Sauter la navigation

Examen des fusions : Survol des modifications à la Loi sur la concurrence et des mises à jour des lignes directrices sur les fusions

6 janvier 2025

D’importantes modifications apportées à la Loi sur la concurrence (la « Loi ») ces deux dernières années ont considérablement changé le contexte entourant l’examen des fusions au Canada. En raison de ces modifications, les entreprises qui envisagent de procéder à une fusion auront plus de difficultés à justifier l’opération proposée et à réfuter les arguments concernant les effets anticoncurrentiels potentiels d’une telle fusion. Elles devront être plus proactives dans la planification de la fusion, notamment en procédant à une analyse plus détaillée et approfondie de celle-ci dès le départ, afin de franchir avec succès les étapes du processus d’examen.

Trois rondes de modifications, qui ont débuté en juin 2022 et culminé en juin 2024, ont considérablement élargi le champ d’application des dispositions de la Loi portant sur l’examen des fusions. Pour en savoir davantage sur ces modifications, consultez notre Bulletin Blakes de juin 2024 intitulé Les modifications apportées à la Loi sur la concurrence du Canada sont en vigueur et notre page Modifications à la Loi sur la concurrence.

De manière générale, par suite de ces modifications : (i) le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») jouira d’une plus grande marge de manœuvre pour contester les fusions, étant donné que l’interdiction de déclarer une fusion anticoncurrentielle en fonction uniquement des parts de marché ou de la concentration du marché a été abrogée; (ii) il sera plus difficile pour les parties de défendre avec succès une fusion contestée après l’abrogation de la défense fondée sur les gains en efficience et l’introduction d’une présomption réfutable selon laquelle il incombera dorénavant aux parties de prouver que la fusion n’est pas anticoncurrentielle, s’il y a lieu; et (iii) des mesures correctives seront requises aux fins du respect d’une norme plus élevée par le rétablissement de la concurrence aux niveaux antérieurs à la fusion.

Les modifications récentes représentent une refonte importante des dispositions de la Loi portant sur les fusions et devront être ajustées tant en ce qui concerne la façon dont le Bureau examine les fusions que la façon dont les parties abordent ces examens. Pour les entreprises, un indicateur important de l’approche et de la pratique du Bureau en matière d’application de la loi relativement aux fusions est présenté dans les lignes directrices du Bureau intitulées « Fusions – Lignes directrices pour l’application de la loi » (les « Lignes directrices »), dont la dernière mise à jour remonte à 2011. 

En novembre 2024, le Bureau a annoncé le lancement d’un processus de consultation conçu pour l’aider à préparer les modifications devant être apportées aux Lignes directrices. Les prochaines mises à jour visent à faire en sorte que les Lignes directrices reflètent les modifications récentes apportées à la Loi et les pratiques actuelles, notamment eu égard aux récents développements juridiques et économiques. Parmi les autres éléments qui, selon le Bureau, pourraient devoir être mis à jour, mentionnons les éléments visant (i) à assurer que les Lignes directrices identifient correctement les types de fusions qui auraient vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence et les dommages anticoncurrentiels qui pourraient résulter de ces fusions et (ii) la prise en considération de la croissance des technologies numériques et leur effet sur la manière dont les fusions peuvent nuire à la concurrence. La période de consultation prend fin le 12 janvier 2025, et les projets de modifications des Lignes directrices devraient être publiés plus tard en 2025.

Comprendre les nouvelles dispositions relatives aux fusions

Des modifications récentes apportées à la Loi ont considérablement restructuré le régime canadien d’examen des fusions de l’une et l’autre des manières suivantes :

Critère de fond

  • Annulation de l’interdiction pour le Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») de statuer qu’une fusion est anticoncurrentielle uniquement en fonction de la concentration du marché ou de la part de marché.
  • Introduction d’une présomption structurelle réfutable selon laquelle une fusion est présumée anticoncurrentielle, sauf si les parties à la fusion peuvent prouver le contraire. 
    • Une fusion est présumée anticoncurrentielle lorsqu’elle donne lieu à une augmentation de l’« indice de concentration » (soit la somme des carrés des parts du marché pertinent des participants) de plus de 100 et lorsque (i) l’indice de concentration est supérieur à 1 800 après la fusion ou (ii) la part de marché des parties est supérieure à 30 % après la fusion.
  • Élimination de la défense fondée sur les gains en efficience qui permettait de procéder à des fusions jugées anticoncurrentielles si les gains en efficience étaient supérieurs aux effets anticoncurrentiels de la fusion et les neutralisaient.
  • Prise en compte des facteurs suivants dans le cadre de l’examen d’une fusion : (i) les répercussions sur le marché du travail; (ii) les effets découlant de l’augmentation de la part de marché et (iii) la collaboration expresse ou tacite entre concurrents.

