Balado disponible en anglais avec retranscription en français ci-dessous.
Les organismes de réglementation, les investisseurs et d’autres parties prenantes exercent de plus en plus de pressions sur les émetteurs à capital ouvert et les fonds d’investissement afin qu’ils intègrent les facteurs ESG à leurs décisions d’investissement et d’affaires. Dans cet épisode du balado Continuité, nos associés Andrea Laing et Ryan Morris discutent des risques de litige liés à la divulgation des facteurs ESG, ainsi que du rôle des organismes de réglementation.- Brève description des facteurs ESG (00:40)
- Pourquoi les facteurs ESG constituent-ils un risque de litige (01:30)
- Point de vue de la réglementation (03:25)
- Jurisprudence américaine et ce que nous pourrions voir au Canada (05:05)
- Facteurs ESG et litige en valeurs mobilières sur le plan pratique (06:20)
- Actionnaires et investissement éthique (07:45)
- Comment sont mesurés les dommages découlant des cibles manquées (08:15)
Retranscription
Yula | Bonjour, je suis Yula Economopoulos. |
Jordan | Et je suis Jordan Virtue, et voici le balado Continuité. |
Yula | En mettant l’accent sur l’intensification du changement climatique, les organismes de réglementation, les investisseurs et les autres parties prenantes examinent de plus près les organisations pour s’assurer qu’elles respectent les exigences liées aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. |
Jordan | Et si les entreprises n’atteignent pas les objectifs liés aux facteurs ESG, elles pourraient faire face à des répercussions de nature juridique. |
Yula | Aujourd’hui, Andrea Laing et Ryan Morris, associés au sein de notre groupe Litige et règlement des différends, se joignent à nous pour parler des facteurs ESG dans une perspective de litige en valeurs mobilières. |
[musique] | |
Jordan | Ryan, je suis sûr que la plupart des entreprises savent ce que sont les facteurs ESG et prennent vraisemblablement des mesures pour satisfaire aux exigences de divulgation, mais pouvez-vous nous donner un bref aperçu de la situation? |
Ryan | Les facteurs ESG font référence à des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Les investisseurs prennent de plus en plus en considération ces critères pour déterminer s’ils veulent investir dans un émetteur ou dans un produit financier tel qu’un fonds d’investissement. Ainsi, les préoccupations en cette matière peuvent comprendre les impacts environnementaux des activités de fabrication ou d’extraction des ressources, les pratiques de travail, les activités menées dans certaines régions du monde, la composition des conseils d’administration, le renouvellement du conseil d’administration et le vote consultatif sur la rémunération. Essentiellement, les facteurs ESG sont en train de devenir un impératif commercial stratégique au Canada. |
Jordan | Merci, Ryan. Pouvez-vous nous expliquer en quoi les facteurs ESG constituent un risque de litige? |
Ryan | Du point de vue du risque lié aux litiges en valeurs mobilières, nous voyons l’impact des facteurs ESG principalement sur deux types d’entités. Le premier est celui des fonds d’investissement, et souvent ces fonds prétendent donner la priorité aux critères ESG et cherchent à attirer les investisseurs avec ces critères. Et la deuxième catégorie est celle des émetteurs à capital ouvert. La préoccupation, bien sûr, concerne la communication de leurs pratiques en cette matière et le fait de savoir si cette communication reflète bien la réalité. Les administrateurs et les dirigeants de ces émetteurs sont susceptibles d’être également visés si ces émetteurs font l’objet de litiges. Donc, à première vue, on pourrait penser que ça ne concerne qu’une petite partie du marché, mais en fait le nombre d’émetteurs visés croît très rapidement. Les actifs sous gestion dans les fonds axés sur les facteurs ESG inscrits à la cote d’une bourse canadienne ne représentaient qu’environ un pour cent du total des actifs sous gestion au Canada. Cela représente environ 22 G$ CA dans les fonds axés sur les facteurs ESG sur un total d’environ 2 T$ CA d’actifs sous gestion au Canada en 2020. Il s’agit d’un bond de 37 % par rapport à 2019. Il n’existe actuellement aucune exigence spécifique en matière de communication sur les plans environnemental et social, mais ce type d’exigence est à l’étude. Un nombre croissant d’émetteurs élaborent et appliquent leurs propres politiques internes en matière de communication des facteurs ESG. Les émetteurs à capital ouvert et les fonds d’investissement semblent faire l’objet de litiges principalement dans le cadre d’actions civiles et de procédures d’application de la réglementation. Sur le plan civil, ces actions sont susceptibles d’être intentées par des actionnaires qui allèguent soit une communication insuffisante sur les facteurs ESG, soit un manquement à l’obligation de communication sur les facteurs ESG. Quant aux procédures d’application de la réglementation, elles seront entreprises par les organismes de réglementation et porteront, là aussi, sur des questions liées à la communication de l’information. |
