Le 6 mars 2021, le gouvernement du Canada a publié le projet de Règlement sur le régime canadien de crédits compensatoires concernant les gaz à effet de serre (le « Règlement »). Ce dernier fait actuellement l’objet d’une consultation publique de 60 jours, qui prendra fin le 5 mai 2021, et son adoption définitive est prévue d’ici l’automne de 2021.
EN QUOI CONSISTE LE RÈGLEMENT?
Le Règlement fixe les assises du régime des crédits compensatoires fédéraux (les « crédits compensatoires ») aux termes de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre (la « LTPGES »).
En résumé, la LTPGES énonce le système fédéral de tarification de la pollution par le carbone. Bien que ce régime fédéral fasse actuellement l’objet d’une contestation constitutionnelle devant la Cour suprême du Canada (le « renvoi à la CSC »), le gouvernement du Canada a publié le Règlement en supposant que la validité constitutionnelle de la LTPGES sera confirmée. Pour en savoir davantage au sujet du renvoi à la CSC, consultez notre Bulletin Blakes de mars 2020 intitulé La Cour d’appel de l’Alberta se prononce : la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre est inconstitutionnelle.
Aux termes de la LTPGES, le régime de réglementation des GES est divisé en deux parties. La partie 1 porte sur une redevance réglementaire applicable à l’utilisation de combustibles fossiles (la « redevance sur les combustibles ») par des particuliers et des entreprises. La partie 2 décrit le système de tarification fondé sur le rendement (le « STFR ») pour les grands émetteurs industriels. Ces derniers sont notamment des installations qui émettent une quantité de GES égale ou supérieure à 50 kilotonnes (kt) d’équivalent en dioxyde de carbone (« éq. CO2 »), de même que certaines installations qui émettent une quantité de GES égale ou supérieure à 10 kt d’éq. CO2. Les installations assujetties au STFR sont généralement dispensées de payer la redevance sur les combustibles.
Le STFR prévoit une limite des émissions de GES applicable à une installation assujettie aux termes de la LTPGES. Si une installation assujettie dépasse sa limite d’émissions, elle est tenue de fournir une compensation selon diverses options, notamment :
a. le paiement d’une redevance pour émissions excédentaires dont le prix est actuellement fixé à 40 $ CA par tonne d’éq. CO2 pour 2021 et devrait passer à 50 $ CA par tonne d’éq. CO2 pour 2022; ou
b. l’utilisation d’unités de conformité qui consistent en :
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des crédits excédentaires que l’installation a cumulés ou achetés d’une autre installation assujettie;
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des crédits compensatoires émis par les provinces ou les territoires, officiellement reconnus par le ministre d’Environnement et Changement climatique Canada (« ECCC ») comme étant des unités de conformité; ou
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des crédits compensatoires.
EN QUOI CONSISTENT LES CRÉDITS COMPENSATOIRES?
Un crédit compensatoire de GES est créé lorsque l’activité d’un projet entraîne une réduction de GES par rapport à une pratique ou à une activité courante. Si un projet réduit ou élimine des GES en comparaison à une pratique ou à une activité courante, la différence entre les quantités d’émissions de GES, exprimée en tonnes d’éq. CO2, constitue les crédits compensatoires.
COMMENT LES CRÉDITS COMPENSATOIRES SONT-ILS GÉNÉRÉS?
Pour générer des crédits compensatoires, aux termes du Règlement, un projet doit : (a) être mis en œuvre en conformité aux protocoles fédéraux en matière de crédits compensatoires; (b) respecter certains critères d’application; (c) respecter certains critères d’admissibilité.
a. Protocoles fédéraux en matière de crédits compensatoires
Le gouvernement du Canada n’a pas encore finalisé de tels protocoles fédéraux, dont l’élaboration se fera indépendamment du Règlement. Toutefois, ECCC a défini et classé par ordre de priorité les quatre types de projets suivants en vue de la phase initiale d’élaboration des protocoles :
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Systèmes de réfrigération avancés
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Gestion du méthane des sites d’enfouissement
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Amélioration des pratiques d’aménagement forestier
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Augmentation de la matière organique des sols
Les protocoles fédéraux en matière de crédits compensatoires sont censés s’appliquer uniquement dans les provinces et les territoires canadiens où la même activité de projet ne fait pas l’objet d’un protocole existant dans le cadre d’un programme régional de crédits compensatoires. Étant donné que le ministre d’ECCC devrait reconnaître bon nombre de régimes communs qui ont été adoptés par les provinces et les territoires en matière de crédits compensatoires (y compris les régimes applicables à la production d’énergie éolienne ou solaire), il semble logique pour le gouvernement fédéral de se concentrer sur la finalisation de ces protocoles moins courants.
