L’affaire récente 1785192 Ontario Inc. v. Ontario H Limited Partnership, 2024 ONCA 775 (l’« affaire Ontario H Limited Partnership ») démontre qu’un acheteur qui omet de payer la totalité du prix d’achat fixé conformément à la clause d’option d’achat comprise dans un contrat d’achat et de vente pourrait ainsi commettre un manquement grave aux modalités de ce contrat, et ce, même si le prix d’achat fait l’objet d’un différend entre les parties.
Contexte
Dans l’affaire Ontario H Limited Partnership, l’appelant (le locateur) a conclu une convention d’achat d’actifs avec l’intimé (le locataire). Dans le cadre de cette convention, le locateur a convenu de louer au locataire deux immeubles commerciaux. Cette entente était assortie d’une option d’achat visant les immeubles en question, à un prix correspondant à la médiane entre les évaluations de la juste valeur marchande qu’obtiendrait chacune des parties le moment venu. Après que le locataire eut exercé son option d’achat, le locateur a accusé réception de l’avis et a fait savoir que des évaluations devaient être obtenues, comme convenu, en fonction de l’utilisation optimale des immeubles visés.
Or, un écart considérable séparait les évaluations fournies par les parties.
- L’évaluation obtenue par le locateur, laquelle était fondée sur l’hypothèse que l’utilisation optimale des immeubles consistait à obtenir un changement de zonage pour aménager un complexe résidentiel en copropriété, établissait le prix d’achat à 31 200 000 $ CA.
- L’évaluation obtenue par le locataire, laquelle était fondée sur l’hypothèse que l’utilisation optimale des immeubles était que le zonage restait inchangé et permettait la continuité d’activités commerciales, dont celles de concessionnaire d’automobiles, établissait le prix d’achat à 11 746 000 $ CA.
La décision
La Cour d’appel de l’Ontario (la « CAO ») n’a pas contesté la conclusion de la juge de première instance selon laquelle les deux évaluations étaient valides, étant donné que le mécanisme prévu dans le bail permettait à chaque partie d’obtenir une évaluation établie en fonction des hypothèses raisonnables qui étaient les plus favorables pour elle. Ni l’écart important entre les évaluations ni l’hypothèse retenue par le locateur relativement à l’utilisation optimale ne signalait nécessairement une erreur dans la méthodologie utilisée aux fins de l’une ou de l’autre des évaluations. Le prix d’achat correspondait donc au point médian établi entre les deux évaluations.
Le locateur a accepté le point médian de 21 473 000 $ CA, dans la mesure où ce dernier avait été établi conformément aux modalités de l’option, mais le locataire, lui, a refusé de reconnaître la validité de l’évaluation obtenue par le locateur. Le locataire a alors remis un montant correspondant au prix d’achat fixé dans l’évaluation la moins élevée, soit 11 746 000 $ CA, puis a déposé la différence entre ce montant et le prix médian en fidéicommis auprès de son avocat en attendant l’issue d’un litige ou d’un arbitrage futur. Le locateur a quant à lui refusé de conclure l’opération avec le locataire si celui-ci ne payait qu’une tranche du prix d’achat fixé. Le locataire a ensuite demandé une exécution en nature de la convention d’achat. Le locateur a, quant à lui, demandé une ordonnance déclarant l’option d’achat nulle et non avenue.
La juge de première instance a tranché en faveur du locataire, affirmant que le paiement partiel remis par ce dernier était adéquat et ne contrevenait pas aux obligations de celui-ci. La CAO a cassé cette décision, déclarant que le locataire avait contrevenu de façon importante à la convention en ne versant pas la totalité du prix d’achat établi conformément au mécanisme prévu. Elle a souligné que la clause d’option d’achat comprise dans la convention d’achat prévoyait un prix fixe et que le refus unilatéral du locataire de payer la totalité du prix d’achat, même en cas de différend entre les parties, constituait une violation importante de la convention conclue et justifiait le refus du locateur de céder le bien.
La demande du locataire visant à faire lever la déchéance a également été refusée, le locataire n’étant pas parvenu à démontrer qu’une telle mesure s’applique lorsqu’une partie omet de payer la totalité du prix d’achat fixé conformément à la convention d’achat conclue et devait donc être ordonnée dans les circonstances de l’affaire. La CAO a indiqué que le locataire, lequel avait de l’expérience sur le plan commercial et était représenté par un avocat, aurait pu vouloir protéger sa situation en payant d’abord la totalité du prix d’achat et en contestant par la suite le prix fixé.
Points à retenir
Voici les principaux points à retenir de cette affaire :
- Payer la totalité du prix d’achat fixé : Lorsqu’un prix d’achat est établi conformément au mécanisme prévu dans la clause d’option d’achat comprise dans une convention d’achat conclue entre des parties, l’acheteur qui retient unilatéralement une tranche du prix d’achat, même en cas de différend concernant le prix en question, s’expose à un manquement grave à ses obligations aux termes de la convention d’achat.
- Payer d’abord, contester ensuite : Si on applique ce principe à d’autres situations dans lesquelles des parties doivent une somme d’argent aux termes d’une convention d’achat ou d’un bail avec option d’achat à d’autres parties, on peut conclure qu’il serait plus judicieux pour l’acheteur de payer la totalité du prix d’achat au vendeur et d’engager ensuite une procédure devant les tribunaux judiciaires ou arbitraux pour tenter de recouvrer le montant contesté.
- Atténuer les risques liés aux évaluations et à la juste valeur marchande : Afin d’atténuer le risque que les évaluations obtenues soient contestées, les parties peuvent convenir au préalable des hypothèses et des paramètres clés à utiliser (par exemple, si le bien devrait être évalué en fonction de son utilisation optimale par rapport à son utilisation réelle), ainsi que d’un processus de rapprochement en cas d’écart important entre les évaluations (par exemple, en ayant recours à un troisième évaluateur qui serait indépendant).
Pour en savoir davantage sur ce sujet, communiquez avec l’auteure du présent bulletin ou un membre de notre groupe Immobilier commercial.
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