Le 4 juillet 2024, l’Autorité des marchés financiers (l’« Autorité ») a publié la Ligne directrice sur la gestion des risques liés aux changements climatiques (la « Ligne directrice »). Cette dernière vise à renforcer la résilience du secteur financier et des institutions financières qu’elle encadre face aux risques liés aux changements climatiques. Elle incite les institutions financières à inclure dès maintenant ces risques dans leurs processus de gestion intégrée des risques.
La Ligne directrice, qui s’applique à tous les assureurs, aux coopératives de services financiers, aux sociétés de fiducie, aux sociétés d’épargne ainsi qu’à d’autres institutions de dépôts autorisées par l’Autorité, prend en considération les plus récentes recommandations émises par les organismes de normalisation internationale en matière de divulgation des risques climatiques (dont le Groupe de travail sur la divulgation d’informations financières relatives au climat, le Conseil des normes internationales d’information de durabilité (l'« ISSB »), l’Association internationale des contrôleurs d’assurances et le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, qui proposent des normes relatives à l’encadrement de ces risques). Elle incorpore notamment les nouvelles normes IFRS S1 et IFRS S2 de l’ISSB, lesquelles sont conçues pour permettre aux sociétés de fournir de l’information au sujet de leurs risques et opportunités liés à la durabilité et aux changements climatiques.
Risques et opportunités liés aux changements climatiques
L’Autorité rappelle l’importance des risques et des conséquences des changements climatiques sur les institutions financières exerçant des activités au Québec. Ces risques sont généralement classés en deux grandes catégories, les « risques physiques » et les « risques de transition ».
Les risques physiques font référence aux conséquences directes découlant d’une augmentation de la fréquence, de l’imprévisibilité et de la sévérité d’événements climatiques extrêmes comme les inondations, les feux de forêt et la détérioration graduelle de l’environnement.
Les risques de transition sont causés par la transition vers une économie sobre en carbone. Cette transition se caractérise notamment par de nouvelles politiques gouvernementales, par l’évolution des décisions et des comportements des divers acteurs concernés ou par l’émergence de nouvelles technologies de substitution.
Advenant une transition désordonnée vers une économie sobre en carbone, de nombreux risques indirects peuvent découler des risques physiques et de transition, notamment des risques de responsabilité et de réputation ou des risques financiers, comme les risques de crédit, d’assurance, de liquidité, de placement et de marché. De ce fait, les risques climatiques peuvent menacer la viabilité à long terme des activités et du modèle d’affaires des institutions financières.
Bien que la Ligne directrice porte principalement sur les risques, l’Autorité souligne que plusieurs opportunités sont créées par une transition vers une économie sobre en carbone. En l’espèce, cette nouvelle réalité peut, entre autres, permettre aux institutions financières d’étendre leurs activités vers de nouveaux marchés, de revoir leurs investissements et leur offre de produits financiers ainsi que de participer à de nouveaux projets liés aux énergies renouvelables.
Attentes de l’Autorité envers les institutions financières
L’Autorité énonce plusieurs attentes envers les institutions financières, notamment les suivantes :
- Attentes en matière de gouvernance : L’Autorité s’attend à ce que les rôles et responsabilités des membres du conseil d’administration et de la haute direction liés aux risques climatiques soient clairement définis.
Tout d’abord, l’Autorité s’attend à ce que le conseil d’administration intègre ces enjeux, entre autres, dans les principaux plans d’action, les politiques de gestion intégrée des risques, les budgets annuels et les objectifs de performance, et ce, tout en supervisant les progrès réalisés par rapport aux objectifs et cibles établis. Ensuite, l’Autorité s’attend à ce que la haute direction intègre les risques climatiques dans le cadre de gestion de l’appétit pour le risque et le cadre de contrôle interne. De plus, cette dernière devrait mettre en place des processus clairs d’identification des risques et opportunités concernant les changements climatiques et en effectuer la surveillance, par exemple, au moyen d’un comité de gestion.
