit d’impôt pour l’hydrogène propre »);
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le crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres (« crédit d’impôt pour les technologies propres »);
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le crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre (« crédit d’impôt pour l’électricité propre »);
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le crédit d’impôt à l’investissement dans la fabrication de technologies propres (« crédit d’impôt pour la fabrication des technologies propres »);
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le crédit d’impôt à l’investissement dans le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (« crédit d’impôt pour CUSC »).
Chacun de ces crédits est remboursable. Les entreprises pourront demander uniquement un de ces crédits, même si un bien donné est admissible à plus d’un de ces crédits d’impôt.
Crédit d’impôt pour l’hydrogène propre
Tel que promis dans l’Énoncé économique de l’automne 2022, le Budget 2023 prévoit un crédit d’impôt pour l’hydrogène propre remboursable de 15 % à 40 % pour l’achat et l’installation d’équipement admissible.
Le crédit d’impôt pour l’hydrogène propre ne sera offert que pour les projets qui produisent la totalité ou la quasi-totalité de l’hydrogène à partir de processus de production faisant appel soit à l’électrolyse, soit au gaz naturel (et en ce qui concerne ce dernier, tant que les émissions sont réduites à l’aide du captage, de l’utilisation et du stockage du carbone (« CUSC »)). La valeur en pourcentage du crédit augmente à mesure que l’intensité carbonique (« IC ») de l’hydrogène produit diminue : 40 % pour un IC inférieur à 0,75 kg ; 25 % pour un IC supérieur ou égal à 0,75 kg, mais inférieur à 2 kg ; et 15 % pour un IC supérieur ou égal à 2 kg, mais inférieur à 4 kg.
L’équipement admissible pour la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau comprend les électrolyseurs, les redresseurs et d’autres appareils électriques auxiliaires, l’équipement de traitement et de conditionnement de l’eau, et les équipements utilisés pour la compression et le stockage de l’hydrogène sur place. L’équipement admissible pour la production d’hydrogène à partir de gaz naturel dont les émissions sont réduites à l’aide du CUSC comprend les reformeurs autothermiques, les reformeurs de méthane à vapeur, l’équipement de préchauffage, les convertisseurs, les purificateurs, l’équipement de traitement et de conditionnement de l’eau et l’équipement utilisé pour la compression de l’hydrogène et le stockage sur place (à l’exclusion de l’équipement déjà décrit dans la catégorie 57 ou 58, qui est admissible au crédit d’impôt à l’investissement pour le CUSC).
Le crédit d’impôt pour l’hydrogène propre est assujetti à certaines procédures d’évaluation et de vérification du projet, ainsi qu’à des exigences de conformité, dont les détails seront fournis à une date ultérieure.
Ce crédit s’appliquera aux biens qui sont acquis et qui deviennent prêts à être mis en service à compter du jour du Budget. Le Budget 2023 propose que le crédit d’impôt pour l’hydrogène propre soit éliminé progressivement à compter de 2034, les biens qui deviennent prêts à être mis en service en 2034 seront assujettis à un taux de crédit qui sera réduit de moitié. Le taux de crédit demeurera à 30 % pour les biens qui deviennent prêts à être mis en service en 2032 et en 2033 et il sera réduit à 15 % en 2034. Ce crédit ne sera plus offert après 2034.
Crédit d’impôt pour les technologies propres
Tel que promis dans l’Énoncé économique de l’automne 2022, le Budget 2023 élargit l’admissibilité au crédit d’impôt pour les technologies propres remboursable en vue d’inclure les systèmes géothermiques qui sont admissibles à la catégorie 43.1 de l’annexe II du Règlement de l’impôt sur le revenu. Les biens admissibles comprennent le matériel utilisé principalement pour produire de l’énergie électrique ou de l’énergie thermique, ou les deux, uniquement à partir d’énergie géothermique. Cela pourrait comprendre les canalisations, les pompes, les échangeurs thermiques, les séparateurs de vapeur et le matériel générateur d’électricité. L’élargissement du crédit d’impôt pour les technologies propres s’appliquera aux biens qui sont acquis et qui deviennent prêts à être mis en service à compter de la date du Budget.
Le Budget 2023 propose également de modifier l’élimination progressive du crédit d’impôt pour les technologies propres. Le crédit d’impôt pour les technologies propres sera désormais réduit à 15 % à compter de 2034, au lieu de 2032, et ne sera plus offert par la suite.
Crédit d’impôt pour l’électricité propre
Le Budget 2023 instaure un crédit d’impôt pour l’électricité propre remboursable de 15 % pour les investissements admissibles dans les systèmes de production d’électricité sans émission, la production d’électricité au gaz naturel réduite, les systèmes de stockage d’électricité stationnaires et l’équipement de transport d’électricité entre les provinces et les territoires. Les entités imposables et non imposables, par exemple les sociétés d’État et les services publics d’électricité, les sociétés appartenant à des communautés autochtones et les caisses de retraite, seraient admissibles au crédit d’impôt pour l’électricité propre.
Exigences en matière de main-d’œuvre
Le crédit d’impôt pour l’hydrogène propre, le crédit d’impôt pour les technologies propres et le crédit d’impôt pour l’électricité propre seront réduits de 10 % (jusqu’à un minimum de zéro) si certaines exigences en matière de main-d’œuvre (relatives aux salaires et à l’apprentissage) n’étaient pas satisfaites. Le gouvernement a indiqué qu’il pourrait aussi joindre des exigences en matière de main-d’œuvre au crédit d’impôt pour CCUS, et que les détails seront annoncés à une date ultérieure.
