La Banque du Canada (la « Banque ») a publié le premier volet de sa ligne directrice (la « Ligne directrice ») tant attendue concernant l’application de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail (la « LAAPD ») afin d’établir les critères d’enregistrement des fournisseurs de services de paiement (« FSP »). La Ligne directrice donne un aperçu de la façon dont la Banque interprète son mandat à l’égard des personnes physiques et des entités assujetties à la LAAPD, et de la façon dont la LAAPD confère une mission assez vaste à la Banque quant à l’application de la réglementation. Il convient de souligner que la Ligne directrice n’a pas fait pas l’objet d’une consultation.
À titre de rappel, les exigences en matière d’enregistrement énoncées dans la LAAPD entreront en vigueur le 1er novembre 2024 et il y aura une période de transition entre le 1er novembre 2024 et le 7 septembre 2025.
Si vous prévoyez d’exercer vos activités à titre de FSP pendant la période de transition, vous devez présenter une demande d’enregistrement au plus tard le 16 novembre 2024.
Si vous prévoyez de commencer à offrir des activités associées aux paiements de détail pendant la période de transition, vous devez présenter une demande d’enregistrement auprès de la Banque et attendre 60 jours avant de commencer à exécuter de telles activités.
À compter du 8 septembre 2025, les FSP doivent être enregistrés auprès de la Banque avant d’exécuter des activités associées aux paiements de détail.
Toutes les exigences énoncées dans la LAAPD, y compris les exigences relatives à l’établissement de cadres de gestion des risques et de protection des fonds, prendront effet le 8 septembre 2025.
Le point sur les « utilisateurs finaux »
Comme nous l’avons mentionné dans des bulletins précédents, la LAAPD s’applique aux FSP qui exécutent une ou plusieurs « fonctions de paiement ».
À ce sujet, vous pouvez consulter le Bulletin Blakes de mai 2021 intitulé Réglementation des paiements de détail au Canada : La Loi sur les activités associées aux paiements de détail est arrivée et le Bulletin Blakes de novembre 2023 intitulé Publication de la version définitive du règlement pris en vertu de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail.
Au sens de la LAAPD, une « fonction de paiement » s’entend de :
la fourniture ou la tenue d’un compte détenu au nom d’un ou de plusieurs utilisateurs finaux;
la détention de fonds au nom d’un utilisateur final;
l’initiation d’un transfert électronique de fonds (« TEF ») à la demande d’un utilisateur final;
l’autorisation de TEF ou la transmission, la réception ou la facilitation d’une instruction en vue d’un TEF;
la prestation de services de compensation ou de règlement.
La Banque note ce qui suit à propos de la notion d’« utilisateur final » :
Simplement dit, les utilisateurs finaux sont les personnes physiques ou les entités au tout début et à la toute fin d’une opération de paiement de détail. Ainsi, lorsque plusieurs FSP interviennent dans un TEF, vos utilisateurs finaux ne sont pas nécessairement des clients directs ou contreparties immédiates.
Selon l’interprétation de la Banque, la LAAPD s’appliquerait donc à un FSP même s’il n’y a pas de lien direct ou de lien contractuel entre ce FSP et un utilisateur final. Tant qu’il y a un utilisateur final quelque part dans la chaîne d’opérations, la LAAPD s’appliquerait au FSP visé. Les répercussions d’une telle interprétation sont considérables.
Le texte qui suit est un résumé de la façon dont la Banque interprète certains aspects de la définition de « fonction de paiement », ce qui permet par ailleurs d’avoir une meilleure idée des FSP visés par la LAAPD.
Fourniture ou tenue d’un compte
Comme il a été mentionné précédemment, la LAAPD s’applique aux FSP qui fournissent ou tiennent un compte au nom d’un « utilisateur final ». La Ligne directrice souligne qu’un FSP est réputé fournir ou tenir un compte au nom d’un utilisateur final s’il conserve des renseignements personnels ou financiers de ce dernier en vue de futurs TEF. À cet égard, la Ligne directrice indique que le fait de conserver quelque renseignement personnel ou financier que ce soit concernant un utilisateur final identifiable est considéré comme du stockage de renseignements d’utilisateurs finaux dans le contexte de cette fonction de paiement. Voici des exemples de types de renseignements personnels dont il peut s’agir :
âge, nom, numéros d’identification, revenu et origine ethnique;
dossiers de crédit ou de prêt, et existence d’un différend entre consommateur et marchand.
