Les cas d’insolvabilité commerciale devraient continuer d’augmenter à court terme en raison de la hausse des taux d’intérêt, des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement et de l’augmentation conséquente du coût des marchandises. Une flambée des cas d’insolvabilité commerciale pourrait également augmenter la probabilité que les entreprises soient touchées par une procédure d’insolvabilité officielle en tant que créancier, fournisseur ou client, ou autrement en tant que partie prenante. Les entreprises ont donc intérêt à savoir comment élaborer leurs stratégies dans le contexte de procédures d’insolvabilité nouvellement initiées ou en cours.
Le présent bulletin traite de six importants enjeux dont vous devriez être conscients si votre entreprise est touchée par une procédure de restructuration aux termes de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (Canada) (la « LACC »). La LACC est le principal texte de loi qui régit la réorganisation de grands débiteurs insolvables au Canada; elle est l’équivalent du chapitre 11 du United States Bankruptcy Code. Elle permet à une société débitrice d’élaborer un plan de restructuration pouvant comprendre la vente approuvée par le tribunal de son entreprise et de ses actifs et/ou la soumission d’un plan d’arrangement à ses créanciers et au tribunal aux fins d’approbation. D’autres procédures d’insolvabilité, comme une mise sous séquestre, une procédure de faillite ou une proposition de faillite, sont courantes et comportent leurs propres points à prendre en considération.
Enjeux propres aux procédures de restructuration
Suspension des procédures. Il est prévu, dans les procédures en vertu de la LACC, que celles-ci peuvent être suspendues à l’égard des réclamations de créanciers garantis et non garantis visant la société débitrice. Une suspension de procédures a pour but de permettre à la société débitrice de préserver le statu quo afin de pouvoir réorganiser ses activités sans être menacée par les agissements des créanciers. La suspension des procédures empêche également les créanciers plus combatifs d’obtenir un avantage injuste sur d’autres créanciers. En vertu de la LACC, le tribunal accordera habituellement la suspension des procédures, lorsque la société débitrice lui en fait la demande, pour une période initiale de dix jours. Cette période peut ensuite être prolongée plusieurs fois au moyen d’ordonnances prononcées par le tribunal. Si une contrepartie contractuelle est visée par des procédures entamées sous le régime de la LACC, il peut lui être interdit de prendre des mesures pour recouvrer une dette ou faire exécuter des droits à l’encontre du débiteur insolvable. Les dispositions de contrats permettant de résilier ceux-ci si une contrepartie fait l’objet de procédures d’insolvabilité sont généralement inexécutoires en cas de suspension des procédures, quoiqu’il soit toujours possible de demander préalablement au tribunal la permission de le faire.
Faire la preuve d’une réclamation. Dans le cadre de procédures en vertu de la LACC, les créanciers sont souvent tenus de soumettre des preuves de leurs réclamations à l’examen du contrôleur désigné pour la procédure (ou à la société débitrice en coordination avec le contrôleur). Le contrôleur désigné en vertu de la LACC est un fonctionnaire nommé par le tribunal, qui est chargé de superviser la procédure de restructuration, d’examiner les biens et les affaires financières du débiteur et d’en faire rapport aux créanciers et au tribunal. Si aucun plan de restructuration n’est envisagé et qu’il est possible que les réclamations des créanciers garantis ne leur soient pas remboursées intégralement à la suite de la vente des biens du débiteur, il se peut qu’aucun traitement officiel des réclamations ne soit entrepris puisqu’aucun bien de valeur ne resterait pour régler les réclamations des créanciers non garantis.
Pour faire la preuve de leurs réclamations, les créanciers doivent habituellement décrire celles-ci en détail et fournir une preuve à l’appui. Le tribunal fixe normalement une date limite pour les réclamations. Après cette date, les créanciers ne peuvent plus soumettre de réclamations; il est possible que les réclamations non soumises auparavant soient alors éteintes. En général, la soumission d’une preuve de réclamation est un prérequis pour qu’un créancier non garanti puisse recevoir une distribution et voter sur un plan soumis par la société débitrice dans le cadre d’une assemblée de créanciers.
Lorsqu’il s’agit de faire la preuve d’une réclamation, votre entreprise devrait : 1) prendre en note la date limite pour la soumission de la preuve et s’assurer que celle-ci est soumise avant cette date limite; 2) soumettre l’ensemble des factures, ententes et autres preuves justificatives à l’examen du contrôleur; et 3) consulter le contrôleur au sujet de toute question qu’elle peut avoir relativement à la soumission de sa preuve de réclamation.Paiement des fournitures de biens et de services après le dépôt de la demande. Comme mentionné ci-dessus, la suspension des procédures interdit aux parties à une convention d’approvisionnement de mettre fin à la fourniture de tels biens et services. Toutefois, les fournisseurs sont protégés par les dispositions de la LACC qui prévoient qu’aucune partie n’est tenue de continuer à fournir des biens ou des services à crédit. C’est donc dire que si un fournisseur ne peut résilier sa convention, il n’est toutefois pas tenu d’accorder du crédit, à moins qu’il n’ait conclu une entente de paiement acceptable avec le débiteur. Cette règle prévoit une exception lorsque le tribunal déclare qu’un fournisseur est un « fournisseur essentiel ». Les fournisseurs essentiels sont tenus d’accord du crédit en échange d’une charge ordonnée par le tribunal qui garantit le paiement du fournisseur. Dans certaines circonstances, un débiteur peut être autorisé à payer les réclamations antérieures au dépôt de la demande d’un fournisseur essentiel, même si le fournisseur est situé à l’étranger ou s’il n’existe aucun contrat d’approvisionnement préexistant.