L’Autorité s’attend à ce que les institutions financières évaluent l’impact des risques climatiques sur leur planification stratégique, financière et de fonds propres à court et à long terme, et incluent ces risques dans leur stratégie en considérant la durée de vie de leurs actifs et infrastructures. Elles devraient également appuyer leur analyse des répercussions potentielles et des opportunités liées aux risques climatiques par des informations quantitatives sur leurs activités, produits et services, et ce, à plusieurs niveaux (p. ex. : divisions commerciales, secteurs et localisation géographique).
Finalement, l’Autorité s’attend à ce que les institutions financières mettent en œuvre un plan de transition. Ce plan devrait être aligné sur leur plan d’affaires, leur stratégie et leur appétit pour le risque. Dans la conception de ce plan, les institutions financières devraient utiliser des indicateurs de progrès, comme les émissions de GES. Les risques liés aux changements climatiques identifiés et leurs impacts devraient également être décrits dans le plan, selon plusieurs horizons temporels et scénarios climatiques. - Attentes en matière de gestion intégrée des risques : L’Autorité s’attend à ce que les institutions financières identifient et évaluent l’incidence potentielle des risques climatiques et mettent en œuvre des mesures d’atténuation. Selon l’Autorité, les risques climatiques devraient être intégrés dans le cadre global de gestion des risques, y compris dans les stratégies, les politiques et les procédures de l’institution financière.
Étant donné leur nature d’ordre systémique, l’Autorité est d’avis que ces risques devraient être gérés selon l’ampleur et la fréquence de leurs impacts. L’Autorité s’attend à ce que les institutions financières adoptent des stratégies pour une gestion prudente des risques climatiques, documentent ces stratégies, intègrent les risques climatiques dans le cadre de contrôle interne, et utilisent des données fiables et des modèles pertinents pour évaluer et atténuer ces risques. - Attentes en matière de scénarios climatiques et de simulations de crise : L’Autorité s’attend à ce que les institutions financières effectuent des analyses de scénarios climatiques pour évaluer l’impact des risques climatiques sur leur profil de risque, leur stratégie et leur modèle d’affaires.
Ces analyses devraient inclure des scénarios futurs et plausibles pour estimer l’exposition aux risques physiques et de transition, identifier les facteurs de risque pertinents, et évaluer la résilience du modèle d’affaires. Les résultats devraient être intégrés dans la planification financière.
En plus d’effectuer leurs propres analyses de scénarios climatiques, les institutions financières devraient réaliser des exercices normalisés d’analyse de scénarios climatiques. L’Autorité peut demander aux institutions financières de lui transmettre les résultats de ces derniers. Ces exercices et leurs résultats permettront à l’Autorité, à l’occasion de ses travaux de surveillance, d’évaluer l’exposition globale des institutions financières aux risques physiques et de transition, en plus de comparer entre elles les approches utilisées. - Attentes en matière de suffisance du capital et des liquidités : L’Autorité s’attend à ce que les institutions financières maintiennent un capital et des liquidités suffisants pour couvrir leurs expositions aux risques climatiques. Ces risques devraient être intégrés dans les processus d’évaluation de l’adéquation des fonds propres et de la solvabilité. L’évaluation devrait inclure divers scénarios climatiques graves, mais plausibles qui sont propres à l’institution financière et à son marché pour garantir une gestion adéquate du capital et des liquidités.
- Attentes en matière de traitement équitable des clients : L’Autorité s’attend à ce que les institutions financières traitent équitablement leurs clients en intégrant les risques climatiques tout au long du cycle de vie des produits. Elles devraient informer les clients sur les effets des risques physiques et de transition liés aux changements climatiques et sur les conséquences des événements climatiques extrêmes que ces derniers pourraient avoir sur les produits et services offerts. De plus, les institutions financières devraient concevoir des produits adaptés, basés sur des informations adéquates, et s’assurer que la documentation soit claire, simple et non trompeuse.