b. Critères d’application
Les critères d’application prévoient qu’un promoteur de projet doit notamment fournir :
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une description du projet, y compris l’emplacement, la date de début, le scénario de référence (la pratique ou l’activité courante) et le scénario de projet;
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une estimation de la quantité totale de réduction de GES qui devrait être réalisée dans le cadre du projet au cours de la période de comptabilisation de crédits;
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une description et une évaluation des fuites potentielles de GES résultant du projet;
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un plan de gestion des risques qui établit les risques de renversement des réductions de GES, ainsi qu’une description des activités de surveillance pour atténuer ces risques.
c. Critères d’admissibilité
Les faits saillants des critères d’admissibilité sont les suivants :
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Respecter le délai prévu pour soumettre les demandes de projets dont la date de début précède la date de publication du protocole fédéral de crédits compensatoires applicable;
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Respecter les délais de péremption pour les projets de crédits compensatoires plus anciens qui ont commencé plusieurs années avant la présentation des demandes;
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Exiger que le projet soit situé dans une seule province ou un seul territoire au Canada;
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Permettre le regroupement en un seul projet de plusieurs petits projets;
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Exiger qu’un promoteur de projet soit un particulier qui réside au Canada ou une entreprise ayant un lieu d’affaires au Canada;
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S’assurer que tous les projets qui génèrent des crédits compensatoires sont réalisés de façon volontaire et entraînent une réduction de GES réels par rapport aux pratiques ou aux activités courantes;
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S’assurer que le prix du carbone pour tout projet particulier est comptabilisé seulement une fois (c’est-à-dire, empêcher que les projets soient inscrits dans plusieurs régimes d’échange de droits d’émission de GES).
En supposant que les exigences susmentionnées soient remplies, les crédits compensatoires doivent également être vérifiés par des vérificateurs tiers indépendants (devant être accrédités par le Conseil canadien des normes, le Conseil national d’accréditation de l’ANSI ou un autre organisme d’accréditation similaire). Les promoteurs de projets sont également tenus de fournir des rapports de vérification périodiques au ministre d’ECCC au cours de la durée de vie du projet afin de confirmer la quantité de crédits compensatoires générés par le projet. Une fois que toutes les exigences réglementaires auront été remplies, le ministre d’ECCC émettra au promoteur le nombre équivalent de crédits compensatoires, moins les montants déposés dans le compte d’intégrité environnementale (voir la description ci-après).
QUELS SONT LES PRIX D’ÉCHANGE PRÉVUS DES CRÉDITS COMPENSATOIRES?
On s’attend à ce que les crédits compensatoires se négocient à des prix inférieurs à la redevance fédérale pour émissions excédentaires. Comme il a été noté précédemment, le prix actuel de la redevance pour émissions excédentaires est de 40 $ CA par tonne d’éq. CO2, et il devrait s’élever à 50 $ CA par tonne en 2022. De plus, si les propositions énoncées dans le document Un environnement sain et une économie saine, publié en décembre 2020, sont édictées dans la loi, la redevance pour émissions excédentaires pourrait augmenter de 15 $ CA par tonne chaque année de 2023 à 2030, ce qui résulterait en une redevance pour émissions excédentaires de 170 $ CA par tonne d’éq. CO2 en 2030. Lorsque l’on jumelle le prix de la redevance pour émissions excédentaires au fait que les promoteurs de projets seront tenus d’utiliser la redevance pour émissions excédentaires afin de satisfaire à au moins 25 % de leurs obligations de conformité au 16 février 2023 (tel que le prévoit l’article 54 du Règlement sur le système de tarification fondé sur le rendement), il y a lieu d’envisager d’importants changements aux paramètres économiques associés à un projet qui crée des crédits au cours des prochaines années.
INTERACTION ENTRE LES RÉGIMES FÉDÉRAL ET PROVINCIAUX/TERRITORIAUX
D’une manière similaire à l’application de la LTPGES, il est prévu que le Règlement serve de filet de sécurité et s’applique uniquement dans les provinces et territoires qui ne possèdent pas un programme de crédits compensatoires équivalent. Si un projet est initialement assujetti à un protocole fédéral de crédits compensatoires et qu’un protocole provincial ou territorial applicable à ce même projet est adopté par la suite, le Règlement confère au ministre d’ECCC le pouvoir de mettre fin au protocole fédéral. Ainsi, le gouvernement peut s’assurer qu’un projet n’est pas inscrit dans deux régimes.
