Le 12 août 2024, la ministre des Finances a lancé une consultation publique visant à recueillir des commentaires sur les mesures proposées afin de réviser le cadre réglementaire du Canada qui s’applique aux institutions financières. Cette consultation donne le coup d’envoi à la troisième phase de l’examen législatif, par le ministère des Finances, de la Loi sur les banques, de la Loi sur les sociétés d’assurances et de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, lequel examen devrait également profiter à l’examen des dispositions relatives aux dates de temporarisation de ces lois échéant en juin 2026. Nous avons résumé ci-dessous certaines des principales mesures proposées dans le document de consultation.
Révisions proposées pour les examens du cadre réglementaire et du processus de demande
Seuil applicable aux regroupements de grandes banques : Le ministère des Finances envisage de nouvelles mesures visant à restreindre les regroupements entre les plus grandes banques au Canada (à savoir les banques dont les capitaux propres sont égaux ou supérieurs à 12 G$ CA). À l’heure actuelle, la Loi sur les banques exige que les banques dont les capitaux propres sont égaux ou supérieurs à 12 G$ CA soient des entités à participation multiple. Les nouvelles mesures proposées interdiraient expressément les regroupements de ces banques ou l’acquisition du contrôle d’une de ces banques par une autre grande banque. Si ces mesures sont mises en œuvre, elles codifieraient la position de longue date du gouvernement fédéral voulant que de tels regroupements ne sont pas dans l’intérêt fondamental du système financier canadien, position qui remonte au rejet de regroupements proposés en 1998. Dans le document de consultation, le ministère sollicite des commentaires sur la question de savoir si d’autres exemptions, outre que celles fondées sur la stabilité financière, devraient être envisagées.
Augmentation des seuils en matière de détention publique : Le ministère des Finances sollicite également des commentaires sur l’opportunité de mettre à jour le seuil de capitaux propres au-delà duquel les banques et d’autres institutions financières fédérales (les « IFF ») doivent inscrire un certain pourcentage de leurs actions comportant droit de vote à la cote d’une bourse. Le seuil actuellement fixé pour cette exigence relative à la détention publique qui s’applique aux IFF de taille moyenne est de 2 G$ CA.
Consultation publique relative aux demandes : Le document de consultation propose également une nouvelle exigence selon laquelle des consultations publiques devraient être tenues à l’égard de certaines demandes devant être agréées par la ministre des Finances, comme les regroupements et les acquisitions d’IFF. La nouvelle exigence en matière de consultation publique s’appliquerait aux demandes soulevant d’importantes préoccupations en matière d’intérêt public (par exemple, des enjeux potentiels en lien avec la concurrence et des enjeux régionaux), mais le ministère des Finances ne fournit aucune autre précision sur les critères d’application de cette nouvelle exigence proposée. Il serait important que de tels critères soient énoncés clairement dans la législation afin que l’exigence ne soit pas invoquée de façon ponctuelle. Le ministère des Finances a déjà tenu à l’occasion de telles consultations publiques à l’égard d’opérations importantes. En vertu des lois actuelles, le surintendant des institutions financières (le « surintendant ») a également le pouvoir de tenir une enquête publique à l’égard de certaines demandes (comme des demandes relatives à de nouvelles entrées sur le marché) lorsque des objections sont soulevées en réponse à l’avis publié par le demandeur dans la Gazette du Canada. La nouvelle mesure proposée, si elle est mise en œuvre, viendrait compléter le régime applicable aux enquêtes publiques, lequel est rarement invoqué.
Portée du pouvoir ministériel : Les mesures proposées comprennent également l’ajout, dans la législation sur les IFF, d’un pouvoir exprès permettant à la ministre des Finances de prendre en compte la conformité d’un demandeur aux exigences réglementaires nationales ou internationales applicables lorsqu’elle doit rendre une décision (par exemple, des mesures de conformité liées à la taxation et à la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité). Bien que la législation actuelle confère un large pouvoir à la ministre de prendre en compte tous les facteurs qu’elle juge pertinents à l’égard d’une demande, cette proposition souligne l’importance accordée par le gouvernement fédéral aux mesures de conformité axées notamment sur la taxation et la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité. En outre, le document de consultation propose de codifier dans la législation que le pouvoir de la ministre d’imposer des conditions ou d’exiger des engagements aux fins d’un agrément s’étende aux questions liées à l’emploi, soit un aspect jouant un rôle important dans les agréments relatifs à d’importantes opérations par la ministre.
