La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la « CVMO ») a récemment rendu publique sa décision à l’égard d’une demande de dispense de l’obligation de dépôt minimal en vertu des règles canadiennes relatives aux offres publiques d’achat (la « dispense »). Cette demande lui avait été faite par ESW dans le cadre de son projet d’offre publique d’achat hostile visant Optiva Inc. (« Optiva »). Il s’agissait alors de la première demande de dispense de l’obligation de dépôt minimal depuis l’adoption des nouvelles règles relatives aux offres publiques d’achat en 2016.
PRINCIPAUX POINTS À RETENIR
Dans sa décision, la CVMO a souligné ce qui suit :
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L’objectif visé par les règles relatives aux offres publiques d’achat est de fournir un cadre clair et prévisible au régime canadien d’offres publiques d’achat.
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Elle accordera une dispense de l’application des règles relatives aux offres publiques d’achat uniquement dans des circonstances exceptionnelles ou dans le cas d’une conduite manifestement inappropriée ou abusive qui réduit les choix offerts aux actionnaires minoritaires.
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Le fait qu’un nombre considérable d’actionnaires minoritaires soient en mesure de bloquer une opération ne suffit pas, à lui seul, pour que la CVMO accorde une dispense de l’obligation de dépôt minimal.
CONTEXTE
Le 27 juillet 2020, ESW a annoncé son intention de présenter une offre en vue d’acquérir la totalité des actions à droit de vote subalterne en circulation (les « actions à droit de vote subalterne ») d’Optiva (l’« offre proposée »), offre qui était notamment conditionnelle à ce qu’ESW obtienne la dispense de la CVMO. Au moment de l’offre proposée, ESW détenait environ 28 % des actions à droit de vote subalterne, tandis que deux autres actionnaires importants, soit Maple Rock Capital Partners (« Maple Rock ») et EdgePoint Investment Group (« EdgePoint »), détenaient respectivement environ 22,4 % et 18,1 % des actions à droit de vote subalterne.
Lorsque l’offre proposée a été annoncée, ESW, Maple Rock et EdgePoint se livraient bataille depuis déjà longtemps au sujet de la direction stratégique et de la gouvernance d’Optiva. En réponse à l’offre proposée, Maple Rock et EdgePoint ont annoncé chacune de leur côté qu’elles ne déposeraient pas leurs actions en réponse à l’offre. Cela signifiait qu’ESW ne serait pas en mesure de remplir l’exigence selon laquelle, aux termes des règles canadiennes relatives aux offres publiques d’achat, au moins 50 % des titres en circulation de la catégorie faisant l’objet de l’offre, à l’exclusion de ceux dont l’initiateur et les personnes agissant de concert avec lui ont la propriété véritable ou sur lesquels ceux-ci exercent un contrôle, doivent avoir été déposés en réponse à l’offre et leur dépôt ne doit pas avoir été révoqué avant que l’initiateur soit autorisé à prendre livraison des titres déposés en réponse à l’offre (l’« obligation de dépôt minimal »). Par conséquent, ESW a demandé à la CVMO de lui accorder une dispense de l’obligation de dépôt minimal qui lui permettrait de ne pas tenir compte des actions à droit de vote subalterne appartenant à Maple Rock et à EdgePoint au moment du calcul servant à établir si l’obligation de dépôt minimal était remplie, et de pouvoir prendre livraison des actions à droit de vote subalterne dès qu’une majorité des actionnaires minoritaires, autres que Maple Rock and EdgePoint, auraient déposé leurs actions en réponse à l’offre.
DÉCISION DE LA CVMO
Dans sa décision, la CVMO a confirmé sa position établie dans la décision Aurora Cannabis Inc. (Re) (consultez notre Bulletin Blakes d’avril 2018 intitulé Les autorités en valeurs mobilières obligent Aurora et CanniMed à respecter les (nouvelles) règles en matière de fusions et acquisitions), décision qui portait sur une demande de dispense du délai minimal de dépôt de 105 jours qui avait été adopté en même temps que l’obligation de dépôt minimal. Dans cette décision, la CVMO avait souligné que le régime d’offres publiques d’achat se devait d’être prévisible et qu’elle interviendrait uniquement dans des circonstances exceptionnelles ou dans le cas d’une conduite manifestement inappropriée ou abusive qui réduit les choix offerts aux actionnaires minoritaires.
La CVMO a noté qu’au moment des modifications apportées au régime canadien d’offres publiques d’achat en 2016, qui avaient instauré l’obligation de dépôt minimal, les autorités en valeurs mobilières ont reconnu qu’il était possible que les détenteurs de blocs de contrôle jouissent d’un avantage accru qui pourrait devoir être contrôlé au moyen d’une dispense. La CVMO a également noté qu’à l’époque les autorités en valeurs mobilières se sont abstenues de fournir des indications sur les facteurs qu’elles pourraient prendre en considération pour accorder de telles dispenses.
