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Loi canadienne sur l’esclavage moderne : Survol de la toute première période de déclaration

12 novembre 2024

Comme nous en avons parlé dans nos bulletins précédents portant sur ce sujet, la nouvelle loi canadienne sur l’esclavage moderne, soit la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement (la « Loi »), exige des entités déclarantes qu’elles remplissent et soumettent au gouvernement fédéral (le « gouvernement ») un questionnaire en ligne obligatoire (le « questionnaire ») ainsi qu’un rapport (le « rapport ») sur les mesures qu’elles ont prises au cours de leur dernier exercice pour traiter et prévenir le recours au travail forcé ou au travail des enfants dans leurs chaines d’approvisionnement. La Loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2024, et les entités visées devaient soumettre un premier rapport au plus tard le 31 mai 2024 (ou plus tôt dans le cas de certaines entités de régime fédéral qui fournissent leurs états financiers annuels aux actionnaires avant le 31 mai de chaque année). La prochaine période de déclaration commence le 1er janvier 2025.

Suivant l’échéance du 31 mai, le gouvernement a reconnu que des écueils avaient été rencontrés pendant la période de déclaration et a sollicité l’avis des intervenants pour élaborer des lignes directrices mises à jour (les « lignes directrices mises à jour ») en vue de la prochaine période de déclaration.

Dans le présent bulletin, qui est le premier que nous publions à la suite de la fin de la toute période de déclaration, nous présentons un sommaire des principales constatations et statistiques relevées dans le « Rapport annuel au Parlement sur la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement, 2024 » produit par Sécurité publique Canada (le « rapport annuel de 2024 »). Nous y donnons également un aperçu de ce qui attend les entités visées qui seront appelées à préparer un rapport pour la prochaine période de déclaration, laquelle débute le 1er janvier 2025.

Principaux constats

Le rapport annuel de 2024, publié le 27 septembre 2024, apporte des réponses à certaines des questions qui nous ont été posées le plus fréquemment lors de la première période de déclaration, dont les suivantes :

  • Combien de rapports allaient être déposés selon nous? Pour la période de déclaration de 2024, soit au plus tard le 31 mai, le gouvernement a reçu 5 650 rapports provenant d’entités, dont 2 086 étaient des rapports conjoints. Le gouvernement a continué de recevoir des rapports tardifs après l’échéance. Au 31 juillet 2024, le gouvernement avait reçu plus de 500 rapports tardifs. Il convient de noter que le rapport annuel de 2024 ne tient compte que des rapports déposés avant le 31 mai 2024 ou à cette date.
  • Dans quel objectif et à quelles fins les données recueillies dans le questionnaire sont-elles utilisées? Le gouvernement a conçu le questionnaire pour recueillir les renseignements nécessaires en vue de satisfaire aux obligations de déclaration énoncées dans la Loi, ainsi que pour recueillir des renseignements d’identification. En recueillant ces données au moyen du questionnaire, Sécurité publique Canada sera en meilleure position pour mesurer les progrès réalisés d’une année à l’autre.
  • Quelles sont les conséquences d’un dépôt tardif du rapport? Pour la période de déclaration de 2024, les rapports tardifs sont acceptés par Sécurité publique Canada et versés dans le catalogue en ligne, mais comportent une note indiquant qu’ils ont été reçus en retard. Étant donné qu’un rapport tardif n’est pas conforme à la loi, cette approche pourrait changer au fur et à mesure que le gouvernement adapte son approche en matière d’application de la loi.
  • Quelle est l’approche du gouvernement en matière d’application de la loi? En 2024, le gouvernement n’a pris aucune mesure d’application. Conformément aux communications diffusées lors des différentes réunions de mobilisation des intervenants, Sécurité publique Canada a accordé la priorité à l’éducation et à la sensibilisation au sujet de la Loi et de ses exigences. Cette approche est susceptible de changer, et les intervenants sont invités à surveiller les éventuelles mises à jour.

Principales statistiques de marché 

En plus de répondre à des questions qui nous avaient été souvent posées, le rapport annuel de 2024 fournit des informations précieuses au sujet des pratiques actuelles du marché canadien visant à traiter et à prévenir le risque de travail des enfants et de travail forcé dans les activités des entités et au sein des chaines d’approvisionnement.

