Sauter la navigation

Édition spéciale : Tendances en matière de fusions et acquisitions de sociétés ouvertes : rétrospection et perspectives

1 février 2021
Les actionnaires utilisent leur propre boule de cristal et pourraient déterminer en fin de compte que la pandémie de COVID-19 n’aura pas de répercussion grave sur les perspectives à long terme d’une entreprise.
Kathleen Keilty, associée du groupe Fusions et acquisitions

Balado disponible en anglais avec retranscription en français ci-dessous.

Alors que nous laissons l’année 2020 derrière nous (et que nous lui disons un heureux adieu), nous faisons un survol des répercussions de la pandémie sur les fusions et acquisitions de sociétés ouvertes. Les associés de Blakes Alex Moore, Olga Kary et Kathleen Keilty passent en revue certains des hauts et des bas de l’année 2020 et donnent un aperçu de ce que nous réserverait 2021.

Retranscription

Mathieu : Bonjour, je m’appelle Mathieu Rompré.

Peggy : Et je m’appelle Peggy Moss. Bienvenue une fois de plus au balado Continuité de Blakes, et bon débarras à l’année 2020.

Mathieu : Hum. Je me demande pourquoi tu dis ça. Y avait-il quelque chose qui clochait l’an dernier?

Peggy : Euh, non. C’était une année parfaite!

Mathieu : Excellent. Tu vois, j’incarne la combinaison parfaite du Zen... et du déni.

Peggy : En effet. En parlant de combinaison, nous allons parler à des avocats qui ont suivi les tendances dans le domaine des fusions et acquisitions en 2020. Ils pourront nous dire à quoi nous devrions nous attendre dans l’année à venir.

Mathieu : Peggy, j’ai l’impression que tu parles d’Alex Moore, d’Olga Kary et de Kathleen Keilty.

[musique]

Mathieu : Alex, la pandémie s’est répercutée de plusieurs façons sur les opérations de fusions et acquisitions, ce qui était prévisible. Avez-vous eu des surprises, bonnes ou mauvaises, dans le cadre des opérations sur lesquelles vous avez travaillé?

Alex : Eh bien, oui. L’an dernier, nous avons vécu une expérience qui était vraiment représentative du type d’année qu’a été 2020, de véritables montagnes russes, dans le cadre d’une opération en cours. Nous n’aurions vraiment pas pu avoir une occasion plus indiquée pour vivre les hauts et les bas engendrés par la pandémie auprès des opérations de fusions et acquisitions en 2020.

Au début de l’année, nous avions annoncé une opération pour une société ouverte cible. À ce moment, les marchés atteignaient de nouveaux sommets, le secteur dans lequel avait lieu l’opération était en feu, et il y avait beaucoup d’enthousiasme pour le marché, malgré l’émergence de la pandémie. Les gens savaient que la COVID-19 était présente, mais elle n’avait pas encore eu d’incidence sur les marchés.

Néanmoins, dans les trois semaines qui ont suivi l’annonce de l’opération, dont la valeur se situait au-delà du niveau record atteint par le cours des actions de la société, les marchés ont pris un virage brutal, chutant de 40 % dans l’ensemble. Et même s’il s’agissait d’une opération en espèces, le cours des actions de la société a chuté d’environ 25 % par rapport à la valeur de l’opération. Ceci indiquait que le marché avait de sérieux doutes quant à la réalisation de l’opération, pour diverses raisons, notamment que l’acheteur pourrait être disposé à abandonner l’opération en raison de l’incertitude ou des préoccupations à savoir si les banques étaient prêtes à financer l’opération.

Donc, face à toute l’incertitude à laquelle nous étions confrontés avec ce qui se passait sur le marché et dans le secteur, nous avons dû nous pencher sur les obligations contractuelles des parties. Étions-nous tenus de conclure l’opération en toutes circonstances, peu importe ce qui se produirait en raison de la pandémie? Quelle marge de manœuvre la cible a-t-elle pour réagir à la pandémie, étant donné que l’entente avec la cible comportait des restrictions typiques sur l’exploitation de son entreprise, ainsi que des restrictions sur les déviations par rapport au cours normal de ses activités?

Mathieu : Alex, je suis curieux : Comment s’est terminée cette histoire?

