Le 16 avril 2024 (le « jour du Budget »), le gouvernement du Canada a présenté son budget fédéral de 2024 (le « Budget 2024 »). Bien que le principal élément du Budget 2024 soit une proposition visant à faire passer le taux d’inclusion des gains en capital de la moitié aux deux tiers, le Budget 2024 comprend également un certain nombre d’incitatifs ciblés et de règles anti-évitement, ainsi qu’une amélioration importante des pouvoirs de vérification de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »). Le Budget 2024 ne prévoit pas de projet de loi pour un grand nombre de ces mesures, mais on s’attend à ce que davantage de détails soient publiés plus tard cette année.
Dans le présent bulletin, nous nous intéressons aux plus importantes mesures fiscales qui sont présentées dans le Budget 2024.
Faits saillants
Depuis de nombreuses années, on présume que le gouvernement du Canada pourrait augmenter le taux d’imposition applicable aux gains en capital, étant donné que les taux préférentiels sur les gains en capital favoriseraient généralement les Canadiens les plus riches. La proposition du Budget 2024 visant à faire passer le taux d’inclusion des gains en capital de la moitié aux deux tiers constitue néanmoins un changement très important dans la politique fiscale canadienne, puisque le taux d’inclusion de la moitié est demeuré stable pendant près de 25 ans.
La proposition ne s’applique pas à la première tranche de 250 000 $ CA de gains en capital réalisés en une année par des particuliers (autres que des fiducies), qui continuera d’être assujettie au taux d’inclusion actuel de la moitié. On propose de reporter la mise en œuvre du taux d’inclusion accru au 25 juin 2024.
Ce report de la mise en œuvre semble avoir pour but de donner aux contribuables la possibilité de cristalliser les gains en capital au taux d’inclusion actuel. Nous nous attendons à ce que de nombreux contribuables envisagent d’effectuer à court terme des opérations qui leur permettront de décider de cristalliser les gains en capital avant le 25 juin (tout en conservant la possibilité de faire ce choix après le 25 juin), en particulier s’ils s’attendent à réaliser ces gains dans un avenir rapproché.
Voici d’autres faits saillants du Budget 2024 :
- la réintroduction des propositions relatives à l’impôt minimum de remplacement (l’« IMR ») publiées initialement dans le budget fédéral de 2023 (le « Budget 2023 »), avec quelques modifications mineures seulement;
- les détails de la conception et de la mise en œuvre du crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre ayant été proposés initialement dans le Budget 2023;
- une augmentation du plafond de l’exonération cumulative des gains en capital (l’« ECGC ») à 1,25 M$ CA et l’instauration d’un nouvel « incitatif aux entrepreneurs canadiens » qui permettra de réduire davantage l’impôt sur les gains en capital applicable aux ventes d’actions admissibles de sociétés canadiennes par des entrepreneurs canadiens;
- divers incitatifs fiscaux visant à soutenir la construction de projets de logements construits spécialement pour la location.
Le Budget 2024 réaffirme également l’engagement du Canada à l’égard du Pilier Un et du Pilier Deux, et aucun changement n’est proposé aux échéanciers canadiens pour la mise en œuvre (y compris le plan du Canada visant à mettre en œuvre une taxe sur les services numériques nationale en attendant la mise en œuvre internationale du Pilier Un).
Table des matières
Mesures visant l’impôt sur le revenu des particuliers
- Augmentation du taux d’inclusion des gains en capital
- Exonération cumulative des gains en capital et incitatif aux entrepreneurs canadiens
- Impôt minimum de remplacement
- Régimes enregistrés – placements admissibles
- Exemption fiscale accordée aux fiducies collectives des employés
Mesures visant l’impôt sur le revenu des sociétés
- Crédit d’impôt à l’investissement pour l’électricité propre
- Remise canadienne sur le carbone des petites entreprises
- Évitement de dettes fiscales
- Pouvoirs de vérification accrus et non-conformité aux demandes de renseignements
- Déduction pour amortissement accéléré et exemption prévue aux règles de RDEIF pour les logements construits expressément pour la location
- Passation en charges immédiates pour les actifs qui améliorent la productivité
- Sociétés de placement à capital variable
- Arrangements de capitaux propres synthétiques
- Manipulation du statut de faillite
Mesures visant la fiscalité internationale
- Cadre de déclaration des crypto-actifs et Norme commune de déclaration
- Retenues d’impôt des fournisseurs de services non-résidents
Mesures annoncées antérieurement
Mesures visant l’impôt sur le revenu des particuliers
Augmentation du taux d’inclusion des gains en capital
La Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») inclut actuellement 50 % des gains en capital dans le revenu. Ce taux est en vigueur depuis près de 25 ans, malgré les spéculations au cours des dernières années sur le fait qu’il pourrait être augmenté. Le Budget 2024 fait valoir que le taux d’inclusion de 50 % est plus avantageux que celui des autres pays du G7 et profite de façon disproportionnée aux Canadiens les plus riches.
Le Budget 2024 propose de faire passer le taux d’inclusion des gains en capital pour les sociétés et les fiducies de 50 % à 66,67 %. Le taux d’inclusion sera également augmenté à 66,67 % pour les particuliers, sous réserve d’un seuil annuel de 250 000 $ CA en deçà duquel le taux d’inclusion de 50 % continuera de s’appliquer. Le seuil de 250 000 $ CA s’appliquera aux gains en capital réalisés par des particuliers, directement ou indirectement par l’intermédiaire d’une fiducie ou d’une société de personnes. Cela signifie que les gains en capital réalisés par des particuliers au moyen de mécanismes de placement collectifs à participation multiple, comme les fiducies de fonds commun de placement (« FFCP »), bénéficieront du seuil d’exonération.
Aux fins du calcul du seuil de 250 000 $ CA, les pertes en capital de l’année en cours, les reports prospectifs ou rétrospectifs de pertes en capital et les gains en capital exonérés d’impôt en vertu de l’ECGC et de l’exonération proposée des fiducies collectives des employés ou de l’incitatif aux entrepreneurs canadiens peuvent être déduits des gains en capital réalisés au cours de l’année.
Le taux d’inclusion pour les reports prospectifs de pertes en capital sera également rajusté pour tenir compte du taux d’inclusion qui s’appliquait aux gains en capital qui étaient compensés. Cela signifie qu’une perte en capital subie à un taux d’inclusion de 50 % peut couvrir entièrement un gain en capital réalisé au nouveau taux d’inclusion de 66,67 %.
Le Budget 2024 indique que des modifications correspondantes seront apportées aux règles relatives aux déductions pour options d’achat d’actions accordées à des employés dans la LIR. Lorsqu’un employé acquiert des actions par suite de l’exercice d’une option d’achat d’actions à laquelle s’applique l’article 7 de la LIR et que certaines autres conditions sont satisfaites, l’employé peut actuellement déduire 50 % de l’avantage découlant des options d’achat d’actions. Cela signifie que le montant qui serait par ailleurs inclus dans le revenu d’emploi imposable de l’employé sera réduit de 50 %, ce qui applique effectivement un taux d’imposition des gains en capital à l’avantage découlant des options d’achat d’actions.
Pour les options qui sont admissibles à une telle déduction fiscale de 50 %, le Budget 2024 propose de réduire la déduction à 33,33 % pour tout avantage découlant d’une option excédant 250 000 $ CA au cours d’une année donnée (ajouté aux gains en capital réalisés par l’employé au cours de cette année) de sorte que l’avantage relatif à l’option, net de la déduction, reproduira le nouveau taux d’inclusion des gains en capital de 66,67 %. Une option qui n’est pas admissible à la déduction de 50 % pour d’autres raisons ne sera pas touchée par ces propositions. Il n’est pas clair pour l’instant si ces propositions s’appliqueront uniquement aux options attribuées après l’entrée en vigueur des nouvelles règles ou à toutes les options exercées après cette date, peu importe le moment où l’option applicable a été attribuée. (Consultez notre bulletin intitulé Budget fédéral 2024 : Mesures visant les régimes de retraite, les avantages sociaux et la rémunération des hauts dirigeants).