  • Qui sont les autres entités déclarantes? Parmi les rapports fournis, 81,95 % ont été soumis par des entités ayant leur siège social ou leur principal établissement au Canada. Ces entités exerçaient des activités dans les secteurs suivants : fabrication (38,3 %), commerce de gros (22,3 %) et commerce de détail (21,8 %).
  • Où en sont les autres entités déclarantes dans le processus? Environ un tiers des entités déclarantes (38,2 %) ont confirmé avoir relevé des parties de leurs activités et de leurs chaines d’approvisionnement qui comportent un risque de recours au travail des enfants ou au travail forcé. Une proportion de 39,4 % des entités déclarantes avait amorcé le processus de détermination des risques, mais avaient relevé des lacunes dans leur évaluation, et une part de 22,4 % des entités déclarantes n’avait toujours pas entrepris le processus de détermination des risques.
  • Quelles sont les mesures prises par les autres entités déclarantes pour prévenir et atténuer le risque de recours au travail forcé ou au travail des enfants? La mesure la plus fréquemment prise par les entités déclarantes pour prévenir et atténuer les risques dans leurs activités et leurs chaines d’approvisionnement est la réalisation de vérifications et de contrôles réguliers (à hauteur de 48,6 %). Citons à titre d’exemples le fait de soumettre les éventuels fournisseurs et/ou partenaires à des vérifications à l’aide de logiciels, ainsi que la réalisation de vérifications à l’interne ou par des tiers. Les autres réponses comprenaient l’élaboration et la mise en œuvre de politiques et processus de diligence raisonnable (44 %); la surveillance des fournisseurs (37,5 %); l’élaboration ou la mise en œuvre de normes, de codes de conduite ou de listes de vérification de la conformité (36 %); et la collecte de renseignements sur le recrutement des travailleurs et la mise en place de contrôles internes pour s’assurer que tous les travailleurs recrutés ont donné leur consentement (33,1 %).
  • À quel point les politiques et processus de diligence raisonnable sont-ils répandus? Une proportion de 71,3 % des entités déclarantes a indiqué avoir mis en place des politiques et des processus de diligence raisonnable concernant le travail des enfants et/ou le travail forcé. Parmi les trois secteurs les plus représentés dans le dépôt de rapports, le secteur de la fabrication est celui ayant indiqué le plus souvent avoir instauré de telles politiques et de tels processus.
  • Les autres entités offrent-elles de la formation à leurs employés? Oui; cependant, moins de la moitié des entités déclarantes offrent de la formation (44,4 %). Parmi celles qui le font, une proportion de 39,8 % a indiqué que leur formation était obligatoire pour tous les employés.
  • Comment les autres entités évaluent-elles l’efficacité de leurs efforts de prévention et d’atténuation des risques de travail forcé et de travail des enfants? Les entités déclarantes qui évaluent l’efficacité de leurs efforts (43,5 %) ont indiqué que le suivi des indicateurs de rendement clés et les examens annuels constituaient les principaux moyens d’évaluer l’efficacité de leurs efforts.

Perspectives

Les rapports à déposer au terme de la prochaine période de déclaration doivent être soumis au plus tard le 31 mai 2025. Cependant, Sécurité publique Canada a fait savoir qu’il publierait des lignes directrices mises à jour à la fin de l’automne 2024. Aucune indication n’a été donnée quant à la forme que prendront ces lignes directrices mises à jour, mais il semblerait qu’elles aborderont les préoccupations soulevées au cours de la première période de déclaration, notamment celles portant sur ce qui suit :

  • la portée et le champ d’application de la Loi, et plus particulièrement les divergences entre les lignes directrices et la Loi en ce qui concerne les entités qui ont des obligations de déclaration;
  • la définition de « transactions très mineures »;
  • la portée prévue de son application extraterritoriale.

Avant la publication des lignes directrices mises à jour, il pourrait être utile pour les entités qui se préparent à la prochaine période de déclaration de prendre certaines mesures, notamment :

  • examiner les principales statistiques de marché indiquées précédemment, pour avoir une vue d’ensemble de l’approche générale des intervenants du marché sur ces questions. Ces données peuvent servir de base à ces entités pour évaluer leur approche en matière de traitement et de prévention du risque de travail des enfants et de travail forcé, par rapport à celle d’autres intervenants sur le marché. Cette comparaison peut les aider à concentrer leurs efforts sur la mise à jour ou la révision de leur approche actuelle afin de s’assurer que cette dernière est perçue, tant par le grand public que par les investisseurs, comme étant conforme aux pratiques et aux tendances actuelles;
  • passer en revue le rapport qu’elles ont déposé en 2024 afin de vérifier si elles y ont pris des engagements. Si tel est le cas, il est important qu’elles s’assurent de respecter ces engagements ou de prendre des mesures pour les respecter au cours de l’exercice actuel;
  • vérifier si elles sont toujours visées par les obligations de préparation et de dépôt d’un rapport (en ce qui concerne les entités visées qui avaient une obligation de déclaration pour 2023);
  • vérifier si elles sont désormais visées par les obligations de déclaration prévues par la Loi (en ce qui concerne les entités qui n’ont pas préparé de rapport pour 2024).

Enfin, aux termes du nouvel accord commercial Canada-États-Unis-Mexique, ces trois ressorts se sont entendus pour s’attaquer au problème du travail forcé et du travail des enfants. Malgré la promulgation récente de la Loi, le gouvernement a confirmé en septembre 2024 qu’il travaillait déjà sur un autre projet de loi portant sur cette question, qui a été décrit comme une législation en matière de « diligence raisonnable ». Le gouvernement aurait l’intention de déposer le projet de loi dès cette année. Toutefois, en date du présent bulletin, le projet de loi n’a pas encore été présenté au Parlement.

Pour d’autres publications sur les développements entourant cette législation, consultez le Bulletin Blakes de mai 2023 intitulé Projet de loi S-211 : Obligation de faire rapport sur le travail forcé dans les chaines d’approvisionnement; le Bulletin Blakes d’octobre 2023 intitulé Travail forcé et travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement : êtes-vous prêts à vous conformer à la Loi?; le Bulletin Blakes de décembre 2023 intitulé Partie I : Nouvelle loi sur l’esclavage moderne : le Canada publie enfin des lignes directrices; et le Bulletin Blakes de janvier 2024 intitulé Partie II : D’importantes incidences devraient découler des lignes directrices relatives à la Loi sur l’esclavage moderne.

Pour en savoir davantage au sujet de toute question abordée dans le présent bulletin, communiquez avec l’un des auteurs ou un autre membre de notre groupe Commerce international.

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