Jordan | Andrea, que pouvez-vous nous dire du point de vue de la réglementation? Les organismes de réglementation, comme la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, y prêtent-ils attention? |
Andrea | Oui, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario et d’autres organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières ont pris note de la demande accrue de produits de placement liés aux facteurs ESG au cours des dernières années. Le personnel de la CVMO est très préoccupé par le risque que pose l’écoblanchiment pour les investisseurs. L’« écoblanchiment » consiste en la publication d’informations exagérées ou non fondées sur les pratiques et les réalisations d’un émetteur en ce qui concerne les facteurs ESG. Le terme « écoblanchiment » désigne généralement un acte répréhensible intentionnel ou du moins insouciant. En outre, les organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières s’inquiètent des incohérences dans la terminologie liée aux facteurs ESG entre les territoires et au sein des secteurs. Même les émetteurs et les fonds les plus rigoureux utilisent parfois des libellés vagues ou incohérents au sujet de leurs pratiques et mesures liées aux facteurs ESG, rendant parfois la tâche très difficile aux investisseurs qui cherchent à comparer les différentes occasions d’investissement éthiques. Pour le moment, les organismes de réglementation semblent mettre l’accent sur les fonds éthiques et sur la question de savoir si les gestionnaires d’actifs vérifient vraiment leurs portefeuilles en s’assurant que les investissements sont conformes aux stratégies d’investissement communiquées. Toutefois, nous nous attendons également à ce que les émetteurs à capital ouvert individuels fassent l’objet d’un examen réglementaire s’ils ne peuvent pas justifier les déclarations relatives aux facteurs ESG qu’ils font dans leurs communications. Les organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières coordonnent leurs activités avec celles de leurs homologues d’autres pays pour élaborer des lignes directrices. Ils participent également à des initiatives de sensibilisation du public et identifient les pratiques problématiques de communication relatives aux facteurs ESG par le biais de dépouillements des communications. Bien que nous n’ayons pas encore vu d’activités en matière d’application de la loi canadienne concernant les communications relatives aux facteurs ESG, nous pensons que ce n’est probablement qu’une question de temps avant que de telles activités commencent. |
Yula | Ryan, je crois savoir qu’il existe un courant de jurisprudence aux États-Unis qui traite des litiges en valeurs mobilières liés aux facteurs ESG. Comment voyez-vous les choses se dérouler au Canada en fonction de ce qui se passe au sud de la frontière? |
Ryan | Les affaires les plus médiatisées aux États-Unis ont été lancées par les procureurs généraux des États de New York et du Massachusetts. Ces affaires étaient fondées sur le droit des valeurs mobilières de chacun de ces États. Certains recours similaires ont été intentés aux États-Unis par des particuliers. Très peu d’entre eux ont pu progresser. Le Sierra Club du Canada a également intenté des poursuites relativement à des communications sur la conformité des véhicules diesel sur le front des émissions. Au Canada, je pense que nous commencerons à voir des recours civils engagés par des actionnaires, des procédures réglementaires et peut-être même un certain activisme des actionnaires lié aux questions ESG. |
Yula | Alors, quels seraient des exemples du type de travail que votre groupe a effectué? |
Ryan | Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas vu de procédures d’application de la réglementation sur les valeurs mobilières ou de litiges liés aux facteurs ESG au Canada, mais nous surveillons certains indicateurs importants. Tout d’abord, il y a des propositions à l’étude par les ACVM et d’autres organisations pour renforcer les exigences de communication liées aux facteurs ESG, ce qui, bien sûr, fournira un point de départ pour une éventuelle application de la réglementation à l’avenir. Nous constatons également que les fonds d’investissement axés sur les facteurs ESG gagnent en popularité, et ces fonds imposent une discipline aux émetteurs à capital ouvert en termes de communication et de conformité. Tout comme les investisseurs institutionnels, ces fonds sont en mesure d’exercer des pressions sur la responsabilisation des émetteurs à l’égard des ESG, ce que les investisseurs individuels ne peuvent égaler à eux seuls. Ce que nous voyons maintenant au Canada, cependant, ce sont des émetteurs à capital ouvert et des gestionnaires de fonds qui cherchent à prendre des mesures proactives pour éviter les litiges liés aux facteurs ESG. Et ce qu’ils font, c’est se concentrer sur les politiques internes, les procédures internes et les pratiques en matière de communication de l’information et déterminer les mesures qu’ils peuvent prendre pour s’assurer que les enjeux liés aux facteurs ESG soient repérés à un stade précoce lorsque c’est possible. Et, bien sûr, c’est l’approche que nous recommandons et que nous, chez Blakes, sommes heureux d’aider à mettre à l’œuvre chez nos clients. |