De plus, puisque les intermédiaires qui interviennent dans l’offre de produits ne sont pas assujettis directement à la Ligne directrice, l’Autorité s’attend à ce que les institutions financières communiquent ses attentes en la matière. - Attentes en matière de communication d’informations financières sur les risques liés aux changements climatiques : L’Autorité s’attend à ce que les institutions financières divulguent publiquement et de façon consolidée leurs principaux éléments de gouvernance, de gestion intégrée des risques, ainsi que leurs scénarios climatiques et simulations de crise liés aux changements climatiques.
Cette divulgation devrait suivre cinq principes de communication : fournir des renseignements pertinents, précis et complets sur les risques et opportunités climatiques, présenter l’information de manière claire, pondérée et compréhensible, maintenir une attitude neutre en fournissant des renseignements fiables, vérifiables et objectifs, adapter les renseignements en fonction de la taille, de la nature et de la complexité de l’institution financière, et assurer l’uniformité des renseignements entre les différentes publications.
L’Autorité s’attend à ce que les institutions financières publient ces informations annuellement, au plus tard 180 jours après la fin de l’exercice financier, et incluent leurs émissions de GES calculées en vertu de normes reconnues, leurs objectifs à atteindre dans la gestion des risques climatiques ainsi que leurs performances par rapport aux objectifs fixés.
Les émissions de GES et les paramètres associés devraient être fournis pour les périodes historiques afin de permettre l’analyse des tendances et les progrès effectués, le cas échéant. Dans ses publications, l’institution financière devrait décrire les méthodologies utilisées pour calculer ou estimer les émissions et les paramètres utilisés.
Échelonnement des divulgations requises en fonction de la taille et du type d’institution financière
La Ligne directrice a pris effet dès sa publication dans le Bulletin de l’Autorité le 4 juillet 2024. Toutefois, les attentes spécifiques concernant la communication d’informations financières suivent un calendrier de divulgation présenté dans l’annexe 1 de la Ligne directrice. Les institutions financières disposent de 180 jours suivant la fin de l’exercice financier annoncé afin de s’y conformer.
Ces échéances varient en fonction du regroupement dont fait partie l’institution financière (Regroupement A ou B). Ce dernier est déterminé notamment par la taille, le niveau de complexité et par l’actif net de l’institution financière. L’Autorité communiquera aux institutions financières le regroupement dans lequel elles se trouvent.
Mis à part certaines exceptions, les attentes de l’Autorité en matière de divulgation devraient être réalisées dans un délai de 180 jours suivant la fin de l’exercice financier 2024 pour les institutions financières du Regroupement A et suivant la fin de l’exercice financier 2025 pour les institutions financières du Regroupement B.
En l’espèce, les attentes de l’Autorité en matière de divulgation des émissions de GES du champ d’application 3, de certains indicateurs intersectoriels (tels que le montant ou le pourcentage d’actifs ou des activités vulnérables aux risques et ceux étant compatibles aux opportunités) et de certains indicateurs sectoriels définis par la norme IFRS S2 sont reportées au terme de l’exercice financier 2025 et 2026 pour les institutions financières des Regroupements A et B respectivement.
Finalement, les attentes de l’Autorité en matière de divulgation du plan de transition climatique et de la résilience de la stratégie en tenant compte de différents scénarios climatiques demeurent à déterminer.
Similarités avec la Ligne directrice B-15 du BSIF
Le 31 mars 2023, le Bureau du surintendant des institutions financières a publié la première version de la Ligne directrice B-15 – Gestion des risques climatiques énonçant ses attentes envers les institutions financières fédérales en matière de gestion des risques climatiques. Le 20 mars 2024, le BSIF a mis à jour cette ligne directrice afin qu’elle soit conforme à la nouvelle norme IFRS S2.
La Ligne directrice de l’Autorité est très similaire à cette nouvelle mouture, la seule différence notable ayant trait aux attentes en matière de traitement équitable des clients qui concordent avec les pouvoirs en matière de pratiques commerciales propres à l’Autorité.
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