Dans un arrêt récent rendu dans l’affaire Husky Oil Operations Limited v. Technip Stone & Webster Process Technology Inc., la Cour d’appel de l’Alberta (la « CAA ») a donné des indications permettant de déterminer si un tiers à un contrat peut être contraint de soumettre à l’arbitrage des différends concernant un avantage contractuel qui est accordé à celui-ci aux termes de ce contrat. La CAA a conclu que, pour que cela soit possible, les parties contractantes doivent énoncer cette obligation de façon claire et explicite dans le contrat.
L’arrêt de la CAA souligne l’importance du consentement d’une partie à l’arbitrage et le fait que l’obligation de recourir à l’arbitrage ne sera généralement pas imposée en l’absence d’un tel consentement.
Contexte
L’appelante, Husky Oil Operations Limited (« Husky »), a retenu les services d’un entrepreneur général pour construire des parties d’une installation de sables bitumineux près de Fort McMurray, en Alberta. L’entrepreneur général a confié en sous-traitance une partie des travaux à Technip Stone & Webster Process Technology, Inc. et à Technip USA, Inc. (« Technip »). Le contrat de sous-traitance comprenait une garantie contractuelle au bénéfice de Husky et de l’entrepreneur général. Il renfermait également une clause d’arbitrage obligatoire qui renvoyait tous les différends à l’arbitrage. Husky n’était pas partie au contrat de sous-traitance. Après avoir prétendument découvert des vices dans les travaux de Technip, Husky a déposé une déclaration devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta (comme elle était appelée à l’époque) contre Technip pour violation de garantie et négligence dans la fabrication.
Technip a présenté une requête en rejet ou en suspension de l’instance, soutenant que Husky était tenue de régler son différend par voie d’arbitrage. Le juge saisi de la demande a rejeté la requête, déclarant que Husky n’y était pas tenue parce qu’elle n’était pas partie au contrat et que la disposition relative à l’arbitrage ne stipulait pas que Husky devait présenter ses réclamations au titre de la garantie par voie d’arbitrage.
Technip a interjeté appel devant un juge de la Cour du Banc du Roi de l’Alberta. Le juge a accueilli l’appel, soulignant que, bien que certaines parties des dispositions relatives au règlement des différends soient limitées par la référence aux « Parties », la mention de « tous les différends » (all disputes) dans le dernier alinéa de la disposition relative au règlement des différends avait une portée plus large et visait à englober les différends portant sur les réclamations au titre de la garantie.
Le juge a néanmoins noté que l’obligation de recourir à l’arbitrage ne constituait pas une obligation contractuelle imposée à un tiers sans son consentement. Cette obligation était plutôt une condition rattachée à un avantage contractuel, soit la garantie. Ainsi, le juge a déterminé que Husky était tenue de soumettre à l’arbitrage le différend relatif à la garantie, mais que le délai pour ce faire était expiré. Par conséquent, les réclamations au titre de la garantie figurant dans la déclaration de Husky ont été radiées. Husky a interjeté appel de cette décision devant la CAA.
L’arrêt de la CAA
La CAA s’est penchée sur la règle du lien contractuel et a constaté que, de façon générale, un contrat ne peut conférer de droits ou imposer des obligations qu’aux parties à celui-ci, mais que cette doctrine peut être assouplie lorsque les parties contractantes prévoient une stipulation expresse ou implicite selon laquelle l’avantage d’une disposition est étendu à un tiers. La CAA a également noté que, bien que l’intention du contrat puisse permettre de déterminer équitablement quels avantages contractuels sont étendus à des tiers, elle ne peut pas permettre de déterminer quelles obligations les tiers ont envers les parties contractuelles.
La CAA a refusé de se prononcer sur la possibilité ou non pour les parties contractuelles d’imposer à un tiers une obligation de recourir à l’arbitrage. Elle a toutefois expliqué que, s’il était possible de le faire, l’obligation de recourir à l’arbitrage devait être manifeste et exprimée dans un langage clair et explicite. La CAA a également expliqué qu’il ne suffirait pas de s’appuyer sur les principes d’interprétation des contrats pour conclure à l’existence de l’obligation, car le tiers n’aurait pas participé à la formation du contrat et n’aurait pas eu connaissance des intentions des parties au moment de la formation du contrat.
Sur ce fondement, la CAA a accueilli l’appel et a conclu que le contrat ne contenait pas de disposition claire et explicite qui obligeait Husky à faire valoir ses réclamations au titre de la garantie par voie d’arbitrage. Husky avait donc le droit de les présenter par voie de litige.
Principaux points à retenir
L’arrêt de la CAA précise que les arbitrages ne devraient pas être imposés à la légère aux tiers à une convention d’arbitrage. Bien que la CAA se soit montrée sceptique quant à la possibilité d’imposer l’arbitrage à un tiers, il est évident que seule une clause d’arbitrage claire et expresse pourrait lier un tiers à l’arbitrage. Cet arrêt établit une exigence stricte, mais claire, d’inclure les tiers à une obligation de recourir à l’arbitrage.
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