Le 9 décembre 2019, le procureur général de l’Ontario a déposé le projet de loi 161, Loi de 2019 pour un système judiciaire plus efficace et plus solide (le « projet de loi 161 »), qui propose notamment d’apporter un certain nombre de modifications à la Loi de 1992 sur les recours collectifs (Ontario) (la « Loi »). Le projet de loi 161 est le fruit d’un examen approfondi de la Loi mené récemment par la Commission du droit de l’Ontario (la « CDO »). Les modifications proposées s’inspirent de nombreux changements progressifs recommandés par la CDO et, à certains égards, abordent la réforme d’une façon audacieuse. Pour en savoir davantage sur le rapport de la CDO, consultez notre Bulletin Blakes de juillet 2019 intitulé La Commission du droit de l’Ontario recommande des réformes majeures relativement aux actions collectives.
Les principales propositions de réforme sont résumées ci-après. Bien que les modifications n’aillent pas aussi loin que les recommandations soumises à la CDO par de nombreux intervenants du milieu des affaires, la plupart d’entre elles introduiraient une réforme progressive nécessaire, élimineraient une certaine iniquité dans la législation actuelle et procureraient des mécanismes pour réduire les coûts assumés par les parties ainsi que le fardeau qui pèse sur les ressources judiciaires.
NOUVEAUX CRITÈRES D’AUTORISATION : PRÉDOMINANCE ET SUPÉRIORITÉ
Prédominance
Aux termes de la Loi, le test actuel en vue de la certification d’une action collective requiert, entre autres choses, qu’une action collective soit le « meilleur moyen » de régler les questions communes aux membres du groupe. Si le projet de loi 161 est adopté, une action collective serait seulement considérée comme le meilleur moyen de régler les questions communes aux membres du groupe si celles-ci « l’emportent sur les questions qui touchent uniquement les membres du groupe pris individuellement. »
Ce changement va un peu plus loin que les lois sur les actions collectives de certaines provinces de l’Ouest canadien qui enjoignent aux tribunaux de tenir compte de la prédominance, mais ne font pas de la prédominance des questions communes un critère obligatoire pour autoriser l’action collective. L’exigence relative à la prédominance permettrait aux tribunaux de rejeter une demande d’autorisation dans les cas où un litige soulève des questions individuelles importantes qu’il serait plus efficace de plaider sans encourir les coûts additionnels et le fardeau judiciaire associés à une action collective.
Supériorité
Le deuxième des nouveaux critères prévus par le projet de loi 161 exigerait que les demandeurs démontrent qu’une action collective est un moyen supérieur « à tous les autres moyens raisonnablement disponibles pour établir le droit des membres du groupe à une mesure de redressement ou examiner la conduite reprochée au défendeur […] ». Ainsi, les tribunaux ontariens devraient déterminer si une action collective est le meilleur moyen pour résoudre le problème en litige, par rapport à diverses autres procédures comme celles prévues par la réglementation et d’autres mécanismes de réparation.
On peut s’attendre à ce que le critère de supériorité l’emporte sur la jurisprudence actuelle qui interprète de façon plus restrictive le critère du meilleur moyen. Cette mesure permettrait aux tribunaux de rejeter une demande d’autorisation lorsqu’un processus équitable a déjà été mis en œuvre pour régler les réclamations, qu’il s’agisse d’un programme de rappel ou de réparation ou d’un mode de règlement extrajudiciaire.
RÉSOLUTION RAPIDE DES REQUÊTES DISPOSITIVES
Si le projet de loi 161 est adopté, toute requête pour disposer d’une instance en totalité ou en partie, y compris une requête en jugement sommaire, ou pour limiter les questions en litige à trancher ou les éléments de preuve à présenter devra être entendue et réglée avant la requête pour certification d’une action collective, sauf si le tribunal ordonne que les deux requêtes soient entendues ensemble.
Cette modification devrait souligner le fait que les juges peuvent et généralement devraient entendre les requêtes dispositives avant la demande d’autorisation. Cette nouveauté permettrait aux parties et aux tribunaux de régler les réclamations non fondées plus rapidement et économiquement, ce qui devrait se traduire par une réduction des coûts et du fardeau judiciaire découlant de la requête pour certification d’une action collective.
DROITS D’APPEL SYMÉTRIQUES
À l’heure actuelle, les demandeurs peuvent porter en appel de plein droit devant la Cour divisionnaire le jugement rejetant une requête pour certification d’une action collective, tandis que les défendeurs doivent obtenir la permission de porter en appel un jugement accueillant une telle requête. Les modifications proposées conféreraient aux défendeurs et aux demandeurs les mêmes droits d’appel, ainsi que le droit d’en appeler d’un jugement sur une requête pour certification directement à la Cour d’appel de l’Ontario, ce qui éliminerait les dépenses additionnelles et le fardeau judiciaire associés aux appels devant la Cour divisionnaire.
