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COVID-19 : Incidence de la réglementation sur les régimes de retraite

Par Adam Ngan et Sean Maxwell
24 avril 2020
Dans la mesure où de nombreuses entreprises priorisent la préservation de leurs liquidités à l’heure actuelle en raison de la pandémie, le fait de suspendre l’obligation de verser des paiements au titre du déficit de solvabilité sera bien accueilli par de nombreux employeurs.
Lindsay McLeod, associée du groupe Régimes de retraite, avantages sociaux et rémunération des hauts dirigeants de Blakes

Balado disponible en anglais avec retranscription en français ci-dessous.

Les organismes de réglementation des régimes de retraite partout au Canada apportent des modifications à leurs politiques à cause de la pandémie de COVID-19. Lindsay McLeod, Adam Ngan et Sean Maxwell, tous membres du groupe Régimes de retraite de Blakes, examinent les répercussions des mesures prises par les organismes de réglementation fédéraux et provinciaux sur les entreprises et sur les administrateurs de régimes de retraite.

Retranscription

Mathieu : Bonjour, je m’appelle Mathieu Rompré. 

Peggy : Et je m’appelle Peggy Moss. Vous écoutez l’épisode 3 du balado Continuité de Blakes.

Mathieu : En période d’incertitude, les entreprises et les employeurs qui gèrent des régimes de retraite doivent prendre le temps de réfléchir à l’avenir et à la durabilité des prestations de retraite qu’ils offrent à leurs employés.

Peggy : Au cours de ce balado Continuité, nous allons en apprendre davantage sur les règlements introduits au fédéral et au provincial à l’égard des régimes de retraite à cause de la pandémie.

Mathieu : La discussion d’aujourd’hui promet d’être assez technique, mais nous allons tout de même tenir notre promesse. Lindsay McLeod, Adam Ngan et Sean Maxwell, nos avocats spécialisés dans les régimes de retraite, feront le point sur ce que les entreprises doivent surtout savoir pour le moment.
(Musique.)

Mathieu : Lindsay McLeod est une associée de notre bureau de Toronto. Elle va nous donner un aperçu de la réglementation fédérale.

Lindsay, le 27 mars, le Bureau du surintendant des institutions financières, ou le BSIF, a publié une lettre dans laquelle il aborde certaines difficultés causées par la pandémie actuelle. Des changements ont ensuite été apportés aux Directives du surintendant conformément à la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension. Quel est le changement le plus important que devrait connaître toute personne responsable des prestations de retraite au sein d’une organisation?

Lindsay : L’élément le plus important de l’annonce faite par le BSIF le 27 mars est la suspension complète des options de transfert et des achats de rentes aux termes de régimes de retraite à prestations déterminées. Cette mesure a une portée considérable et s’applique à la quasi-totalité des transferts hors de régimes de retraite, à l’exclusion des prestations de retraite régulières et de certaines exceptions limitées. Il faut savoir qu’il s’agit d’une mesure temporaire, et que les administrateurs de régimes dont le niveau de capitalisation n’a pas été sévèrement touché peuvent demander le consentement du surintendant pour effectuer de tels transferts.

Peggy : Merci, Lindsay. Pouvez-vous nous donner une idée des répercussions que les mesures prises par le gouvernement pourraient avoir sur les administrateurs de régimes?

Lindsay : Les administrateurs de régimes devront s’assurer de mettre en place des processus appropriés pour respecter la suspension temporaire des options de transfert annoncées. Il est recommandé d’élaborer une stratégie de communication en vue d’informer les participants et les bénéficiaires de cette suspension. Ceci touche les déclarations qui doivent être fournies aux personnes en cas de cessation d’emploi ou de départ à la retraite, car le BSIF n’a pas annoncé de prolongation des délais applicables. Les administrateurs de régimes devront donc réfléchir à une manière de mettre à jour les trousses qu’ils envoient dans le cours normal des activités, afin de transmettre suffisamment de renseignements aux participants. Le BSIF a en revanche prolongé de trois mois les délais relatifs à la production de nombreux documents annuels et à d’autres mesures que doivent prendre les administrateurs de régimes, dont la remise de relevés annuels aux participants et aux anciens participants, ainsi qu’aux conjoints de ceux-ci.