Élargissement des pouvoirs relatifs à la sécurité nationale : Face aux risques géopolitiques émergents, le ministère des Finances envisage d’élargir explicitement le pouvoir du Bureau du surintendant des institutions financières (le « BSIF ») d’émettre des directives en matière de conformité aux questions relatives à la gouvernance d’une institution financière, comme les relations entre une IFF et ses actionnaires, ses administrateurs et ses dirigeants. Si ces mesures sont mises en œuvre, elles viendraient élargir la portée de récentes modifications apportées à la législation sur les IFF qui étendent le pouvoir du BSIF et de la ministre à la surveillance des mesures relatives à l’intégrité et à la sécurité prises par les IFF, y compris en ce qui a trait à l’ingérence étrangère. Le ministère des Finances envisage également de créer en vertu de la loi un comité formel qui superviserait les risques liés au secteur financier touchant l’intégrité et la sécurité, dont la sécurité nationale, et permettrait d’étayer les conseils stratégiques à l’intention de la ministre des Finances.
Restrictions applicables aux conseils d’administration interdépendants : Le document de consultation décrit plusieurs mesures relatives à la mise à jour des règles de gouvernance, y compris une proposition visant à interdire ou à restreindre les « directions interreliées » (c’est-à-dire les conseils d’administration interdépendants) au sein des IFF, soit les situations où un administrateur d’une institution est également un administrateur ou un dirigeant d’une autre institution. Ces mesures, si elles sont mises en œuvre, viendraient compléter les limites existantes en vertu de la législation régissant les IFF concernant les administrateurs qui sont membres d’un même groupe. Le ministère des Finances note que le fait d’imposer des limites aux conseils d’administration interdépendants pourrait favoriser la formation de conseils d’administration comprenant des particuliers offrant des perspectives et des expertises plus diversifiées.
Coopératives de crédit fédérales : Le document de consultation signale que le gouvernement fédéral est disposé à travailler avec les organismes de réglementation et les décideurs politiques fédéraux et provinciaux, ainsi qu’avec les intervenants du secteur, pour trouver des moyens d’encourager la croissance et l’expansion des coopératives de crédit fédérales, notamment au moyen de la fusion de coopératives de crédit provinciales avec des coopératives de crédit fédérales sous le régime applicable aux prorogations et fusions de la Loi sur les banques.
Accès aux dépôts effectués par l’entremise de courtiers : Le ministère des Finances envisage de plus d’apporter des modifications à la Loi sur les banques afin d’empêcher les grandes banques d’exercer leur contrôle sur leurs filiales de courtiers en dépôt d’une façon qui limite indûment l’accès des petites et moyennes banques (les « PMB ») au canal de distribution de dépôts effectués par l’entremise de courtiers. Le document de consultation note que les grandes banques contrôlent certains des courtiers en dépôt les plus importants au Canada, et que le fait de veiller à ce que les PMB aient accès au canal de distribution des dépôts effectués par l’entremise de courtiers aiderait les consommateurs à prendre des décisions éclairées et favoriseraient la compétition entre les grandes banques et les PMB.
Levée de la restriction applicable à la location d’automobiles : Le document de consultation indique que le gouvernement fédéral envisage de lever l’interdiction de longue date qui, en vertu de la législation fédérale, empêche les IFF de se livrer à la location de véhicules à moteur. Le document de consultation ne précise pas si l’interdiction actuelle serait remplacée par le régime complexe actuellement applicable aux activités de crédit-bail autorisées à l’égard d’autres biens meubles en vertu du Règlement sur les entités s’occupant de crédit-bail. Le ministère des Finances note plutôt que le retrait de l’interdiction applicable aux banques devra être effectué sous réserve de mesures limitant les répercussions négatives sur la structure du marché existant, comme exiger l’accord des constructeurs automobiles.
Promesses relatives à l’accroissement de la transparence et de la collaboration : Le document de consultation contient une proposition visant à obliger les IFF à fournir des mises à jour aux demandeurs ayant soumis des demandes d’agrément de transactions au BSIF ou au ministère des Finances. Les délais de traitement des demandes ont explosé au cours des dernières années, créant de la frustration et de l’incertitude chez les demandeurs et les participants du secteur financier. Le document de consultation propose que lorsqu’aucune décision n’a été rendue dans les 120 jours suivant la demande, le demandeur peut exiger une mise à jour écrite de l’état de celle-ci. Il est également précisé que cette mesure cadrerait avec les engagements du Canada en matière de commerce international. Le document de consultation fait également état d’une volonté de collaboration accrue entre le gouvernement fédéral et ceux des gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que d’un désir d’avoir de meilleurs échanges de renseignements publics entre eux afin de fournir aux institutions financières une prévisibilité réglementaire. Il énumère des mesures possibles qui permettraient d’atteindre cet objectif, dont : des annonces périodiques coordonnées sur les mesures réglementaires à venir; la publication d’énoncés des répercussions sur les mesures réglementaires; la mise en place d’un forum pour travailler en coordination sur les enjeux internationaux; et l’échange de renseignements sur les risques menaçant l’intégrité et la sécurité.
