Depuis quelques semaines, les entreprises et les consommateurs canadiens considèrent le concept du libre-échange avec un intérêt accru. En effet, afin de contrecarrer l’imposition possible de tarifs douaniers internationaux sur les marchandises en circulation vers le marché américain ou à partir de celui-ci, de nombreuses entreprises cherchent des façons d’augmenter leur présence sur le marché canadien. Dans ce contexte, le libre-échange constitue une solution opportune à l’échelle interprovinciale en raison du caractère décentralisé du système fédéral canadien.
Bien que la Loi constitutionnelle de 1867 du Canada prévoie que les marchandises de chacune des provinces doivent « être admis[es] en franchise » dans les autres provinces, ce principe a reçu une interprétation très stricte ayant pour effet d’interdire uniquement les tarifs douaniers ou les mesures s’apparentant à des tarifs et de permettre l’adoption de règlements affectant le commerce interprovincial de façon accessoire. Par conséquent, d’une province à l’autre, de nombreux règlements, notamment en matière de sécurité ou de main-d’œuvre, ont pour effet de restreindre la libre circulation des marchandises et des services d’une province à l’autre.
Accords commerciaux interprovinciaux
Les sociétés qui font affaire ou qui investissent dans d’autres provinces auraient intérêt à connaître et à envisager d’utiliser les mesures de protection qui existent à l’égard des barrières interprovinciales en vertu de l’Accord de libre-échange canadien (l’« ALEC ») et du New West Partnership Trade Agreement (le « NWPTA ») (accord commercial du nouveau partenariat de l’Ouest) (en anglais seulement), lesquelles ont été négociées pour tenter de réduire les barrières interprovinciales au commerce intérieur. Le gouvernement fédéral et les gouvernements d’un certain nombre de provinces se sont également engagés récemment à réduire encore davantage les barrières au commerce interprovincial.
L’ALEC est un accord entre le Canada et les 10 provinces et 3 territoires du pays. Le NWPTA est un accord entre la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba.
Ces accords de libre-échange interprovinciaux prévoient généralement, entre autres, sous réserve de certaines exceptions, qu’une province s’abstiendra d’adopter ou de maintenir des mesures qui restreignent ou empêchent la circulation des marchandises d’une province à une autre, ou qui entravent le commerce. Ils prévoient également que les provinces accordent aux marchandises d’une autre province un traitement qui ne soit pas moins favorable que le traitement qu’elles accordent à leurs propres produits similaires (dans le cas du NWPTA, ceci s’applique également aux services, aux investisseurs et aux investissements).
Mécanismes de règlement des différends entre une personne et un gouvernement
Il est important de noter qu’outre des mécanismes permettant aux gouvernements de régler les différends entre eux, chacun de ces accords prévoit également de tels mécanismes pour les différends entre une personne et un gouvernement résultant d’une violation alléguée de l’accord. Ces mécanismes sont assujettis à certaines conditions, à des procédures précises, à des délais et à des exceptions pouvant s’appliquer selon la situation ou la disposition concernée, lesquels devraient être examinés soigneusement au cas par cas.
En général, cependant, en vertu de l’ALEC :
- Une personne peut présenter une demande écrite à son gouvernement provincial afin que soient intentées des procédures pour son compte contre un autre gouvernement provincial.
- Si son gouvernement provincial décide de ne pas intenter de telles procédures, la personne peut demander directement que soient engagées des procédures en en faisant la demande par écrit à l’autre province visée par la plainte, à la partie concernée dans cette autre province ou au Secrétariat du commerce intérieur (le « Secrétariat »).
- Une personne qui a intenté des procédures peut également demander la tenue de consultations avec le destinataire de la plainte. Si les parties renoncent à se consulter ou si la tenue de consultations ne permet pas de régler la question en cause, la personne peut faire une demande écrite au Secrétariat pour qu’un groupe spécial chargé d’entendre le différend soit mis en place
- Le groupe spécial doit ensuite présenter un rapport fondé sur les observations des participants et sur toute autre preuve reçue dans le cadre de la procédure, y compris sa décision quant à savoir si la mesure en cause est incompatible avec l’ALEC et, s’il y a lieu, si la mesure a nui au commerce, à l’investissement ou à la mobilité de la main-d’œuvre à l’intérieur du Canada et a causé un dommage ou entraîné un refus d’avantages. Le groupe spécial peut, selon son appréciation, stipuler un délai dans lequel le destinataire de la plainte est tenu de se conformer à l’ALEC.
