L’un des principaux avantages pour un débiteur de se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (« LACC ») ou de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (« LFI ») consiste en la suspension des procédures pouvant être intentées par un créancier faisant face à un défaut de paiement. Cette suspension des procédures permet notamment à la débitrice de se réorganiser ou de disposer de certains ou de l’ensemble de ses actifs sous la supervision du tribunal. Or, certaines exceptions existent.
Les articles 11.01 a) de la LACC et 65.1 (4) de la LFI permettent notamment à tout locateur d’exiger, sans délai, les paiements relatifs à l’utilisation des biens loués par une débitrice. Cette exception n’est toutefois possible que si le contrat constitue un véritable contrat de location (true lease), c’est-à-dire un contrat où la contrepartie du paiement est l’utilisation (et non l’acquisition) du bien. Dans un tel cas, la débitrice doit payer pour les biens qu’elle utilise dans le cadre de sa restructuration, tout comme elle doit payer un fournisseur de services pour les services rendus dans ce même contexte. À l’inverse, lorsque le contrat constitue un instrument de financement (financing ou security lease), c’est-à-dire un contrat dont la contrepartie du paiement vise l’acquisition du bien, la suspension des procédures continuera de s’appliquer afin d’éviter de placer un créancier dans une position plus avantageuse que les autres.
Au Québec, cette analyse prend une tout autre dimension alors que le Code civil du Québec prévoit différents contrats nommés permettant à la débitrice de jouir d’un bien en échange de paiements mensuels, à savoir :
- Le bail, par lequel un locateur s’engage à procurer à un locataire la jouissance d’un bien moyennant un loyer;
- Le crédit-bail, par lequel le crédit-bailleur achète un bien à un vendeur à la demande du crédit-preneur et le met à la disposition de ce dernier en échange d’un paiement;
- Le contrat de vente à tempérament, en vertu duquel un vendeur se réserve la propriété du bien jusqu’au paiement total du prix de vente par l’acheteur.
Dans ce contexte, le tribunal, siégeant dans le cadre d’un dossier en vertu de la LACC ou de la LFI (le « Tribunal »), ne sera pas influencé par les qualifications ci-dessus émanant du Code civil du Québec. Le Tribunal cherchera plutôt à déterminer si le contrat en question constitue un véritable contrat de location ou un instrument de financement. Qui plus est, contrairement au bail et au contrat de vente à tempérament, dont la nature même correspond respectivement à un contrat de location et à un instrument de financement visant l’acquisition du bien, une telle analyse sera particulièrement pertinente lorsque le Tribunal fera face à un contrat de crédit-bail, dont les caractéristiques hybrides compliquent parfois sa détermination dans le cadre des régimes d’insolvabilité canadiens.
Face à un contrat de crédit-bail, le Tribunal pourrait être enclin à conclure à la présence d’un contrat de location (n’étant pas assujetti à la suspension des procédures) à la lumière des critères établis par la jurisprudence canadienne, dont notamment :
- L’usage du bien : La possession ou l’occupation effective du bien par le crédit-preneur et l’impossibilité pour le crédit-bailleur de louer le bien à une autre partie;
- L’intention des parties : La possibilité pour le crédit-bailleur d’exiger la restitution du bien en cas de défaut de paiement;
- Les activités commerciales du crédit-bailleur : La spécialisation et les activités commerciales du crédit-bailleur dans la location de biens;
- La finalité de la contrepartie reçue : Le fait que les paiements par le crédit-preneur visent bel et bien l’utilisation du bien avec l’option de retourner le bien à la fin du terme à son véritable propriétaire, à savoir le crédit-bailleur;
- L’option de rachat : La mise en place d’une option de rachat à la fin du terme correspondant à la juste valeur marchande du bien; et
- L’absence d’intérêts : L’absence de taux d’intérêt payable à chaque paiement.
Ces critères, ou seulement certains d’entre eux, seront typiquement pris en considération par le Tribunal, selon les circonstances propres à chaque affaire, pour déterminer si le contrat de crédit-bail constitue un instrument de financement ou un véritable contrat de location aux fins des articles 11.01 a) de la LACC et 65.1 (4) de la LFI. Cette détermination reposera sur l’analyse de ces facteurs jurisprudentiels reflétant l’intention véritable des parties quant à la nature du contrat dans un contexte d’insolvabilité.
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