Sauter la navigation

Le Canada publie la version définitive du Règlement sur l’électricité propre

10 janvier 2025

Le 17 décembre 2024, le gouvernement du Canada a rendu publique la version définitive du Règlement sur l’électricité propre (le « REP »). Le REP constitue un élément clé de la stratégie climatique du Canada, qui vise à établir un réseau électrique carboneutre d’ici 2035 et à contribuer à la carboneutralité de tous les secteurs de l’économie d’ici 2050. La version définitive du REP remplace le projet de règlement publié en 2023 et intègre une grande partie des commentaires reçus des intervenants au cours de la période de commentaires initiale.

Le présent bulletin fait un survol des principales mises à jour du REP en sa version définitive, notamment les limites d’émissions révisées, les systèmes d’unités de conformité, ainsi que les nouvelles possibilités d’échange et de mise en commun d’unités au sein du cadre fédéral et de ses pendants provinciaux. 

Contexte

Le REP a été élaboré dans le cadre plus vaste du Plan de réduction des émissions du Canada et figure au nombre des politiques sur la réduction des émissions visant à atteindre l’objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre (« GES ») d’ici 2050 pour l’ensemble des secteurs de l’économie. Le projet de règlement initial a été publié le 10 août 2023. Comme il est décrit dans notre Bulletin Blakes intitulé Le Canada sollicite des commentaires sur un projet de règlement sur l’électricité propre, le projet de REP proposait des limites d’émissions spécifiques à chaque groupe de 30 tonnes d’équivalent en dioxyde de carbone (« CO2e ») par gigawattheure (« GWh ») d’électricité produite, ce qui a été largement critiqué comme étant trop rigoureux et non réalisable sur le plan technique pour la plupart des groupes de production de combustibles fossiles. Des préoccupations ont été soulevées concernant les répercussions sur les coûts, la faisabilité opérationnelle et le manque d’harmonisation avec les cadres provinciaux existants en matière d’émissions. 

Entre autres, la version définitive du REP introduit d’autres mécanismes pour assurer la conformité, comme des systèmes d’unités de conformité, l’échange de droits d’émission et des seuils d’émissions révisés. Bien que ces modifications répondent à de nombreuses préoccupations soulevées par des intervenants, certaines questions pourraient demeurer non résolues.

Principaux points à retenir

1. Limites d’émissions révisées

Afin de tenir compte des préoccupations soulevées par des intervenants relativement à la rigueur des limites d’intensité des émissions, la version définitive du REP adopte maintenant une approche ciblant les émissions absolues exprimées sous forme de limite d’émission annuelle (c.-à-d. de tonnes de CO₂e (t) par année). Avant 2050, les groupes de production doivent respecter une limite d’émission annuelle de 65 t/GWh. Un groupe peut émettre jusqu’à 35 t/GWh de plus que la limite de 65 t/GWh s’il verse une quantité équivalente de crédits compensatoires admissibles. Cet ajustement par rapport à la limite de 30 t/GWh prévue par le projet de REP offre aux exploitants une plus grande souplesse pour adopter des technologies plus propres. Après 2050, la limite d’émission annuelle sera ramenée à zéro, bien que les installations puissent utiliser jusqu’à 42 t/GWh en crédits compensatoires. Ce changement dans la réglementation vise à aider les exploitants à réaliser une décarbonisation complète tout en gérant les réalités opérationnelles. 

2. Introduction des unités de conformité

Le REP instaure un système d’unités de conformité, qui récompense les groupes de production qui fonctionnent en deçà de leurs limites d’intensité des émissions. Ces unités peuvent être mises en réserve pour une utilisation future, ce qui aide les exploitants à élaborer des stratégies de conformité à long terme. De plus, ces unités peuvent être échangées entre des groupes de production, sous réserve des restrictions fédérales et provinciales. Toutefois, plus aucune unité de conformité ne sera émise après l’année de conformité 2049, ce qui souligne l’importance d’atteindre la carboneutralité du réseau d’ici 2050. Ce mécanisme s’harmonise avec le règlement fédéral intitulé Règlement sur le système de tarification fondé sur le rendement et favorise une approche uniforme en matière de réduction des émissions dans différents territoires. 