Les exigences en matière de main-d’œuvre s’appliqueront aux travailleurs engagés dans des projets subventionnés par le crédit d’impôt à l’investissement respectif et aux travailleurs dont les fonctions sont principalement manuelles ou physiques, et ne s’appliqueront pas aux travailleurs dont les fonctions sont principalement de nature administrative, de supervision ou exécutive. Afin de satisfaire à l’exigence relative au salaire en vigueur, une entreprise devra veiller à ce que tous les travailleurs visés soient rémunérés à un niveau équivalent ou supérieur au salaire pertinent, plus la valeur monétaire essentiellement similaire des avantages sociaux ainsi que des cotisations à un régime de pension, conformément à ce qui est précisé dans une convention collective admissible. Nous prévoyons que le calcul d’un salaire en vigueur entraînera des questions en matière d’interprétation. Afin de satisfaire à l’exigence à l’égard d’apprentis, une entreprise devra s’assurer que, pour une année d’imposition donnée, au moins 10 % du total des heures de travail effectuées par des travailleurs visés soient effectuées par des apprentis inscrits. Des exemptions aux exigences en matière de main-d’œuvre s’appliquent à l’égard des acquisitions de véhicules à zéro émission et des acquisitions et installations de matériel de chauffage à faibles émissions de carbone.
Les règles relatives aux exigences s’appliqueront au travail exécuté à compter du 1er octobre 2023.
Crédit d’impôt pour la fabrication des technologies propres
Le Budget 2023 propose d’instaurer un crédit d’impôt pour la fabrication de technologies propres correspondant à 30 % du coût en capital des biens admissibles associés aux activités admissibles.
En général, les biens admissibles comprennent les machines et le matériel, y compris certains véhicules industriels, utilisés dans la fabrication, la transformation ou l’extraction de minéraux critiques, ainsi que les systèmes de contrôle connexes.
Les activités admissibles devraient être vastes et comprendre le traitement ou le recyclage des combustibles nucléaires et de l’eau lourde et la fabrication de certains équipements d’énergie renouvelable, d’équipements d’énergie nucléaire, de barres de combustible nucléaire, de certains équipements de stockage d’énergie électrique, d’équipements pour les systèmes de pompes à chaleur à source d’air et à source au sol, de véhicules à émission nulle, de batteries, de piles à combustible, de systèmes de recharge, de systèmes de ravitaillement en hydrogène pour les véhicules à émission nulle, d’équipements utilisés pour produire de l’hydrogène à partir de l’électrolyse et le traitement de certains composants et sous-ensembles en amont.
Le crédit d’impôt pour la fabrication des technologies propres s’appliquera aux biens qui sont acquis et qui deviennent prêts à être mis en service à compter du 1er janvier 2024. Le crédit d’impôt pour la fabrication des technologies propres sera progressivement supprimé à compter de 2032 et deviendra indisponible à partir de 2034.
Crédit d’impôt pour CUSC
Le Budget 2022 proposait un crédit d’impôt pour CUSC à l’intention des entreprises qui engagent des dépenses admissibles à compter de 2022. Bien qu’il ait été prévu que le Budget 2023 fournirait beaucoup plus de détails au sujet du crédit d’impôt pour CUSC, il ne contient que les détails supplémentaires qui suivent.
Premièrement, sous réserve de certaines conditions, le Budget 2023 prévoit que l’équipement à double usage qui produit de la chaleur et/ou de l’énergie ou qui utilise de l’eau, et qui est utilisé pour le CUSC ainsi que pour un autre procédé, est admissible au crédit d’impôt pour CUSC.
Deuxièmement, la Colombie-Britannique a maintenant été ajoutée à la liste des provinces admissibles (sur laquelle ne figuraient que l’Alberta et la Saskatchewan auparavant) pour le stockage géologique dédié.
Troisièmement, plutôt que d’obtenir des approbations du gouvernement stipulant que le procédé d’utilisation et de stockage du dioxyde de carbone dans le béton respecte les conditions, notamment de minéralisation, pour que le procédé constitue une « utilisation admissible », les entreprises devront maintenant faire valider leur technologie par un tiers qualifié.
Quatrièmement, le Budget 2023 propose que les crédits d’impôt pour CUSC relatifs aux coûts admissibles de remise en état engagés une fois le projet en cours d’exploitation soient calculés en fonction de la moyenne du ratio d’utilisation admissible prévu pour chaque période de cinq ans au cours de laquelle ils sont engagés au cours des 20 premières années du projet seulement. Le total des coûts de remise en état admissibles au cours des 20 premières années du projet serait limité à un maximum de 10 % du total des coûts avant exploitation admissibles au crédit d’impôt pour CUSC. Moyennant certains ajustements, les crédits d’impôt pour la remise en état seraient généralement recouvrés de la même manière que les crédits réclamés pendant la phase de construction du projet.
Enfin, le Budget 2023 comprend des propositions législatives préliminaires liées à l’échange des connaissances et à la divulgation des risques climatiques.
Exigences en matière d’échange de connaissances
L’exigence en matière d’échange de connaissances prévoit deux types de rapports : les rapports annuels sur l’échange de connaissances d’exploitation et les rapports sur l’échange de connaissances de la construction et la réalisation, qui doivent être présentés au ministre des Ressources naturelles avant la date d’échéance prescrite si un projet de CUSC : a) devrait occasionner des dépenses de CUSC admissibles de 250 M$ CA ou plus pendant la durée du projet, ou b) a occasionné des dépenses de CUSC admissibles de 250 M$ CA ou plus avant le premier jour des activités commerciales d’un projet de CUSC.
Selon les définitions proposées de « période de déclaration » et de « date d'échéance de la déclaration », des rapports sur l’échange de connaissances de la construction et la réalisation doivent être préparés pour la période commençant le premier jour où une dépense est engagée pour un projet de CUSC admissible jusqu’au premier jour d’exploitation commerciale, et des rapports annuels sur l’échange de connaissances d’exploitation doivent être préparés pour les cinq premières années civiles commençant dans l’année où les activités commerciales sont entamées.
Le ministère des Ressources naturelles publiera sur un site Web du gouvernement chacun de ces rapports dès qu’un contribuable soumet son rapport.
Tout contribuable qui omet de produire un rapport sur l’échange de connaissances sera passible d’une pénalité d’un montant de 2 M$ CA payable le jour suivant la date d’échéance de la déclaration.