Préférences et opérations sous-évaluées. Certains types d’opérations antérieures au dépôt de la demande peuvent être contestés par le contrôleur. Un paiement peut être considéré comme étant préférentiel s’il est fait par un débiteur insolvable à un créancier antérieur au dépôt de la demande avec l’intention d’accorder à ce créancier une préférence par rapport à un autre créancier visé par la période rétrospective. Cette période est de trois mois avant la date de dépôt de la demande lorsque la relation entre eux est sans lien de dépendance, ou un an lorsqu’il existe un lien de dépendance entre eux.
Une cession de biens ou de liquidités entre parties sans lien de dépendance dans l’année précédant l’insolvabilité, ou dans les cinq années précédentes si les parties concernées traitent avec un lien de dépendance, pourrait être considérée comme une « opération sous-évaluée ». Dans le cas d’une opération sans lien de dépendance, le débiteur doit avoir été insolvable au moment de la cession ou être devenu insolvable en raison de cette cession. En outre, la cession doit avoir été faite dans l’intention de frauder, de frustrer ou de retarder un créancier. Dans le cas d’une opération avec un lien de dépendance, les dispositions de la loi sont beaucoup plus strictes. Une cession entre des parties ayant un lien de dépendance, à l’intérieur d’une année avant l’insolvabilité, pour laquelle la contrepartie est manifestement inférieure à la juste valeur marchande sera considérée comme étant une « opération sous-évaluée » sans qu’il soit nécessaire de prouver l’intention ou l’insolvabilité.
En présence aussi bien d’une préférence que d’une opération sous-évaluée, le tribunal chargé d’appliquer la LACC a le pouvoir de déclarer que l’opération est nulle ou d’accorder un redressement connexe. Les préférences et les opérations sous-évaluées peuvent viser des entreprises qui ont effectué des opérations avec un débiteur pendant les périodes rétrospectives applicables même lorsque le destinataire avait de bonnes intentions. Toutefois, les opérations dans le cours normal des affaires, comme les paiements de factures pour des services fournis conformément à des modalités commerciales prescrites, ne seront habituellement pas contestées. Dans le cas du paiement d’une dette échue depuis longtemps qui est effectué immédiatement avant le dépôt d’une demande en vertu de la LACC, ce paiement sera probablement examiné de près par le contrôleur.
Si vous croyez que votre entreprise a accordé une préférence à une entreprise en difficulté financière ou effectué une opération sous-évaluée avec une telle entreprise, vous devriez consulter immédiatement un conseiller juridique en insolvabilité.Ventes d’actifs. Les procédures en vertu de la LACC comprennent régulièrement un processus de vente ou de sollicitation d’investisseurs (un « PVSI ») approuvé par le tribunal, lequel peut entraîner la vente d’une partie, voire de la totalité, des actifs du débiteur en vue du remboursement des dettes de celui-ci envers ses créanciers. Un PVSI offre aux entreprises solvables au sein du même secteur que celui de l’entreprise insolvable une bonne occasion d’acheter des actifs utiles. L’entreprise qui achète les actifs du débiteur acquiert ceux-ci aux termes d’une ordonnance d’approbation et de dévolution, les actifs étant alors purgés de tout privilège et de toute charge.
Un PVSI peut comprendre une cession des droits et des obligations d’un débiteur aux termes de contrats ou de baux antérieurs au dépôt de la demande. La LACC permet à un débiteur de demander que soit rendue une ordonnance afin que soient cédés à un acheteur ou à une autre partie ses droits et obligations aux termes de conventions antérieures au dépôt de la demande si certaines conditions sont remplies, peu importe l’existence de dispositions interdisant les cessions dans la convention applicable.
La LACC permet également à un débiteur de résilier des conventions antérieures au dépôt de la demande moyennant l’approbation du contrôleur ou du tribunal, sous réserve de certaines exceptions et du respect des exigences en matière d’avis.Plan d’arrangement ou de transaction. Un plan d’arrangement ou de transaction (un « plan ») est une proposition faite par un débiteur à ses créanciers, laquelle vise à permettre à un débiteur d’effectuer une transaction à l’égard de ses obligations et de poursuivre ses activités dans le but d’offrir aux créanciers une plus grande valeur que celle qu’ils recevraient dans le cas d’une liquidation. Les plans peuvent notamment prévoir (i) le paiement d’un pourcentage de la valeur nominale d’une réclamation; (ii) la conversion d’une dette en des capitaux propres; (iii) la création d’un fonds de liquidités ou de titres à distribuer aux créanciers; (iv) un plan de remboursement selon lequel une partie, voire la totalité, des créanciers seront payés sur une période prolongée; ou (v) une combinaison de ce qui précède.
Une fois que le plan a été proposé, les créanciers sont répartis en différentes catégories en fonction de leur « intérêt commun » et votent ensuite pour ou contre le plan. Le plan doit être adopté par voie de résolution spéciale, soutenue par une double majorité dans chaque catégorie de créanciers : 50 % plus une voix du nombre total de voix exprimées par les créanciers de la catégorie et 66 2/3 % de la valeur totale des réclamations des créanciers votant dans chaque catégorie.
Votre entreprise devrait étudier soigneusement tout plan aux termes duquel elle est un créancier ou qui pourrait vraisemblablement avoir une incidence sur ses droits. Elle aurait intérêt à consulter un conseiller juridique en insolvabilité pour bien comprendre ses droits, le processus en vertu de la LACC et les répercussions qu’un tel plan pourrait avoir sur ses activités.
En étant consciente des six enjeux décrits ci-dessus, votre entreprise sera préparée à faire face à la possibilité d’être partie à un processus d’insolvabilité en tant que tiers. Pour en savoir davantage, consultez :
ou un membre de notre groupe Restructuration et insolvabilité.
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