Première partie d’une série sur la création de fonds et sur les investissements dans ceux-ci.
Les fonds de capital-investissement représentent une activité importante au Canada. Selon PitchBook, il existe près de 500 fonds de ce type au pays. Des personnes physiques et morales ainsi que des institutions canadiennes investissent par ailleurs dans un grand nombre de fonds de capital-investissement étrangers. Selon l’Association canadienne du capital de risque et d’investissement, les investissements réalisés par les fonds de capital-investissement canadiens ont totalisé 3,6 G$ CA répartis sur 316 opérations au cours du premier semestre de 2023.
Les fonds de capital-investissement (les « fonds ») peuvent être structurés de différentes façons. Or, au Canada, ils prennent habituellement la forme de sociétés en commandite afin de permettre aux investisseurs de bénéficier du traitement fiscal d'entités intermédiaires ou de limiter leur responsabilité à titre de commanditaires. En général, le « promoteur » du fonds agit à titre de commandité et de gestionnaire du fonds, et tente de réunir des investisseurs appelés à être des commanditaires. Il est également attendu de la part du promoteur qu’il assume certains risques, notamment en investissant à titre de commanditaire aux côtés des autres investisseurs.
Une convention de société en commandite énonce les droits et les obligations du commandité et des commanditaires. Elle est habituellement négociée entre le commandité et un ou deux commanditaires piliers, lesquels sont généralement les commanditaires qui procurent les plus importants engagements financiers au fonds, avant d’être soumise aux autres commanditaires. Les négociations initiales répondent à deux objectifs principaux :
s’assurer que les investisseurs clés du fonds s’entendent sur les modalités régissant la société en commandite;
permettre au commandité de remettre la version quasi finale de la convention aux autres commanditaires.
De nombreux facteurs et enjeux entrent en ligne de compte au moment de créer un fonds, et les enjeux peuvent différer d’un fonds à l’autre en fonction (i) de leur structure; (ii) des résultats obtenus par le promoteur à l’égard de fonds antérieurs; (iii) du type d’investissement et du secteur ciblés; ainsi que (iv) de l’expérience des investisseurs et de leurs conseillers juridiques. Dans le cadre de cette série intitulée Création de fonds 101, nous présenterons quelques-uns des principaux aspects à prendre en considération sur le plan de la structuration des fonds et sur le plan commercial. Nous décrirons égalementcertaines des tendances que nous pouvons dégager relativement à la création des fonds.
Premièrement, nous présentons ci-dessous quelques-uns des principaux aspects relatifs à la structuration qu’il faut garder en tête au moment de créer un fonds.
Structuration. L’une des premières décisions à prendre à l’égard d’un fonds est de savoir s’il s’agira d’un fonds « à capital variable » ou « à capital fixe ». Dans le cas d’un fonds à capital variable, aucune date de dissolution n’est prévue et de nouveaux investisseurs peuvent être ajoutés continuellement afin de lever de nouveaux capitaux. De son côté, le fonds à capital fixe a une durée de vie précise (habituellement de 7 à 9 ans) et les capitaux sont recueillis auprès d’investisseurs pendant une certaine période avant la fermeture du capital du fonds, après quoi l’injection de nouveaux capitaux n’est plus possible. D’après ce que nous constatons, la plupart des fonds de capital-investissement sont des fonds à capital fixe, car ils procurent aux promoteurs et aux investisseurs une certitude quant à la période fixée pour les investissements de capitaux et à la date de liquidation des actifs. Il existe toutefois un certain nombre de fonds d’envergure et bien établis qui sont des fonds à capital variable.
Catégorie d’investisseurs. Le promoteur d’un fonds devra déterminer s’il veut permettre à des investisseurs étrangers de participer au fonds. Bien que la possibilité d’avoir accès à un plus grand bassin d’investisseurs puisse intéresser les promoteurs, il faut savoir que la participation d’investisseurs étrangers entraîne ses propres enjeux au chapitre de la structuration, et exige souvent l’établissement d’une structure de fonds parallèle (ou d’une société en commandite ad hoc qui regroupe les investisseurs étrangers au sein d’un seul commanditaire), laquelle peut complexifier l’exploitation du fonds et augmenter les coûts connexes. Il faudra également décider si le fonds permettra à des entités exonérées d’impôt d’investir (par exemple, des caisses de retraite). Alors que les caisses de retraite constituent une catégorie d’investisseurs très attrayante, celles-ci sont assujetties à des règles précises en matière d’investissement. Par exemple, elles peuvent être soumises à des restrictions relativement à leurs investissements dans des entités apparentées ainsi qu’à la détention de plus de 30 % des droits de vote d’une entité auxquels est rattaché le droit d’élire des administrateurs. Ces restrictions peuvent causer de l’incertitude quant à l’accès aux capitaux, tout particulièrement lorsqu’une entité exonérée d’impôt a effectué d’autres investissements auprès du groupe du promoteur.
Participation reportée / frais de gestion
Le commandité a habituellement le droit de participer au succès du fonds au moyen d’une « participation reportée ». En général, une participation reportée correspond à une distribution spéciale payable au commandité ou à un commanditaire « spécial » apparenté une fois que les commanditaires ont obtenu le remboursement de leur capital investi et réalisé un taux de rendement déterminé sur ce capital (se situant souvent entre 8 % et 12 % par année). La participation reportée a pour but d’harmoniser les intérêts du commandité et ceux des commanditaires en vue de la maximisation du rendement du capital investi du fonds. Autrement dit, la structure de la participation reportée fait en sorte que le promoteur ne sera rémunéré qu’à partir du moment où les commanditaires réalisent un rendement qui atteint un certain seuil. Habituellement, la participation reportée représente environ 20 %, mais certains promoteurs sont en mesure de négocier une structure graduelle plus avantageuse (le montant de la participation reportée augmentant en fonction de l’augmentation du rendement du fonds) en faisant valoir les résultats qu’ils ont obtenus avec des investissements ou des investisseurs similaires.