Divulgation des risques climatiques
Sous réserve de certaines exemptions, si le projet de CUSC a occasionné ou devrait occasionner des dépenses de moins de 20 M$ CA, une société qui a déduit un crédit d’impôt pour CUSC doit rendre public un rapport sur la divulgation des risques climatiques. Ce rapport doit décrire les risques et opportunités de la société liés au climat et souligner comment sa gouvernance, ses stratégies, ses politiques et ses pratiques aideront à l’atteinte des engagements du Canada dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015 et de l’objectif de carboneutralité d’ici 2050. Un rapport sur la divulgation des risques climatiques doit être préparé pour chaque année d’imposition commençant dans l’année au cours de laquelle un contribuable demande le crédit d’impôt pour CUSC et se terminant dans l’année d'imposition avant la 21e année civile suivant la fin de l’année d’imposition qui comprend le premier jour d'exploitation commerciale du projet de CUSC admissible. Une société qui omet de rendre public un rapport sur la divulgation des risques climatiques sera passible d’une pénalité égale à la moins élevée des sommes suivantes : a) 4 % du total des crédits d’impôt pour CUSC qu’elle a déduits au cours de l’année d'imposition pertinente; et b) 1 M$ CA.
Fabricants de technologies à zéro émission
Le Budget 2021 proposait une mesure temporaire visant à réduire de moitié les taux d’imposition sur le revenu des entreprises des activités admissibles pour les fabricants admissibles de technologies à zéro émission.
Le Budget 2023 propose également d’étendre l’admissibilité aux taux réduits afin d’inclure la fabrication d’équipement d’énergie nucléaire ainsi que le traitement et le recyclage des combustibles nucléaires et de l’eau lourde et la fabrication de barres de combustible nucléaire, à compter des années d’imposition commençant après 2023. Par ailleurs, le budget de 2023 propose de prolonger de trois ans la disponibilité de ces taux réduits, de sorte que l’élimination progressive prévue s’amorcera au cours des années d’imposition commençant en 2032 et se terminera au cours des années d’imposition commençant après 2034.
Actions accréditives et crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques – Lithium provenant de saumure
Le Budget 2023 propose d’inclure le lithium provenant de saumure en tant que ressource minérale, permettant ainsi aux sociétés exploitant une entreprise principale qui entreprennent certaines activités d’exploration et d’aménagement d’émettre des actions accréditives et de transférer les dépenses à leurs investisseurs. De plus, le Budget 2023 propose d’élargir l’admissibilité au crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques (« CIEMC »), qui consiste en un crédit d’impôt non remboursable bonifié de 30 %, aux activités d’extraction de lithium provenant de saumures. Les dépenses admissibles liées au lithium provenant de saumure engagées après le jour du Budget seraient admissibles à titre de frais d’exploration au Canada et de frais d’aménagement au Canada. L’élargissement de l’admissibilité au CIEMC pour le lithium provenant de saumure s’appliquerait aux conventions visant les actions accréditives conclues après le jour du Budget et avant avril 2027.
MESURES VISANT L’IMPÔT SUR LE REVENU DES PARTICULIERS
Impôt minimum de remplacement
L’impôt minimum de remplacement (« IMR ») est un impôt parallèle à l’impôt sur le revenu ordinaire (Partie I), qui vise les particuliers à revenu élevé (y compris certaines fiducies) qui sont perçus comme payant peu ou pas d’impôt sur le revenu des particuliers. À l’heure actuelle, l’IMR impose un impôt forfaitaire de 15 % sur une assiette fiscale élargie appelée « revenu imposable rajusté », réduit d’un montant d’exemption de 40 000 $ CA (qui ne s’applique généralement pas aux fiducies). Le revenu imposable ajusté est défini comme un revenu imposable modifié de certaines façons, y compris en tenant compte de certains crédits d’impôt préférentiels et de certaines déductions, et incluant la plupart des gains en capital à un taux de 80 %. Un particulier doit payer l’IMR ou l’impôt sur le revenu imposable ajusté, selon le montant le plus élevé.
Toutefois, l’IMR n’a pas été nettement actualisé depuis son instauration en 1986. Le Budget 2023 propose plusieurs changements importants à l’égard de l’IMR actuel, notamment une augmentation du taux de l’IMR, qui passerait de 15 % à 20,5 %, et une augmentation du seuil d’exonération de l’IMR, qui passerait de 40 000 $ CA à environ 173 000 $ CA, indexé en fonction de l’inflation, afin de s’assurer que l’IMR ne s’applique pas aux Canadiens de la classe moyenne et ne s’applique qu’à ceux que le Budget 2023 désigne comme étant les Canadiens les plus riches.
Le Budget 2023 propose également d’élargir l’assiette de l’IMR de plusieurs façons, notamment en augmentant de 80 % à 100 % le taux d’inclusion des gains en capital et des avantages liés aux options d’achat d’actions accordées aux employés, et en refusant 50 % de certaines déductions, dont celles visant l’intérêt sur les fonds empruntés pour générer un effet de levier, les pertes autres que des pertes en capital d’autres années et les pertes comme commanditaire d’autres années, et 50 % de la plupart des crédits d’impôt non remboursables.
Comme il a été mentionné ci-dessus, l’IMR s’applique généralement à tous les particuliers, y compris les fiducies, à quelques exceptions près. Ainsi, il ne s’applique pas aux FFCP. Toutefois, il s’applique généralement aux fiducies de placement qui seraient des FFCP si ce n’était le fait que celles-ci ne comptaient pas au moins 150 porteurs de parts (souvent désignées « quasi-fiducies de fonds commun de placement »), ou qu’elles n’étaient pas des « fiducies d’investissement à participation unitaire » (soit, dans les deux cas, des exigences pour être admissibles à titre de FFCP). Le Budget 2023 indique que le gouvernement examine la question de savoir si d’autres types de fiducie devraient être exonérés de l’IMR (ce qui pourrait inclure, par exemple, les quasi-fiducies de fonds commun de placement, bien qu’il n’en soit pas question pour le moment).