Dans le Budget 2024, le gouvernement propose que le taux d’inclusion des gains en capital majoré s’applique aux gains en capital réalisés à compter du 25 juin 2024, ce qui donnerait aux contribuables ayant des gains en capital non réalisés accumulés environ deux mois pour cristalliser ces gains au taux d’inclusion actuel de 50 %. Le seuil de 250 000 $ CA pour les particuliers ne sera pas calculé au prorata pour 2024, mais sera fondé uniquement sur les gains en capital réalisés à compter du 25 juin 2024. Le seuil d’exonération annuel proposé de 250 000 $ CA pour les particuliers peut avoir une incidence sur la planification fiscale personnelle et peut influer sur la décision de détenir des placements par l’intermédiaire d’une société ou à titre de particulier.
De plus, il est proposé que le seuil d’exonération de 250 000 $ CA s’applique aux gains en capital réalisés par un particulier indirectement par l’intermédiaire d’une fiducie ou d’une société de personnes. Par conséquent, lorsque les fiducies et les sociétés de personnes déclareront aux investisseurs les gains en capital réalisés en 2024, elles seront vraisemblablement tenues de séparer les gains réalisés avant le 25 juin 2024 des gains réalisés à compter du 25 juin 2024. Cela pourrait imposer un fardeau administratif important aux fiduciaires, aux gestionnaires et aux commandités.
Le projet de loi visant ces mesures n’a pas été inclus dans le Budget 2024, de sorte que les détails concernant leur mise en œuvre restent à voir. Il est à espérer que des modifications corrélatives seront apportées aux autres dispositions de la LIR, comme les règles relatives à l’impôt en main remboursable au titre de dividendes (l’« IMRTD»), afin d’au moins préserver (voire améliorer) le niveau d’intégration atteint aux termes des règles actuelles.
Exonération cumulative des gains en capital et incitatif aux entrepreneurs canadiens
Le Budget 2024 propose d’augmenter le montant de l’ECGC pour le fixer à 1,25 M$ CA relativement aux dispositions effectuées à compter du 25 juin 2024; auquel cas l’indexation continuerait à partir de 2026. L’ECGC s’applique notamment aux gains en capital réalisés lors de la disposition d’actions admissibles de petites entreprises (les « AAPE ») ainsi que de biens agricoles ou de pêche admissibles. Le montant de l’ECGC pour 2024 est de 1 016 836 $ CA à l’heure actuelle.
Le Budget 2024 propose également d’instaurer l’incitatif aux entrepreneurs canadiens (l’« IEC »), lequel prévoirait un taux d’inclusion représentant un tiers (au lieu des deux tiers) des gains en capital réalisés lors de la disposition d’actions admissibles (les « actions admissibles au titre de l’IEC ») par un particulier admissible, jusqu’à concurrence de 2 M$ CA au cours de la vie entière de ce dernier. L’IEC viendra s’ajouter à l’ECGC, ce qui signifie que les particuliers admissibles pourraient bénéficier de taux d’imposition préférentiels sur la première tranche de 3,25 M$ CA des gains en capital réalisés lors de la disposition par ceux-ci d’actions admissibles.
Le plafond cumulatif de l’IEC sera mis en œuvre progressivement par tranches de 200 000 $ CA par année, à compter de 2025, pour atteindre une valeur de 2 M$ CA d’ici 2034. Cette exonération semble être similaire à l’exclusion relative aux gains en capital réalisés lors de la disposition d’actions admissibles de petites entreprises prévue à l’article 1202 de l’Internal Revenue Code des États-Unis, hormis le fait que le montant de l’exclusion prévue à l’article 1202 corresponde au plus élevé des montants suivants : 10 M$ US ou dix fois le prix de base rajusté global des actions au moment de l’émission de celles-ci.
En plus de satisfaire aux exigences relatives aux AAPE, le particulier admissible et les actions admissibles au titre de l’IEC devront remplir les conditions suivantes :
- Les actions admissibles au titre de l’IEC doivent avoir été obtenues pour une contrepartie égale à leur juste valeur marchande (« JVM »).
- Le particulier admissible doit avoir détenu les actions admissibles au titre de l’IEC pendant au moins cinq ans avant la disposition. Cette longue période de détention pourrait dissuader les fondateurs de vendre leur entreprise même lorsque d’autres investisseurs sont mieux placés pour faire croître l’entreprise ou lorsque les conditions du marché sont propices à une telle vente. Cette mesure aura probablement une incidence plus importante sur les entreprises de technologie, un secteur où les conditions du marché peuvent changer considérablement en peu de temps.
- Tout au long de la période de détention de cinq ans qui précède immédiatement la disposition des actions admissibles au titre de l’IEC, le particulier admissible doit avoir participé activement, de façon régulière, continue et importante aux activités de l’entreprise. Cette exigence présente des similitudes avec le libellé utilisé dans les règles de l’impôt sur le revenu fractionné, et nous nous attendons à ce que le libellé relatif aux actions admissibles au titre de l’IEC soit interprété de manière similaire.
- Le particulier admissible doit être un investisseur fondateur au moment où la société était initialement capitalisée. Cette restriction pourrait nuire à la collaboration entre les entreprises, car de futurs investisseurs potentiels pourraient choisir de financer leurs propres nouvelles sociétés plutôt que d’investir dans des sociétés en démarrage.
- Les actions admissibles au titre de l’IEC doivent être détenues directement par le particulier admissible. Aux termes du régime de l’ECGC, les contribuables peuvent détenir leurs AAPE par l’intermédiaire d’une fiducie de sorte que chacun des bénéficiaires de la fiducie puisse se prévaloir de l’ECGC (ce qui multiplie effectivement l’ECGC). Toutefois, les actions détenues par l’intermédiaire d’une fiducie ne seraient pas admissibles à l’IEC. Ainsi, les fondateurs qui ont utilisé des fiducies familiales dans leurs structures initiales ne seront généralement pas admissibles à l’IEC.
- Des restrictions s’appliquent aux types d’entreprises admissibles à l’IEC. Par exemple, les entreprises opérant dans le secteur financier, de l’assurance, immobilier, de l’hébergement et de la restauration, des arts, spectacles ou loisirs n’y seront pas admissibles. On ne sait pas encore si les entreprises liées à un de ces secteurs exclus, comme une société de logiciels qui créerait des programmes pour un de ces secteurs, seront admissibles à l’IEC.
- En tout temps, l’actionnaire vendeur doit être propriétaire des actions admissibles au titre de l’IEC équivalant à plus de 10 % de la JVM du capital-actions émis et en circulation de la société, lui donnant plus de 10 % des voix pouvant être exprimées à une assemblée. Cette exigence pourrait présenter des défis pour les fondateurs qui exercent leurs activités dans des secteurs hautement capitalistiques où il y a une dilution importante pour ces fondateurs.
Bien que l’IEC soit une mesure intéressante pour les entrepreneurs, les nombreuses restrictions à l’admissibilité pourraient restreindre considérablement le nombre de fondateurs susceptibles de se prévaloir de cet incitatif. D’ici à ce qu’un projet de loi soit publié, il sera difficile d’évaluer s’il s’agira d’un incitatif pratique pour les entrepreneurs canadiens.
Impôt minimum de remplacement
Le Budget 2024 réintroduit les modifications au régime de l’IMR qui avaient été initialement proposées dans le budget fédéral de 2023 (consultez notre bulletin sur le Budget 2023). Des dispositions législatives visant à mettre en œuvre les modifications proposées au régime de l’IMR avaient été présentées dans les propositions législatives d’août 2023 (les « propositions d’août 2023 ») (consultez notre bulletin sur les propositions d’août 2023); cependant, le projet loi C-59 publié en novembre 2023 ne traitait pas des modifications à l’IMR.
Les modifications proposées dans le Budget 2024 reprennent essentiellement ce qui était indiqué dans les propositions d’août 2023. Par exemple, il est proposé de faire passer le taux de l’IMR de 15 % à 20,5 % et de faire passer de 80 % à 100 % le taux d’inclusion des gains en capital et des avantages liés aux options d’achat d’actions accordées aux employés. Il est également proposé de refuser 50 % de certaines déductions, dont les frais d’intérêts et les frais financiers engagés pour gagner un revenu de biens, les pertes autres que des pertes en capital d’autres années, et la déduction pour les pertes comme commanditaire d’autres années.
Comme il était mentionné dans notre bulletin sur le Budget 2023, l’IMR s’applique généralement à tous les particuliers, y compris les fiducies, à quelques exceptions près. Notamment, il ne s’applique pas aux FFCP, mais il s’applique à d’autres fiducies de fonds d’investissement qui ne sont pas admissibles à titre de FFCP. Dans le Budget 2023, il était précisé que le gouvernement examinait la possibilité d’accorder une exonération de l’IMR à d’autres types de fiducies.