Mathieu : Lindsay, en dehors des mesures annoncées par cet organisme de réglementation fédéral, est-ce que le gouvernement fédéral a pris des initiatives dans le but d’aider les employeurs à respecter leurs obligations [inaudible] étant donné les difficultés causées par la COVID-19?

Lindsay : Au grand soulagement de nombreux employeurs offrant des régimes de retraite à prestations déterminées sous réglementation fédérale, le 15 avril, le ministre des Finances Morneau a annoncé un moratoire sur l’application des exigences en matière de paiements de solvabilité des régimes à prestations déterminées qui durera jusqu’à la fin de l’année 2020, et le BSIF a précisé que ce moratoire est volontaire. Le ministre Morneau a également annoncé que le gouvernement consultera les intervenants tout au long de l’année afin de déterminer, s’il y a lieu, quelles mesures d’allègements seront nécessaires en 2021. Dans la mesure où de nombreuses entreprises priorisent la préservation de leurs liquidités à l’heure actuelle en raison de la pandémie, le fait de suspendre l’obligation de verser des paiements au titre du déficit de solvabilité sera bien accueilli par de nombreux employeurs.

Peggy : Nous vivons une période assez particulière. Savez-vous s’il est déjà arrivé dans le passé que les gouvernements prennent des mesures aussi extraordinaires?

Lindsay : Il est arrivé que dans des circonstances exceptionnelles, comme la crise financière de 2008, le gouvernement fédéral intervienne et accorde, par exemple, un allègement temporaire relatif aux paiements de solvabilité. Cependant, c’est la première fois que le gouvernement et le BSIF décident de suspendre complètement certains types de cotisations sans le consentement des participants. Il s’agit-là d’une mesure sans précédent sans doute attribuable aux défis particuliers que posent la COVID-19.

Peggy : Merci, Lindsay. Adam Ngan, qui fait également partie du groupe Régimes de retraite et avantages sociaux de Blakes, se joint maintenant à nous. Adam, nous venons de discuter avec Lindsay de certains règlements fédéraux qui ont une incidence sur les régimes de retraite. Quelles mesures les organismes de réglementation des régimes de retraite de l’Ontario, du Québec et des provinces de l’Atlantique ont-ils prises en réaction à la COVID-19?

Adam : Merci, Peggy. Alors, tout d’abord, selon moi, les organismes de réglementation de ces provinces ont, en général, compris, tout comme le BSIF, que les administrateurs de régimes font face à de nombreux défis en raison de la COVID-19. Je dirais que l’initiative la plus courante prise jusqu’à maintenant dans l’ensemble de ces provinces consiste essentiellement en une prolongation des délais; cela dit, il y a quelques différences d’un organisme de réglementation à l’autre. Par exemple, certains organismes exigent qu’une demande de prolongation leur soit transmise, alors que d’autres accordent une prolongation automatique. Aussi, les organismes de réglementation peuvent avoir des positions différentes sur les documents et les types de déclarations à produire, et ont adopté des approches légèrement différentes pour [inaudible].

Peggy : D’après vous, quelles sont les mesures particulières auxquelles nous devrions porter une attention particulière?