Dans certains cas, l’IMR peut être un piège pour les contribuables imprudents. Par exemple, une fiducie qui fait des gains en capital mais qui fait verser la totalité de son revenu (y compris les gains en capital) à ses bénéficiaires ne serait généralement pas assujettie à l’impôt sur le revenu ordinaire, mais elle pourrait être assujettie à l’IMR dans certaines circonstances, par exemple, si elle ne désigne pas correctement la tranche appropriée de son revenu versé à ses bénéficiaires à titre de gains en capital, si elle déduit des dépenses de ses gains en capital ou si elle applique des reports prospectifs de pertes à ses gains en capital. Le passage du taux d’inclusion des gains en capital de 80 % à 100 %, combiné à l’augmentation du taux d’IMR, nécessitera une vigilance accrue dans le cas des fiducies qui ne sont pas des FFCP.
Les changements proposés entreraient en vigueur pour les années d’imposition qui commencent après 2023. Bien que le Budget 2023 ne prévoit pas de projet de loi visant à mettre en œuvre les changements à l’IMR, d’autres détails devraient être publiés plus tard cette année. Dans le Budget 2023, il est attendu que ces changements se traduisent par des revenus de l’ordre de 3 G$ CA au cours des cinq prochaines années.
Fiducies collectives des employés
À la suite des consultations annoncées dans les budgets de 2021 et de 2022, le Budget 2023 établit un nouveau type de fiducie, soit la « fiducie collective des employés » (« FCE »). Selon la définition fournie dans le Budget 2023, les FCE sont une forme d’actionnariat des employés dans laquelle les actions d’une entreprise sont détenues en fiducie au profit des employés de l’entreprise. Le Budget 2023 propose de nouvelles règles visant à encourager les propriétaires d’entreprise à vendre leurs actions à une FCE et à faciliter l’achat de ces actions par les employés de l’entreprise en question sans exiger que ces derniers soient obligés de payer directement pour les acquérir. Ce nouveau cadre s’apparente aux mesures adoptées au Royaume-Uni il y a plusieurs années. L’établissement de FCE au Canada serait opportun étant donné que, selon le Budget 2023, plus de 75 % des propriétaires de petites entreprises prévoient prendre leur retraite au cours de la prochaine décennie.
Habituellement, lorsqu’un contribuable reçoit le produit de la vente d’une immobilisation sur une base différée, la reconnaissance du gain en capital peut être reportée jusqu’à l’année où il reçoit le produit, et ce, pour une période d’au plus cinq ans, grâce à un mécanisme prévu au paragraphe 40(1) de la LIR. Le Budget 2023 prévoit un incitatif destiné aux propriétaires d’entreprise pour le transfert de leur participation au capital d’une FCE en prolongeant la période du calcul de la provision pour gains en capital de cinq ans, telles qu’elle est prévue au paragraphe 40(1) de la LIR, à dix ans (un minimum de 10 % du gain devant être inclus dans le revenu chaque année) pour les particuliers qui transfèrent des actions d’une « entreprise admissible » à une FCE dans le cadre d’un « transfert admissible d’entreprise ».
Une « entreprise admissible » s’entend d’une société qui est contrôlée par une fiducie et :
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qui est une SPCC dont la totalité, ou presque, de la juste valeur marchande des éléments d’actif est attribuable à des éléments d’actif qui sont utilisés principalement dans une entreprise que la société, ou une société qu’elle contrôle, exploite activement principalement au Canada;
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dont au plus 40 % de ses administrateurs, avec les personnes qui leur sont liées, détenaient une importante participation dans l’entreprise avant le transfert;
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qui n’a aucun lien de dépendance avec une personne qui, immédiatement avant le transfert, était propriétaire d’au moins 50 % de la société.
Un « transfert admissible d’entreprise » s’entend généralement d’une disposition d’actions d’une société, pour une juste valeur marchande au plus, en faveur d’une fiducie qui est admissible à titre de FCE après la vente, ou d’une SPCC qui est contrôlée et détenue à 100 % par une FCE.
De plus, le Budget 2023 propose de modifier les règles sur les prêts aux actionnaires, ce qui aurait pour effet de faciliter les opérations d’acquisition par emprunt d’employés. En vertu des règles actuelles sur les prêts aux actionnaires énoncées au paragraphe 15(2) de la LIR, le contribuable qui reçoit un tel prêt est généralement tenu d’inclure le montant du prêt dans son revenu, sauf si l’une des exceptions limitées s’applique, y compris le remboursement du prêt dans un délai d’un an. Le Budget 2023 introduit une nouvelle exception aux règles sur les prêts aux actionnaires qui permettra à une FCE de financer l’acquisition d’une entreprise admissible en empruntant les fonds de l’entreprise admissible ou en s’endettant d’une autre manière auprès de celle-ci, pourvu qu’il existe des arrangements conclus de bonne foi en vue du remboursement du prêt ou de la dette dans un délai d’au plus 15 ans.
Pour qu’une fiducie soit reconnue à titre de FCE, plusieurs conditions doivent être remplies.
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Gouvernance : La fiducie doit résider au Canada (sauf en vertu de la règle de présomption prévue au paragraphe 94(3) de la LIR) et être dotée d’une structure de gouvernance déterminée. Les fiduciaires peuvent être des personnes physiques ou des sociétés dûment autorisées à agir en qualité de fiduciaire, mais dans tous les cas, ils doivent être des résidents du Canada, et être élus au moins une fois tous les cinq ans. Chaque fiduciaire doit avoir le même droit de vote. Lorsqu’une entreprise existante est vendue à une FCE, les particuliers et les personnes qui leur sont liées qui détenaient un intérêt économique important dans l’entreprise avant la vente ne peuvent pas représenter plus de 40 % des fiduciaires de la FCE, des administrateurs du conseil d’administration d’une société agissant à titre de fiduciaire de la FCE ou des administrateurs de toute entreprise admissible appartenant à la FCE.
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Bénéficiaires : Les bénéficiaires d’une FCE doivent être composés exclusivement d’employés d’entreprises admissibles contrôlées par la FCE qui ne possèdent pas plus qu’une participation maximale déterminée dans l’entreprise. L’intérêt économique de chaque bénéficiaire doit être déterminé de la même manière, en se fondant uniquement sur des critères impliquant toute combinaison raisonnable d’ancienneté, de rémunération et d’heures travaillées. Il est interdit à la FCE de distribuer des actions d’une entreprise admissible à un bénéficiaire et d’agir dans l’intérêt d’un bénéficiaire (ou d’un groupe de bénéficiaires) au détriment d’un autre bénéficiaire (ou d’un groupe de bénéficiaires).