La Ligne directrice précise que ces exemples ne sont pas exhaustifs et que la collecte d’autres types de renseignements personnels ou financiers pourrait constituer un stockage de renseignements d’utilisateurs finaux (à la condition que ceux-ci soient par ailleurs conservés en vue de futurs TEF). En outre, comme il est indiqué dans la Ligne directrice, il n’est pas nécessaire de détenir des fonds pour tenir un compte.
Détention de fonds
La Ligne directrice note qu’un FSP est réputé détenir des fonds pour un utilisateur final aux fins de la LAAPD s’il conserve des fonds en attente afin qu’ils soient accessibles pour un éventuel retrait par un bénéficiaire ou transfert par un payeur.
Le libellé de la Ligne directrice semble indiquer que les fonds détenus à titre de dépôt de garantie n’entreraient pas dans le champ d’application de la LAAPD dans la mesure où l’utilisateur final ne contrôle pas le déblocage de fonds dans de telles circonstances.
En ce qui concerne les fonds « en attente », la Ligne directrice note ce qui suit :
Les fonds doivent être en attente pour être considérés comme détenus. Donc, si des fonds sont transférés d’un compte d’utilisateur final auprès d’un FSP à un compte d’utilisateur final auprès d’un autre FSP en passant par des FSP intermédiaires, seuls le premier et le dernier FSP exercent la fonction de détention de fonds, à condition que les fonds aient été en transit de manière continue.
Toutefois, il n’est pas indiqué dans la Ligne directrice comment est interprétée la notion de « détenir des fonds » en l’absence d’un compte d’« utilisateur final » ou lorsqu’un transfert prend un certain temps à être finalisé. De nombreux FSP espéraient obtenir des précisions de la part de la Banque à ce propos.
Autorisation d’un TEF
Fait intéressant, la Ligne directrice aborde la question de l’« autorisation d’un TEF ». Elle souligne notamment qu’un FSP peut autoriser un TEF tant à son envoi qu’à sa réception, et qu’une seule opération peut avoir « plusieurs points d’autorisation ». La Ligne directrice note par ailleurs que l’autorisation d’un TEF comprend le fait de créditer le compte d’un utilisateur final à la suite d’une instruction de paiement. Cette interprétation n’est probablement pas celle à laquelle s’attendaient de nombreux intervenants du secteur des paiements.
Transmission, réception ou facilitation d’une instruction en vue d’un TEF
Selon la Ligne directrice, un FSP transmet, reçoit ou facilite une instruction en vue d’un TEF s’il envoie ou reçoit des instructions de paiement ou s’il fournit l’infrastructure qui permet d’envoyer ou de recevoir des instructions de paiement. À cet égard, la Ligne directrice précise que cela peut inclure un réseau de paiement; or, l’interprétation de cette disposition par la Banque risque d’être beaucoup plus large et de s’étendre aux passerelles de paiement ainsi qu’à tout autre type d’infrastructure qui permet ou facilite l’envoi et la réception d’instructions de paiement ou qui y contribue. La Banque donne d’ailleurs l’exemple suivant :
Si vous fournissez un service à des FSP pour leur permettre de remplir facilement les champs de données dans des modèles standardisés d’instructions de paiement[.] Ainsi, même si vous n’envoyez ou ne recevez pas directement une instruction de paiement, et que vous ne fournissez pas le réseau principal qui en permet l’envoi et la réception, vous mettez à disposition une interface qui en facilite la transmission.
La Ligne directrice utilise également l’exemple de la prestation d’un service permettant d’informer une personne physique ou une entité de l’état d’un TEF. Encore une fois, cela risque d’avoir des répercussions très importantes sur la question de déterminer quelles sont les personnes physiques et les entités qui sont assujetties à la LAAPD.