Adam : Pour commencer, je réitère le fait qu’aucun organisme de réglementation ne s’est rendu aussi loin; c’est-à-dire, qu’aucun des organismes de réglementation en Ontario, au Québec et dans les provinces de l’Atlantique n’est allé aussi loin que le BSIF, comme en a parlé Lindsay, en suspendant complètement les options de transfert. Cela dit, certains organismes de réglementation ont publié des avis très utiles, rappelant que certaines règles n’avaient pas nécessairement changé en raison de la COVID-19. En fait, certaines règles déjà en place pourraient devenir encore plus pertinentes dans le contexte de la COVID-19. Par exemple, l’organisme de réglementation de l’Ontario — l’organisme de réglementation des régimes de retraite — a publié un avis fort utile rappelant qu’une demande de transfert de fonds hors d’un régime —d’un régime à prestations déterminées — dans certaines situations, peut dépendre du niveau de capitalisation du régime. En ce moment, en raison de la COVID-19, comme vous pouvez l’imaginer, le niveau de capitalisation de nombreux régimes pourrait avoir changé en raison de la volatilité du marché et des fluctuations de taux d’intérêt, et, par conséquent, la capitalisation... et donc, compte tenu de ces changements et du niveau de capitalisation, information que les administrateurs de régimes connaissent ou devraient connaître, il pourrait y avoir des fonds insuffisants dans le régime pour procéder à un transfert. L’organisme de réglementation des régimes de retraite du Québec a lui aussi fourni des mises à jour concernant les transferts hors de régimes — de régimes à prestations déterminées — advenant un changement dans le niveau de capitalisation d’un régime.

Peggy : En ce qui a trait à ces mesures, y a-t-il des éléments particuliers sur lesquels les administrateurs de régimes devraient se concentrer?

Adam : Oui. Je crois que les administrateurs de régimes devraient vraiment évaluer s’il leur sera nécessaire ou non de recourir à ces mesures et, selon moi, pour ce faire, il pourrait suffire de faire un genre de survol général, de discuter avec leurs fournisseurs de services ou de passer en revue leurs processus internes afin de déterminer s’ils vont avoir besoin d’une prolongation de délais pour la remise de certains documents, comme un rapport annuel ou les relevés destinés aux participants. Dans ce cas, je pense qu’il vaut vraiment mieux pécher par excès de prudence. Il est préférable de demander une prolongation, et de ne pas en avoir besoin, que d’avoir besoin d’une prolongation, et de ne pas l’avoir demandée. De plus, comme on l’a mentionné plus tôt, étant donné que le transfert de fonds hors d’un régime – un régime à prestations déterminées – peut dépendre du niveau de capitalisation de ce régime et de toute variation de celui-ci, le cas échéant, les administrateurs de régimes devraient surveiller le niveau de capitalisation et bien réfléchir à la façon dont il peut avoir changé en raison de la COVID-19. Je crois aussi que les organismes de réglementation comprennent, encore une fois, que les administrateurs font face à de nombreux défis et, par conséquent, ils fournissent souvent des mises à jour. Nous essayons bien sûr de nous tenir bien au fait des développements et en avons par ailleurs fait état dans nos bulletins.

Peggy : Merci beaucoup, Adam. Je vous suis vraiment reconnaissante d’avoir pris le temps de venir nous parler.

Adam : Merci beaucoup.

Mathieu : Nous nous dirigeons maintenant vers l’ouest, à Calgary, où Sean Maxwell se joint à nous. Sean, pouvez-vous nous parler des différences entre les provinces de l’Ouest et l’Ontario, le Québec ou les provinces de l’Atlantique? Des mesures spéciales ayant des incidences sur les régimes de retraite ont-elles été prises?

Sean : Eh bien, pour répondre à cette question, je dirais que la principale différence est en grande partie attribuable au fait que, depuis les cinq dernières années environ, l’Alberta et la Colombie-Britannique délaissent l’approche prescriptive fondée sur des règles, selon laquelle, dans un même scénario, on se tournerait vers l’organisme de réglementation pour les règles à suivre, au profit d’une approche fondée sur l’application des dispositions existantes, qui se veulent souples, dans l’utilisation qu’en font tant les administrateurs de régimes que les organismes de réglementation. Par exemple, l’Alberta et la Colombie-Britannique ont toutes deux dans leurs lois des dispositions qui, en gros, interdisent les transferts, certains types de transferts, sans le consentement préalable du surintendant, lorsque l’administrateur est d’avis que le transfert nuirait à la solvabilité du régime. C’est pourquoi aucun autre avis n’a été émis par l’organisme de réglementation de la Colombie-Britannique à ce sujet. Au début d’avril, l’organisme de réglementation de l’Alberta a publié une mise à jour afin d’attirer l’attention des administrateurs de régimes sur cette disposition. Nous avons constaté, et nous devrions en prendre note, que la Saskatchewan a suivi en grande partie les mesures imposées par le BSIF et dont Lindsay a parlé plus tôt en suspendant la plupart des formes de transfert d’actifs. Une modification apportée à la réglementation a conféré ce pouvoir discrétionnaire au surintendant, et la suspension est immédiatement entrée en vigueur, pour une durée indéterminée, mais temporaire, de la plupart des formes de transfert d’actifs. La Saskatchewan déroge, en quelque sorte, aux efforts concertés de l’Alberta et de la Colombie-Britannique qui ont mené à une approche reposant sur des principes. 