Alex : Eh bien, heureusement, la situation s’est stabilisée sur les marchés ainsi que pour la société cible. Nous avons été en mesure de clôturer l’opération environ neuf mois après l’annonce, au prix annoncé. Les actionnaires audacieux qui ont acheté des actions de la société lorsque leur cours avait baissé de 25 % ont été largement récompensés. Il s’agissait sans doute d’une occasion très profitable pour l’arbitrage de fusions. Nous avons donc clôturé l’opération. Mais, évidemment, durant la période entre l’annonce et la clôture, nous surveillions de très près les obligations contractuelles des parties, en essayant de nous préparer à toute éventualité. L’opération a connu un dénouement heureux.

Je devrais noter que l’un des éléments vraiment remarquables de cette expérience, bien que ce soit devenu chose assez courante depuis, c’est la façon dont nous avons pu mener à bien l’opération en travaillant à domicile. Nous avions annoncé cette opération d’envergure qui portait sur des actifs dans tout le pays. De nombreux groupes de pratique de Blakes ont contribué à sa réalisation. Et le 13 mars, je crois, nous avons fait nos boîtes et sommes rentrés à la maison, et nous avons repris le travail là où nous l’avions laissé. Malgré le fait que nous étions tous en télétravail, et que nous devions effectuer des dépôts, accomplir diverses tâches et participer à des audiences devant des tribunaux un peu partout au pays, nous avons tout de même réussi à mener à bien l’opération sans accroc. Je pense que c’est vraiment tout à l’honneur de l’équipe, mais cela témoigne aussi des changements qui se sont opérés si rapidement.

Mathieu : Très intéressant. Y a-t-il eu une augmentation du nombre d’opérations qui ont donné lieu à des litiges?

Alex : Oui, il y a certainement eu une augmentation notable du nombre de litiges. Notre opération n’était pas la seule à franchir l’écueil des réactions du marché à la pandémie. Avant le confinement au début de 2020, le marché des fusions et acquisitions était vigoureux. Il y a donc eu plusieurs opérations qui ont connu les mêmes circonstances que la nôtre.

Dans d’autres secteurs, les répercussions de la pandémie étaient beaucoup plus graves, et c’est pourquoi nous y voyons des litiges. Certains de ces litiges sont en cours et portent sur des opérations pour lesquelles les acheteurs tentent de trouver des raisons opportunistes pour s’en sortir, ou encore pour lesquelles de sérieuses questions existentielles se posent sur la nature de l’entreprise à la lumière des répercussions de la pandémie sur les cibles. Et donc, ces opérations font leur chemin devant les tribunaux.

Nous commençons à voir certaines décisions émises par les tribunaux de l’État du Delaware et en Ontario. Ce que nous constatons au sujet de l’interprétation des clauses relatives aux changements défavorables importants et de la question de savoir si les acheteurs peuvent être libérés de leur obligation de clôturer une opération, c’est que les tribunaux suivent la jurisprudence concernant les clauses de changements défavorables importants. Aux termes des formulations habituelles de ces clauses, nous constatons qu’il serait difficile pour des acheteurs de se retirer d’une opération en invoquant pour motif les répercussions de la pandémie.

Je devrais dire aussi que chaque affaire comporte des faits qui lui sont propres. Cependant, une attention nettement plus importante est accordée aux engagements relatifs au cours normal des affaires, ainsi que sur la façon dont une cible peut s’y conformer tout en s’adaptant à la pandémie. Comme vous pouvez l’imaginer, tout le monde doit réagir d’une certaine façon lorsque le gouvernement provincial émet un ordre de confinement interdisant aux clients d’entrer dans vos locaux. Comment devez-vous vous adapter à de tels changements? Il ne s’agit pas d’une occurrence normale, et donc, comment les gens vont-ils réagir? Pour la plupart des dispositions, nous avons constaté une divergence dans la façon dont les tribunaux abordent la question. Les tribunaux de l’État du Delaware adoptent une approche assez stricte, tandis que ceux de l’Ontario adoptent une approche plus, je dirais, conciliante en ce qui a trait à obliger une cible à respecter un engagement relatif au cours normal des affaires dans le cadre de la pandémie.