Prestation de services de compensation ou de règlement
En ce qui concerne la compensation, la Ligne directrice indique que l’un ou l’autre des services suivants peut être considéré comme un service de compensation s’il est fourni relativement à un TEF :
calculer des positions définitives, ce qui peut impliquer de compenser des positions;
convertir des instructions de paiement d’un format à un autre à des fins de règlement;
effectuer la collecte et les vérifications de sécurité et d’intégrité des effets de paiement à régler;
trier les opérations par type d’instrument de paiement ou par destinataire (p. ex., un FSP, une institution financière ou un exploitant de réseau);
transmettre les positions définitives aux parties concernées, y compris la transmission des ordres de compensation (à une institution financière, à un exploitant de réseau ou à un autre organisme de règlement), et envoyer des notifications aux parties prenantes au processus de compensation (p. ex., en leur fournissant les montants et les dates de règlement);
confirmer la disponibilité des fonds pour un règlement.
Dans les questions et facteurs à prendre en considération, la Ligne directrice pose, entre autres, les questions suivantes :
Fournissez-vous des services permettant à des bénéficiaires d’organiser les données relatives à leurs ventes (p. ex., par instrument de paiement ou par réseau) en vue de soumettre des réclamations aux parties concernées (p. ex., les réseaux respectifs, des FSP ou des institutions financières), que ce soit au moyen du logiciel d’un terminal de point de vente ou d’une plateforme ou page Web?
Effectuez-vous la collecte et les vérifications de sécurité et d’intégrité d’effets de paiement à régler?
Comme pour les autres indications données dans la Ligne directrice, les services qui, de l’avis de la Banque, tombent dans le champ d’application de la LAAPD sont plus vastes que ce à quoi l’on pourrait s’attendre en lisant la loi en question.
Activités accessoires
Même si une partie exerce une « fonction de paiement » au sens de la LAAPD, elle ne sera pas assujettie à cette loi si la fonction de paiement est « accessoire » à au moins un des services ou une des activités commerciales d’une autre nature qu’elle offre. Il est donc essentiel de bien comprendre la notion d’« activité accessoire » pour déterminer si la LAAPD s’appliquera à de nombreux types d’entreprises qui ont un volet lié aux paiements, mais dont le paiement n’est pas l’activité principale.
La Ligne directrice fournit certains indicateurs pouvant aider à déterminer si une fonction de paiement est « accessoire ». Les indicateurs présentés ci-après sont quelques bons exemples.
Une fonction de paiement n’est probablement pas un service ou une activité commerciale accessoire si elle génère des revenus directs ou procure au FSP un avantage commercial direct (c.-à-d. qu’elle permet de soutenir ou de faire croître les activités du FSP, ou pourrait conférer à ce dernier un avantage commercial futur).
Si un utilisateur final peut raisonnablement s’attendre à recevoir, ou penser qu’il reçoit, des services de paiement lorsqu’il a recours aux services du FSP, cela peut indiquer que la fonction de paiement que ce dernier exécute constitue un service qui n’est pas accessoire [aux] services ou activités commerciales d’une autre nature de ce FSP. La Ligne directrice note par ailleurs que, si un grand nombre d’utilisateurs finaux s’attendent à recevoir des services de paiement en faisant affaire avec ce FSP, c’est un indicateur que les services de paiement de ce dernier ne sont pas accessoires.
Le fait qu’un FSP diffuse de la publicité et du marketing au sujet d’une fonction de paiement peut indiquer que la fonction de paiement qu’il exerce n’est pas « accessoire ». La Ligne directrice précise que le marketing et la publicité liés à une fonction de paiement peuvent prendre la forme :
d’une publicité pour des services de paiement ou pour les caractéristiques ou avantages de produits et services de paiement; de marques ou de noms commerciaux qui font référence aux services de paiement; ou d’un budget consacré à la publicité ou au marketing de produits ou services de paiement.