Yula | Andrea, les actionnaires se soucient-ils vraiment de l’investissement éthique, et peuvent-ils poursuivre les entreprises au motif qu’elles ont présenté leurs engagements ou leur capacité à atteindre certains objectifs en matière ESG de façon exagérément favorable? |
Andrea | La réponse est généralement oui. De nombreux investisseurs souhaitent clairement investir leur argent dans des entreprises qui adhèrent à des valeurs liées aux facteurs ESG, telles que la durabilité. L’énorme croissance du secteur des fonds éthiques reflète certainement une demande intense parmi les investisseurs de détail. Cependant, de nombreuses questions sont encore sans réponse quant à la façon dont la déception des investisseurs lorsqu’ils découvrent qu’un émetteur ou un fonds ne respecte pas ses valeurs ESG peut se manifester dans le cadre de litiges civils. |
Yula | Alors, comment mesurer les dommages quand les engagements ou les objectifs liés aux facteurs ESG ne sont pas atteints? |
Andrea | C’est une excellente question. Certains aspects du paysage des investissements axés sur les facteurs ESG sont vraiment nouveaux et uniques, et les règles juridiques habituelles pour déterminer les dommages ne fournissent pas nécessairement une solution. En effet, une entreprise qui adhère à des valeurs ESG fortes pourrait être moins rentable au départ qu’une entreprise qui n’investit pas dans la durabilité ou qui ne veille pas à ce que ses fournisseurs adhèrent à des pratiques éthiques. Ceci peut inciter les entreprises à recourir à l’écoblanchiment, ce faisant, une entreprise présentant de faibles performances en matière de facteurs ESG pourrait générer de meilleurs rendements pour les investisseurs. Bien sûr, si le cours de l’action d’une société baisse parce qu’elle ne satisfait pas aux exigences liées aux facteurs ESG, une analyse plus traditionnelle des dommages s’appliquera et ceux-ci correspondront à la perte de valeur de l’action. Par exemple, si un manquement aux engagements liés aux facteurs ESG est attribuable à un événement catastrophique comme une catastrophe environnementale dont la société est responsable du nettoyage, cela signifie que la société devra engager des coûts de remise en état et des frais juridiques, et on peut s’attendre à ce que le cours de ses actions baisse. Mais que se passerait-il si les faibles performances par rapport aux objectifs liés aux facteurs ESG se traduisaient plutôt par une augmentation des profits? Les investisseurs qui ont fait de l’argent grâce aux gains correspondants sur le cours de l’action peuvent-ils quand même obtenir des dommages-intérêts pour déclarations fausses ou trompeuses? Cette question s’est rarement posée dans le passé parce que les pertes sur le cours des actions ont toujours été considérées comme un élément obligatoire d’un recours fondé sur des déclarations fausses ou trompeuses. Mais je pense que c’est une question épineuse à laquelle les tribunaux devront répondre très bientôt. Les études montrent que la plupart des investisseurs dans des produits d’investissement éthiques s’attendent à ce que ces produits soient plus rentables à long terme. Cependant, nous pourrions commencer à voir des investisseurs se débarrasser de leurs actions parce qu’ils sont mécontents du bilan d’une entreprise sur le plan des facteurs ESG, indépendamment de la rentabilité de celle-ci. Ce serait un véritable changement de paradigme, mais c’est quelque chose qui pourrait arriver. |
Yula | Andrea et Ryan, merci de nous avoir sensibilisés aux risques de litige associés au rendement lié aux facteurs ESG. |
Jordan | Les auditeurs qui souhaitent obtenir de plus amples renseignements sur notre groupe Litige en valeurs mobilières peuvent visiter notre site Web à l’adresse blakes.com. |
Yula | D’ici la prochaine fois, prenez soin de vous et restez en sécurité. |
À propos du balado Volume d’affaires de Blakes
Notre balado Volume d’affaires (anciennement Continuité) se penche sur les répercussions que peut avoir l’évolution du cadre juridique canadien sur les entreprises, et ce, dans notre réalité « post-COVID-19 » et dans l’avenir. Des avocates et avocats de tous nos bureaux discutent des défis, des risques, des occasions, des développements juridiques et des politiques gouvernementales dont vous devriez avoir connaissance. Nous abordons par ailleurs divers sujets qui vous importent et qui sont liés à la responsabilité sociale, comme la diversité et l’inclusion.
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