Enfin, selon la décision qui sera rendue dans le renvoi à la CSC, si la validité constitutionnelle de la LTPGES est confirmée, les prix prévus aux termes de la LTPGES dicteraient également les prix dans l’ensemble des provinces et des territoires. En d’autres termes, les projets actuellement assujettis à des régimes provinciaux ou territoriaux de crédits compensatoires et tous les prix de fonds de réduction des émissions connexes feraient l’objet des mêmes augmentations de prix qui sont prévues sous le régime fédéral.
LE PROJET DE RÈGLEMENT FÉDÉRAL SUR LES CRÉDITS COMPENSATOIRES COMPORTE-T-IL DES ÉLÉMENTS NOUVEAUX?
Oui, le Règlement prévoit plusieurs éléments nouveaux qui sont résumés ci-après, le plus notable étant la création d’un compte d’intégrité environnementale.
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Compte d’intégrité environnementale. Ce dernier s’apparente à une valve de sécurité ou à une police d’assurance visant à rectifier les calculs inexacts de crédits compensatoires et les crédits compensatoires précédemment vérifiés qui sont renversés par la suite. En vertu du Règlement, un promoteur de projet doit déposer au moins 3 % de tous les crédits compensatoires créés dans le compte d’intégrité environnementale, lequel sera administré par le ministre. Tout crédit compensatoire déposé dans le compte ne peut pas être vendu ni transféré. Le ministre peut toutefois avoir recours au compte lorsque des crédits compensatoires sont annulés ou renversés et qu’ils ne sont pas autrement remplacés par le promoteur de projet.
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La responsabilité à l’égard des crédits compensatoires annulés incombe au promoteur de projet. Les promoteurs de projets demeurent responsables de la validité de tous les crédits compensatoires associés à leur projet et doivent remplacer les crédits compensatoires invalides. Cette exigence vise à améliorer la commercialisation des crédits compensatoires et à ce qu’il incombe au vendeur de remplacer les crédits compensatoires invalides.
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Transferts de projets. En parallèle avec l’exigence relative à la responsabilité susmentionnée, une fois qu’un projet est transféré à un nouveau propriétaire, le nouveau propriétaire est réputé avoir été le promoteur du projet depuis l’inscription du projet et il assume donc les obligations du promoteur précédent (c’est-à-dire, le nouveau propriétaire devient responsable de la validité de l’ensemble des crédits compensatoires générés par le projet, y compris les crédits générés avant l’achat du projet).
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Période pendant laquelle un projet peut générer des crédits compensatoires et projets de séquestration biologique. Bon nombre de projets assujettis au Règlement pourront générer des crédits pendant une période de 8 ans et être renouvelés pour une période supplémentaire maximale de 16 ans. Cependant, les projets de séquestration biologique pourront générer des crédits pendant une période maximale allant de 20 ans (projets autres que de foresterie) à 30 ans (projets de foresterie). Ces projets pourront également être renouvelés pour atteindre une période maximale de 100 ans.
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Renversements volontaires et involontaires et rôle des plans de gestion des risques. Le Règlement traite longuement des scénarios où des crédits compensatoires seraient annulés ou renversés et fait une distinction entre un renversement volontaire et un renversement involontaire. Un renversement volontaire est un renversement sous le contrôle du promoteur ou en raison de l’omission par le promoteur de mettre en œuvre son plan de gestion des risques, et un renversement involontaire est un renversement hors du contrôle du promoteur, malgré le fait qu’il ait mis en œuvre son plan de gestion des risques (p. ex., la perte d’un projet de foresterie en raison d’un feu de forêt).
CONCLUSION
Représentant l’aboutissement d’une profonde réflexion par le gouvernement fédéral pendant de nombreuses années, le Règlement énonce un régime robuste de création et d’échange de crédits compensatoires aux termes de la LTPGES. Bien que plusieurs détails ne soient pas encore finalisés – tels que la nature et l’étendue des plans de gestion des risques ainsi que la façon dont les programmes de crédits compensatoires provinciaux ou territoriaux seront reconnus, et dans quelles circonstances – le Règlement présente la feuille de route que le gouvernement fédéral entend suivre. Compte tenu de tous les nouveaux enjeux entourant les crédits compensatoires combinés à d’éventuelles hausses de prix considérables, la feuille de route du gouvernement fédéral diffère grandement de celle qu’il a suivie dans le passé.
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Anne Drost 514-982-4033
Dufferin Harper 403-260-9710
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