Mathieu : Adam a mentionné le fait que certains délais de production avaient été prolongés dans l’Est du Canada. Est-ce que des initiatives similaires ont été prises dans l’Ouest?

Sean : Eh bien, nous avons en effet vu des initiatives similaires en ce qui concerne la prolongation de ce genre de délai, bien que, comme c’est souvent le cas au Canada, les prolongations proposées par les différents organismes de réglementation varient grandement. Ainsi, comme Adam l’a souligné je crois, il sera important pour les administrateurs de régimes d’évaluer les diverses obligations qui leur incombent en ce qui a trait à la production de déclarations et de rapports ou de documents d’information destinés aux participants, et de prendre bonne note des nouveaux délais.

Mathieu : Sean, lorsque la situation reviendra à la normale, quelle est la probabilité que ces mesures soient réduites et que les choses reviennent comme avant la COVID-19?

Sean : En fait, selon moi, deux choses s’opposent essentiellement dans les conditions actuelles. La première est l’effondrement des prix du pétrole et l’effet que cela a sur les nombreux promoteurs de régimes, surtout en Alberta, mais aussi en Saskatchewan. Cette situation aura d’importantes répercussions, et nous nous attendons à des interventions musclées de la part des gouvernements dans les deux provinces. Généralement, en période de crise économique ou industrielle, les organismes de réglementation recourent à différents outils, dont des mesures temporaires sur l’allègement de la capitalisation du déficit de solvabilité. En 2019, la Colombie-Britannique a délaissé les règles de capitalisation du déficit de solvabilité au profit d’une approche de continuité pour ce qui est de la capitalisation, laquelle est semblable, mais pas identique, au régime mis en place dans d’autres provinces, comme l’Ontario et le Québec. Je crois toutefois que nous assisterons à une accélération de la réforme de la capitalisation des régimes de retraite, particulièrement en Alberta, probablement aussi en Saskatchewan. À mon avis, on s’attendait déjà à ce que l’Alberta et éventuellement la Saskatchewan emboîtent le pas des provinces de l’Est, mais, d’après moi, la crise actuelle va sans doute accélérer les choses.

Mathieu : Merci, Sean, et merci à vous, Adam et Linsday. C’est ce qui clôt cet épisode de notre balado Continuité.

Peggy : Consultez notre Centre de ressources sur la COVID-19 à l’adresse Blakes.com pour en savoir davantage sur les régimes de retraite et les avantages sociaux. Nous publions régulièrement des mises à jour et des articles sur le sujet.

Mathieu : Ce balado a entièrement été réalisé en respectant les règles de distanciation sociale grâce à la technologie. Où que vous soyez, prenez soin de vous et suivez les directives des autorités sanitaires.

Peggy : D’ici la prochaine fois, prenez soin de vous et restez en sécurité.

À propos du balado Volume d’affaires de Blakes

Notre balado Volume d’affaires (anciennement Continuité) se penche sur les répercussions que peut avoir l’évolution du cadre juridique canadien sur les entreprises, et ce, dans notre réalité « post-COVID-19 » et dans l’avenir. Des avocates et avocats de tous nos bureaux discutent des défis, des risques, des occasions, des développements juridiques et des politiques gouvernementales dont vous devriez avoir connaissance. Nous abordons par ailleurs divers sujets qui vous importent et qui sont liés à la responsabilité sociale, comme la diversité et l’inclusion.

Si vous souhaitez en entendre davantage sur un sujet en particulier, adressez-vous à notre équipe Communications à [email protected].

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