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Énoncé économique de l’automne : Nouveautés concernant le système bancaire ouvert et la charte hypothécaire canadienne

5 décembre 2023

Le 21 novembre 2023, le gouvernement fédéral a publié son Énoncé économique de l’automne 2023 (l’« ÉÉA »), dans lequel il présente son plan d’action pour l’économie ainsi que des mesures législatives à venir. L’ÉÉA décrit plusieurs initiatives clés en matière législative et réglementaire qui touchent le secteur des services financiers, dont le système bancaire ouvert, la modernisation des paiements, la nouvelle charte hypothécaire, la législation sur la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, ainsi que les services bancaires à faibles frais et sans frais.  

Système bancaire ouvert

En août 2021, le Comité consultatif sur le système bancaire ouvert a publié son Rapport final, dans lequel il proposait (de façon quelque peu ambitieuse) que ce système soit opérationnel dès janvier 2023. Cependant, depuis la publication du Rapport final, il ne s’est pas passé grand-chose à ce sujet, si ce n’est la nomination du premier responsable du système bancaire ouvert du Canada en mars 2022. Bien que le budget fédéral ne fournisse aucune mise à jour en la matière, l’ÉÉA indique que le gouvernement s’engage à adopter des mesures législatives dans le cadre du budget fédéral de 2024 à venir (le « Budget 2024 ») et à mettre entièrement en œuvre le cadre de gouvernance nécessaire à l’égard du système bancaire ouvert (également appelé « services bancaires pour les gens ») d’ici 2025. L’ÉÉA décrit les bénéfices d’un cadre sur les services bancaires pour les gens (le « cadre »), notamment :

  • permettre aux Canadiens d’accéder, en toute sécurité, à leurs données financières et de les partager sans être assujettis à des frais lorsqu’ils le font;

  • éliminer progressivement la capture de données d’écran;

  • attribuer la responsabilité des dommages ou des atteintes à la protection des données à la partie fautive;

  • faciliter l’élaboration de produits et de services financiers novateurs, dont des outils de budgétisation, des produits permettant l’établissement d’une cote de crédit et des agrégateurs de comptes.

L’ÉÉA comprend également un Énoncé de politique sur les services bancaires pour les gens détaillé (l’« Énoncé de politique »), lequel présente le processus suivant lequel le gouvernement mettra en œuvre le cadre. Selon l’Énoncé de politique, les éléments fondamentaux du cadre sont les suivants :

  • Gouvernance : Surveillance et gestion du système;

  • Portée : Fonctionnalités du système, types de données traitées et établissement du rythme auquel le système devrait se développer;

  • Accréditation : Critères devant être utilisés à l’égard du processus de participation au partage des données financières autorisé par les consommateurs;

  • Règles communes : Règles régissant la protection des consommateurs, la protection de la vie privée, la sécurité et la responsabilité;

  • Normes techniques : Établissement, maintien et contrôle du respect de normes techniques qui facilitent la circulation des données dans le système.

L’Énoncé de politique précise que le gouvernement a l’intention d’adopter une approche progressive à l’égard d’une bonne partie de la portée du cadre, notamment quant aux participants, à l’étendue du partage des données et aux fonctionnalités. Au cours de la première phase, la participation des institutions financières fédérales (les « IFF ») qui atteignent un certain seuil de volume de vente au détail (c.-à-d. les grandes banques canadiennes) sera obligatoire, tandis que les autres IFF, les coopératives de crédit et les tiers accrédités pourront adhérer au cadre s’ils le souhaitent. Fait à noter, le cadre impose également l’accès réciproque, ce qui signifie que toutes les entités participantes seront soumises aux mêmes demandes d’accès aux données. Initialement, les données visées par le partage seront partagées gratuitement dans leur format original non modifié. Toutefois, la portée du partage de données pourrait être élargie à une date ultérieure.

En ce qui concerne les prochaines étapes, l’Énoncé politique indique que le ministère des Finances fera avancer les travaux nécessaires à la mise en place du cadre. Pour ce faire, il collaborera avec le secteur, les organismes de réglementation, les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que d’autres intervenants.