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Actifs détenus par une FCE : Une FCE sera tenue de détenir une participation majoritaire dans une ou plusieurs entreprises admissibles et la totalité, ou la presque totalité, des actifs d’une FCE doit être constituée des actions d’entreprises admissibles.
Une fois établie, une FCE est imposée de la même manière que les autres fiducies imposables, sauf qu’elle est exonérée de l’application de la règle sur la réalisation réputée aux 21 ans visant généralement les fiducies. Le revenu d’une FCE qui est distribué aux bénéficiaires de cette dernière sera imposé au niveau des bénéficiaires, ceux-ci étant admissibles au crédit d’impôt pour dividendes lorsque les dividendes sont distribués et attribués par la FCE. Le revenu non réparti d’une FCE serait imposé au taux d’imposition marginal supérieur du revenu des particuliers.
Ces règles s’appliqueraient à compter du 1er janvier 2024. Il convient toutefois de noter que dans le Budget 2023, le gouvernement fédéral sollicite les commentaires des intervenants au sujet de ce régime.
Transferts intergénérationnels d’entreprises
L’article 84.1 de la LIR est une disposition anti-évitement qui, dans certains cas, prévoit la conversion en dividende réputé d’un gain en capital réalisé par un particulier (vendeur) lors de la vente d’actions d’une société cible canadienne. Cette disposition a été modifiée en 2021 par un projet de loi émanant d’un député, soit le projet de loi C-208, afin d’établir une exception pour les transferts intergénérationnels d’actions. Pour en savoir davantage sur ces modifications, consultez notre Bulletin Blakes d’avril 2022 intitulé Budget fédéral 2022 – Présentation de certaines mesures fiscales.
Depuis l’adoption du projet de loi C-208, lequel a été rédigé sans la participation du ministère des Finances, ce dernier a exprimé son mécontentement à l’égard de l’exception susmentionnée à l’article 84.1 de la LIR, au motif qu’elle fournit un allègement même là où de véritables transferts intergénérationnels n’ont pas lieu. Par exemple, en vertu de cette exception, un vendeur peut conserver le contrôle de la société cible et simplement vendre une partie des actions de cette dernière à une société acheteuse, pourvu que celle-ci soit contrôlée par un enfant ou un petit-enfant de ce vendeur.
Le Budget 2023 propose de modifier les règles introduites par le projet de loi C-208 pour faire en sorte que l’exception à l’article 84.1 de la LIR ne s’applique qu’aux véritables transferts intergénérationnels d’actions d’une société agricole ou de pêche familiale, ou d’actions admissibles de petite entreprise, par un vendeur à une société acheteuse contrôlée par un enfant adulte (ou des enfants adultes) du vendeur. Les modifications proposées comportent une définition élargie du terme « enfant », qui comprend les petits-enfants, les enfants du conjoint, les conjoints des enfants, les nièces et neveux, et les petites-nièces et petits-neveux.
Le Budget 2023 prévoit deux options pour les transferts intergénérationnels, chacune d’elles comportant des conditions particulières pour que le transfert soit exempté de l’article 84.1 de la LIR. La première de ces options consiste en un transfert d’entreprise intergénérationnel immédiat fondé sur des conditions de vente sans lien de dépendance et effectué sur une période d’au plus trois ans. La seconde option consiste en un transfert intergénérationnel progressif fondé sur les caractéristiques traditionnelles du gel successoral (c’est-à-dire, la cristallisation de la valeur de l’intérêt économique du vendeur afin de permettre à ses enfants de bénéficier de la croissance future pendant que l’intérêt économique du vendeur diminue progressivement) et effectué sur une période de cinq à dix ans. Le vendeur et l’enfant cessionnaire sont tenus de choisir l’une ou l’autre de ces options et de faire un choix conjoint pour que l’article 84.1 de la LIR ne puisse s’appliquer. Une fois ce choix fait, le vendeur et l’enfant cessionnaire sont conjointement et solidairement responsables de tout impôt payable en vertu de l’article 84.1 de la LIR s’il y a manquement aux conditions.
Dans le cadre d’un transfert intergénérationnel immédiat, le vendeur sera tenu de transférer le contrôle de droit et le contrôle de fait; ceci comprendra le transfert immédiat de la majorité des actions avec droit de vote et des actions ordinaires, ainsi que le transfert du solde de telles actions dans un délai de 36 mois. Le vendeur serait autorisé à conserver indéfiniment des actions privilégiées sans droit de vote dans la société cible. La gestion de l’entreprise serait obligatoirement transférée à l’enfant cessionnaire dans un délai de 36 mois (ou dans un délai plus long raisonnable selon les circonstances), et l’enfant cessionnaire serait tenu de conserver le contrôle de droit de la société cible pendant une période de 36 mois suivant le transfert des actions. De plus, l’enfant cessionnaire, ou au moins l’un d’eux s’il y en a plusieurs, serait tenu de participer activement, de façon régulière, continue et importante à l’entreprise pendant une période de 36 mois suivant le transfert des actions. Les transferts intergénérationnels immédiats seraient assujettis à une période prolongée de nouvelle cotisation de trois ans à la suite de la période normale de nouvelle cotisation applicable au vendeur.
