Une décision récente de la Cour d’appel de l’Ontario (la « Cour d’appel »), rendue dans l’affaire Wright v. Horizons ETFs Management (Canada) Inc. (« Horizons »), ouvre la porte à une nouvelle obligation de diligence de common law pour les gestionnaires de fonds d’investissement.
Cette décision n’autorise pas l’action collective proposée et ne détermine pas non plus le bien-fondé de celle-ci. Elle permet plutôt à cette action de suivre son cours jusqu’à l’audition de la requête en autorisation. Pour rendre sa décision, la Cour d’appel a dû présumer que les allégations du demandeur étaient véridiques et n’a pas eu à examiner d’éléments de preuve. Horizons a déclaré qu’elle allait demander l’autorisation de porter cette décision en appel devant la Cour suprême du Canada.
CONTEXTE
Le demandeur dans le cadre de l’action collective proposée a entamé une action contre Horizons, un gestionnaire de fonds négociés en bourse (« FNB »), à l’égard de pertes subies le 5 février 2018 par le FNB BetaPro Contrats à court terme S&P 500 VIX à rendement inverse quotidien (« HVI ») découlant d’une volatilité sans précédent du cours des contrats à terme S&P 500 VIX. Constitué le 16 décembre 2011, HVI avait été conçu pour suivre une fois l’inverse (l’opposé) du rendement quotidien de l’Indice de volatilité contrats à court terme S&P 500 VIX. HVI a été dissous le 12 juin 2018.
HVI avait été structuré en tant que fonds marché à terme aux fins de la législation canadienne en valeurs mobilières. Par conséquent, il disposait d’une plus grande marge de manœuvre que les organismes de placement collectif classiques pour utiliser des instruments dérivés visés et des stratégies impliquant l’effet de levier. HVI n’avait pas été conçu en vue d’être un produit de placement actif. Le prospectus s’y rapportant divulguait en détail un certain nombre de facteurs de risque associés à un placement dans HVI, notamment le fait qu’il s’agissait d’un placement spéculatif qui reproduisait le rendement d’un indice hautement volatile susceptible de donner lieu à des pertes importantes sur une période d’un jour, y compris la perte de la totalité du placement d’un investisseur.
La principale allégation du demandeur était qu’Horizons avait fait preuve de négligence dans la conception, la promotion et la vente mal avisées d’un fonds d’investissement qui ne convenait pas aux investisseurs particuliers, et du fait qu’elle avait omis de gérer activement HVI dans un contexte de marché en chute libre, même s’il s’agissait d’un produit de placement passif.
REJET DE L’ACTION
Le juge Perell de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté la requête en autorisation du demandeur ainsi que l’action elle-même au motif qu’il était clair et évident qu’il n’existait aucune cause d’action en négligence à faire valoir contre le créateur d’un fonds d’investissement relativement à la conception et à la promotion d’un produit trop risqué pour le marché des placements de détail. Selon le juge, il n’existait pas non plus de cause d’action en négligence à l’égard du gestionnaire d’un FNB lié à un indice et géré de façon passive au motif qu’il aurait omis de prendre des mesures pour protéger les investisseurs exposés à des pertes.
Le juge Perell a appliqué le cadre d’analyse établi par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Deloitte & Touche c. Livent Inc. (Séquestre de) (l’« arrêt Livent ») pour conclure que, malgré l’existence d’un lien de proximité entre le demandeur et Horizons, les allégations du demandeur ne cadrent pas avec l’engagement d’Horizons en tant que fournisseur de FNB, soit d’offrir un fonds d’investissement dont l’exploitation correspond à l’information fournie dans le prospectus.
DÉCISION DE LA COUR D’APPEL
Le 1er juin 2020, la Cour d’appel infirme le rejet de l’action et renvoie l’affaire devant le juge Perell pour que celui-ci rende une décision sur les autres critères d’autorisation. La Cour d’appel détermine qu’Horizons pourrait avoir une obligation de diligence relativement à la conception de HVI, même si le FNB a été structuré et vendu en tant que produit de placement passif reproduisant un indice.
Comme le juge Perell, la Cour d’appel applique le cadre d’analyse tiré de l’arrêt Livent afin de déterminer l’existence ou non d’une obligation de diligence. La Cour d’appel juge d’abord que l’action pourrait être fondée sur une obligation de diligence reconnue dans la catégorie de « prestation négligente d’un service ».
La Cour d’appel statue ensuite que même s’il ne s’agit pas de la prestation négligente d’un service, les conditions sont réunies pour créer une nouvelle obligation de diligence pour les gestionnaires de fonds d’investissement. Tenant pour acquis qu’il existait un lien de proximité entre le demandeur et Horizons, la Cour d’appel a exprimé son désaccord avec le juge Perell quant à la portée de l’engagement d’Horizons. La Cour d’appel juge que l’engagement d’Horizons ne peut se limiter au fait d’offrir un fonds d’investissement exploité conformément à l’information fournie dans le prospectus s’y rapportant. Cet engagement doit également comporter un volet relatif à la convenance, même si l’analyse requise nécessite une connaissance précise des circonstances financières et de la tolérance au risque de chaque investisseur. Dans ces conditions, la Cour d’appel ne peut exclure la possibilité qu’Horizons avait une obligation de diligence telle qu’alléguée par le demandeur.
RÉPERCUSSIONS POSSIBLES
Les répercussions de cette décision sur le secteur canadien des fonds d’investissement pourraient avoir une grande portée. Cette décision soulève notamment les questions suivantes :
- Les gestionnaires de fonds d’investissement ont-ils l’obligation de déterminer la convenance d’un produit pour les investisseurs avec lesquels ils n’ont pas de lien ou de contact direct?
- Les gestionnaires de fonds d’investissement passifs reproduisant un indice ont-ils l’obligation de prendre des mesures en réaction à des marchés baissiers ou volatils?
- Les gestionnaires de fonds d’investissement peuvent-ils être tenus responsables des pertes d’investisseurs, même s’ils ont respecté l’intégralité de la législation en valeurs mobilières et placé les titres aux termes de prospectus définitifs visés communiquant complètement, fidèlement et clairement l’information requise, notamment une divulgation exhaustive des risques associés au placement?
- Quel organisme de réglementation devrait déterminer de façon concluante si un produit de placement qui respecte la réglementation en valeurs mobilières et les obligations d’information pourrait malgré tout être considéré contre-indiqué pour certains investisseurs, et ne devrait donc pas être offert au public?
- La portée du régime d’inscription régissant actuellement les gestionnaires de fonds d’investissement devrait-elle être étendue pour inclure les obligations en matière de convenance ou d’évaluation uniquement imposées jusqu’à maintenant aux conseillers qui remplissent les exigences minimales relatives à la compétence?
Les réponses à ces questions pourraient modifier considérablement le domaine de la gestion d’actifs, notamment en ce qui concerne la volonté ou pas de certains gestionnaires d’actifs d’assumer les risques associés au lancement de produit d’investissement de détail au Canada. Elles pourraient également entraîner une diminution importante du nombre de produits de fonds d’investissement offerts sur le marché, la liquidation de fonds d’investissement existants et la modification des modalités de fonds d’investissement existants qui constituent déjà des composantes essentielles des portefeuilles d’investisseurs canadiens.
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* Blake, Cassels & Graydon S.E.N.C.R.L./s.r.l. a représenté Horizons ETFs Management (Canada) Inc.
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