- Il existe une procédure d’appel devant un groupe spécial d’appel, ainsi qu’un mécanisme d’examen de la conformité un an après la présentation du rapport (ou dans un autre délai stipulé). Un groupe spécial de l’observation des décisions peut, sous réserve de certaines limites prescrites, imposer des sanctions pécuniaires.
En général, en vertu du NWPTA :
- Une personne doit avoir épuisé tous les autres moyens raisonnables existants pour tenter de résoudre un différend avant de pouvoir recourir à la procédure de règlement des différends du NWPTA; ces moyens comprennent le processus de règlement des différends officiel d’un organisme de réglementation lorsque le différend relève de la compétence de l’organisme en question. Une personne n’est pas tenue de soumettre une demande en révision judiciaire ou de s’adresser autrement aux tribunaux pour remplir cette condition, mais si elle le fait, la procédure en vertu du NWPTA sera suspendue jusqu’à la fin de la procédure judiciaire.
- Comme dans le cas de l’ALEC, une personne peut demander à sa province de tenir pour son compte des consultations avec la province visée par sa plainte. Si cette demande est refusée, la personne peut demander elle-même la tenue de consultations. Si les consultations ne permettent pas de régler le différend en cause, les parties peuvent individuellement ou collectivement demander l’établissement d’un groupe spécial chargé d’entendre le différend.
- À la suite de l’audience, le groupe spécial doit présenter un rapport comprenant ses conclusions et ses recommandations, notamment quant à savoir si la mesure en cause est incompatible avec le NWPTA, et indiquant un délai raisonnable pour la mise en œuvre de ses recommandations.
- L’accord prévoit également la mise sur pied d’un groupe spécial de l’observation des décisions chargé de vérifier la conformité au rapport et, comme pour l’ALEC, ce groupe spécial peut imposer des sanctions pécuniaires, sous réserve de certaines limites.
- Une partie à la plainte peut présenter une demande de révision judiciaire du rapport final d’un groupe spécial.
Stimuler le commerce intérieur du Canada
L’ALEC et le NWPTA renferment d’autres dispositions visant à stimuler la circulation de marchandises, de services et d’investissements au Canada. Bien que chaque cas doive être passé soigneusement en revue à la lumière des faits qui lui sont propres, ces deux accords peuvent constituer une source de protection importante pour les entreprises qui cherchent à augmenter leur présence au Canada.
Le gouvernement fédéral et plusieurs gouvernements provinciaux se sont récemment engagés à améliorer le commerce interprovincial. Par exemple, la Nouvelle-Écosse a présenté un projet de loi qui ferait en sorte que les marchandises produites dans une autre province et qui respectent les normes réglementaires de cette autre province, pourvu que celle-ci ait adopté des mesures législatives réciproques, se voient accorder le même traitement que si elles avaient été fabriquées en Nouvelle-Écosse. Les fournisseurs de services autorisés dans une province ayant adopté des mesures législatives réciproques se verraient également accorder le même traitement que s’ils étaient autorisés à exercer leurs activités en Nouvelle-Écosse. D’autres provinces ont manifesté leur intérêt envers des mesures législatives similaires.
Au fur et à mesure que l’importance du marché canadien s’accroit pour les sociétés qui exercent des activités dans une ou plusieurs provinces, il est crucial que celles-ci aient une bonne connaissance des protections et des processus en place afin de pouvoir minimiser les fardeaux administratif et financier en matière d’investissement et de commerce.
Pour en savoir davantage, communiquez avec l’un des auteurs du présent bulletin ou un autre membre de nos groupes Litige et règlement des différends ou Arbitrage.
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