Modernisation des paeiments

Dans le cadre des efforts consacrés depuis de nombreuses années à la modernisation des systèmes de paiements au Canada, l’ÉÉA annonce le plan du gouvernement d’apporter des modifications à l’adhésion à Paiements Canada en modifiant la Loi canadienne sur les paiements (la « LCP »). Attendues depuis longtemps par le secteur, ces modifications étendront l’admissibilité à l’adhésion aux fournisseurs de services de paiement (les « FSP ») supervisés par la Banque du Canada en vertu de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail (la « LAAPD »), ainsi qu’à certaines coopératives de crédit et à certains exploitants de chambres de compensation désignées en vertu de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements. Ces modifications avaient d’abord été envisagées dans le cadre de l’examen de la LCP mené par le ministère des Finances en 2018, lequel soulignait l’évolution de l’écosystème des paiements et sollicitait des commentaires à l’égard d’un cadre pour les membres associés proposé en vertu de la LCP. Ce cadre aurait permis aux FSP supervisés par la Banque du Canada de devenir des membres associés de Paiements Canada. Ces membres associés n’auraient toutefois pas obtenu un plein accès aux systèmes de Paiements Canada. Ils auraient plutôt pu participer aux échanges et aux règlements d’instruments de paiement sur le système de paiement en temps réel (« PTR »), dont le lancement a été retardé à de nombreuses reprises depuis l’Examen. L’ÉÉA ne fait pas mention des membres associés, du système PTR ou de l’accès aux systèmes de paiement. Il reste donc à voir en quoi consisteront les droits d’accès et les obligations de ces nouveaux membres.

L’ÉÉA note également que les modifications à la LCP apporteront des précisions sur la composition du Comité consultatif des intervenants de Paiements Canada et que le gouvernement prévoit un examen législatif d’ici quatre ans.

Charte hypothécaire canadienne : quoi de neuf? 

Dans sa mise à jour économique et budgétaire de l’automne, le gouvernement fait une priorité des Canadiens ayant contracté une hypothèque, y compris ceux qui sont aux prises avec les pressions inflationnistes et des taux d’intérêt plus élevés au moment du renouvellement de leur prêt. Dans le cadre des mesures favorisant l’accès aux logements abordables et de la stratégie générale du gouvernement visant à aider les Canadiens à composer avec le fardeau financier associé l’accession à la propriété, l’ÉÉA annonce une nouvelle charte hypothécaire canadienne applicable aux IFF. La charte hypothécaire comprend six mesures précises que les IFF doivent adopter afin d’offrir des options d’allègement sur mesure « justes, raisonnables et opportunes » pour aider un plus grand nombre de Canadiens « à surmonter le stress financier temporaire causé par la hausse des taux d’intérêt et leur [permettre] de garder leur chez-soi. » Aux termes des mesures d’allègement, les IFF doivent :

  1. permettre des prolongations temporaires de la période d’amortissement pour les détenteurs d’hypothèque à risque;

  2. renoncer aux frais et aux coûts qui auraient autrement été facturés pour les mesures d’allégement;

  3. ne pas exiger des titulaires d’hypothèques assurés qu’ils établissent de nouveau leur admissibilité en vertu du taux minimal d’admissibilité assuré lorsqu’ils changent de prêteur au moment du renouvellement de l’hypothèque;

  4. communiquer avec les propriétaires de quatre à six mois avant le renouvellement de leur hypothèque pour les informer de leurs options de renouvellement;

  5. donner aux propriétaires à risque la possibilité de verser des paiements forfaitaires pour éviter un amortissement négatif ou de vendre leur résidence principale sans pénalités pour paiement anticipé;

  6. ne pas facturer d’intérêts sur les intérêts dans le cas où les mesures d’allégement hypothécaire donnent lieu à une période temporaire d’amortissement négatif.

Bien que l’ÉÉA qualifie la charte hypothécaire de « nouvelle », bon nombre des mesures d’allègement font déjà partie de la Ligne directrice sur les prêts hypothécaires existants des consommateurs dans des circonstances exceptionnelles (la « Ligne directrice ») publiée par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (l’« ACFC ») le 5 juillet 2023.