Peggy: Kathleen, dans notre balado d’août sur les fusions et acquisitions de sociétés en difficulté, nous avons appris que l’incertitude entourant la COVID-19 a donné lieu à une recrudescence de comportements opportunistes. Quelle a été votre expérience lorsque vous aidiez vos clients à évaluer les opérations potentielles?

Kathleen : Merci, Peggy. L’année 2020 a été une année intéressante. Il n’y a pas eu de changement majeur dans les principes juridiques qui sont appliqués par une société dans l’évaluation d’une opération de fusion et acquisition. Les sociétés qui envisagent une acquisition, un regroupement d’entreprises ou une vente doivent encore déterminer si l’opération est dans leur intérêt. Mais la volatilité et l’incertitude causées par la pandémie ont créé des défis uniques pour évaluer si une opération répond au critère juridique d’être dans l’intérêt de la société.

Par exemple, les sociétés embauchent des conseillers financiers pour les aider à déterminer si une offre est dans leur intérêt. L’un des paramètres qu’ils examinent pour évaluer si la contrepartie offerte est équitable du point de vue financier pour les actionnaires est la prime sur l’opération.

Au printemps 2020, alors que les cours des actions avaient chuté rapidement et considérablement par suite de la déclaration de la pandémie, certaines offres étaient assorties d’une prime importante par rapport aux cours du marché. Ensuite, les sociétés cibles devaient déterminer si les offres présentées étaient bonnes ou simplement opportunistes. Ces décisions devaient être prises à un moment où il n’était pas clair quelles seraient les répercussions à court terme et à long terme de la COVID-19 sur la société elle-même.

D’autres sociétés/clients ont déterminé que la COVID-19 allait avoir une telle incidence négative sur leurs activités à court terme ou à long terme, que ce qui aurait pu ressembler à une offre opportuniste était en fait la meilleure option pour la société et elles ont décidé d’aller de l’avant avec l’offre.

Il y a toujours de l’incertitude dans la détermination des perspectives à long terme des affaires. C’était le cas avant la pandémie et ce le sera après. Mais la pandémie est particulièrement difficile pour certains secteurs, car les règles et les règlements changent sans préavis ou avec peu de préavis, et ces changements ont entraîné des répercussions négatives considérables sur les affaires. Dans certains cas, nos clients ont trouvé difficile de devoir déterminer si, dans ce contexte, une offre est dans l’intérêt de la société.

Peggy : Kathleen, quels sont les autres défis auxquels vos clients sont confrontés?

Kathleen : Les défis que présente la pandémie sont aussi nombreux que variés, selon le secteur dans lequel le client exerce ses activités. Certains de nos clients ont à peine été touchés par la pandémie, ou encore leurs affaires se sont nettement améliorées, tandis que d’autres clients dans certains secteurs, que nous connaissons tous sans doute, ont dû composer avec des répercussions extrêmement négatives sur leurs activités.

Pour en revenir à la discussion que nous avons eue plus tôt sur les défis de l’évaluation d’une opération de fusion et acquisition dans le contexte de la pandémie, j’ajouterais que pour certaines sociétés qui ont déterminé qu’une offre était finalement dans leur intérêt lorsqu’elles ont pris en compte les répercussions à long terme de la pandémie sur leurs activités, leurs actionnaires avaient un point de vue différent. Je considère qu’il s’agit du reflet d’un environnement continu d’activisme des actionnaires, mais je pense aussi qu’il s’agit du reflet de la volatilité et de l’incertitude entraînées par la pandémie elle-même. Même si le conseil d’administration et la direction d’une société connaissent à fond l’entreprise, ses perspectives et les répercussions de la COVID-19 sur ses activités, les actionnaires utilisent leur propre boule de cristal et pourraient déterminer en fin de compte que la pandémie de COVID-19 n’aura pas de répercussion grave sur les perspectives à long terme d’une entreprise.

Peggy : Olga, depuis les neuf derniers mois, une attention particulière est accordée aux engagements provisoires et au rôle qu’ils jouent dans les conventions de fusion et acquisition. Pourriez-vous nous décrire en quoi ils consistent et ce que nos clients devraient savoir lorsqu’ils préparent une opération?