Le transfert intergénérationnel progressif requiert seulement le transfert du contrôle de droit (et non le transfert du contrôle de fait), mais il est assujetti aux mêmes règles relatives au transfert par le vendeur des actions avec droit de vote et des actions ordinaires. Dans les 10 ans suivant le transfert des actions, le vendeur serait tenu de réduire la valeur économique de sa dette et de ses participations dans la société cible. Dans le cas d’actions d’une entreprise agricole ou de pêche familiale, cette réduction serait d’au plus 50 % de la juste valeur marchande de l’intérêt du vendeur dans cette entreprise avant le transfert; dans le cas d’actions d’une société exploitant une petite entreprise, cette réduction serait de 30 %. Des exigences similaires concernant le transfert de la gestion de l’entreprise, le maintien du contrôle de droit par l’enfant cessionnaire et le maintien d’une implication active dans l’entreprise s’appliqueraient également à un transfert intergénérationnel progressif, mais avec une période prolongée de 60 mois plutôt qu’une période de 36 mois.Les transferts intergénérationnels progressifs seraient assujettis à une période de nouvelle cotisation prolongée de 10 ans à la suite de la période normale de nouvelle cotisation applicable au vendeur. En raison de cette période de nouvelle cotisation prolongée, le vendeur pourrait devoir payer des intérêts considérables.
Pour certains vendeurs, ce nouveau régime proposé offre l’avantage potentiel de faire passer la période de la réserve pour les gains en capital de cinq ans à dix ans.
Les modifications proposées à l’article 84.1 de la LIR s’appliqueraient aux transferts d’actions ayant lieu à compter du 1er janvier 2024.
Les modifications proposées laissent planer une certaine ambiguïté quant aux conditions à remplir pour qu’un transfert d’actions puisse bénéficier d’une exception à l’article 84.1 de la LIR. Par exemple, le concept de la « gestion » d’une entreprise n’est pas clairement défini. De plus, les circonstances dans lesquelles il serait raisonnable qu’un vendeur prenne plus de 36 mois ou 60 mois (selon le cas) pour transférer la gestion d’une entreprise à un enfant cessionnaire ne sont pas clairement définies non plus.
Ces modifications entraîneraient également d’autres conséquences qu’il y a lieu de prendre en considération. En vertu des modifications apportées au projet de loi C-208, il n’y aurait pas de limite quant au nombre de transferts d’actions de la société cible pouvant être effectués. Toutefois, aux termes des modifications proposées, le vendeur serait tenu de contrôler la société cible immédiatement avant le transfert des actions et cesser de la contrôler immédiatement après. Pour qu’un vendeur puisse bénéficier de l’ensemble des exceptions prévues à l’article 84.1 de la LIR, il aurait donc besoin de céder toutes ses actions dans le cadre d’un seul transfert intergénérationnel.
Il convient de noter que le Québec a établi ses propres règles concernant les ventes d’actions avec lien de dépendance (ci-après, les « règles québécoises »), lesquelles prévoient une exception pour les transferts intergénérationnels dans certaines circonstances. De plus, certains des facteurs proposés dans le Budget 2023 figurent déjà dans les règles québécoises. Par exemple, l’exception prévue aux règles québécoises traite également du transfert du contrôle du vendeur à l’enfant cessionnaire, de la limitation de l’intérêt économique du vendeur dans la société cible, ainsi que de l’implication active de l’enfant cessionnaire au sein de l’entreprise. Toutefois, il existe d’importantes différences entre les propositions du Budget 2023 et les règles québécoises. Il importe donc que les contribuables québécois tiennent compte de ces différences s’ils souhaitent tirer parti des exceptions prévues à ces règles.
Enfin, comme il a été indiqué ci-dessus, les modifications proposées à l’article 84.1 de la LIR s’appliqueraient aux transferts d’actions effectués à compter du 1er janvier 2024. Par conséquent, les contribuables ayant tiré parti des règles actuelles semblent être à l’abri de l’application rétroactive des modifications proposées. Les propriétaires d’entreprise pourraient vouloir envisager de procéder à la réorganisation de leur entreprise avant le 1er janvier 2024 s’ils souhaitent tirer parti des règles en vigueur.
MESURES VISANT LA FISCALITÉ INTERNATIONALE
Le 18 octobre 2021, l’Organisation de coopération et de développement économiques (l’« OCDE ») a publié une solution reposant sur deux piliers pour « résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie ». Cette solution a été signée par 137 membres du Cadre inclusif du G20/OCDE, dont le Canada. Le Pilier Un propose d’accorder aux « pays de marché » de nouveaux droits d’imposition sur une tranche attribuée du bénéfice résiduel des entreprises ayant une présence économique, mais non physique, qui n’atteignent pas le niveau requis de lien imposable généralement requis en vertu des normes fiscales internationales actuelles (c.-à-d. un établissement stable). Le Pilier Deux propose d’assujettir les bénéfices des grandes entreprises multinationales (les « multinationales ») à un niveau minimum d’impôt sur les revenus générés dans chaque pays où elles exercent leurs activités.
Taxe sur les services numériques
En l’absence d’un accord international sur le Pilier Un, une taxe sur les services numériques (« TSN ») fondée sur les revenus bruts nationaux a été proposée pour la première fois dans l’Énoncé économique de l’automne 2020 et a été annoncée officiellement dans le Budget 2021. Un projet de loi (la Loi de la taxe sur les services numériques) a été proposé pour la première fois en 2021. La taxe proposée serait imposée à un taux de 3 % sur les revenus tirés des services numériques qui dépendent des données et des contributions de contenu des utilisateurs canadiens. La TSN s’appliquerait particulièrement aux revenus des entreprises de services numériques, y compris les marchés en ligne, les médias sociaux, la publicité en ligne et la vente ou la concession de licence à l’égard des données recueillies auprès d’utilisateurs. Elle s’appliquerait aux entreprises étrangères ou canadiennes (i) dont les revenus annuels mondiaux consolidés s’élèvent à 750 M€ ou plus et (ii) dont les revenus associés aux utilisateurs canadiens s’élèvent à plus de 20 M$ CA.
La nouvelle TSN s’appliquerait (rétroactivement) aux revenus gagnés à compter du 1er janvier 2022, mais entrerait en vigueur le 1er janvier 2024 au plus tôt, et seulement si un accord du Pilier Un dans le cadre de l’approche à deux piliers de l’OCDE en matière d’imposition de la numérisation de l’économie n’entre pas en vigueur d’ici la fin de 2023. Comme il a été mentionné ci-dessus, le Canada a appuyé une déclaration sur l’approche à deux piliers en octobre 2021. Depuis cette déclaration, le gouvernement canadien a réaffirmé son engagement à continuer de travailler avec ses partenaires internationaux pour mettre en œuvre un accord multilatéral.
