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Lois sur la santé et la sécurité du travail au Québec : nouvelles réalités et nouveaux défis pour les employeurs

4 novembre 2020

Le 27 octobre 2020, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, M. Jean Boulet, a présenté à l’Assemblée nationale du Québec le projet de loi n°59, intitulé Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (le « Projet de loi »). S’il est adopté, ce Projet de loi modifiera la législation et la réglementation québécoises en matière de santé et de sécurité du travail, d’accidents du travail et de maladies professionnelles, et imposera de nouvelles obligations aux employeurs à cet égard.

Le Projet de loi prévoit aussi de nouvelles obligations en matière de santé et de sécurité du travail applicables aux chantiers de construction qui feront l’objet d’un autre bulletin.

Voici certains des principaux changements compris dans ce Projet de loi.

LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES

Le Projet de loi vient modifier certaines dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (« LATMP »).

Comité scientifique sur les maladies professionnelles

Le Projet de loi envisage la création d’un comité scientifique sur les maladies professionnelles (le « Comité scientifique ») qui serait chargé de faire des recommandations en matière de maladies professionnelles au ministre ou à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « CNESST »), notamment :

  1. en recensant et analysant les recherches et études en matière de maladies professionnelles;

  2. en analysant les relations causales entre les maladies et les contaminants ou les risques particuliers d’un travail;

  3. en produisant des avis écrits sur l’identification des maladies professionnelles, les contaminants ou les risques particuliers reliés à celles-ci et les critères de détermination.

Le Comité scientifique serait composé de cinq membres. Leur mandat serait d’une durée d’au plus cinq ans et serait renouvelable.

Les avis et recommandations du Comité scientifique devraient être rendus publics sur le site Internet de la Commission au plus tard un an après leur réception, sous réserve des dispositions de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Règlement sur les maladies professionnelles

Le Projet de loi envisage de faciliter l’accès au régime d’indemnisation en cas de maladie professionnelle par l’adoption du Règlement sur les maladies professionnelles, qui remplacerait et bonifierait l’annexe I de la LATMP.

Ce règlement déterminerait, dans le cadre de ses deux annexes A et B, les maladies et les conditions particulières en lien avec celles-ci aux fins de l’application de la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la LATMP. Le règlement préciserait également le délai de réclamation applicable pour ces maladies.

Outre de nouveaux cancers professionnels, le règlement prévoit actuellement une présomption de maladie professionnelle pour le trouble de stress post-traumatique, si le travailleur a été exposé à des situations graves de manière répétée et extrême. Le Projet de loi comprend une obligation pour les employeurs d’identifier et d’analyser les risques psychosociaux liés au travail dans leur programme de prévention (voir ci-après).

LOI SUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL ET RÈGLEMENTS CONNEXES

Le Projet de loi prévoit la modification de certaines dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (« LSST ») et ses règlements, notamment par l’adoption d’un nouveau règlement, soit le Règlement sur les mécanismes de prévention (le « Règlement »).

Le Règlement établirait notamment les niveaux de risque liés aux activités exercées dans un établissement aux fins de l’élaboration et de la mise en application d’un programme de prévention et de la désignation d’un représentant en santé et sécurité. Les niveaux de risque seraient classés en trois catégories (faible, moyen et élevé) pour les activités qui correspondent au code du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN Canada) publié par Statistique Canada.

L’assujettissement aux mécanismes de prévention serait déterminé, entre autres, en fonction du niveau de risque, mais également du nombre de travailleurs dans l’établissement. Le Projet de loi stipule qu’afin de déterminer le nombre de travailleurs, doivent être considérés ceux dont les services sont prêtés à l’employeur (par exemple, ceux fournis à l’employeur par toute agence de placement de personnel).

Mécanismes de prévention

Programme de prévention

Le Projet de loi précise qu’un employeur doit élaborer et mettre en application un programme de prévention (le « Programme ») propre à chaque établissement groupant au moins 20 travailleurs au cours d’une année. Le Projet de loi prévoit toutefois qu’un seul Programme puisse être élaboré et mis en application pour l’ensemble des établissements d’un employeur, sous certaines conditions. Sans égard au nombre de travailleurs, un employeur devrait élaborer et mettre en application un Programme propre à chaque établissement, lorsque le risque lié aux activités qui y sont exercées est de niveau moyen ou élevé.

Tout employeur disposerait d’un délai d’un an à compter du moment où il devient assujetti à l’obligation d’élaborer un Programme pour le mettre en application. Ce Programme devrait être mis à jour annuellement.

