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Langue française : Nouvelles obligations pour les employeurs – Êtes-vous prêts?

25 mai 2022

Le 24 mai 2022, le projet de loi n⁰ 96 – Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (le « PL-96 ») qui modifie la Charte de la langue française (la « Charte » ou la « Loi 101 »), a été adopté par l’Assemblée nationale. Le PL-96 présenté il y a un an par le ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, vise à promouvoir la langue française et à renforcer la reconnaissance de la langue française comme seule langue officielle au Québec.

Ce bulletin traite des principales modifications apportées à la Charte relativement aux obligations des employeurs au Québec et ne constitue pas un exposé exhaustif de toutes les modifications apportées à la Charte par le PL-96.

Comme nous l’avons souligné dans notre Bulletin Blakes de mai 2021 intitulé Réforme de la Charte de la langue française : obligations accrues pour les entreprises au Québec, le PL-96 est venu ajouter et, dans certains cas, accroître certaines des obligations existantes des employeurs québécois en vertu de la Charte et vise à leur imposer de nouvelles obligations qui entreront en vigueur à la date de la sanction du PL-96 (sauf autrement indiqué ci-après). L’employeur aura notamment les obligations suivantes :

  • utiliser le français dans le cadre de ses communications écrites à l’intention du personnel, d’une partie de son personnel, d’un salarié individuel ou d’une association de travailleurs, par exemple dans les infolettres, les communications avec le syndicat, ou dans les avis disciplinaires, sauf si un salarié demande expressément à ce que l’employeur communique avec lui dans une autre langue que le français;

  • voir à ce que tout contrat individuel de travail qu’il conclut par écrit soit rédigé en français. Néanmoins, les parties au contrat individuel de travail qui est un contrat d’adhésion (c.-à-d. un contrat dont les stipulations essentielles ne peuvent pas être négociées par le salarié) pourront être liées seulement par sa version dans une autre langue que le français si, après avoir pris connaissance de sa version française, telle est leur volonté expresse. Dans les autres cas, un contrat individuel de travail pourra être rédigé exclusivement dans une autre langue que le français si telle est la volonté expresse des parties. Cette exception vise les contrats de gré à gré (qui sont librement négociés par les deux parties), ce qui est généralement le cas des contrats pour les hauts dirigeants d’une entreprise;

  • rédiger en français les formulaires de demande d’emploi, les documents ayant trait aux conditions de travail (p. ex., les manuels de l’employé, les politiques contre le harcèlement psychologique et toute autre politique de l’employeur) et les documents de formation produits à l’intention du personnel;

  • prendre tous les moyens raisonnables pour éviter d’exiger la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une langue autre que le français pour qu’une personne reste en poste ou y accède, notamment par recrutement, embauche, mutation ou promotion. Un employeur sera réputé avoir pris tous les moyens raisonnables pour éviter une telle exigence si les trois conditions suivantes sont remplies :

    • il a évalué les besoins linguistiques réels associés aux tâches à accomplir,

    • il s’est assuré que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel étaient insuffisantes pour l’accomplissement de ces tâches, et

    •  il a restreint le plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent des tâches dont la réalisation nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance d’une autre langue que le français. Néanmoins, ceci ne doit pas être interprété de façon à imposer à un employeur une réorganisation déraisonnable de son entreprise. Par ailleurs, l’employeur qui exige la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une autre langue que la langue officielle pour accéder à un poste devra, lorsqu’il diffuse une offre visant à pourvoir ce poste, y indiquer les motifs justifiant cette exigence;

  • prendre tous les moyens raisonnables pour éviter tout type de discrimination ou de harcèlement à l’égard d’une personne qui ne maîtrise que peu ou pas une langue autre que le français, et, lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, de la faire cesser;