Dans les propositions d’août 2023, il était proposé d’élargir les types de fiducies exonérés de l’IMR afin d’inclure les fiducies 1) admissibles à titre de « fonds d’investissement » (au sens conféré à ce terme dans les règles relatives aux faits liés à la restriction de perte dans la LIR); 2) dont toutes les unités sont inscrites à la cote d’une bourse de valeurs désignée; et 3) dont une ou plusieurs catégories (mais non la totalité) d’unités sont inscrites à la cote d’une bourse de valeurs désignée.
Le Budget 2024 reprend l’exonération prévue au point 1) précédent, mais propose de remplacer les exonérations prévues aux points 2) et 3) précédents par une nouvelle exemption visant les fiducies d’investissement à participation unitaire dont la JVM totale des unités inscrites à la cote d’une bourse de valeurs désignée représente la totalité ou la presque totalité (ce qui signifie, généralement, 90 % ou plus) de la JVM de l’ensemble des unités de la fiducie.
Les propositions d’août 2023 proposaient par ailleurs d’accorder une exonération de l’IMR aux fiducies qui remplissaient toutes les exigences suivantes : 1) les fiducies dont tous les bénéficiaires sont exonérés de l’IMR ou les fiducies dont les bénéficiaires sont des fiducies dont l’ensemble des bénéficiaires sont exonérés de l’IMR; 2) les fiducies qui ne peuvent à aucun moment ajouter une personne non exonérée de l’IMR à titre de bénéficiaire; 3) les fiducies dans lesquelles toutes les participations sont des « participations fixes »; et 4) les fiducies qui sont irrévocables (chacune, une « fiducie exonérée »). Dans le Budget 2024, il est plutôt proposé de conserver ces exonérations, mais avec une modification au point 1) énoncé dans le présent paragraphe selon laquelle lorsqu’un bénéficiaire est lui-même une fiducie, cette fiducie doit être une fiducie exonérée et non seulement être une fiducie dont tous les bénéficiaires sont exonérés de l’IMR.
Le Budget 2024 propose en outre d’accorder une exonération de l’IMR aux fiducies collectives des employés.
Il est également proposé que les modifications apportées au régime de l’IMR s’appliquent aux années d’imposition commençant après le 31 décembre 2023, soit la même date que celle qui était indiquée dans les propositions d’août 2023, sans aucun allègement pour les contribuables qui se sont appuyés sur la portée des exemptions établie dans les propositions d’août 2023. Il y a lieu de se demander s’il est approprié que le ministère des Finances apporte des modifications de fond par rapport aux propositions d’août 2023, lesquelles s’appliquent rétroactivement.
Comme l’exemption accordée aux fiducies exonérées exige que les conditions applicables soient remplies tout au long d’une année d’imposition, cela laisse entendre qu’une fiducie qui demanderait une modification à sa déclaration de fiducie de façon à satisfaire ces conditions (comme l’ajout d’une interdiction qui viserait les bénéficiaires non exonérés) pourrait ne pas être admissible à titre de fiducie exonérée en 2024 et pourrait devoir composer avec les répercussions des modifications apportées au régime de l’IMR cette année.
Régimes enregistrés – placements admissibles
Le Budget 2024 reconnaît que l’évolution des règles sur les placements admissibles pour les régimes enregistrés (comme les REER et les CELI) a entraîné d’autres changements qui parfois ont donné lieu à des incohérences ou encore à des dispositions difficiles à comprendre. Voici des exemples d’incohérences relevées dans le Budget 2024 : 1) différents régimes enregistrés sont dotés de règles légèrement différentes concernant la réalisation de placements dans les petites entreprises; 2) certains types de rentes ne sont des placements admissibles que pour certains régimes enregistrés; et 3) certains produits communs de placement ne sont des placements admissibles que s’ils sont enregistrés auprès de l’ARC (appelés « placements enregistrés »).
Le Budget 2024 invite les intervenants à soumettre leurs commentaires d’ici le 15 juillet 2024 sur la façon dont les règles sur les placements admissibles pourraient être « modernisées » de manière prospective. Des commentaires peuvent être formulés, par exemple, sur la façon dont les règles pourraient être harmonisées afin de s’appliquer uniformément; sur la valeur du maintien d’un processus d’enregistrement formel pour les placements enregistrés; et sur la question de savoir si et comment les règles sur les placements admissibles pourraient favoriser une augmentation des investissements basés au Canada.
Le Budget 2024 invite également les intervenants à soumettre des commentaires sur la question de savoir si les actifs adossés à des crypto-actifs sont appropriés comme placements admissibles pour les régimes enregistrés d’épargne, ce qui laisse croire que le ministère des Finances pourrait être en train d’examiner si les unités de fonds d’investissement qui investissent dans des crypto-actifs devraient constituer des placements admissibles. À l’heure actuelle, ces unités peuvent constituer des placements admissibles si le fonds d’investissement est admissible à titre de fiducie de fonds commun de placement ou si les unités sont inscrites à la cote d’une bourse de valeurs désignée.
Exemption fiscale accordée aux fiducies collectives des employés
Certaines propositions présentées dans le Budget 2023 concernaient la création de fiducies collectives des employés (chacune, une « FCE ») (consultez notre bulletin sur le Budget 2023). Dans l’Énoncé économique de l’automne de 2023, il était proposé d’exonérer de l’impôt la première tranche de 10 M$ CA des gains en capital réalisés lors de la vente d’actions d’une entreprise à une FCE. Le Budget 2024 établit certaines conditions qui s’appliqueront aux fins de cette exonération, notamment les suivantes :
- L’exonération serait offerte à un particulier qui, tout au long des 24 mois immédiatement avant la vente, était propriétaire des actions, seul ou avec une personne liée ou une société de personnes dans laquelle il est un associé; et seulement si plus de 50 % de la JVM des actifs de la société ont été utilisés principalement dans le cadre d’une entreprise exploitée activement.
- À un moment donné avant la vente, le particulier (ou son époux ou conjoint de fait) a participé activement à l’entreprise admissible, de façon régulière et continue pendant au moins 24 mois.
- L’exonération visant les premiers 10 M$ CA de gains en capital doit être partagée entre tous les actionnaires qui participent à l’opération, c’est-à-dire que chaque actionnaire n’a pas droit à une exonération distincte à hauteur de 10 M$ CA.
- La fiducie qui acquiert les actions doit être une FCE nouvellement constituée dont, immédiatement après l’acquisition des actions par la fiducie, au moins 90 % des bénéficiaires sont des résidents canadiens.
Une telle exonération sera refusée si un « événement de disqualification » survient au cours des 36 premiers mois suivant la vente d’une entreprise à une FCE. Un événement de disqualification se produit, par exemple, si la FCE perd son statut de FCE ou si la majorité de la JVM des actions n’est pas attribuable à des éléments d’actifs qui sont utilisés principalement dans une entreprise exploitée activement au début de deux années d’imposition consécutives de l’entreprise. Si l’événement de disqualification se produit plus de 36 mois après la vente d’une entreprise à une FCE, la FCE sera réputée avoir réalisé un gain en capital équivalent au montant total du gain en capital ayant bénéficié d’une exonération.
Mesures visant l’impôt sur le revenu des sociétés
Crédit d’impôt à l’investissement pour l’électricité propre
Le Budget 2024 fournit également des détails très attendus au sujet de la conception et de la mise en œuvre du crédit d’impôt à l’investissement pour l’électricité propre remboursable (le « crédit d’impôt pour l’électricité propre »), qui avait été annoncé initialement dans le Budget 2023.
Le crédit d’impôt pour l’électricité propre correspond à 15 % du coût des biens admissibles (y compris les dépenses en immobilisations pour remettre en état les installations existantes) qui sont acquis et deviennent prêts à être mis en service à compter de la date du Budget et avant 2035, à la condition qu’ils n’aient pas été utilisés à quelque fin que ce soit avant leur acquisition et qu’ils ne fassent pas partie d’un projet dont la construction a été amorcée avant le 28 mars 2023.
