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Interdiction d’opérations visant le régime de droits de Bitfarm : le Tribunal des marchés financiers publie ses motifs

11 décembre 2024

Le Tribunal des marchés financiers de l’Ontario (le « Tribunal ») a publié les motifs qui ont motivé sa décision en juillet 2024 d’interdire les opérations à l’égard du régime de droits des actionnaires adopté par Bitfarm Ltd. (« Bitfarm »).

Contexte

Bitfarm est une société inscrite à la cote de la TSX qui possède et exploite des installations de minage de bitcoins. En juin 2024, elle a adopté un régime de droits des actionnaires (le « régime de droits ») en réponse à l’acquisition de 14,9 % de ses actions par Riot Platforms Inc. (« Riot »), une société de minage de bitcoins inscrite à la cote du NASDAQ. Riot avait fait une proposition d’acquisition auparavant, mais Bitfarm l’avait rejetée, après quoi Riot avait annoncé son intention de convoquer une assemblée extraordinaire des actionnaires en vue de remplacer le conseil d’administration de Bitfarm.

Le régime de droits prévoyait la dilution des actions de toute partie qui acquerrait plus de 15 % des actions de Bitfarm entre le 20 juin 2024 et le 10 septembre 2024. Après septembre 2024, ce seuil passerait à 20 %. Bitfarm a fait valoir que l’adoption de ce régime de droits était nécessaire pour lui permettre d’entreprendre un processus d’examen des solutions de rechange stratégiques.

Le 24 juillet 2024, le Tribunal a accueilli la demande d’interdiction d’opérations présentée par Riot à l’égard du régime de droits. Le texte qui suit résume les motifs de cette décision.

Motifs

Dans ses motifs datés du 19 novembre 2024, le Tribunal a d’abord donné des précisions quant à la norme applicable en ce qui a trait à l’exercice de sa compétence en matière d’intérêt public lorsqu’il est question d’un régime de droits qui ne fait par ailleurs l’objet d’aucune allégation de violation de la législation en valeurs mobilières. Le Tribunal a ensuite noté que le seuil permettant de déclarer qu’un comportement est « manifestement abusif » (clearly abusive), lequel seuil est souvent utilisé, est trop élevé; il note toutefois qu’une incompatibilité, même minime, avec les « principes directeurs » (animating principles) de la législation en valeurs mobilières n’offre pas suffisamment de certitude et de prévisibilité aux participants du marché.

Le Tribunal a souligné que le fardeau du demandeur lorsque ce dernier conteste un régime de droits qui ne contrevient pas par ailleurs à la législation en valeurs mobilières consiste à démontrer que ce régime porte atteinte, de manière réelle et substantielle, à un ou à plusieurs principes directeurs clairement discernables. Le demandeur doit également démontrer que le régime en question produirait un effet public, en ce sens qu’il aurait un effet préjudiciable sur les investisseurs en général, sur les marchés financiers dans leur ensemble ou sur les opérations futures. Le Tribunal a expliqué que l’intimé peut démontrer l’existence de circonstances exceptionnelles qui justifient le maintien du régime de droits.

Le Tribunal a également précisé que, lorsqu’il s’agit de décider s’il y a lieu d’interdire les opérations à l’égard d'un régime de droits, il faut se tourner vers le régime des offres publiques d’achat pour du contexte, et non vers les devoirs des administrateurs de la cible. Le Tribunal a souligné que certains éléments du régime des offres publiques d’achat, notamment le seuil de participation de 20 %, servent de points de référence qui cadrent avec les principes sous-tendant ce régime, augmentent la certitude et la prévisibilité, et contribuent à l’efficience des marchés financiers.

En ce qui concerne l’affaire Bitfarm, le Tribunal a conclu que le seuil de 15 % prévu dans le régime de droits constituait un écart important par rapport aux attentes du marché, conférait à l’émetteur un pouvoir indu d’influencer l’accumulation d’actions en dehors du contexte d’une offre publique d’achat et ne traitait pas tous les actionnaires de façon égale. Le Tribunal a conclu que le seuil de 15 % minait les principes directeurs sous-tendant le régime des offres publiques d’achat de manière réelle et substantielle, ainsi que de façon à produire un effet public.

Du reste, le Tribunal a conclu qu’il n’y avait pas de circonstances exceptionnelles justifiant le maintien du régime de droits. Il a fait remarquer que ce fardeau élevé est approprié lorsque le régime de droits en cause s’éloigne des principes fondamentaux du régime des offres publiques d’achat, particulièrement en l’absence d’une offre publique d’achat, que le régime n’a pas été approuvé par les actionnaires et qu’il n’y a pas suffisamment de preuves qu’un processus d’examen de solutions de rechange stratégiques mènera à une opération dans un délai raisonnable.

Points à retenir

  • Il doit être démontré qu’un régime de droits qui ne contrevient pas à la législation en valeurs mobilières mine un ou plusieurs des principes directeurs clairement discernables de la législation en valeurs mobilières, et ce, de manière réelle et substantielle, ainsi que de façon à produire un effet public.
  • Les principes qui sous-tendent le régime des offres publiques d’achat, y compris le seuil de participation de 20 %, constituent le cadre de référence approprié pour déterminer s’il convient d’interdire les opérations à l’égard d’un régime de droits des actionnaires même si le régime en question n’est pas adopté en réponse à une offre publique d’achat.
  • Un régime de droits des actionnaires peut s’éloigner du seuil de participation de 20 % qui est prévu au régime des offres publiques d’achat s’il existe des circonstances exceptionnelles.
  • L’Alberta Securities Commission a récemment interdit les opérations à l’égard d’un autre régime de droits des actionnaires qui n’avait pas été adopté en lien avec une offre publique d’achat ou approuvé par les actionnaires. À ce sujet, consultez notre Bulletin Blakes sur l’affaire Greenfire .

Pour en savoir davantage, communiquez avec l’un des auteurs du présent bulletin ou un membre de notre groupe Litiges en valeurs mobilières.


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