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Déballage du Règlement sur le taux d’intérêt criminel publié le 23 décembre 2023

27 décembre 2023

Le 23 décembre 2023, le gouvernement fédéral a publié son Règlement sur le taux d’intérêt criminel (le « Règlement ») tant attendu dans la Gazette du Canada. Le Règlement proposé aura des répercussions importantes pour les prêteurs au Canada. Parallèlement, le gouvernement a également publié son Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (« analyse de la réglementation »). Malgré le fait que l’analyse de la réglementation n’a pas force de loi, ce document fournit des renseignements contextuels et autres utiles au sujet du raisonnement adopté par le gouvernement à l’égard des exemptions prévues dans le Règlement proposé. Le Règlement est conforme aux importantes modifications présentées dans la Loi no 1 d’exécution du budget de 2023 (pour en savoir davantage, consultez notre Bulletin Blakes de mai 2023 intitulé Projet de loi sur le Budget 2023 : Modifications concernant les institutions financières).

Taux d’intérêt criminel

En vertu du Code criminel, constitue une infraction le fait de conclure une convention ou une entente en vue de (i) percevoir des intérêts à un taux criminel; et de (ii) recevoir un paiement ou un paiement partiel d’intérêt à un taux criminel. Pour l’application du Code criminel, on entend par « taux criminel » tout taux d’intérêt annuel effectif, appliqué au capital prêté et calculé conformément aux règles et pratiques actuarielles généralement admises, qui dépasse 60 %.

Ce taux correspond à un taux en pourcentage annualisé d’environ 48 % (le « TPA »). Aux termes de la Loi no 1 d’exécution du budget de 2023, le taux d’intérêt criminel sera abaissé de manière à correspondre à un TPA de 35 % lorsque les modifications entreront en vigueur par décret.

À la date du présent bulletin, le cabinet fédéral n’a pas encore pris ce décret.

Contexte

Les modifications relatives au taux d’intérêt criminel représentent les plus importants changements dans ce domaine depuis plus de 40 ans. Les récentes mesures du gouvernement fédéral, lesquelles visent à lutter contre les prêts à conditions abusives et à promouvoir l’équité en matière de prêts pour les emprunteurs, ont débuté en 2021. L’annonce faite en la matière par le gouvernement dans le Budget 2023, soit l’intention de celui-ci d’abaisser le taux d’intérêt criminel pour qu’il passe d’un TPA approximatif de 48 % à un TPA de 35 % constitue le point culminant de ces efforts. Avant le Budget 2023, le gouvernement avait introduit dans le Code criminel, en 2007, une exemption visant les prêts sur salaire.

Les modifications sont fondées en grande partie sur la volonté du gouvernement de rendre la vie plus abordable pour les Canadiens. Toutefois, en raison de la hausse des taux d’intérêt, il se pourrait que, pour nombre d’emprunteurs détenteurs de prêts à risque, les modifications se traduisent par une perte d’accès à toute forme de crédit à risque et forcent ceux-ci à se tourner vers les prêts sur salaire ou les sources de crédit illégales.

Justification des changements 

L’analyse de la réglementation souligne l’importance accordée par le gouvernement aux enjeux liés aux pratiques de prêts à conditions abusives et aux difficultés que ces pratiques posent aux consommateurs piégés dans des cycles d’endettement.

Depuis l’automne 2022, le gouvernement a lancé plusieurs consultations auprès des parties prenantes du secteur du prêt et des groupes de consommateurs. Les prêteurs ont proposé que de nombreuses exemptions soient prévues à l’égard du taux d’intérêt criminel. Toutefois, aucune exemption n’a été prévue à l’égard des prêts aux emprunteurs à risque.

Taux d’intérêt criminel : exemptions proposées 

Dans son analyse de la réglementation, le gouvernement indique qu’il est d’avis que les prêts commerciaux et les prêts sur gage n’ont pas pour effet de piéger les emprunteurs dans un cycle d’endettement.

Par conséquent, dans le Règlement, les prêts qui, selon le gouvernement, ne prévoient pas de conditions abusives sont exemptés. Ces exemptions visent les prêts suivants :

A. Prêts commerciaux : L’article 347 du Code criminel ne s’appliquera pas à une convention ou à une entente conclue à des fins commerciales ou d’affaires (un « prêt commercial ») lorsque l’emprunteur n’est pas une personne physique, dans les cas suivants :

  1. un prêt commercial supérieur à 10 000 $ CA mais égal ou inférieur à 500 000 $ CA est exempté des dispositions relatives au taux d’intérêt criminel, à la condition que le TPA ne dépasse pas 48 %;

  2. les prêts commerciaux supérieurs à 500 000 $ CA ne sont pas assujettis aux dispositions relatives au taux d’intérêt criminel ou à tout autre plafond sur les taux d’intérêt.

Toutefois, les prêts commerciaux de 10 000 $ CA ou moins seront assujettis aux dispositions relatives au taux d’intérêt criminel (TPA de 35 %).