En général, un fonds doit verser des frais de gestion à un gestionnaire d’actifs (le « gestionnaire »), lequel est habituellement une partie apparentée au commandité. Les frais de gestion peuvent normalement représenter jusqu’à 2 % du capital engagé pendant la période d’investissement et ils diminueront souvent après la période d’investissement. Ces frais peuvent également être calculés en fonction du capital investi net plutôt qu’en fonction du capital engagé. Le gestionnaire utilise les frais de gestion pour régler les coûts relatifs à son exploitation et à son administration du fonds (notamment les frais généraux, les salaires des membres du personnel, ses autres tâches à titre de gestionnaire). Certains fonds prévoient le règlement d’autres frais de leur gestionnaire, comme les frais d’acquisition, les frais de surveillance ou les frais d’aménagement, quoique de tels frais sont souvent propres à un fonds et dépendent du type d’actifs gérés par le fonds. Si le commandité ou le gestionnaire touche d’autres frais, comme des frais de rupture ou des honoraires de services-conseils, relativement aux investissements du fonds, ceux-ci sont souvent déduits des frais de gestion. Comme mentionné ci-dessus, les commanditaires d’envergure peuvent parfois négocier des frais de gestion moins élevés, ou encore, les fonds peuvent offrir une participation reportée plus importante au commandité en échange de frais de gestion réduits.
Période d’investissement. La durée de la période d’investissement de la plupart des fonds est assez standard, soit de 3 à 4 ans à compter de la fermeture du capital. Le commandité et les commanditaires doivent souvent établir, au besoin, par voie de négociation si des périodes de prolongation seront permises et, le cas échéant, qui aura le droit de s’en prévaloir. Il existe une tension inhérente entre le désir du commandité d’accéder au capital et la nécessité d’accorder cet accès dans certaines situations (prolongation des négociations relatives à certains actifs, par exemple), d’une part, et le désir d’un commanditaire de savoir avec certitude combien de temps ses capitaux devront demeurer engagés aux fins des appels de capitaux. Nous constatons qu’il est de plus en plus fréquent qu’un commandité dispose d’un droit unilatéral d’accorder la prolongation d’un délai précis, celui-ci devant obtenir le consentement d’une majorité de commanditaires ou du comité consultatif des commanditaires pour toute prolongation ultérieure.
Droits de liquidité. Un point qui intéresse particulièrement les commanditaires de fonds à capital variable, lesquels n’ont pas de date de dissolution, concerne les droits de liquidité. Bon nombre de fonds à capital variable permettent à leurs commanditaires de faire racheter leurs parts. Toutefois, ces rachats sont habituellement limités, aussi bien quant au nombre de parts pour lesquelles un commanditaire peut demander le rachat que quant au nombre global de parts disponibles aux fins de rachat par tous les porteurs de parts. Souvent, un escompte (habituellement entre 1 % et 5 %) sera appliqué à l’égard des parts présentées aux fins de rachat par des commanditaires, lequel escompte pourra baisser en fonction de la période de détention des parts.
La capacité d’un commanditaire de céder ses parts est un sujet habituellement traité dans une convention de société en commandite. Les commanditaires voudront avoir la capacité de liquider leurs placements tandis que le commandité voudra exercer un contrôle sur les commanditaires en place. Il s’agit donc de trouver un juste équilibre entre les deux volontés. Souvent, les commanditaires auront le droit de céder leurs parts en faveur d’un sous-ensemble limité d’autres investisseurs sans devoir obtenir le consentement préalable du commandité. Ces autres investisseurs pourront comprendre des membres du même groupe, d’autres commanditaires existants et des investisseurs assujettis à un même contrôle. Le consentement préalable du commandité est requis à l’égard de toutes les autres cessions.Gouvernance. Dans une société en commandite, les commanditaires ne peuvent généralement pas participer aux activités ou à la gestion du fonds sans perdre du même coup leur responsabilité limitée. C’est donc dire que le droit des commanditaires de voter sur les enjeux touchant le fonds est très limité. Normalement, les décisions faisant l’objet d’un vote portent notamment sur le retrait du commandité ou du gestionnaire, la dissolution du fonds et des modifications visant les documents de parties apparentées (comme une convention de gestion) et requièrent un pourcentage élevé d’approbations (souvent entre 66 % et 80 %, d’après ce que nous constatons). Cela dit, la majorité des fonds établissent un « comité consultatif » formé de représentants nommés par certains commanditaires et ayant le pouvoir d’approuver certaines questions et/ou de se prononcer sur celles-ci, comme les opérations entraînant un conflit d’intérêts, les frais payables au gestionnaire et les changements apportés aux politiques financières et aux lignes directrices en matière d’investissement du fonds. Le droit de participer au comité consultatif est généralement accordé à des investisseurs piliers, ainsi qu’à d’autres investisseurs dont les engagements sont importants ou qui ont une importance stratégique pour le promoteur.
Vos conseillers juridiques sont en mesure de vous aider à bien comprendre les différents facteurs qui doivent être pris en considération au moment de créer un fonds de capital-investissement ou d’investir dans un tel fonds. Vous serez alors en mesure de déterminer la meilleure façon de traiter ces facteurs dans le cadre de votre propre fonds ou de votre investissement dans un fonds de capital-investissement.
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