En ce qui concerne les activités accessoires, la Ligne directrice donne à penser que la Banque n’accorderait pas nécessairement la même importance à chaque indicateur. La Banque procéderait plutôt à une analyse contextuelle, sur la base des données et des informations disponibles dans chaque cas, afin de cibler les facteurs ou les éléments les plus pertinents dans chaque situation. La Ligne directrice n’apporte probablement pas la certitude dont avaient besoin les personnes physiques et les entités tenues de s’enregistrer. Il semblerait, en fait, que l’analyse permettant de déterminer si les dispositions s’appliquent dans un cas particulier soit quelque peu subjective.
Portée géographique
Les entités canadiennes qui exercent des fonctions de paiement non accessoires ou qui ne peuvent par ailleurs pas se prévaloir d’une dispense sont assujetties aux dispositions de la LAAPD. Toutefois, dans le cas des FSP qui n’ont pas d’établissement au Canada, la LAAPD ne s’applique qu’aux FSP qui exécutent des activités associées aux paiements de détail pour un utilisateur final au Canada et qui offrent des activités associées aux paiements de détail à l’intention de personnes physiques ou d’entités au Canada. Étant donné le grand nombre de FSP qui exerce des activités transfrontalières, la notion d’« offrir des activités » est importante pour déterminer si un FSP sera assujetti à la LAAPD.
Pour ce qui est d’offrir des activités, la Ligne directrice de la Banque s’inspire en partie de la définition correspondante établie dans les directives de Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (« CANAFE »). Selon la Ligne directrice, une entité offre des activités associées aux paiements de détail à l’intention de personnes physiques ou d’entités au Canada si un ou plusieurs des critères suivants sont remplis :
ses activités de marketing ou publicités s’adressent à des personnes physiques ou à des entités au Canada;
elle exploite un nom de domaine « .ca »;
elle est inscrite dans un registre d’entreprises du Canada;
elle a conclu un accord relatif aux paiements de détail ou entretient une relation de travail dans ce domaine avec une personne physique ou une entité au Canada, ou dispose de représentants ou de mandataires au Canada pour y promouvoir ses activités associées aux paiements de détail.
D’autres facteurs s’appliquent, notamment si :
l’entité décrit ses activités associées aux paiements de détail comme étant offertes au Canada;
l’entité offre des activités associées aux paiements de détail en dollars canadiens;
l’entité met un service d’assistance aux utilisateurs finaux à la disposition de personnes physiques ou d’entités au Canada;
l’entité sollicite la rétroaction de personnes physiques ou d’entités au Canada;
des employés, tiers fournisseurs de services ou mandataires se trouvant au Canada font la promotion des activités associées aux paiements de détail de l’entité auprès de personnes physiques ou d’entités au Canada;
le marché cible de l’entité est constitué d’une forte proportion d’utilisateurs finaux au Canada;
l’entité exerce ses activités dans plusieurs pays et est bien connue au Canada.
Si certains de ces critères semblent raisonnables, d’autres sont plus problématiques. Par exemple, ce n’est pas parce qu’une entreprise est « bien connue au Canada » qu’elle offre des services à des personnes au Canada; il s’agit de deux choses différentes. De même, il n’est pas rare que des entreprises demandent des commentaires à leurs clients sur leur site Web après la prestation d’un service. Cela ne veut pas nécessairement dire qu’elle « offre » un service. Si un utilisateur final communique avec une entreprise pour poser une question ou obtenir de l’aide, l’entreprise devrait-elle lui faire savoir qu’aucune aide n’est fournie aux Canadiens? De telles pratiques sont courantes en matière de service à la clientèle; or, elles n’indiquent pas nécessairement que des services sont offerts à des personnes au Canada.
Ressources supplémentaires
La Ligne directrice contient des liens vers d’autres ressources, dont le cadre de supervision de l’enregistrement de la Banque et un outil d’autoévaluation permettant aux organisations de déterminer si elles sont assujetties au régime. Elle fournit également un lien vers des « cas de figure » dans lesquels la Banque examine les faits et indique si, à son avis, les activités ou les entités visées seraient assujetties à la LAAPD, ainsi qu’un lien vers une foire aux questions, laquelle comprend des renseignements supplémentaires sur le processus d’enregistrement. Bien que certains cas soient très instructifs, il y a encore beaucoup de cas d’usage courant qui ne sont pas pris en compte.
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Ressources connexes
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