Comme nous en avons discuté dans notre publication de février 2024 intitulée Perspectives sur le droit de la concurrence au Canada et notre Bulletin Blakes de décembre 2023 intitulé Refonte des règles : Mise à jour de la Loi sur la concurrence du Canada, des modifications importantes et de grande portée à la Loi sur la concurrence (la « Loi ») ont reçu la sanction royale le 20 juin 2024. Cette dernière série de modifications, laquelle suit deux autres telles séries entrées en vigueur en 2022 et en 2023, entraîne des répercussions considérables pour toutes les entreprises au Canada. Dans le présent bulletin, nous résumons les principaux points à retenir des changements apportés au droit canadien de la concurrence, ainsi que les modifications notables à ce régime.
Principaux points à retenir
Les entreprises doivent être prêtes à faire face aux vastes répercussions de ces modifications, notamment :
- la nécessité pour les parties à une fusion envisagée de réaliser une analyse approfondie de l’opération proposée, car il leur incombe désormais davantage de justifier l’opération en question.
- la nécessité pour une entreprise de passer en revue attentivement son matériel publicitaire et ses documents d’information pour s’assurer qu’ils se fondent sur des sources appropriées, particulièrement pour ce qui est des déclarations environnementales.
- des risques accrus que des actions en justice soient intentées par le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») et des parties privées (à compter de juin 2025).
- la nécessité pour une entreprise de passer en revue et de mettre à jour ses politiques de conformité au droit de la concurrence afin de s’assurer qu’elles sont à jour et qu’elles tiennent compte des risques accrus qu’entraînerait la non-conformité aux exigences en la matière, y compris les mesures d’application de la Loi par le Bureau, les actions en justice intentées par des parties privées, les sanctions pécuniaires, ainsi que les enjeux réputationnels considérables.
Modifications notables
- Examens de fusions
- Le Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») peut désormais conclure qu’une fusion entraînerait un empêchement ou une diminution sensible de la concurrence (« EDSC ») en fondant sa décision uniquement sur la concentration ou la part du marché. Les modifications introduisent également une présomption structurelle réfutable selon laquelle une fusion donnerait lieu à une EDSC s’il en résulte une augmentation de la part du marché au-delà du seuil de 30 %.
- Les examens de fusions tiendront compte désormais (i) des effets sur les marchés du travail; (ii) des effets de l’augmentation de la part du marché; et (iii) de la collaboration expresse ou tacite entre concurrents.
- Aux termes des modifications, le Bureau peut désormais demander des mesures correctives rétablissant la concurrence au niveau qui aurait prévalu avant une fusion donnée, et le Tribunal peut désormais rendre des ordonnances correctives à cet effet.
- Le délai de prescription durant lequel le Bureau peut procéder à la contestation d’une fusion n’ayant pas fait l’objet d’un avis passe d’un an à trois ans après la clôture de l’opération.
- Les ventes à destination du Canada s’ajoutent désormais aux activités assujetties à l’exigence en matière d’avis lorsqu’il y a dépassement du seuil relatif à la taille de l’opération, ce qui fait ainsi augmenter le nombre d’opérations devant faire l’objet d’un préavis de fusionnement.
- Les modifications prévoient des sanctions civiles pour le défaut de présenter un avis à l’égard d’une opération devant faire l’objet d’un tel avis, y compris des sanctions administratives pécuniaires (« SAP ») pouvant atteindre 10 000 $ CA par jour.
- Afin de bénéficier de plus de temps pour examiner ou contester une fusion donnée, le Bureau peut empêcher, jusqu’à l’issue des procédures devant le Tribunal, la réalisation de la fusion en obtenant une injonction à cet effet.
- Pratiques commerciales trompeuses
- Les modifications interdisent désormais l’« écoblanchiment », c’est-à-dire les déclarations visant les avantages environnementaux d’une activité commerciale ou d’un produit qui ne se fondent pas sur une épreuve suffisante et appropriée ou une méthode reconnue à l’échelle internationale.
- Il incombe désormais aux annonceurs de démontrer que les rabais annoncés sont réels par rapport aux prix de vente habituels.
- Collaborations visées par les dispositions civiles de la Loi
- Les modifications élargissent la portée des dispositions sur la collaboration entre concurrents de la Loi afin qu’elles s’appliquent rétroactivement, à l’exception des accords ayant pris fin depuis plus de trois ans.
- Les modifications élargissent les redressements que peut imposer le Tribunal afin d’inclure des dessaisissements ainsi que des SAP, lesquelles peuvent atteindre le plus élevé des montants suivants : (i) 10 M$ CA (et 15 M$ CA pour toute violation subséquente); (ii) trois fois la valeur du bénéfice sur lequel l’accord a eu une incidence ou, si ce montant ne peut pas être déterminé raisonnablement, 3 % des recettes globales brutes annuelles de la personne concernée.
- Accès privé au Tribunal
À compter du 20 juin 2025 :- Le régime d’accès privé au Tribunal sera élargi afin de permettre aux parties privées de demander une autorisation au Tribunal d’engager des procédures en vertu des dispositions civiles de la Loi relatives à la publicité trompeuse et à la collaboration entre concurrents.
- Le seuil permettant à une partie privée d’obtenir l’autorisation du Tribunal de présenter une demande sera réduit de façon à exiger seulement que le demandeur démontre (i) que l’autorisation d’une telle demande serait dans l’intérêt public; ou (ii) que son entreprise a été sensiblement touchée en partie, et non dans son ensemble (ce critère s’appliquera aux demandes relatives aux dispositions de la Loi sur le refus de vendre, l’exclusivité, la limitation du marché, les ventes liées, l’abus de position dominante et les collaborations entre concurrents).
- Le Tribunal aura la compétence d’ordonner la restitution des gains illicites aux parties privées ayant obtenu gain de cause, à hauteur du bénéfice tiré du comportement en cause (refus de vendre; maintien des prix; exclusivité; limitation du marché; ventes liées; abus de position dominante; collaboration entre concurrents).
- Autres modifications importantes
- Droit à la réparation : Les modifications élargissent les dispositions de la Loi en matière de refus de vendre afin que le Tribunal ait la compétence d’ordonner que des moyens de diagnostic ou de réparation soient fournis à des clients ou à des tiers par un fournisseur, notamment des renseignements relatifs au diagnostic, à l’entretien et à la réparation, des mises à jour techniques, des logiciels ou outils de diagnostic, ainsi que toute documentation connexe et des pièces de rechange.
- Représailles : Le Tribunal a désormais la compétence d’imposer des SAP ou de rendre des ordonnances d’interdiction à l’encontre de toute personne ayant pris des mesures pour pénaliser, punir, discipliner, harceler ou désavantager une autre personne en raison de la coopération de cette dernière avec le Bureau.
- Violation de consentements : Outre des procédures pour outrage, le Bureau peut désormais demander au Tribunal d’ordonner à une personne de se conformer à un consentement conclu avec le Bureau, y compris l’imposition à cette personne de SAP à hauteur de 10 000 $ CA par jour.
Le 25 juin 2024, nous avons animé un événement en ligne, intitulé Le nouveau monde du droit de la concurrence : Bien comprendre les plus récentes modifications apportées à la Loi sur la concurrence du Canada, au cours duquel nous avons discuté des plus récentes modifications à la Loi avec le Conseil canadien des affaires.
Pour en savoir davantage au sujet de l’évolution continue du droit de la concurrence, consultez la page Modifications à la Loi sur la concurrence de Blakes, laquelle regroupe nos perspectives éclairées sur ce sujet.
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Ressources connexes
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