  • sauf pour les contrats individuels de travail qui sont régis par les exigences énoncées ci-dessus, les contrats d’adhésion, à quelques exceptions près, ainsi que les documents qui s’y rattachent devront être rédigés en français. Les parties à un tel contrat pourront décider d’être liées seulement par sa version dans une autre langue que le français (par exemple, la version anglaise), mais seulement après que la version française a été remise à l’adhérent. En d’autres mots, il ne sera plus possible de signer de tels contrats en langue anglaise sans rendre une version française disponible avant la signature. Un contrat qui contient des clauses types sans être un contrat d’adhésion ne sera pas assujetti à cette obligation. Cependant, il devra être rédigé en français, à moins que les parties consentent expressément à ce qu’il soit rédigé dans une autre langue que le français. Le défaut de respecter ces nouvelles obligations pourra entraîner la nullité du contrat, et ce, sans qu’une preuve de préjudice ne soit nécessaire. Ces nouvelles obligations entreront en vigueur un an après la date de la sanction du PL-96. Enfin, en ce qui a trait aux contrats individuels de travail existants qui ne sont pas rédigés en français, un salarié pourra demander la traduction en français de son contrat individuel de travail dans un délai d’un an après la date de la sanction du PL-96 et, s’il en fait la demande, cette traduction devra être effectuée dans les meilleurs délais aux frais de l’employeur.

  • outre les conditions de forme énumérées au préalable concernant les contrats d’adhésion, le PL-96 prévoit que, pour l’application de l’article 1435 du Code civil du Québec, l’adhérent sera présumé ne pas avoir connaissance d’une clause externe rédigée dans une autre langue que le français, à moins que le contrat n’ait été rédigé dans cette autre langue à la demande expresse de l’adhérent, et, pour l’application de l’article 1436 du Code civil du Québec, une clause rédigée dans une autre langue que le français sera réputée incompréhensible, à moins que le contrat n’ait été rédigé dans cette autre langue à la demande expresse de l’adhérent.

Le PL-96 prévoit également d’autres mesures d’intérêt pour les employeurs, dont les suivantes :

  • Toute entreprise comptant de 5 à 24 salariés sera tenue d’inclure, dans sa déclaration d’immatriculation, le nombre de salariés dont le lieu de travail est situé au Québec et la proportion de ces salariés qui ne sont pas en mesure de communiquer en français. Cette obligation de divulgation d’information continue permettra à l’Office québécois de la langue française (l’« OQLF ») d’offrir des services d’apprentissage du français aux entreprises qu’elle cible. L’utilisation de ces services de francisation ne sera pas obligatoire. Toutefois, une entreprise qui refuserait l’offre de l’OQLF ne pourrait conclure par la suite un contrat avec l’administration publique ni obtenir de subvention gouvernementale.

  • Les entreprises de 25 employés ou plus (au lieu de 50 employés ou plus auparavant dans la Charte) seront assujetties aux obligations de francisation. Cette obligation entrera en vigueur trois ans après la date de la sanction du PL-96.

  • L’OQLF aura le pouvoir d’ordonner la création d’un comité de francisation au sein d’une entreprise de moins de 100 employés.

  • Un employeur ne pourra pas exercer de représailles contre celui ou celle qui exerce un droit prévu à la Charte.

  • Lorsqu’une entreprise contrevient à la loi, elle s’expose au paiement d’une amende variant de 3 000 $ à 30 000 $ par jour, mais elle expose aussi ses administrateurs et ses dirigeants à des amendes dont les montants sont calculés en fonction du nombre de jours pendant lesquels l’entreprise contrevient à la loi. Les amendes pouvant être imposées aux administrateurs et aux dirigeants varient quant à elles entre 1 400 $ et 14 000 $ par jour.

  • L’employeur qui exerce ou menace d’exercer des représailles commet une infraction et est passible d’une amende de 2 000 $ à 20 000 $ dans le cas d’une personne physique ou, dans les autres cas, d’une amende de 10 000 $ à 250 000 $.

Comme les modifications indiquées ci-dessus peuvent nécessiter des changements importants aux pratiques et aux politiques actuelles des employeurs, ces derniers devraient passer en revue leur fonctionnement interne afin de se conformer à ces nouvelles obligations légales.

Pour en savoir davantage, communiquez avec :

Catherine Gagné                          514-982-4085

ou un autre membre de notre groupe Travail et emploi.

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