3. Souplesse grâce à l’échange et à la mise en commun des unités

Le REP offre aux exploitants une souplesse grâce aux mécanismes d’échange de droits d’émission et de mise en commun des unités. Les groupes de production peuvent échanger des unités de conformité et des crédits compensatoires afin de respecter les limites d’intensité des émissions, ce qui encourage les investissements dans l’énergie renouvelable, le captage du carbone et d’autres technologies de réduction des émissions.

Grâce aux unités de conformité transférables, les groupes peuvent mettre des unités en réserve pour leur propre usage ou les transférer à d’autres groupes admissibles relevant du même exploitant de réseau d’électricité, généralement dans la même province. Ces unités sont offertes aux groupes assujettis à une limite d’émissions annuelle, à la condition qu’ils répondent à des critères d’admissibilité comme le fait d’être mis en service avant le 1er janvier 2030, de ne pas brûler de charbon et de ne pas produire d’énergie thermique utile. Les unités transférables ne peuvent être remises que par des groupes admissibles à l’émission de telles unités au cours de la même année de conformité, et la remise prend fin avec l’année de conformité 2049.

L’échange d’unités transférables permet aux groupes existants ou aux groupes prévus mis en service avant le 1er janvier 2030 de désigner des groupes de substitution pour l’émission et la remise des unités transférables. Ce processus exige le respect de certaines conditions, notamment une capacité de production égale ou inférieure à celle du groupe de substitution et la nécessité pour les deux groupes de relever du même exploitant de réseau d’électricité. L’échange s’applique à des années de conformité complètes, et le ministre fédéral de l’Environnement doit en être informé avant le début de l’année en cause. Ces caractéristiques s’harmonisent aux cadres provinciaux établis et aux compétences fédérales en vertu de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre

4. Échéancier de mise en œuvre échelonné 

Le REP établit un échéancier de conformité échelonné afin de tenir compte des divers contextes d’exploitation des groupes de production. Pour la plupart des groupes, le REP s’applique à compter du 1er janvier 2035. Pour certains groupes prévus ou « en route », le REP s’appliquera à compter du 1er janvier 2050. Les chaudières converties du charbon au gaz ont une date d’application ultérieure (appelée « date de fin de vie réglementaire »), qui dépend des dates de mise en service et du respect des dispositions du Règlement limitant les émissions de dioxyde de carbone provenant de la production d’électricité thermique au gaz naturel. Cette approche progressive permet aux exploitants de disposer de suffisamment de temps pour mettre en œuvre les changements nécessaires tout en maintenant la fiabilité du réseau. 

5. Harmonisation avec les cadres fédéraux et provinciaux

La version définitive du REP est conçue pour compléter les cadres réglementaires existants en matière de réduction des émissions de GES, c’est-à-dire le cadre fédéral et ses pendants provinciaux. En intégrant des mécanismes tels que l’échange d’unités, la mise en commun et les seuils d’émissions, le REP s’harmonise avec le règlement fédéral intitulé Règlement sur le système de tarification fondé sur le rendement. Il semble que cette harmonisation vise à atténuer la complexité de la conformité pour les exploitants et à faciliter l’intégration des exigences du REP aux pratiques existantes. Ces dispositions font en sorte que le REP favorise les réductions d’émissions tout en maintenant l’uniformité de la réglementation au Canada. 