Le Budget 2023 indique que le gouvernement a l’intention de publier une version révisée du projet de loi sur la TSN afin de recueillir les commentaires du public, laissant entendre que la TSN pourrait être imposée à compter du 1er janvier 2024 si le cadre du Pilier Un n’est pas encore entré en vigueur. Les contribuables auxquels la TSN pourrait s’appliquer devraient dès maintenant examiner la question de la collecte et de la conservation de données dans leurs livres et registres qui pourraient être nécessaires si la TSN devenait payable, y compris en ce qui a trait aux revenus remontant au 1er janvier 2022.
Dans le Budget 2023, il est précisé que le gouvernement continue d’espérer que la mise en œuvre en temps voulu du Pilier Un rendra la TSN superflue.
Impôt minimum mondial
Dans le cadre du Pilier Deux, l’OCDE a publié, en décembre 2021, des règles types, intitulées « Règles globales anti-érosion de la base d’imposition » (« Règles GloBE »), dans l’intention déclarée d’introduire un taux mondial minimal d’impôt sur les sociétés de 15 % pour les multinationales d’une taille suffisante. Les Règles GloBE s’appliquent généralement aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est de 750 M€ ou plus au cours d’au moins deux des quatre exercices précédents.
Les mécanismes des règles proposées sont assez complexes. Les Règles GloBE comprennent deux règles, soit une règle d’imposition principale, intitulée « Règle d’inclusion du revenu », et une règle d’imposition secondaire, intitulée « Règle relative aux profits insuffisamment imposés ». Aux termes de la Règle d’inclusion du revenu, l’entité mère ultime d’un groupe se verrait imposer un impôt supplémentaire si le revenu de ce groupe n’est pas imposé au taux minimum de 15 %. La Règle relative aux profits insuffisamment imposés est une règle secondaire destinée à s’appliquer lorsqu’aucune entité mère ultime ou entité mère intermédiaire n’applique la Règle d’inclusion du revenu. La Règle relative aux profits insuffisamment imposés permet aux pays d’appliquer un impôt supplémentaire aux entités du groupe dans chacun de ces pays, lequel impôt serait réparti entre ces pays selon une formule précise. Il s’agit d’un incitatif pour les pays de mettre en œuvre le Pilier Deux. Le fait pour un pays de ne pas le mettre en œuvre n’écartera pas l’application du taux d’imposition minimal de 15 % aux revenus d’un groupe, mais viendra simplement changer le pays qui percevra cet impôt. En outre, les Règles GloBE prévoient qu’un pays peut promulguer un impôt supplémentaire minimum national sur le revenu faiblement imposé de ses entités nationales, lequel impôt pouvant être crédité à la dette fiscale supplémentaire qui découlerait par ailleurs du Pilier Deux. Le Budget 2022 annonçait une consultation publique sur la mise en œuvre du Pilier Deux.
Le Budget 2023 répète l’annonce faite dans le Budget 2022 quant à l’intention du Canada de présenter un projet de loi visant à mettre en œuvre la Règle d’inclusion du revenu et un impôt supplémentaire minimum national applicable aux entités canadiennes de groupes multinationaux compris dans la portée du Pilier Deux. La loi en question entrerait en vigueur à l’égard des exercices des multinationales qui commencent à compter du 31 décembre 2023. Le Budget 2023 indique que ce projet de loi sera publié pour consultation publique au cours des prochains mois. Par la suite, le gouvernement entend également publier un projet de loi pour mettre en œuvre la Règle relative aux profits insuffisamment imposés à l’égard des exercices des multinationales qui commencent à compter du 31 décembre 2024.
Dans le Budget 2023, il est également annoncé que le gouvernement a l’intention de partager avec les provinces et les territoires les revenus des mesures fiscales qui précèdent (soit les Piliers Un et Deux).
AUTRES MESURES FISCALES
TPS/TVH sur les services fournis par les exploitants de réseaux de cartes de paiement
Le statut des paiements de TPS/TVH aux fournisseurs de réseaux de cartes de paiement, comme Visa et Mastercard, a récemment suscité une controverse. Au début de 2021, la Cour d’appel fédérale a statué que Visa Canada fournit des services financiers exonérés et que les frais payables par les émetteurs de cartes de crédit, comme les banques canadiennes, ne sont pas assujettis à la TPS/TVH. Cette décision a été bien accueillie par le secteur des services financiers, mais on s’attendait généralement à ce qu’elle soit infirmée par une loi rétroactive. Le Budget 2023 introduit une telle loi.
Le Budget 2023 propose de modifier la définition de « service financier » afin d’exclure expressément un service (autre qu’un service prescrit) qui est fourni par un exploitant de réseau de cartes de paiement à l’égard d’un réseau de cartes de paiement (au sens de l’article 3 de la Loi sur les réseaux de cartes de paiement) et qui est i) un service relativement à l’autorisation d’une opération portant sur de l’argent, un compte, une pièce justificative de carte de crédit ou de paiement ou un effet financier, ii) un service de compensation ou de règlement relativement à l’argent, à un compte, à une pièce justificative de carte de crédit ou de paiement ou à un effet financier, ou iii) un service rendu conjointement avec un service visé aux sous-alinéas i) ou ii).
La modification n’est prospective (à compter du lendemain du jour du Budget) que pour les services pour lesquels les taxes n’ont pas été auparavant exigées, perçues ou versées relativement à la fourniture et pour lesquels le fournisseur n’a pas exigé, perçu ou versé la TPS/TVH relativement à toute autre fourniture effectuée en vertu d’une entente qui comprend la fourniture du service nouvellement taxable. Dans tous les autres cas où la contrepartie a déjà été payée ou payable, la modification est rétroactive, y compris pour les fournitures transfrontalières (lorsque l’institution financière était tenue d’établir une autocotisation), et l’ARC bénéficie d’une période spéciale d’un an à compter de la date de la sanction royale pour établir la cotisation des taxes, malgré le délai de prescription standard. Cette dernière disposition semble avoir pour but de permettre à l’ARC de recouvrer toute TPS/TVH qu’elle aurait remboursée pendant la période intérimaire depuis la décision de la Cour d’appel fédérale.