Biens admissibles
Généralement, les biens admissibles comprennent :
- les systèmes de production d’électricité à faibles émissions utilisant de l’énergie éolienne, solaire, hydraulique ou géothermique, de l’énergie nucléaire, ou de l’énergie produite à partir de la biomasse résiduelle ou du gaz naturel avec captage et stockage du carbone (c.-à-d. les systèmes énergétiques alimentés au gaz naturel admissibles);
- les systèmes fixes de stockage de l’électricité exploités sans combustibles fossiles, comme les batteries et le stockage d’énergie hydroélectrique par pompage;
- le matériel faisant partie d’un système énergétique alimenté au gaz naturel admissible, y compris le matériel qui produit à la fois de l’énergie électrique et de l’énergie thermique (tel que les générateurs à turbine à gaz) et le matériel de captage du carbone, y compris le matériel qui prépare ou comprime le carbone capté en vue du transport;
- les biens pour la transmission interprovinciale et territoriale d’électricité admissibles, y compris les câbles, les interrupteurs, les tours et les treillis.
Entités admissibles
Contrairement aux autres crédits d’impôt à l’investissement pour l’énergie propre, qui ne sont offerts qu’aux sociétés canadiennes imposables, le crédit d’impôt pour l’électricité propre est offert à un plus large éventail de sociétés, sous réserve de certaines exigences supplémentaires :
- les sociétés canadiennes imposables;
- les sociétés d’État provinciales et territoriales, sous réserve de certaines exigences supplémentaires, notamment le fait que le ministre fédéral des Finances doit déterminer que la province ou le territoire en question a rempli certaines conditions, comme des engagements publics à se doter d’un réseau électrique carboneutre d’ici 2035;
- les sociétés appartenant aux municipalités;
- les sociétés appartenant aux communautés autochtones;
- les sociétés de gestion de pension.
Les sociétés faisant valoir une immunité ou une exonération d’impôt devront 1) accepter d’être assujetties aux dispositions de la LIR se rapportant au crédit d’impôt pour l’électricité propre, y compris les dispositions relatives à la vérification, aux pénalités et aux recouvrements; et 2) convenir de ne pas faire valoir toute immunité ou exemption relativement au crédit d’impôt pour l’électricité propre.
Bien que le crédit d’impôt pour l’électricité propre ne soit disponible que pour les sociétés canadiennes, lorsqu’un bien admissible appartient à une société de personnes, les associés de celle-ci qui sont des sociétés admissibles seraient autorisés à demander leur part de ce crédit d’impôt. Dans les cas où un bien est admissible au crédit d’impôt pour l’électricité propre et au crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres, les associés pourraient demander leur part raisonnable de l’un ou l’autre crédit à laquelle ils ont droit, mais ils ne pourraient pas demander les deux crédits relativement au même bien.
Exigences en matière de main-d’œuvre
Les exigences en matière main-d’œuvre qui font actuellement l’objet du projet de loi C-59, lequel a été déposé au Parlement, s’appliqueront au crédit d’impôt pour l’électricité propre. Si ces exigences ne sont pas respectées, le crédit d’impôt pour l’électricité propre sera réduit à un crédit d’impôt remboursable de 5 % (consultez nos bulletins de septembre 2023 et de décembre 2023 pour un exposé général de ces exigences).
Obligations de remboursement éventuelles
Le Budget 2024 prévoit que le crédit d’impôt pour l’électricité propre sera assujetti à des obligations de remboursement éventuelles semblables aux règles de récupération proposées dans le projet de loi C-59 pour le crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres. Cela comprend les scénarios où un bien 1) a été affecté à une « utilisation non admissible » dans les 10 ans (jusqu’à 20 ans pour systèmes énergétiques alimentés au gaz naturel admissibles); 2) a été exporté du Canada; ou 3) a fait l’objet d’une disposition sans avoir été auparavant assujetti aux règles de remboursement.
Interactions avec d’autres crédits d’impôt fédéraux
Le Budget 2024 confirme que les sociétés admissibles ne pourront pas demander plusieurs crédits d’impôt sur le même bien admissible si une dépense donnée est admissible à plus d’un crédit d’impôt. Toutefois, plusieurs crédits d’impôt pourraient être disponibles pour le même projet, dans la mesure où le projet comprend des dépenses admissibles à des crédits d’impôt différents.
Remise canadienne sur le carbone des petites entreprises
Le Budget 2024 propose un nouveau crédit d’impôt automatique remboursable pour rembourser la redevance fédérale sur les combustibles qui est perçue uniquement en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard et en Terre-Neuve-et-Labrador.
Ce crédit d’impôt sera offert aux sociétés admissibles pour les années de redevance sur les combustibles 2019-2020 à 2023-2024, pourvu que ces sociétés produisent une déclaration de revenu pour leur année d’imposition 2023 au plus tard le 15 juillet 2024.
Pour être admissible, une société doit être une « société privée sous contrôle canadien » et compter moins de 500 employés au Canada au cours de l’année civile dans laquelle l’année de redevance sur les combustibles a commencé.
Le montant du crédit d’impôt relativement à une société admissible sera déterminé pour chaque province applicable dans laquelle la société admissible avait des employés au cours de l’année civile dans laquelle l’année de redevance sur les combustibles a commencé. Le montant de crédit d’impôt sera égal au nombre de personnes employées par la société admissible dans la province au cours de cette année civile, multiplié par un taux de paiement établi par le ministre des Finances pour la province pour l’année de redevance sur les combustibles correspondante.
Les taux de paiements pour les années de redevance sur les combustibles 2019-2020 à 2023-2024 sont à venir. Le crédit d’impôt retournera les produits pour l’année de redevance sur les combustibles 2024-2025 d’une manière similaire.
Évitement de dettes fiscales
L’article 160 de la LIR comprend une règle anti-évitement qui vise à empêcher les contribuables de se soustraire au paiement de leurs obligations fiscales en transférant leurs actifs à des personnes avec qui ils ont un lien de dépendance. Dans les circonstances où cette règle s’applique, elle fait en sorte que l’auteur d’un transfert et le bénéficiaire de ce dernier sont solidairement responsables pour les dettes fiscales de l’auteur d’un transfert, dans la mesure où la JVM du bien transféré excède la contrepartie versée par l’auteur du transfert pour le bien au moment du transfert.
Le Budget 2021 a introduit certaines mesures visant à prévenir les opérations complexes ayant pour effet d’éviter la responsabilité solidaire en vertu de l’article 160 pour les dettes fiscales entre l’auteur d’un transfert et le bénéficiaire de ce dernier (consultez notre bulletin sur le Budget 2021).
Le Budget 2024 affirme que certains contribuables continuent de participer à des planifications visant à contourner la règle sur l’évitement de dettes fiscales, souvent avec l’aide d’un planificateur qui reçoit des honoraires importants qui sont effectivement financés par une partie de la dette fiscale évitée. Une telle planification implique que le planificateur ou une autre personne agissant à titre d’intermédiaire transfère la valeur (même si ce n’est probablement pas le même bien) d’un débiteur fiscal potentiel à un bénéficiaire du transfert avec lequel il a un lien de dépendance, contournant ainsi les règles existantes qui s’appliquent à un transfert (même indirect) d’un bien donné de l’auteur du transfert au bénéficiaire de ce dernier.
Le Budget 2024 introduit une nouvelle règle anti-évitement qui fait entrer dans le champ d’application de l’article 160 les opérations dans lesquelles l’auteur du transfert transfère un bien à une personne (le « planificateur ») et le planificateur transfère un bien à un bénéficiaire du transfert dans le cadre de la même opération ou série d’opérations, s’il est raisonnable de conclure que l’un des buts de l’opération ou de la série d’opérations est de permettre à l’auteur du transfert et au bénéficiaire de ce dernier d’éviter leur responsabilité solidaire pour un montant payable en vertu de la LIR.
La règle anti-évitement, lorsqu’elle s’applique, fera en sorte que l’auteur du transfert sera réputé avoir transféré un bien au bénéficiaire du transfert, de sorte que l’article 160 s’appliquerait au transfert réputé. Ce genre de tentative d’éviter l’application de l’article 160 est également inclus dans la définition d’une « opération d’évitement en vertu de l’article 160 » prévue à la LIR, ce qui rend possible l’application d’une pénalité accrue.
Pouvoirs de vérification accrus et non-conformité aux demandes de renseignements
Le Budget 2024 comporte un certain nombre de propositions visant à conférer à l’ARC des pouvoirs accrus en matière de collecte de renseignements et d’application de la loi. Ces mesures visent à améliorer l’efficience et l’efficacité des vérifications fiscales et, finalement, à faciliter la perception des revenus fiscaux en temps opportun. Bien que le Budget 2024 ne traite directement que des pouvoirs de collecte de renseignements en vertu de la LIR, il propose également d’apporter des modifications analogues à d’autres lois fiscales fédérales administrées par l’ARC.