Il est à noter qu’en vertu du Règlement proposé, les prêts commerciaux de plus de 500 000 $ CA ne seront pas plafonnés alors qu’aux termes des dispositions actuelles relatives au taux d’intérêt criminel, les prêts autres que sur salaire, y compris les prêts supérieurs à 500 000 $ CA, sont assujettis aux dispositions sur le taux d’intérêt criminel.

B. Prêts sur gage : L’article 347 du Code criminel exemptera également certains prêts sur gage. L’exemption relative aux prêts garantis sans recours à faible coût s’appliquera aux prêts sur gage dont la valeur est inférieure à 1 000 $ CA, pourvu que le TPA de ces prêts ne dépasse pas 48 % et que certaines autres conditions soient remplies. Ces conditions comprennent celle selon laquelle la convention ou l’entente prévoit que le seul recours offert au prêteur sur gages en cas de défaillance de l’emprunteur aux termes de la convention ou de l’entente soit la saisie du bien mis en gage.

Il est à noter que les prêts sur gage qui ne satisfont pas les critères relatifs à l’exemption et ceux dont la valeur est égale ou supérieure à 1 000 $ CA seront assujettis aux dispositions relatives au taux d’intérêt criminel.

Prêts sur salaire : plafonds imposés au coût des prêts

Le Règlement imposera également des plafonds fédéraux au coût des prêts sur salaire au Canada. Les plafonds se détaillent comme suit :

  1. Plafond fédéral imposé au coût du prêt : Un nouveau plafond fédéral imposé au coût total du prêt contracté en vertu d’une convention de prêt sur salaire de 14 % de la somme d’argent prêtée sera établi. Ce plafond de 14 $ CA par tranche de prêt de 100 $CA s’appliquerait dans toutes les provinces dotées d’un régime sur les prêts sur salaire autorisés et vise à favoriser des coûts uniformes pour les prêts et à éviter que ceux-ci ne varient selon la province de résidence du consommateur. Il est à noter qu’en vertu du Règlement proposé, le plafond fédéral n’inclura pas les frais, amendes, pénalités ou autres sommes qui sont expressément autorisés en vertu de la loi provinciale applicable et qui sont imposés à l’emprunteur en cas de défaut de paiement ou en cas de chèque ou autre effet refusé, si ces frais, amendes, pénalités ou autres sommes sont d’un montant égal ou inférieur à 20 $ CA. Aux termes des cadres provinciaux actuels, les plafonds imposés au coût des prêts sur salaire varient en fonction des régimes de chaque province. Ces plafonds sont fixés par les régimes sur les prêts sur salaire respectifs des provinces et sont exprimés dans tous les cas comme étant le coût maximal d’une tranche de 100 $ CA d’un prêt sur salaire. À l’heure actuelle, ces plafonds varient entre 14 $ CA à Terre-Neuve-et-Labrador et 17 $ CA en Nouvelle-Écosse, au Manitoba et en Saskatchewan. En Ontario, en Colombie-Britannique, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et en Alberta, le plafond imposé au coût des prêts sur salaire est de 15 $ CA.

  2. Plafond imposé à l’échelle du pays aux frais relatifs aux chèques refusés : Un plafond de 20 $ CA sera imposé à l’échelle du pays aux frais non récurrents que les prêteurs sur salaire exigent à l’égard des chèques refusés.

Application et échéancier

Une fois en vigueur, le Règlement s’appliquera à tous les prêts, y compris les prêts sur salaire, contractés après la date d’entrée en vigueur de celui-ci. Le Règlement entrera en vigueur en même temps que l’adoption des modifications relatives au taux d’intérêt criminel connexes apportées par décret au Code criminel par la Loi no 1 d’exécution du budget de 2023. Si le Règlement est enregistré après, il entrera en vigueur à la date de son enregistrement.

L’analyse de la réglementation précise que le Règlement proposé devrait entrer en vigueur trois mois après la date de sa publication dans la Gazette du Canada, Partie II, ce qui correspond à l’entrée en vigueur des modifications apportées au Code criminel qui portent sur le taux d’intérêt criminel abaissé. Cette période de transition vise à laisser suffisamment de temps aux prêteurs pour mettre en œuvre les changements nécessaires en vue d’assurer leur conformité aux nouvelles exigences.

Prochaines étapes

Les membres du grand public et les participants au secteur du prêt disposent d’une période de 30 jours pour soumettre leurs commentaires sur le Règlement au ministère des Finances.

Le gouvernement a également signalé qu’il envisage de réduire encore plus le taux d’intérêt criminel afin que celui-ci soit inférieur au TPA de 35 %. La période de consultation portant sur l’abaissement additionnel du taux criminel, dont il est question dans la Loi no 1 d’exécution du budget de 2023, a été prolongée jusqu’au 7 janvier 2024.

Pour en savoir davantage, communiquez avec :

ou un autre membre de notre groupe Réglementation des services financiers.

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