Cette règle d’entrée en vigueur fait en sorte que la période intérimaire entre la décision de la Cour d’appel fédérale et le jour du Budget, au cours de laquelle les fournisseurs de réseaux de cartes de paiement suivaient généralement la décision et n’exigeaient pas de taxes, demeurera vraisemblablement non imposable. Toutefois, dans les cas où le fournisseur de réseau de cartes de paiement était un non-résident non inscrit et que les institutions financières canadiennes n’ont pas exigé de taxes, il semble que l’ARC peut établir des cotisations d’impôt lorsque l’institution financière n’a pas établi d’autocotisation.
L’impact de ces changements sera ressenti non seulement par les institutions financières qui effectuent directement des paiements aux réseaux de cartes de paiement, mais aussi par les fournisseurs de détail qui acceptent les cartes de crédit, car ces derniers pourraient maintenant assumer des frais plus élevés si le coût supplémentaire de la taxe, qui n’est pas entièrement recouvrable par les émetteurs de cartes, leur est transféré. Dans une situation connexe, l’ARC a confirmé que les frais supplémentaires sur les transactions par carte de crédit facturés par les commerçants aux clients (et qui doivent être communiqués au client avant que la transaction ne soit effectuée en vertu des règles modifiées sur le réseau de cartes de crédit) sont exonérés de la TPS/TVH. Toute TPS/TVH facturée sur les frais supplémentaires relatifs aux transactions par carte de crédit était une erreur.
Élargissement des règles applicables aux caisses de crédit
Les caisses de crédit sont assujetties à des règles particulières en matière d’impôt sur le revenu et de TPS/TVH.
En vertu du paragraphe 150(6) de la Loi sur la taxe d’accise, toute caisse de crédit est réputée avoir fait, avec toute autre caisse de crédit, un choix visant à convertir en services financiers exonérés les services taxables, ainsi que les baux, licences ou arrangements semblables relatifs à des biens. Selon la règle élargie applicable aux caisses de crédit, les ventes de biens meubles corporels à une autre caisse de crédit sont également considérées comme des services financiers exonérés. D’autres sociétés canadiennes ne peuvent bénéficier d’un choix prévu à l’article 150 de la Loi sur la taxe d’accise que si celui-ci est produit activement et qu’il n’entre en vigueur que dans un groupe de sociétés étroitement liées qui comprend une institution financière désignée.
Du point de vue de l’impôt sur le revenu, ce régime comprend certaines caractéristiques uniques, comme le traitement des dividendes (et d’autres paiements relatifs à des actions) comme intérêts dans des conditions particulières (déductibles par la caisse de crédit dans des circonstances appropriées).
Toutefois, la définition de « caisse de crédit » aux fins de la TPS/TVH, et aux fins de l’impôt sur le revenu, ne reflète pas les réalités commerciales des caisses de crédit. En vertu de la loi actuelle, si plus de 10 % des revenus d’une caisse de crédit proviennent de sources autres que certaines sources désignées (comme le revenu d’intérêts découlant d’activités liées à des prêts), cette caisse de crédit ne répondrait pas à la définition de « caisse de crédit » et ne serait plus assujettie aux règles de l’impôt sur le revenu et de la TPS/TVH qui régissent les caisses de crédit. Cela pourrait se produire même si la loi régissant la caisse de crédit lui permet de tirer des revenus de ces autres sources. Dans Westminster Savings Credit Union c. Canada, l’ARC a adopté la position selon laquelle la caisse de crédit n’était pas une « caisse de crédit » aux fins de la TPS/TVH et de l’impôt sur le revenu, ce qui souligne le décalage entre la définition fiscale et le monde réel.
Le Budget 2023 propose de supprimer la règle sur les revenus de la définition de « caisse de crédit » (aux fins de la TPS/TVH et de l’impôt sur le revenu), applicable à l’égard des années d’imposition d’une caisse se terminant après 2016. On peut donc présumer que les exemptions prévues de la TPS/TVH et le régime spécial d’impôt sur le revenu s’appliqueront plus clairement aux caisses de crédit.
Programme de RSDE
Dans le Budget 2023, le gouvernement fédéral réitère son intention d’examiner le Programme d’encouragements fiscaux pour la recherche scientifique et le développement expérimental (« RSDE ») et envisage notamment d’adopter un régime privilégié des brevets. Le ministère des Finances poursuivra ses consultations auprès des intervenants au sujet des prochaines étapes dans les mois à venir.
Mesures annoncées antérieurement
Le Budget 2023 confirme l’intention du gouvernement de créer un compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (« CELIAPP »), un nouveau compte enregistré permettant aux particuliers d’épargner en vue de l’achat de leur première maison et qui avait été annoncé initialement dans le Budget 2022. Des modifications fiscales mettant en œuvre le CELIAPP ont été adoptées le 15 décembre 2022 et entreront en vigueur le 1er avril 2023. Les cotisations au CELIAPP seront déductibles jusqu’à concurrence de 40 000 $ CA et, tout comme les REER, les FERR et les CELI, le revenu gagné dans un CELIAPP ne sera pas assujetti à l’impôt. Les retraits admissibles d’un CELIAPP effectués en vue d’acheter une première propriété seront non imposables.
Le Budget 2023 confirme également l’intention du ministère des Finances d’aller de l’avant avec un certain nombre de mesures fiscales, annoncées antérieurement, telles qu’elles ont été modifiées afin de tenir compte des consultations et des délibérations qui ont eu lieu depuis leur publication. Ces mesures comprennent des propositions concernant les restrictions excessives d’intérêts et de financement, les opérations de couverture et les ventes à découvert par les institutions financières canadiennes, les SPCC importantes, les règles de divulgation obligatoire, les dispositifs hybrides, le choix concernant les coentreprises au titre de la TPS/TVH et la consultation sur les prix de transfert.
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