Il est entendu que l’ARC dispose déjà d’un large éventail de pouvoirs de vérification. Bon nombre de ces pouvoirs peuvent, en fin de compte, être exercés par suite de l’émission d’une ordonnance d’exécution par un tribunal, exigeant qu’un contribuable se conforme aux demandes de vérification de l’ARC, sous peine d’outrage au tribunal. Toutefois, le Budget 2024 souligne que de telles ordonnances sont longues à obtenir et que l’outrage au tribunal n’entraîne pas de coût financier important pour le contribuable visé par l’ordonnance.
En vue d’imposer de tels coûts aux contribuables qui ne se conforment pas à la loi, le Budget 2024 prévoit une nouvelle pénalité applicable aux contribuables qui font l’objet d’une ordonnance d’exécution. La pénalité proposée, qui correspond à 10 % de l’impôt total à payer par le contribuable relativement à l’année ou aux années d’imposition auxquelles se rapporte l’ordonnance d’exécution, vise à mieux inciter le contribuable à se conformer aux demandes de renseignements dans un premier temps. Si le projet de loi est adopté en sa forme actuelle, il pourrait entraîner d’importantes répercussions pour certains contribuables, car le montant de la pénalité pourrait dépasser considérablement le montant de l’impôt applicable aux questions faisant l’objet d’une vérification ou auxquelles se rapporte l’ordonnance d’exécution.
Le Budget 2024 propose également une série de règles de « suspension de la prescription », soit de nouveaux prolongements des délais prévus dans la LIR pour l’établissement de la nouvelle cotisation d’un contribuable. Ces prolongements s’appliqueront pendant qu’un contribuable (ou une personne avec laquelle il a un lien de dépendance) procède à une demande de révision judiciaire des exigences de vérification émises par l’ARC.
Un autre prolongement des délais de prescription pour l’établissement d’une nouvelle cotisation est prévu relativement à l’émission d’un nouveau type d’avis annoncé dans le Budget 2024, soit un avis de non-conformité (un « ANC »). L’ARC pourra émettre un ANC en tout temps à une personne si elle détermine que cette personne ne s’est pas conformée, en tout ou en partie, à une exigence de vérification de l’ARC énoncée aux articles 231.1, 231.2 et 231.6 de la LIR ou à tout avis émis par l’ARC en vertu de ces articles. Les ANC demeureront en suspens (et la prescription demeurera suspendue) jusqu’à ce que la personne ait, à la satisfaction de l’ARC, respecté le processus de vérification sous-jacent ou démontré qu’elle a fait tout ce qui était raisonnablement nécessaire pour se conformer à ce processus.
Il est à noter que la modification législative proposée suspendra la prescription pour les nouvelles cotisations à l’égard de toute question pendant qu’un ANC demeure en suspens, que la non-conformité se rapporte ou non à cette question. Par conséquent, l’émission d’un ANC à un contribuable pourrait entraîner une prolongation très longue et possiblement indéfinie du délai pour l’établissement de la nouvelle cotisation du contribuable. De plus, le contribuable visé par l’ANC sera passible d’une pénalité (jusqu’à concurrence de 25 000 $ CA) pour chaque jour où l’ANC est en suspens.
Un ANC peut être contesté en présentant une demande de révision à l’ARC dans les 90 jours suivant la date de signification ou d’envoi de l’ANC, laquelle révision doit être effectuée dans les 180 jours suivant la réception de la demande par l’ARC. Une demande de contrôle judiciaire de la décision relative à la demande de révision peut être soumise dans un délai 90 jours suivant la date de cette décision. Un ANC peut être confirmé, modifié ou annulé à toute étape du processus de révision, et on s’attend à ce que les principes bien établis de l’examen du caractère raisonnable et de l’équité procédurale continuent de s’appliquer dans le cadre de ce processus. Lorsqu’un ANC est annulé par l’ARC ou par un tribunal, il est réputé n’avoir jamais été émis.
Il y a également lieu de noter que le Budget 2024 prévoit expressément que l’ARC peut demander une ordonnance d’exécution avant ou après l’envoi d’un ANC. Par conséquent, ces deux mesures d’application ne s’excluent pas mutuellement, et l’une n’occupe pas nécessairement une position hiérarchique par rapport à l’autre.
Le Budget 2024 propose également un certain nombre de modifications visant les pouvoirs de vérification de l’ARC, y compris l’élargissement du champ d’application de ces pouvoirs ainsi que certaines modifications techniques. Entre autres, ces modifications prévoient expressément que les pouvoirs de vérification par l’ARC peuvent être utilisés pour appuyer les activités de perception ou l’application des accords internationaux et des conventions fiscales du Canada. L’ARC peut également exiger que les réponses à ses questions, ainsi que les renseignements ou les documents qu’elle cherche à obtenir, lui soient fournis de vive voix, sous serment ou par affidavit. De plus, les modifications permettent explicitement à l’ARC d’exiger la fourniture de renseignements ou de documents en vertu du pouvoir général de vérification prévu à l’article 231.1 de la LIR.
Autre changement digne de mention, il est proposé que soit ajouté au régime général de pouvoirs de vérification de l’ARC le pouvoir d’exiger la fourniture de renseignements ou de documents étrangers en vertu de l’article 231.6 de la LIR. Par le passé, l’application de ces exigences relatives à la fourniture de renseignements ou de documents étrangers n’était pas exigée par voie d’une ordonnance d’exécution. Il y avait plutôt une interdiction prévue par la loi d’utiliser des documents visés par l’exigence dans une future affaire civile si l’exigence n’était pas respectée pour l’essentiel.
Les modifications législatives proposées semblent mettre l’accent sur l’obligation de se conformer à de telles exigences de vérification et envisager la possibilité qu’un juge canadien ordonne la fourniture de renseignements ou de documents étrangers. Cette proposition pourrait être, en essence, peu pratique dans de nombreuses situations, particulièrement lorsque l’objet de l’ordonnance n’a pas le contrôle des documents étrangers, ou compte tenu des limites du caractère exécutoire de l’ordonnance émise par le tribunal canadien.
Comme il est indiqué ci-dessus, le Budget 2024 propose d’élargir et d’accroître considérablement les pouvoirs de vérification et d’application de la loi dont dispose l’ARC. La façon dont l’ARC choisit d’utiliser ces pouvoirs se fonde en grande partie sur la discrétion administrative de cette dernière et sur ses procédures administratives, lesquelles sont généralement orientées par les manuels et protocoles internes de l’ARC et tiennent compte des différents niveaux de pouvoirs délégués au sein de l’ARC pour l’exercice de pouvoirs ministériels précis. Comme cela a été le cas par le passé, il se peut que la forme précise de ces nouveaux pouvoirs de vérification ne soit pleinement comprise que dans le cadre de futurs litiges.
Déduction pour amortissement accéléré et exemption prévue aux règles de RDEIF pour les logements construits expressément pour la location
Le Budget 2024 comprend deux mesures visant à favoriser la construction de logements destinés expressément à la location à long terme. Ces mesures vont dans le sens de l’objectif stratégique d’accroître la disponibilité des logements, qui est reflété dans la bonification du remboursement de la TPS pour les logements locatifs neufs (le « remboursement de la TPS pour les logements locatifs ») annoncé en septembre 2023 (consultez notre bulletin de septembre 2023).
Premièrement, le Budget 2024 propose de permettre l’amortissement accéléré aux fins de l’impôt pour les nouveaux projets d’immeubles de logements locatifs admissibles. À titre de mise en contexte, mentionnons qu’un contribuable qui exploite une entreprise au Canada peut déduire, à titre de déduction pour amortissement, le coût des immobilisations qu’il a acquises en déduisant un pourcentage précis du coût de l’immobilisation au cours de l’année de l’acquisition et des années subséquentes, dans la plupart des cas selon un amortissement dégressif.
Les logements locatifs sont habituellement admissibles à un taux de DPA de 4 %. En vertu des propositions annoncées dans le Budget 2024, les nouveaux logements construits spécialement pour la location admissibles auront droit à une DPA à un taux majoré de 10 %. Il est proposé que le taux de DPA accéléré de 10 % s’applique aux projets dont la construction débute le jour du Budget ou après et avant le 1er janvier 2031, et qui sont prêts à être mis en service avant le 1er janvier 2036. Ce taux de DPA accéléré s’appliquera aux nouvelles propriétés ainsi qu’aux propriétés converties à partir de biens immobiliers non résidentiels existants, mais non aux rénovations d’immeubles d’habitation existants.