De plus, sauf dans des « circonstances exceptionnelles ou imprévues », le demandeur n’aurait pas le droit d’apporter des modifications importantes à sa requête pour certification d’une action collective dans le cadre de l’appel. Ces changements devraient inciter les demandeurs à déposer des requêtes pour certification plus précises dès le départ, et permettre de réduire le risque de gaspillage de temps et d’argent si la demande est reformulée dans le cadre de l’appel.
GESTION DES ACTIONS COLLECTIVES MULTITERRITORIALES
Le projet de loi 161 introduirait des dispositions portant sur l’autorisation d’actions collectives multiterritoriales, qui sont similaires à celles en vigueur en Alberta, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique.
Ces modifications proposées prévoient qu’un tribunal peut refuser d’autoriser une action collective s’il détermine qu’elle devrait être instruite dans une autre province. Si une instance similaire, dont une action collective multiterritoriale, existe dans une autre province canadienne, le juge saisi de la requête en certification devra statuer s’il est préférable ou non que l’action judiciaire soit réglée dans cet autre territoire. Le tribunal peut également examiner cette question sur présentation d’une requête par une partie avant l’audition de la requête en certification et il peut, par conséquent, suspendre l’instance.
Ces changements devraient contribuer à alléger le fardeau administratif et à réduire les coûts associés aux chevauchements et aux dédoublements d’instances, ce qui serait salutaire pour toutes les parties à des actions collectives.
REJET POUR CAUSE DE RETARD
Le projet de loi 161 permettrait à un défendeur de demander le rejet d’une action collective envisagée pour cause de retard si le demandeur ne dépose pas une requête en certification complète dans un délai d’un an après l’introduction de l’instance, sauf si les parties ou le tribunal ont convenu d’un calendrier des échéances, ou si d’autres mesures prescrites par règlement ont été prises.
Cette modification prévoit un mécanisme pour traiter les procédures inactives ou progressant trop lentement, qui occasionnent des coûts et des inconvénients importants. En prévoyant qu’un calendrier peut satisfaire aux exigences de délai, la modification établit un juste équilibre entre la progression diligente d’une instance et la possibilité pour les parties de s’entendre sur des échéances appropriées.
AVIS D’HOMOLOGATION DES TRANSACTIONS – RENSEIGNEMENTS SUPPLÉMENTAIRES
Les modifications proposées contiennent des directives précises pour les tribunaux concernant les exigences en matière de preuve aux fins de l’homologation du règlement à l’amiable d’une action collective, notamment celle de fournir « d’une manière franche et complète » l’information sur tous les faits substantiels relatifs au règlement proposé. Par ailleurs, dans les 60 jours suivant la distribution des fonds prévus au règlement, l’administrateur de celui-ci devrait soumettre un rapport complet décrivant en détail son administration. De plus, le tribunal aurait le pouvoir de retenir une portion du paiement des honoraires des conseillers juridiques des demandeurs jusqu’à ce qu’il soit « satisfait » de la distribution des fonds du règlement.
AUTRES CHANGEMENTS PROGRESSIFS
En outre, le projet de loi 161 prévoit un certain nombre de réformes qui fourniraient plus de clarté et de certitude à toutes les parties à une action collective, notamment en :
- codifiant les règles relatives au financement d’actions collectives par des tiers, y compris le fait que les conventions de financement devraient être divulguées aux défendeurs (les renseignements pouvant conférer un « avantage tactique » seraient caviardés) et approuvées par le tribunal;
- prévoyant que les demandeurs assumeraient les coûts de l’avis de certification, qui seraient remboursés si l’action est couronnée de succès;
- codifiant le droit relatif aux requêtes en conduite d’instance, dont l’ajout d’une obligation voulant que celles-ci soient déposées dans les 60 jours suivant l’introduction de la première procédure au dossier et qu’elles soient entendues par un juge qui ne sera pas saisi de la requête en certification;
- précisant que la suspension du délai de prescription qui court en faveur d’un membre du groupe serait levée et que le délai de prescription recommencerait à courir si l’action collective n’est pas certifiée ou qu’elle est rejetée, ou si le membre du groupe est exclu de l’instance;
- prévoyant que le délai de prescription applicable à une éventuelle demande de contribution et d’indemnité d’un défendeur serait suspendu à compter de l’introduction de l’instance et jusqu’à l’expiration du délai d’appel de la décision de certification ou dès que l’appel de la décision est réglé de façon définitive.
Les modifications proposées dans le projet de loi 161 constituent les premières réformes importantes de la Loi depuis son adoption il y a plus de 25 ans. Ces changements sont attendus depuis longtemps par les parties aux actions collectives. Nous prévoyons que le gouvernement sollicitera les commentaires des parties intéressées au sujet du projet de loi au moment de l’étude de celui-ci par le comité approprié. Nous continuerons de vous tenir au courant des faits nouveaux dans le cadre du déroulement de ce processus législatif.
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Nicole Henderson 416-863-2399
Grace Smith 416-863-3879
ou un autre membre de notre groupe Actions collectives.
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