Le 3 septembre 2024, une première série de modifications apportées aux dispositions en matière de sécurité nationale de la Loi sur Investissement Canada (la « LIC ») est entrée en vigueur. Ces modifications changent considérablement le cadre régissant les examens relatifs à la sécurité nationale entrepris en vertu de la LIC. Notamment, elles confèrent au ministre de l’Industrie (le « ministre ») un plus grand contrôle et une plus grande autonomie quant au processus d’examen relatif à la sécurité nationale, lequel était auparavant assujetti à la surveillance du Cabinet fédéral. Elles élargissent également les droits et les obligations du ministre en ce qui a trait au partage de renseignements; puis donnent des précisions sur l’approche à privilégier lors du contrôle judiciaire d’un examen relatif à la sécurité nationale. Ensemble, elles semblent avoir pour effet de transférer la responsabilité de ces examens du Cabinet fédéral, lequel détient un pouvoir exécutif plus centralisé, vers la division administrative de l’appareil gouvernemental sous la supervision du ministre. Ces modifications viennent en outre officialiser le processus d’examen selon une approche similaire à celle adoptée aux États-Unis.
Il s’agit des premières modifications à la LIC à entrer en vigueur par suite de l’adoption du projet de loi C-34, Loi sur la modernisation de l’examen des investissements relatif à la sécurité nationale, mais d’autres sont à venir. Cette vaste initiative représente la plus importante mise à jour des dispositions de la LIC en matière de sécurité nationale depuis l’adoption de cette loi en 2009. Dans le cadre de celle-ci, il est également prévu qu’un nouveau régime de dépôt préalable à la clôture obligatoire prendra effet (pour le moment, en 2025) et s’appliquera à tous les investissements effectués dans des secteurs précis s’ils remplissent certains critères prescrits.
Pour le reste, ces premières modifications, et celles qui suivront, témoignent d’un changement de cap pour ce qui est de l’objectif principal de la LIC, dans la mesure où, auparavant, la priorité était accordée aux examens relatifs à l’avantage net du Canada, alors qu’aujourd’hui, elle semble être donnée aux examens relatifs à la sécurité nationale.
Modifications touchant les procédures d’examen relatif à la sécurité nationale et le partage de renseignements
Élargissement des pouvoirs du ministre
- Le ministre peut ordonner un examen relatif à la sécurité nationale : La prise d’un décret ordonnant l’examen d’un investissement susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale ne relève plus du Cabinet fédéral; le ministre peut désormais prendre un tel décret après consultation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le « ministre de la Sécurité publique »).
- Le ministre peut imposer des conditions provisoires: Lorsqu’un examen relatif à la sécurité nationale a été ordonné, le ministre impose, après consultation du ministre de la Sécurité publique, les conditions provisoires jugées nécessaires pour prévenir les atteintes à la sécurité nationale qui pourraient survenir pendant l’examen, pour autant que l’imposition de ces conditions n’entraîne pas de nouveaux risques importants d’atteinte à la sécurité nationale. Le ministre peut par la suite supprimer une condition s’il est convaincu qu’elle n’est plus nécessaire pour prévenir ces atteintes.
- Les investisseurs peuvent présenter des observations et soumettre des engagements : Les investisseurs ont maintenant le droit de présenter des observations et de soumettre des engagements écrits au ministre dans le cadre d’un examen relatif à la sécurité nationale. Le ministre peut, avec l’accord du ministre de la Sécurité publique, déterminer qu’un investissement ne portera pas atteinte à la sécurité nationale en raison des engagements qui ont été pris par l’investisseur concerné. Le ministre peut ultérieurement accepter des engagements supplémentaires de la part de l’investisseur afin de s’assurer de continuer à répondre aux risques d’atteinte à la sécurité nationale que soulève l’investissement envisagé; ou encore, libérer l’investisseur des engagements qu’il a pris si ces derniers ne sont plus jugés nécessaires. Enfin, l’investisseur pourrait être tenu de fournir des renseignements relatifs à l’investissement afin de démontrer qu’il respecte ses engagements.