Dans cette Ligne directrice, l’ACFC décrit les mesures attendues de la part des IFF afin d’aider les consommateurs ayant contracté un prêt hypothécaire résidentiel qui risquent de manquer à leurs obligations en raison de graves difficultés financières causées par la conjoncture économique, dont l’augmentation rapide des taux d’intérêt. La Ligne directrice exige notamment que les IFF établissent des politiques fondées sur des principes clés, soit l’équité, le caractère convenable et l’accessibilité pour les consommateurs canadiens. Ces politiques doivent aider les IFF à adopter des approches justes et cohérentes lorsqu’elles offrent des mesures d’allègement à des emprunteurs hypothécaires en difficulté financière qui risquent de se retrouver en situation de défaut de paiement de leur emprunt hypothécaire résidentiel. Bien que la Ligne directrice ne présente pas une liste exhaustive de mesures d’allègement, on y décrit des processus devant aider les emprunteurs en difficulté financière à composer avec les coûts élevés, soit la prolongation de la période d’amortissement de l’emprunt hypothécaire, la non-imputation par les IFF d’intérêts sur les intérêts lorsque l’emprunteur est confronté temporairement à un amortissement négatif , ainsi que d’autres mesures à court terme comme la renonciation à des frais et à des coûts internes pendant une courte période et la renonciation aux pénalités de remboursement anticipé imposées aux emprunteurs souhaitant effectuer un paiement forfaitaire pour éviter un amortissement négatif. À cet égard, le but, l’intention et la plupart des mesures d’allègement précises énoncées dans la charte hypothécaire sont des attentes imposées aux IFF par l’ACFC aux termes de la Ligne directrice.

Cela dit, la charte hypothécaire comprend deux nouvelles mesures d’allègement spécifiques pour les IFF. D’abord, il est dorénavant attendu de la part des IFF qu’elles communiquent avec les propriétaires de quatre à six mois avant le renouvellement de leur hypothèque pour les informer de leurs options de renouvellement. En vertu du Règlement sur le régime de protection des consommateurs en matière financière, les IFF sont déjà tenues d’informer les emprunteurs de leurs options de renouvellement au moins 21 jours avant la date d’échéance de leur emprunt. L’allongement de ce délai aux termes de la charte hypothécaire laisse entendre que la période pour un renouvellement de prêt hypothécaire est maintenant beaucoup plus longue. La deuxième mesure, laquelle est également liée au renouvellement de prêts hypothécaires, concerne une modification réglementaire à l’égard de l’application du test de résistance en matière hypothécaire lorsqu’il s’agit d’offrir un allègement aux titulaires d’hypothèques assurés pour que ces derniers n’aient pas à établir de nouveau leur admissibilité en vertu du taux minimal d’admissibilité assuré lorsqu’ils changent de prêteur au moment du renouvellement de l’hypothèque.   

Ce changement sera sans aucun doute bien accueilli par les emprunteurs assurés dont le renouvellement hypothécaire est imminent et qui souhaitent changer de prêteur hypothécaire afin de tirer parti de taux plus compétitifs. En effet, ce changement fait en sorte qu’ils n’auront pas à établir de nouveau leur admissibilité en vertu du taux d’intérêt d’admissibilité de 5,25 % ou du taux du contrat hypothécaire offert majoré de 2 %, selon le plus élevé de ces taux. Ce changement répond également à des demandes formulées depuis un certain temps par nombre de participants du secteur hypothécaire. 

En ce qui concerne la mise en œuvre, l’ÉÉA indique que le gouvernement fédéral continuera de surveiller l’application des mesures d’allègement présentées dans la charte hypothécaire par les IFF, y compris la Ligne directrice, ainsi que la conformité de celles-ci à ces mesures.

Modifications concernant la LRPCFAT

L’ÉÉA propose d’apporter des modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (la « LRPCFAT »), lesquelles s’appliqueront aux entités réglementées et à d’autres entités non visées jusqu’à maintenant.