Afin de déterminer s’il y avait lieu d’accorder la dispense demandée, la CVMO a examiné les facteurs suivants :
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la nature et les circonstances de l’offre d’achat;
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le contrôle de la cible;
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l’incidence de l’octroi ou du refus de la dispense sur les actionnaires;
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la conduite des détenteurs de blocs de contrôle et tout intérêt ou enjeu spécial ou divergent dans l’issue de l’offre d’achat;
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la conduite de la cible et du conseil d’administration de celle-ci;
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la conduite de l’initiateur;
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tout autre élément d’information indiquant la position des actionnaires de la cible à l’égard de l’offre d’achat.
Après avoir examiné tous ces facteurs, la CVMO a rejeté la demande de dispense d’ESW. Elle a particulièrement souligné qu’en ce qui concerne la dynamique des actionnaires, même si Maple Rock et EdgePoint souhaitaient bloquer l’offre proposée, ce fait n’était pas suffisant à lui seul pour justifier l’octroi de la dispense. De l’avis de la CVMO, les actionnaires importants et les détenteurs de blocs de contrôle ont le droit d’agir dans leur propre intérêt lorsqu’ils répondent à une offre publique d’achat. Qui plus est, les autres actionnaires minoritaires d’Optiva avaient acquis ou détenu leurs actions alors qu’ils connaissaient cette dynamique de contrôle. ESW était également au courant de cette dynamique au moment où elle a annoncé son offre proposée. La CVMO a également avancé qu’une telle dynamique des actionnaires pourrait même donner lieu à de meilleures offres et favoriser un choix éclairé parmi les actionnaires.
ESW soutenait que l’offre n’était pas coercitive et procurerait aux actionnaires minoritaires une porte de sortie leur évitant de se trouver pris au milieu de la bataille que se livraient les trois actionnaires importants. Toutefois, la CVMO n’était pas de cet avis. Elle a déclaré que si une dispense devait être accordée, les actionnaires minoritaires d’Optiva (y compris Maple Rock and EdgePoint) seraient alors injustement et fortement incités à déposer leurs actions en réponse à l’offre pour éviter de se retrouver avec un investissement dans une société dans laquelle, une fois l’offre conclue, ESW détiendrait un bloc de contrôle représentant un peu moins de 50 % et dont les liquidités seraient encore plus réduites. Dans un tel cas, leur décision de déposer des actions ne serait pas fondée sur la qualité de l’offre, ce qui serait contraire à l’objectif visé par l’obligation de dépôt minimal, laquelle avait été adoptée afin d’empêcher précisément ce type de coercition. Selon la CVMO, la nécessité d’éviter que des pressions soient exercées quant au dépôt d’actions pour des raisons non liées à la qualité de l’offre l’emporte sur le risque de limiter le choix des actionnaires à cet égard.
La CVMO a également déterminé que ni Maple Rock ni EdgePoint n’avaient eu une conduite inappropriée et que celles-ci n’avaient pas non plus abusé de leurs positions de blocage en vue de faire obstacle à l’offre proposée. En réalité, Maple Rock et EdgePoint avaient rejeté l’offre proposée parce qu’elles estimaient que le prix offert était inadéquat, comme elles en avaient tout à fait le droit en tant qu’actionnaires d’Optiva.
La CVMO s’est aussi penchée sur la conduite du conseil d’administration d’Optiva et a conclu que cette conduite ne pouvait aucunement être assimilée, en partie ou dans l’ensemble, à une conduite abusive ou inappropriée à l’égard d’une offre d’achat du fait que, tout particulièrement, le conseil avait constitué un comité spécial doté d’un mandat fort, retenu les services de conseillers juridiques et financiers indépendants et tenu des réunions distinctes, tous des indices qu’une procédure en bonne et due forme a été suivie dans les circonstances.
CONCLUSION
Cette décision de la CVMO confirme que celle-ci considère qu’une dispense de l’application des règles canadiennes relatives aux offres publiques d’achat doit uniquement être accordée dans des circonstances exceptionnelles, lorsque l’intégrité du régime est en jeu et que l’octroi est conforme à l’intérêt public. S’il est vrai qu’en raison de l’obligation de dépôt minimal, des actionnaires importants peuvent être capables de bloquer une offre publique d’achat, ce fait, en lui-même, n’est pas suffisant pour que la CVMO accorde une dispense à l’égard des règles relatives aux offres publiques d’achat. En effet, les règles relatives aux offres publiques d’achat ont été modifiées intentionnellement dans le but de rééquilibrer la dynamique de contrôle entre un initiateur, la cible et les détenteurs de blocs de contrôle dans le cadre d’une offre publique d’achat hostile. La CVMO a d’ailleurs indiqué qu’elle sera sur ses gardes lorsqu’un initiateur cherchera à contourner les règles, voire à les enfreindre, dans le but de rétablir l’équilibre en sa faveur.
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