Contrôle judiciaire
- Contrôle judiciaire : De nouvelles règles ont été introduites concernant le contrôle judiciaire des décisions, des décrets et des arrêtés pris à l’égard d’examens relatifs à la sécurité nationale. Notamment, lorsqu’un juge estime que la communication des éléments de preuve ou d’autres renseignements pourrait porter atteinte aux relations internationales, à la défense nationale, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui, celui-ci doit, à la demande du ministre, entendre les observations sur ces éléments de preuve ou autres renseignements à huis clos et en l’absence du demandeur et de son avocat. Il incombe également au juge de garantir la confidentialité de ces éléments de preuve et de ces renseignements tout au long de l’instance. Le juge doit aussi veiller à ce que soit fourni au demandeur un résumé des éléments de preuve ou autres renseignements dont il dispose, lequel résumé permet au demandeur d’être suffisamment informé de la thèse du gouvernement du Canada, mais ne comporte aucun élément dont la communication porterait atteinte, selon le juge, aux relations internationales, à la défense nationale, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Notons toutefois que le juge peut fonder sa décision sur des éléments de preuve ou sur d’autres renseignements dont il dispose, même si un résumé des éléments de preuve ou autres renseignements n’a pas été fourni au demandeur.
Partage de renseignements et avis
- Avis : Le ministre est tenu d’aviser le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement : (i) de tout investissement qui a été autorisé à la suite d’engagements pris par les investisseurs concernés, en prenant soin de communiquer l’identité de l’investisseur et de l’entreprise visée par l’investissement; et (ii) de tout investissement assujetti à un décret pris par le Cabinet fédéral dans le but d’instaurer des mesures visant à protéger la sécurité nationale, en prenant soin de communiquer l’identité de l’investisseur et de l’entreprise visée par l’investissement, et de donner des précisions sur le contenu du décret en question.
- Nouveaux pouvoirs liés au partage de renseignements : Le ministre peut maintenant communiquer les renseignements obtenus dans le cadre de l’application ou de l’exécution de la LIC à des États ou à des organismes étrangers pour les besoins d’un examen relatif à la sécurité nationale d’un investissement étranger.
- Divulgation publique élargie : Le ministre est maintenant autorisé à communiquer l’identité de l’investisseur et de l’entreprise visée par l’investissement lorsqu’il communique le fait que le Cabinet fédéral a pris un décret visant à protéger la sécurité nationale à l’égard d’un investissement. En outre, le rapport annuel relatif à l’administration de la LIC comprendra à l’avenir des renseignements sur l’exercice des attributions du ministre en vertu des dispositions applicables en matière de sécurité nationale.
Approche élargie concernant les examens relatifs à l’avantage net et les examens dans le secteur culturel
- Prolongation du délai applicable pour ordonner l’examen d’un investissement dans le secteur culturel : Le délai pendant lequel le gouvernement fédéral peut ordonner l’examen d’un investissement dans le secteur culturel qui n’est pas autrement sujet à examen a été porté de 21 à 45 jours.
- Élargissement des facteurs afférents aux examens relatifs à l’avantage net : Les facteurs à prendre en compte pour évaluer si un investissement est à l’avantage net du Canada ont été mis à jour pour inclure (i) l’effet de l’investissement sur les droits liés à la propriété intellectuelle dont la création a été financée par le gouvernement du Canada; et (ii) l’effet de l’investissement sur l’utilisation et la protection des renseignements personnels concernant les Canadiens.
Renforcement des sanctions
- Pénalités financières accrues : La pénalité pour défaut de se conformer à une mise en demeure émise par le ministre enjoignant un investisseur de respecter la LIC est passée de 10 000 $ CA à 25 000 $ CA pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue la contravention.
Principaux points à retenir pour les entreprises
- Les investisseurs devraient s’attendre à ce que les communications avec le ministre soient plus approfondies à l’avenir dans le cadre d’éventuels examens relatifs à la sécurité nationale, notamment en ce qui concerne la prise de mesures provisoires et d’engagements.
- Dans leurs documents d’opération, les parties devraient tenir compte des délais d’examen prolongés et des définitions mises à jour.
- Les investisseurs devraient s’assurer de bien comprendre les nouveaux pouvoirs qui ont été conférés au ministre, ainsi que les nouvelles obligations qui incombent à ce dernier, en ce qui a trait au partage de renseignements, que ceux-ci soient confidentiels ou non en vertu de l’article 36 de la LIC.
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