Dans le cadre de la récente Consultation sur le renforcement du Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes publiée par le ministère des Finances plus tôt cette année (la « consultation »), le ministère des Finances a étudié la possibilité d’assujettir à la réglementation d’autres participants du secteur immobilier. À cet égard, la LRPCFAT s’appliquera désormais aux assureurs de titres et obligera les représentants immobiliers à déterminer l’identité des parties non représentées et des tiers dans le cadre d’opérations immobilières. Il est également recommandé que les guichets automatiques privés à étiquette blanche (les « GAPEB ») soient réglementés. L’ÉÉA confirme que le cadre de la LRPCFAT sera élargi afin que cette loi s’applique aux entreprises intermédiaires, appelées « acquéreurs », offrant des services de retraits en espèces pour les GAPEB.

En outre, de récentes modifications apportées à la LRPCFAT obligent les entités réglementées à déclarer à CANAFE toute communication effectuée sous le régime de la législation sur les sanctions, ce qui élargit la portée des interventions de CANAFE en matière de sanctions. À la lumière de ce qui précède, la LRPCFAT sera modifiée afin de permettre à CANAFE d’utiliser son expertise pour élaborer des produits de renseignement et, s’il y a lieu, de communiquer ses conclusions à ses partenaires chargés d’appliquer la loi afin d’appuyer l’application de la loi et le régime canadien de saisie et de confiscation d’actifs fondé sur les sanctions. En ce qui a trait aux produits de renseignements, le document de consultation se penche sur la possibilité que CANAFE maintienne une base de données des personnes politiquement exposées. Il reste à voir si cette possibilité verra le jour, mais il n’en reste pas moins que CANAFE est appelé à jouer un rôle plus actif en matière de sanctions.

L’ÉÉA indique que des modifications techniques seront apportées à la LRPCFAT pour corriger les incohérences et combler les lacunes. Ces lacunes ne sont pas clairement précisées. Les entités réglementées ont donc intérêt à se préparer à l’application de nouvelles dispositions réglementaires.

Autres initiatives

Frais d’insuffisance de fonds : L’ÉÉA signale l’intention du gouvernement de réduire les frais d’insuffisance de fonds. Le gouvernement fera le point d’ici le Budget 2024 au sujet des mesures qu’il prendra pour réduire les frais d’insuffisance de fonds.

Comptes bancaires à faibles frais et sans frais : Le gouvernement fédéral a demandé à l’ACFC de collaborer avec les banques afin d’améliorer les caractéristiques des comptes à faibles frais et sans frais, comme des services bancaires qui prévoient un plus grand nombre de transactions par débit, de paiements de facture en ligne et de virements électroniques sans frais supplémentaires.

OSBI : L’ÉÉA réitère la nomination de l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement (l’« OSBI ») en tant qu’organisme externe unique de traitement des plaintes pour le secteur bancaire du Canada aux termes des modifications récemment adoptées à l’égard de la Loi sur les Banques.

Modifications aux lois régissant les IFF : L’ÉÉA note que les lois régissant les IFF seront modifiées « afin de revoir la portée des activités non financières que les institutions financières sont autorisées à exercer. » Ces lois ont été modifiées en 2018 afin d’élargir les activités des institutions financières pour permettre à ces dernières d’exercer des activités plus axées sur les technologies financières, mais ces modifications n’ont pas été promulguées en vigueur depuis.

Gestion des risques en matière de sécurité : L’ÉÉA note que, à la suite de l’adoption du règlement pris en vertu de la LAAPD en novembre 2023, le ministère des Finances collabore avec des partenaires de la sécurité et du renseignement autour de la mise en œuvre du processus d’examen relatif à la sécurité nationale des fournisseurs de services de paiement souhaitant s’inscrire en vertu de la LAAPD en 2024. L’ÉÉA renvoie également au projet de nouvelle ligne directrice sur l’intégrité et la sécurité du BSIF, lequel a été publié aux fins de consultation publique en octobre 2023, ainsi qu’aux consultations en cours du gouvernement sur les tendances technologiques et géopolitiques qui touchent le secteur financier. L’ÉÉA précise que d’autres mesures seront annoncées dans le Budget 2024 si le gouvernement en vient à la conclusion que des changements additionnels sont requis pour assurer la protection de la sécurité et de l’intégrité du secteur financier du Canada.  

Communication des expositions sur cryptoactifs : L’ÉÉA renvoie à la consultation que le BSIF a lancée en novembre 2023 sur la mise en œuvre d’un cadre de communication publique des expositions sur cryptoactifs par les IFF.  

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