Le Budget 2024 propose également d’inclure une exemption facultative aux règles de restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement (« RDEIF »), lesquelles font partie du projet de loi C-69 déposé au Parlement, pour certaines dépenses engagées avant le 1er janvier 2036 relativement au financement sans lien de dépendance utilisé pour construire ou acquérir des logements admissibles construits expressément pour la location au Canada.
Aux fins de ces propositions, et conformément au remboursement de la TPS pour immeubles d’habitation locatifs, un « logement construit expressément pour la location », est défini comme un immeuble d’habitation ayant au moins quatre appartements privés ou au moins dix chambres ou suites privées, dont au moins 90 % des logements sont détenus pour la location à long terme.
Passation en charges immédiates pour les actifs qui améliorent la productivité
Le Budget 2024 propose également d’offrir une déduction d’impôt bonifiée, sous la forme d’une déduction de 100 % pour la première année, pour les nouveaux investissements dans les brevets, l’équipement d’infrastructure et les logiciels de réseaux de données, les ordinateurs et d’autres équipements de traitement de données. Ces catégories d’actifs sont actuellement admissibles à la DPA aux taux de 25 % (catégorie 44), de 30 % (catégorie 46) et de 55 % (catégorie 50), respectivement.
Cet incitatif sera disponible à l’égard des biens acquis à compter de la date du budget et qui sont prêts à être mis en service avant le 1er janvier 2027. Le Budget 2024 confirme que les actifs appartenant à ces catégories qui deviennent prêts à être mis en service après 2026 (et qui ne sont donc pas admissibles à la déduction de 100 % proposée), mais avant 2028 continueront d’être admissibles à l’incitatif à l’investissement accéléré annoncé à l’origine dans l’Énoncé économique de l’automne 2018 (consultez notre bulletin sur l’Énoncé économique de l’automne 2018).
Sociétés de placement à capital variable
Un organisme de placement collectif peut généralement être structuré sous forme de « fiducie de fonds commun de placement » ou de « société de placement à capital variable » (une « SPCV »), chacune étant assujettie à des exigences d’admissibilité particulières en vertu de la LIR. Pour qu’une société soit admissible à titre de SPCV, elle doit notamment avoir une catégorie d’actions qui est inscrite à la cote d’une bourse de valeurs désignée ou qui est par ailleurs admissible à la distribution au public et qui satisfait à certaines exigences minimales de distribution. Aux termes du Budget 2024, ces conditions sont fondées sur l’idée selon laquelle les SPCV sont à participation multiple.
Le Budget 2024 indique toutefois qu’une société peut actuellement être admissible à titre de SPCV même si elle n’est pas à participation multiple; par exemple, si elle a une catégorie d’actions cotée à une bourse, mais aussi une ou plusieurs autres catégories d’actions qui représentent la totalité ou la presque totalité de la valeur de la société et qui sont détenues par un contribuable ou un groupe donné. Dans de telles situations, le contribuable ou le groupe pourrait profiter indûment du statut de SPCV de la société, par exemple en permettant que les gains en capital réalisés par la société soient transférés aux actionnaires sans être assujettis à l’impôt sur le revenu des sociétés.
Bien que le Budget 2024 indique que ces situations peuvent être contestées en vertu des règles existantes de la LIR, il propose d’instaurer une nouvelle règle anti-évitement afin de répondre plus directement à ces préoccupations. Conformément à la règle proposée, une société sera réputée ne pas être une SPCV après un moment donné si, à ce moment :
- plus de 10 % de la JVM des actions de la société appartient à une personne ou à un groupe de personnes ayant un lien de dépendance (une ou plusieurs personnes apparentées);
- la société est contrôlée par une ou plusieurs personnes apparentées ou pour le compte d’une ou plusieurs personnes apparentées.
L’utilisation d’un seuil de valeur de 10 % est remarquable étant donné que l’objectif déclaré de la règle est d’empêcher l’utilisation de SPCV qui ne sont pas réellement « à participation multiple », lorsque la totalité ou la presque totalité de la valeur des SPCV est détenue par la personne ou le groupe qui détient le contrôle. La mention de « la totalité ou la presque totalité » dans les documents du Budget 2024 laisse entendre que la règle pourrait s’appliquer à une situation où 90 % ou plus des actions d’une SPCV sont détenues par des personnes apparentées. Par conséquent, l’application proposée de la règle anti-évitement aux situations où plus de 10 % des actions d’une SPCV sont détenues par des personnes apparentées ne semble pas cadrer avec le méfait décrit dans les documents du Budget 2024 (ou, à tout le moins, semble avoir une portée beaucoup plus vaste que ce méfait).
En outre, la portée envisagée de l’expression « au profit de » dans le critère de contrôle prévu dans la règle proposée n’est pas claire. Il est à espérer que cette expression sera interprétée comme visant uniquement les arrangements aux termes desquels une SPCV est contrôlée spécifiquement au profit de personnes apparentées, et ne viserait pas les arrangements aux termes desquels une SPCV est contrôlée au profit de tous ses actionnaires, comme lorsqu’une fiducie de vote détient les actions comportant droit de vote d’une SPCV au profit des actionnaires de cette dernière.
Les propositions pourraient s’appliquer aux situations où un fonds agit à titre de « fonds nourricier » ou de « fonds de fonds » qui investit dans une SPCV si le fonds nourricier détient plus de 10 % des actions de la SPCV et que la SPCV et le fonds nourricier sont sous contrôle commun ou si la SPCV est par ailleurs considérée comme contrôlée « au profit » du fonds nourricier comme il est indiqué ci-dessus. Il est peu probable que cela soit intentionnel puisqu’il y aurait alors incompatibilité avec l’objectif de politique déclaré de la règle de refuser le statut de SPCV dans de telles circonstances.
Une société sera exemptée de cette règle pendant les deux premières années de son existence, à la condition que la JVM totale de ses actions appartenant à des personnes apparentées n’excède pas 5 M$ CA. Cette dispense vise à permettre à une SPCV de dépasser les seuils de contrôle et de propriété indiqués ci-dessus à l’étape initiale de la mobilisation de capitaux. Toutefois, le seuil de 5 M$ CA pourrait être trop faible pour que cet objectif soit atteignable dans certains contextes.
Cette proposition s’appliquera aux années d’imposition qui débutent après 2024.
Arrangements de capitaux propres synthétiques
Les règles sur les arrangements de capitaux propres synthétiques (« ACPS ») prévues à la LIR ont été introduites en 2015 à titre de mesure anti-évitement spécifique ciblant les arrangements (qui comportent habituellement un ou plusieurs instruments dérivés) aux termes desquels un contribuable qui est une société transfère la totalité ou la presque totalité des possibilités de subir des pertes et de réaliser des gains relativement à une action à un « investisseur indifférent relativement à l’impôt » (par exemple, une personne exonérée d’impôt ou une personne non-résidente). Les règles sur les ACPS, qui ont été adoptées dans le cadre de l’élargissement des règles relatives aux mécanismes de transfert de dividendes (les « MTD ») de la LIR, interdisent la déduction pour dividendes reçus (la « DDR ») intersociétés au bénéficiaire de dividende lorsque le dividende est reçu relativement à une action visée par un ACPS. Cela empêche le bénéficiaire de dividende de réaliser une double déduction effective en réclamant une DDR et en déduisant également les paiements de dividende par équivalence versés à l’investisseur indifférent relativement à l’impôt aux termes de l’ACPS.
Les règles sur les ACPS ne privent pas un contribuable d’une DDR lorsque le contribuable établit que l’arrangement n’a pas pour effet de transférer la totalité ou la presque totalité des possibilités de subir des pertes et de réaliser des gains relativement à une action à un investisseur indifférent relativement à l’impôt ou à un groupement affilié d’investisseurs indifférents relativement à l’impôt. La LIR prévoit des déclarations précises qu’un contribuable peut obtenir d’une contrepartie pour se conformer à cette exception. Contrairement à la définition plus générale d’un MTD dans la LIR, qui comprend un critère de l’« objet principal » lié au méfait visé par les règles, la définition des ACPS est purement mécanique dans son application. Toutefois, l’exception concernant l’investisseur indifférent relativement à l’impôt remplit une fonction semblable au critère de l’objet principal prévu à la définition de la DDR en limitant l’application de la règle aux scénarios où le bénéficiaire aux termes de l’ACPS ne comptabiliserait pas entièrement les paiements de dividende par équivalence dans son revenu.