Autres mesures : Le ministère des Finances envisage également d’augmenter divers seuils en vertu des lois régissant les IFF qui entrent en jeu dans le cadre de l’obligation d’obtenir des agréments réglementaires, comme dans le cadre des règles d’investissement des IFF, y compris en vertu des règlements sur les activités de financement spécial. Le ministère des Finances s’interroge également à savoir si les seuils prévus par la loi ne devraient pas plutôt figurer dans des lignes directrices émises par le BSIF de manière à pouvoir être mis à jour plus rapidement en fonction des fluctuations des conditions de marché.
Nouvelles mesures de protection des consommateurs
Prévention de la fraude : Le document de consultation propose quelques mesures de protection des consommateurs qui tiennent compte des risques associés au fait que les produits financiers gagnent en complexité tandis que les arnaques sont de plus en plus sophistiquées. Le ministère des Finances se demande si les banques devraient être tenues d’empêcher ou de retarder les transactions qu’elles croient être frauduleuses et de mettre en place des politiques et des procédures permettant de détecter des fraudes. Il propose également d’introduire un seuil de responsabilité maximal pour les titulaires de compte qui perdent des fonds à la suite de transactions non autorisées, et sollicite des commentaires sur ce qui constitue une transaction non autorisée et sur les circonstances dans lesquelles les consommateurs devraient être tenus responsables d’une perte. Le ministère des Finances envisage également une obligation selon laquelle les banques seraient tenues de recueillir et de divulguer des données sur la nature des fraudes et des arnaques ciblant leur clientèle et de communiquer ces données à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (« ACFC »).
Fermetures de succursales de banques : Le document de consultation comprend des mesures visant à soutenir les consommateurs à la suite de la fermeture d’une succursale d’une banque, y compris une exigence selon laquelle les banques devraient faciliter les transferts des comptes des consommateurs en raison d’une fermeture, et ce, sans frais. Il est également proposé que les banques soient tenues d’inclure dans leurs avis de fermeture au public et à l’ACFC une justification détaillée de la décision de fermer la succursale, une évaluation des répercussions probables de la décision sur la collectivité touchée, des données sur les transactions effectuées par la succursale concernée et une comparaison du nombre annuel de visites en personne à la succursale en cause avec le nombre moyen de visites aux succursales de la banque. Le ministère des Finances envisage également d’exiger que les banques soient tenues d’inclure dans leur déclaration annuelle des renseignements additionnels au sujet de leur réseau de succursales, y compris le nombre de succursales en milieu urbain et en milieu rural, les ouvertures et les fermetures de succursales, ainsi que le volume et la valeur des transactions traitées dans les succursales. Ces données permettraient aux organismes de réglementation et aux décideurs politiques de mieux comprendre comment les banques choisissent les succursales à conserver et comment les collectivités sont touchées par les fermetures de succursales.
Accès aux services bancaires de base : Le ministère des Finances s’interroge à savoir si l’exigence actuelle voulant que les banques soient tenues d’ouvrir des comptes de dépôt de détail à des points de service physiques pour tout Canadien qui présente deux pièces d’identité devrait s’appliquer également lorsque les banques offrent leurs services par l’entremise de canaux numériques.
Accès aux fonds : Le document de consultation propose d’augmenter le montant des fonds immédiatement disponibles lorsqu’un chèque est encaissé et de réduire la période de retenue de fonds maximale. Ces mesures prendraient en compte des systèmes bancaires plus perfectionnés, qui permettent de compenser plus rapidement les fonds déposés par chèque, ainsi que l’augmentation du coût de la vie.
Intelligence artificielle
Le ministère des Finances note que les institutions financières canadiennes accélèrent l’adoption de l’intelligence artificielle (« IA ») pour améliorer leurs activités opérationnelles de base, comme le prêt, la souscription d’assurance, le service à la clientèle et la gestion de risque. Le document de consultation décrit les efforts du gouvernement fédéral pour veiller à ce que l’IA soit utilisée de façon responsable dans le secteur financier, y compris l’élaboration d’une stratégie fédérale visant les capacités et les risques associés à l’IA.
Dans le cadre de cette consultation, les commentaires peuvent être envoyés jusqu’au 11 septembre 2024.
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