6. Protocoles simplifiés pour les situations d’urgence

La version définitive du REP simplifie les procédures déjà proposées pour l’exploitation des groupes à fortes émissions dans des situations d’urgence. Aux termes de la version définitive du REP, les exploitants de réseaux d’électricité peuvent autoriser de façon indépendante l’exploitation de ces groupes pendant une période maximale de 30 jours en cas d’urgence afin de gérer les risques liés à la fiabilité du réseau, comme ceux causés par des catastrophes naturelles ou des pénuries de combustible. Cette mesure remplace l’exigence prévue dans le projet de REP d’obtenir l’approbation du ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada (le « ministre »), ce qui réduit les délais administratifs et assure une intervention rapide pour maintenir la fiabilité du réseau. Toutefois, le ministre conserve le pouvoir discrétionnaire d’autoriser la prolongation des opérations en situation d’urgence au-delà des 30 premiers jours.

7. Intégration des commentaires des intervenants

Le gouvernement fédéral a intégré d’importants commentaires des intervenants dans la version définitive du REP, bien que certaines questions de ceux-ci demeurent en suspens. En plus des éléments mentionnés ci-dessus, la limite de 450 heures par année pour les groupes capables de fournir une capacité de pointe a été supprimée. En outre, le critère de production nette de 25 MW, sur lequel l’application du REP est partiellement fondée, a été mis à jour pour s’appliquer à l’échelle de l’installation plutôt qu’à chaque groupe de production. Par conséquent, le REP s’appliquera à tous les nouveaux groupes de la même installation dont la capacité collective est d’au moins 25 MW, ainsi qu’à chaque groupe ayant une capacité d’au moins 25 MW. Cela élimine une échappatoire possible en vertu de laquelle de nombreux groupes de moins de 25 MW seraient mis en service afin d’éviter d’être assujettis au REP. Les groupes prévus, dont la mise en service est postérieure au 1er janvier 2025, mais antérieure au 31 décembre 2034, peuvent être exemptés du calcul de la capacité de production d’électricité en vue de l’atteinte du seuil de 25 MW, pourvu que la construction ait commencé avant le 31 décembre 2027. Cela protège les projets « en route » dont les investissements sont déjà en cours.

Comme il est indiqué ci-dessus, l’échéancier de mise en œuvre pour les groupes prévus ou « en route » est échelonné. En réponse aux commentaires des intervenants, la date de fin de vie réglementaire (c.-à-d. la date limite à laquelle un groupe doit se conformer à des dispositions particulières du REP, compte tenu de l’échéancier de mise en service et des exigences progressives) pour des groupes prévus a été reportée du 31 décembre 2035 au 31 décembre 2049. La date de fin de vie réglementaire pour les groupes mis en service au plus tard le 31 décembre 2024 a été reportée de 20 ans après la date de mise en service, tel que proposé initialement, à 25 ans après telle date. De même, le seuil pour les groupes qui deviennent assujettis au REP en raison d’une augmentation de la capacité de production passe de 10 %, tel que proposé initialement, à 15 %.

Prochaines étapes

La version définitive du REP établit un cadre visant à amener le secteur de l’électricité au Canada vers la carboneutralité. Toutefois, certains aspects du REP peuvent continuer de soulever des questions ou des préoccupations chez les intervenants. L’Alberta a annoncé son intention de contester la constitutionnalité du REP, une démarche à surveiller de près. De même, la Saskatchewan a rejeté le REP, le jugeant inconstitutionnel, bien qu’aucune contestation judiciaire officielle n’ait été annoncée pour le moment.

Le gouvernement fédéral semble avoir apporté des modifications au REP afin d’équilibrer les objectifs de réduction des émissions avec les réalités économiques et opérationnelles en ajustant la limite d’intensité des émissions et en intégrant des mécanismes souples pour faciliter la conformité. 

Les intervenants devraient se familiariser avec la version définitive du REP et en évaluer les répercussions sur les stratégies de conformité, les investissements en capital et la planification opérationnelle, y compris les possibilités de maximiser les avantages des systèmes d’échange et de mise en commun des unités. 

Pour en savoir davantage sur la version définitive du REP, communiquez avec l’un des auteurs du présent bulletin ou un membre de nos groupes Réglementation de l’énergie ou Environnement

Plus de ressources