Une exception distincte aux règles sur les ACPS exclut les accords qui sont négociés sur une bourse reconnue en instruments financiers dérivés (par exemple, la Bourse de Montréal), à moins que l’on puisse raisonnablement considérer que 1) l’accord fait partie d’une série d’opérations qui a pour effet de transférer la totalité ou la presque totalité des aspects économiques de l’action à un investisseur indifférent relativement à l’impôt ou 2) l’une des principales raisons de conclure l’accord est d’obtenir le bénéfice d’une déduction à l’égard des paiements aux termes de l’accord.
Le Budget 2024 propose que l’exception relative à l’investisseur indifférent relativement à l&squo;impôt et l’exception relative aux accords négociés sur une bourse reconnue soient éliminées des règles sur les ACPS. Les raisons invoquées dans le Budget 2024 pour justifier ces modifications sont de simplifier les règles sur les ACPS et d’empêcher les contribuables de demander une DDR pour une action visée par un ACPS. Il reste à voir si la simplicité constitue une raison appropriée pour élargir le champ d’application des règles à des situations autres que le méfait ciblé. De plus, les contribuables semblent s’être adaptés au régime de 2015 malgré sa complexité.
De même, les fondements conceptuels de la deuxième justification ne sont pas clairs non plus. Les documents du Budget 2024 semblent signaler une préoccupation selon laquelle les accords qui contreviennent aux objectifs stratégiques des règles sur les ACPS étaient négociés sur des bourses reconnues en se fondant sur l’exception relative aux accords négociés sur une bourse reconnue. Toutefois, les documents du Budget 2024 n’étayent pas cette préoccupation à l’aide de données. Une autre justification de l’élimination de l’exception relative aux accords négociés sur une bourse reconnue pourrait être qu’une fois que l’exception relative aux investisseurs indifférents relativement à l’impôt a été éliminée (éliminant par le fait même la question visant à déterminer si les paiements de dividende en équivalence sont entièrement imposables pour le bénéficiaire), la justification de l’exception relative aux accords négociés sur une bourse reconnue tombe alors en désuétude.
L’élimination de ces exceptions semble représenter un changement important en matière de politique. Fait à noter, les effets de ce changement sont sans objet pour les institutions financières, compte tenu de la proposition du Budget 2023 de refuser la DDR pour tous les dividendes versés à une institution financière sur les actions qui sont admissibles à titre de « biens évalués à la valeur du marché » (ces propositions sont abordées plus en détail dans notre bulletin sur le Budget 2023). Les préoccupations du ministère des Finances à l’égard des règles sur les ACPS pourraient également avoir motivé en partie les changements apportés aux DDR dans le Budget 2023. Toutefois, selon le Budget 2024, le ministère des Finances a l’intention d’aller de l’avant avec les modifications du Budget 2023, malgré les nouvelles modifications apportées aux règles sur les ACPS.
Cette mesure s’appliquerait aux dividendes reçus à compter du 1er janvier 2025. Le Budget 2024 ne prévoit pas de droits acquis pour les ACPS échéant au-delà du 31 décembre 2024 qui bénéficient actuellement de ces exceptions.
Manipulation du statut de faillite
Au cours des dernières années, le ministère des Finances a exprimé son intérêt à l’égard d’opérations comportant la manipulation du statut de faillite d’un contribuable afin d’éviter des conséquences défavorables aux termes des règles sur la remise de dettes prévues à la LIR.
Les règles sur la remise de dettes s’appliquent lorsqu’une dette due par un contribuable est légalement réglée sans paiement intégral, la différence entre le montant dû et le montant payé au règlement étant généralement appelée le « montant remis ». Aux termes de ces règles, lorsqu’il y a règlement d’une « dette commerciale » d’un contribuable, le montant remis est appliqué en réduction des reports de pertes inutilisés, des soldes de la fraction non amortie du coût en capital et d’autres attributs fiscaux. Après que tous ces attributs ont été ramenés à zéro, le montant remis restant (s’il y a lieu) donne lieu à une inclusion au revenu (généralement à un taux d’inclusion de 50 %), sous réserve d’une « déduction pour insolvabilité » compensatoire offerte à une société dans la mesure où l’inclusion au revenu dépasse le double de la valeur de l’actif net de la société, compte tenu de certains ajustements.
Toutefois, les règles sur la remise de dettes ne s’appliquent pas lorsque le débiteur est un failli au sens de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (Canada).
Le ministère des Finances a déjà exprimé des préoccupations quant au fait que certains contribuables pourraient conclure des arrangements aux termes desquels une société serait temporairement mise en faillite avant que ses dettes ne soient réglées, puis libérée de la faillite par la suite de sorte que le règlement ne donne pas lieu à une réduction des attributs fiscaux ou à une inclusion du revenu aux termes des règles sur la remise de dettes (la LIR comporte une règle distincte visant à empêcher la survie des pertes après qu’une société a été libérée de sa faillite, mais cette règle est d’application plus restreinte que les règles sur la remise de dettes, et le Budget 2024 indique que certaines opérations sont structurées de façon à éviter l’application de cette règle également).
Le 1er novembre 2023, les opérations comportant la manipulation du statut de faillite ont été désignées comme devant être signalées aux termes des règles relatives aux « opérations à signaler » prévues à l’article 237.4 de la LIR (consultez notre bulletin de novembre 2023).
Bien que le Budget 2024 indique que ces opérations peuvent faire l’objet d’une contestation en vertu des règles existantes de la LIR, il propose d’empêcher plus définitivement cette planification en modifiant les règles sur la remise de dettes afin de supprimer l’exception de leur application aux sociétés en faillite. Le Budget 2024 souligne que les sociétés en faillite pourront continuer de se prévaloir de la déduction pour insolvabilité afin que l’application des règles sur la remise de dettes à une société en faillite ne donne pas lieu à un impôt à payer au gouvernement. Une modification connexe prévoit l’abrogation de la règle existante relative à la restriction des pertes qui s’applique aux sociétés en faillite.
La modification proposée aux règles sur la remise de dettes s’appliquera uniquement aux sociétés en faillite. Les particuliers continueront d’être exemptés des règles sur la remise de dettes si leurs dettes sont réglées pendant la faillite.
Ces propositions s’appliqueront aux procédures en matière de faillite entamées à compter du jour du Budget.
Mesures visant la fiscalité internationale
Cadre de déclaration des crypto-actifs et Norme commune de déclaration
Le Budget 2024 propose de mettre en œuvre au Canada le Cadre de déclaration des crypto-actifs (le « CDC ») de l’OCDE, qui, comme la Norme commune de déclaration (la « NCD »), vise à permettre l’échange automatique de renseignements entre les autorités fiscales. Le Budget 2024 ne comprend pas d’avant-projet de loi concernant la mise en œuvre de cette proposition.
Cette proposition imposerait une nouvelle obligation déclarative annuelle dans la LIR aux entités et aux particuliers (appelés prestataires de services sur crypto-actifs) qui résident au Canada ou y exploitent une entreprise et qui fournissent des services opérationnels sous la forme de transactions d’échange de crypto-actifs. Selon le Budget 2024, cela inclurait les plateformes d’échange de crypto-actifs, les courtiers et négociants en crypto-actifs et les opérateurs de distributeurs automatiques de crypto-actifs. Bien qu’il n’en soit pas question dans le Budget 2024, les documents sur le CDC de l’OCDE indiquent que les activités d’un fonds d’investissement qui investit dans des crypto-actifs ne constituent pas un service effectuant des transactions d’échange.
En plus des renseignements sur les transactions de crypto-actifs, les prestataires de services sur crypto-actifs devront obtenir et déclarer des renseignements sur chacun de leurs clients, y compris les personnes détenant le contrôle de clients qui sont des entités juridiques. La déclaration serait obligatoire à la fois pour les clients qui sont des résidents canadiens et les non-résidents. Par conséquent, contrairement à la NCD, qui exige que les déclarations soient faites uniquement sur les clients non canadiens, le Budget 2024 prévoit que la mise en œuvre canadienne du CDC aidera à faire en sorte que les Canadiens respectent adéquatement leurs obligations fiscales canadiennes à l’égard des crypto-actifs.