Olga : Merci, Peggy. En effet, depuis le début de la pandémie, les engagements provisoires se trouvent en quelque sorte sous le feu des projecteurs. Ce changement résulte du fait que des acheteurs cherchaient des moyens pour se retirer d’opérations qu’ils avaient conclues avant la pandémie.

La plupart des opérations de fusions et acquisitions de sociétés ouvertes comportent une période dite « transitoire », c’est-à-dire une période entre la signature d’une entente définitive visant à conclure une opération et la réalisation effective de cette dernière. Cette période a pour but de permettre aux parties d’obtenir les approbations nécessaires.

Ces engagements ont pour principal objectif de maintenir la valeur de l’entreprise du vendeur jusqu’à la clôture de l’opération et comportent généralement l’obligation pour le vendeur de mener ses activités selon le cours normal des affaires, ce qui est généralement défini selon les meilleures pratiques du vendeur.

Mathieu : Merci, Olga. Ici Mathieu. Je crois comprendre que les sociétés énergétiques ont été fortement touchées par la pandémie. Quels sont les types de défis que ces sociétés doivent relever maintenant et qu’elles n’avaient pas à relever dans les années passées?

Olga : C’est une très bonne question, Mathieu. Au cours de la dernière année, le secteur de l’énergie a subi d’importantes répercussions du différend entre l’Arabie saoudite et la Russie au sujet du cours du pétrole, ainsi que de la baisse considérable de la demande mondiale pour le pétrole et le gaz qui en a résulté. L’impact des initiatives récentes en matière de réduction des émissions de carbone est venu s’ajouter à ces défis.

Peu de temps après le début de la pandémie, nous avons observé une pause dans les activités de fusions et acquisitions dans le secteur; cette pause résultait du fait que les émetteurs analysaient l’incidence de la pandémie sur leurs activités. Elle résultait aussi des défis que présentaient les évaluations en raison de la baisse importante du cours du pétrole.

Au fur et à mesure que l’année avançait, le nombre d’opérations annoncées a augmenté, y compris certains efforts de consolidation déployés par de grands émetteurs et des émetteurs de taille moyenne afin de créer des synergies opérationnelles. De plus, nous avons constaté un certain nombre d’opérations de vente de sociétés en difficulté et d’opérations opportunistes visant de petits émetteurs éprouvant des difficultés financières à divers niveaux.

Comme nous nous attendons à une augmentation du nombre d’opérations de fusions et acquisitions similaires au cours de l’année 2021, nous conseillons à nos clients d’être proactifs dans l’évaluation de leur stratégie, notamment de se préparer à d’éventuelles activités de fusions et acquisitions, et de s’assurer que leurs administrateurs soient au courant des nouvelles considérations qui ont été créées par suite de la pandémie à l’égard des conseils d’administration et de l’exercice de leurs fonctions.

La complexité des évaluations et des opérations connexes devrait se poursuivre dans le secteur, et nous attendons avec beaucoup d’enthousiasme une augmentation du nombre de fusions et acquisitions.

Mathieu : Kathleen, Alex et Olga, merci à vous. Nous invitons nos auditeurs à écouter notre prochain épisode sur les tendances, dans lequel nous discuterons de questions ayant trait à la concurrence, à l’antitrust et à l’investissement étranger.

Peggy : D’ici la prochaine fois, prenez soin de vous et restez en sécurité.

À propos du balado Volume d’affaires de Blakes

Notre balado Volume d’affaires (anciennement Continuité) se penche sur les répercussions que peut avoir l’évolution du cadre juridique canadien sur les entreprises, et ce, dans notre réalité « post-COVID-19 » et dans l’avenir. Des avocates et avocats de tous nos bureaux discutent des défis, des risques, des occasions, des développements juridiques et des politiques gouvernementales dont vous devriez avoir connaissance. Nous abordons par ailleurs divers sujets qui vous importent et qui sont liés à la responsabilité sociale, comme la diversité et l’inclusion.

Si vous souhaitez en entendre davantage sur un sujet en particulier, adressez-vous à notre équipe Communications à [email protected].

Pas le temps d’écouter maintenant? Pas de problème.

Suivez Volume d’affaires sur votre plateforme favorite et écoutez-nous quand bon vous semble.

Plus de ressources