Dans l’affaire Clayton v. Canada (Attorney General), la Cour d’appel de l’Ontario (la « CAO ») a rejeté une tentative de faire annuler une sentence arbitrale pour des motifs liés à la compétence du tribunal arbitral et à l’ordre public. La CAO a ainsi confirmé que les motifs permettant d’annuler une sentence arbitrale sont limités.
Contexte
Les appelants souhaitaient exploiter une carrière en Nouvelle-Écosse et avaient besoin de l’approbation des ministres de l’Environnement de la province et du Canada. Une commission d’examen conjoint mise sur pied par les gouvernements provincial et fédéral a effectué une évaluation environnementale et recommandé que le projet ne soit pas approuvé en raison de l’incidence négative qu’il aurait sur les valeurs fondamentales de la collectivité. Les ministres fédéral et provincial ont donc refusé d’approuver le projet.
Les appelants ont entrepris une procédure d’arbitrage en vertu de l’Accord de libre-échange nord-américain (l’« ALENA »). Dans le cadre de la première phase de la procédure, le tribunal arbitral a conclu que le Canada avait manqué à ses obligations en vertu de l’ALENA en effectuant une évaluation environnementale entachée d’erreurs. Lors de la deuxième phase, visant l’attribution de dommages-intérêts, les appelants ont réclamé une somme de 440 M $ US pour les profits qu’ils auraient réalisés, selon eux, si le projet avait pu aller de l’avant. Le tribunal arbitral a déterminé que les appelants n’avaient pas établi un lien de causalité entre le manquement à l’ALENA et le préjudice allégué. En effet, ils n'ont pas réussi à prouver que n’eut été le manquement, ils auraient reçu l’approbation leur permettant d’exploiter la carrière. Le tribunal arbitral leur a plutôt accordé la somme de 7 M$ US en dommages-intérêts pour le fait de n’avoir pas bénéficié d’une évaluation environnementale équitable et non arbitraire.
Demande en annulation
Les appelants ont demandé à la Cour supérieure de justice de l’Ontario d’annuler ce jugement leur accordant ces dommages-intérêts en vertu de l’article 34 du Code d’arbitrage commercial, à l’annexe I de la Loi sur l’arbitrage commercial (Canada), S.R.C. 1985, ch. 17 (2e suppl.) (le « Code »). Le Code est fondé sur la Loi type de la CNUDCI. Les appelants ont soutenu, notamment, que le tribunal arbitral avait outrepassé sa compétence en n’appliquant pas la norme de preuve applicable en droit international de façon appropriée, et que la sentence était contraire à l’ordre public du Canada.
Le juge de première instance a rejeté la demande, statuant qu’il n’était pas en présence d’une véritable question de compétence et que les préoccupations relatives à l’ordre public étaient insuffisantes. Les appelants ont porté cette décision en appel à la CAO.
Décision de la CAO
La CAO a d’abord confirmé qu’aucun droit d’appel n’existe à l’égard d’une sentence arbitrale. Le seul recours possible consiste en une demande d’annulation de la sentence en vertu de l’article 34 du Code. Cette disposition prévoit des motifs très limités pour une éventuelle intervention des tribunaux. Les arguments pouvant être invoqués se rapportent notamment au sous-alinéa 34(2)a)iii) du Code, selon lequel un tribunal de l’ordre judiciaire peut annuler une sentence arbitrale si le demandeur établit que l’arbitre a tranché des questions qui dépassent celles soumises à l’arbitrage, et au sous-alinéa 34(2)(b)(ii), selon lequel une sentence peut être annulée si elle est contraire à l’ordre public du Canada.
Selon la CAO, le premier argument des appelants revient à dire qu’une mauvaise application du droit, soit une erreur relevant de la compétence du tribunal arbitral, peut être si importante qu’elle constitue un défaut d’appliquer le droit et faire en sorte que le tribunal arbitral outrepasse sa compétence. La CAO a rejeté cet argument, statuant que, si celui-ci était accepté, il pourrait amener les tribunaux à se prononcer de façon routinière sur le bien-fondé des sentences arbitrales. Elle a conclu, après un examen objectif de la sentence arbitrale, que le tribunal arbitral a fait ce qu’on lui avait demandé de faire, à savoir, déterminer le montant des dommages-intérêts en appliquant la norme juridique applicable en droit international.
La CAO s’est ensuite penchée sur l’argument relatif à l’ordre public, lequel serait, selon elle, une simple reformulation de l’argument fondé sur une erreur de compétence, comme suit : le tribunal arbitral aurait omis d’exercer ses pouvoirs de façon judiciaire, ignoré la preuve d’expert et exigé que les appelants prouvent que des conséquences autres que l’approbation de la carrière étaient impossibles. Elle a également rejeté cet argument, soulignant que le pouvoir d’annuler une sentence arbitrale pour des motifs relatifs à l’ordre public est mince et exceptionnel, et non un moyen d’obtenir indirectement un examen fondé sur le caractère raisonnable d’une sentence. La CAO a conclu que rien dans cette affaire ne vient heurter le moindrement le sens des valeurs des Canadiens. Les appelants n’ont pas réussi à établir qu’ils avaient droit aux dommages-intérêts qu’ils demandaient, et c’est au tribunal arbitral qu’il appartenait de prendre cette décision.
Points à retenir
Comme la CAO l’a déclaré, le respect du processus de règlement des différends au moyen d’un arbitrage final et obligatoire est conforme à l’ordre public au Canada, tout comme le principe de la réserve judiciaire. Les tribunaux gardent à l’esprit que la possibilité d’annuler une sentence arbitrale est mince et se méfient des parties qui tentent d’utiliser les dispositions relatives à l’annulation des sentences arbitrales de la Loi type de la CNUDCI pour en appeler d’une sentence arbitrale. Les parties cherchant à faire annuler une sentence arbitrale doivent évaluer soigneusement les motifs à leur disposition et éviter de transformer une demande d’annulation en un examen sur le fond ou en un appel d’une sentence.
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