Certaines modifications sont également proposées aux dispositions de la LIR mettant en œuvre la NCD, notamment l’élargissement de la portée de la NCD pour y inclure certains produits de monnaie électronique et les monnaies numériques des banques centrales, qui ne seront pas couvertes par le CDC. Conformément aux changements proposés, des renseignements additionnels qui n’ont pas encore été spécifiés devront être déclarés relativement à des comptes financiers et à des titulaires de compte; les procédures de diligence raisonnable que doivent respecter les institutions financières seront également renforcées.
L’introduction du CDC et les modifications apportées à la NCD s’appliqueront au Canada pour les années civiles 2026 et suivantes, ce qui signifie que la première déclaration et le premier échange de renseignements aux termes du CDC auront lieu en 2027 relativement à l’année civile 2026.
Retenues d’impôt des fournisseurs de services non-résidents
Le Budget 2024 prévoit un nouveau pouvoir discrétionnaire permettant au ministre du Revenu national (le « Ministre ») de renoncer aux exigences de retenue en vertu de l’article 105 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement 105 »). En vertu du Règlement 105, la personne qui verse des montants à un non-résident pour des services rendus au Canada doit retenir 15 % du paiement et le remettre au Ministre. Les retenues aux termes du Règlement 105 visent à servir de remboursement anticipé de l’impôt canadien à payer du non-résident (le cas échéant), en supposant implicitement qu’un non-résident qui reçoit un paiement pour des services rendus au Canada peut exploiter une entreprise au Canada et, par conséquent, être assujetti à l’impôt sur le revenu canadien sur le revenu tiré de cette entreprise. Le mécanisme de retenue prévu par le Règlement 105 permet à l’ARC de percevoir plus facilement les impôts des non-résidents.
Toutefois, le Règlement 105 est assez large pour englober les paiements faits à des non-résidents qui, pour diverses raisons, ne doivent pas d’impôt sur le revenu canadien. Par exemple, un non-résident qui réside dans un pays avec lequel le Canada a conclu une convention fiscale bilatérale en général et qui n’exploite pas d’entreprise au Canada par l’intermédiaire d’un « établissement stable » au Canada au sens de la convention applicable. Dans ces circonstances, le Règlement 105 peut constituer un fardeau de conformité inutile, tant pour le payeur que pour le fournisseur de services non-résident qui serait alors tenu de produire une déclaration de revenus canadienne pour demander un remboursement des montants retenus.
L’ARC a élaboré une pratique administrative afin d’exempter les payeurs de l’obligation de retenir les paiements versés à des fournisseurs de services non-résidents dans certaines circonstances, notamment en émettant une « dispense fondée sur une convention fiscale ». La renonciation fondée sur un traité permet à un payeur de ne pas effectuer de retenue en vertu du Règlement 105 lorsque le non-résident est exonéré de l’impôt sur le revenu canadien en vertu d’un traité applicable (p. ex., parce qu’il n’a pas d’établissement stable au Canada), pourvu que certaines autres exigences soient respectées (voir le guide de l’ARC).
Le pouvoir conféré par la loi à l’ARC d’accorder de telles dispenses est fondé sur la règle énoncée au paragraphe 153(1.1) de la LIR, qui permet à l’ARC d’autoriser un montant moindre de retenue afin d’éviter un préjudice injustifié. Les cas de préjudice injustifié devraient être déterminés au cas par cas en fonction du paiement, conformément à la politique en matière de dispense en vigueur à l’ARC.
Le nouveau pouvoir discrétionnaire proposé dans le Budget 2024 permettra au Ministre de renoncer à l’exigence de retenue aux termes du Règlement 105 à l’égard de catégories plus larges de paiements, plus précisément, s’il est convaincu que le paiement est (1) un revenu d’une entreprise protégée par traité du non-résident, ou (2) à l’égard d’une activité de transport maritime international ou de l’exploitation d’un aéronef en trafic international, dont le revenu n’est généralement pas inclus dans le revenu du non-résident aux fins de la LIR.
Le Ministre aura également le droit d’établir d’autres conditions qui doivent être remplies pour qu’une telle dispense puisse s’appliquer. Ce nouveau pouvoir pourrait permettre à l’ARC d’accorder des dispenses plus larges en faveur de non-résidents qui peuvent s’attendre à une dispense totale en vertu d’une convention fiscale. Toutefois, il reste à voir comment l’ARC utilisera ce nouveau pouvoir discrétionnaire, quelles conditions pourraient être imposées relativement à ces dispenses et si l’ARC continuera également d’administrer son système de dispense existant tel qu’il est actuellement constitué.
Il existe également d’autres circonstances que les catégories ci-dessus dans lesquelles les paiements à un non-résident peuvent être assujettis à une retenue aux termes du Règlement 105 aujourd’hui ou pourraient être à risque de l’être, et pourtant, il est clair que le non-résident n’aura aucun impôt sur le revenu canadien à payer en dernier ressort. Par exemple, un non-résident qui sous-traite des services à un fournisseur de services canadien (lié ou non).
Dans de telles circonstances, le non-résident n’exploitera généralement pas d’entreprise au Canada.
Néanmoins, on peut au moins soutenir que les paiements versés au non-résident par ses clients, qui ne sont souvent pas canadiens, peuvent être assujettis au Règlement 105 parce qu’une partie des services payés a été rendue au Canada par le sous-traitant. Des cas comme celui-ci ne semblent pas visés par la dispense proposée, car ils ne s’appuient pas sur une exemption en vertu d’une convention fiscale, mais plutôt sur le fait que le non-résident n’atteint tout simplement pas les seuils d’imposition au Canada en vertu de la LIR.
Il est à espérer que le ministère des Finances envisagera d’élargir cette règle utile pour couvrir ces circonstances et d’autres circonstances où un fardeau de conformité au Règlement 105 peut être évité avec un risque minimal (le cas échéant) pour l’assiette fiscale canadienne.
Mesures annoncées antérieurement
Le Budget 2024 réitère l’intention du gouvernement d’aller de l’avant avec un certain nombre de mesures fiscales qui ont été annoncées antérieurement, dont certaines font d’ailleurs partie du projet de loi C-59, lequel est examiné par le Parlement à l’heure actuelle. Parmi ces mesures, notons l’impôt sur le rachat d’actions, la modernisation de la règle générale anti-évitement, les restrictions des dépenses excessives d'intérêts et de financement, le refus de la déduction pour dividendes reçus par les institutions financières sur les actions qui constituent des biens évalués à la valeur du marché, les règles relatives aux dispositifs hybrides, la taxe sur les services numériques et la mise en œuvre du Pilier Deux.
En ce qui concerne le Pilier Deux, le Budget 2024 note que le gouvernement fédéral entend présenter « bientôt » au Parlement une mesure législative visant à mettre en place le régime d’impôt minimum mondial au Canada, à la lumière des consultations publiques qui ont eu lieu au cours de l’été 2023 sur les propositions législatives pertinentes. Le Budget 2024 confirme de nouveau que le régime d’impôt minimum mondial s’appliquera aux contribuables pour les années d’imposition qui commencent le 31 décembre 2023 ou après cette date.
Nombreux sont ceux qui espéraient qu’une version mise à jour des dispositions législatives et des notes explicatives concernant la Loi de l’impôt minimum mondial soit publiée plus tôt, dans la mesure où il est proposé que cette nouvelle loi s’applique déjà à de nombreux contribuables, mais il n’en est pas question dans le projet de loi.
Le projet de loi actuel fait mention de l’intégration d’un régime fiscal qui mettrait en œuvre la règle relative aux profits insuffisamment imposés au Canada, mais ne donne aucune précision à ce sujet. Selon cette règle contenue dans le Pilier Deux, un impôt supplémentaire serait réparti entre les administrations participantes d’un groupe d’entités lorsqu’il n’y a pas d’« entité mère ultime » assujettie à un impôt supplémentaire qualifié dans son territoire. Dans le Budget 2023, le gouvernement avait annoncé son intention d’introduire la règle relative aux profits insuffisamment imposés lors de la deuxième vague de mesures visant à mettre en œuvre le Pilier Deux au Canada, et affirmait qu’elle s’appliquerait aux années d’imposition commençant après le 31 décembre 2024. Il y a donc lieu de croire que des propositions législatives pourraient être publiées sous peu aux fins de consultation.
Pour en savoir davantage, communiquez avec un membre de notre groupe Fiscalité.
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