Norme relative aux mesures correctives

  • Hausse des mesures correctives relatives aux fusions en exigeant la prise de mesures visant à rétablir la concurrence au niveau qui aurait existé n’eût été la fusion – hausse du seuil par rapport à la norme antérieure selon laquelle les mesures correctives devaient réduire sensiblement tout empêchement ou toute diminution de la concurrence découlant de la fusion.

Enjeux liés aux fusions

  • Empêchement automatique des parties de procéder à la clôture d’une fusion lorsque le Bureau dépose une demande d’injonction auprès du Tribunal afin d’obtenir plus de temps pour terminer son enquête ou de bloquer la fusion jusqu’à ce qu’elle soit contestée sur le fond et que le Tribunal ait statué sur la demande du Bureau.
  • Prolongation du délai de prescription durant lequel le Bureau peut contester une fusion n’ayant pas fait l’objet d’un avis, pour faire passer ce délai d’un an à trois ans après la clôture de l’opération.

Règles relatives aux préavis de fusion

  • Élargissement de la portée des opérations devant faire l’objet d’un préavis de fusion par l’ajout des ventes « à destination » du Canada dans le seuil relatif à la « taille des opérations » aux fins du préavis et introduction d’une disposition anti-évitement exigeant que les opérations conçues pour éviter le préavis de fusion soient tout de même signalées au Bureau.
  • Introduction de sanctions civiles en cas d’omission, sans motif valable et suffisant, de donner un préavis à l’égard d’une opération devant faire l’objet d’un préavis, y compris des sanctions administratives pécuniaires pouvant atteindre 10 000 $ CA par jour.

Principaux points à retenir

Dans le contexte de ces modifications, les entreprises devraient tenir compte des principaux points suivants :

  1. Répercussions sur la planification et le calendrier des fusions : L’examen d’un plus vaste éventail d’opérations signifie que le Bureau devra y consacrer plus de temps et que les parties à la fusion devront commencer à planifier l’opération plus tôt. Comme le Bureau dispose d’un délai de prescription prolongé de trois ans pour examiner les opérations ne devant pas faire l’objet d’un préavis, les parties à une telle opération devront se pencher attentivement sur cette dernière. Elles devront analyser avec plus de soin le risque lié au droit de la concurrence et les répercussions sur les délais dans les documents relatifs à l’opération, y compris utiliser des clauses de transfert du risque appropriées. Malgré ces changements, il est prévu que la plupart des opérations continueront d’être examinées rapidement.
  2. Répercussions sur l’analyse des fusions : Les motifs stratégiques et pro-concurrence à l’appui d’une fusion seront des facteurs importants dans l’analyse de la fusion et devraient être clairement documentés. Les incidences en matière de droit de la concurrence que pourraient entraîner les documents internes, tels que les présentations au conseil d’administration et les documents de planification stratégique, devront être prises en compte, particulièrement en ce qui concerne les parts de marché et la « définition du marché », lesquels seront des facteurs clés dans le cadre de l’examen des fusions. Le Bureau pourrait recourir de plus en plus à des ordonnances judiciaires pour obtenir des données de tiers qui l’aideront à évaluer des parts de marché et à définir le marché, ce qui pourrait accroître l’asymétrie de l’information.
  3. Répercussions sur les mesures correctives : Des mesures correctives efficaces demeureront une solution de rechange viable aux litiges; toutefois, elles nécessiteront une plus grande planification au départ, et les parties devront démontrer que des acheteurs sont prêts à mettre en place de telles mesures. Les nouvelles mesures correctives plus rigoureuses, qui exigent que la concurrence soit rétablie au niveau qui aurait existé n’eût été la fusion, auront fort probablement une incidence sur la structure et le calendrier des opérations, notamment parce qu’elles préconisent l’adoption de solutions avant l’opération qui permettent de réagir de façon proactive aux préoccupations en matière de concurrence et qu’elles exigent le report des dates limites en raison de la prolongation de la période de négociations entourant les mesures correctives.

Pour toute question, n’hésitez pas à vous adresser à l’avocat de Blakes avec lequel vous communiquez habituellement ou à un membre de nos groupes Concurrence et antitrust ou Investissement étranger

Plus de ressources