Les mesures et les priorités d’action permettant d’éliminer ou, à défaut, de contrôler les risques pouvant affecter la santé et la sécurité des travailleurs de l’établissement, identifiés par l’employeur dans le cadre de l’élaboration de son Programme, devraient suivre la hiérarchie des mesures de prévention suivante :

  1. l’élimination du risque;

  2. le remplacement de matériaux, de processus ou d’équipements afin d’éliminer le risque ou de le réduire;

  3. la mise en place de mesures de contrôle techniques du risque lié à l’environnement de travail et aux équipements, telles que l’installation d’un système de ventilation et l’ajout d’un protecteur sur une machine;

  4. la mise en place de signaux permettant d’accroître la sensibilisation du travailleur au risque, telles qu’une alarme sonore et une lampe témoin;

  5. la mise en place de mesures de contrôle administratif du risque, telles que la formation des travailleurs et l’utilisation de méthodes et de techniques de travail sécuritaires;

  6. la mise à la disposition des travailleurs de moyens et d’équipements de protection individuels ou collectifs ainsi que la mise en place de mesures pour assurer leur utilisation et leur entretien adéquats.

À défaut d’éliminer les risques, l’employeur devra, selon le Projet de loi, les contrôler par une combinaison de ces mesures de prévention.

Le Projet de loi requiert que l’employeur indique, tous les trois ans, en utilisant le formulaire prescrit par la CNESST, les priorités d’action déterminées dans le cadre de son Programme, ainsi que le suivi des mesures que l’employeur aura mis en place pour éliminer et contrôler les risques identifiés pour ces priorités.

Comité en santé et sécurité du travail

Le Projet de loi prévoit qu’un comité en santé et sécurité du travail (le « Comité ») devra être formé au sein d’un établissement groupant au moins 20 travailleurs au cours d’une année.

Selon la formulation actuelle, le Règlement prévoit les normes minimales à respecter en ce qui a trait à tout Comité, qui s’appliqueraient en l’absence d’entente entre un employeur et l’association accréditée ou les associations accréditées qui représentent des travailleurs au sein de l’établissement ou, à défaut, la majorité des travailleurs de l’établissement, soit : (i) la composition et le maintien du Comité; (ii) les modalités de désignation des représentants de travailleurs; (iii) les règles de fonctionnement du Comité (par exemple, nombre de rencontres); et (iv) la formation des membres du Comité.

Tout travailleur membre du Comité qui s’absenterait pour participer aux formations exigées par le Projet de loi et le Règlement devrait être rémunéré par l’employeur.

Représentant en santé et en sécurité

Le Projet de loi stipule que lorsqu’un Comité est formé au sein d’un établissement, au moins un représentant en santé et en sécurité (le « Représentant ») doit être désigné parmi les travailleurs de cet établissement, et ce Représentant est membre d’office du Comité.

Selon la formulation actuelle, le Règlement prévoit que lorsqu’un établissement groupe au moins 5 travailleurs et que le risque est de niveau élevé ou lorsqu’un établissement groupe au moins 10 travailleurs et que le risque est de niveau moyen, au moins un Représentant devra être désigné parmi les travailleurs de cet établissement.

Selon les dispositions du Projet de loi, tout Représentant devra participer aux programmes de formation dont le contenu et la durée sont déterminés par le Règlement. Tout travailleur étant un Représentant et participant aux programmes de formation devra être rémunéré par l’employeur.

Le temps minimal que le Représentant devrait consacrer à l’exercice de ses fonctions serait établi au début de chaque année par le Règlement, selon le nombre de travailleurs et le niveau de risque de l’établissement.

Registre des contaminants

L’employeur devrait dresser et maintenir à jour un registre des contaminants et des matières dangereuses, identifiés par règlement, qui sont présents dans son établissement. Le contenu du registre, qui peut notamment inclure la liste des travailleurs exposés à ces contaminants ou à ces matières dangereuses, ainsi que les modalités de transmission de celui-ci à la Commission, seraient déterminés par règlement.

Pouvoirs accrus de la CNESST en lien avec les mécanismes de prévention

Si la CNESST le juge opportun pour protéger la santé ou assurer la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs, le Projet de loi prévoit qu’elle pourra exiger qu’un employeur élabore et mette en application un Programme dans le délai qu’elle fixe, et ce, sans égard au nombre de travailleurs dans l’établissement ni au niveau de risque lié aux activités qui y sont exercées. La CNESST pourrait également ordonner la transmission de tout Programme et, si elle le juge opportun, demander que des modifications y soient apportées.

La CNESST pourrait aussi exiger la désignation d’un Représentant dans un établissement lorsqu’elle le juge opportun pour protéger la santé ou assurer la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs.

Violence sur les lieux du travail

Le Projet de loi impose à tout employeur l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection d’un travailleur exposé sur les lieux de travail à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale ou familiale.

Dispositions transitoires

Tout employeur, qu’il ait un Programme en application le 1er janvier 2022 ou non, devrait mettre à jour ce Programme ou, selon le niveau de risque lié à son établissement, élaborer et mettre en application un Programme, former le Comité et désigner le Représentant conformément aux dispositions du Projet de loi, au plus tard :

  1. Le 1er janvier 2023, lorsque le niveau de risque lié à l’établissement est élevé;

  2. Le 1er janvier 2024, lorsque le niveau de risque lié à l’établissement est moyen;

  3. Le 1er janvier 2025, lorsque le niveau de risque lié à l’établissement est faible.

AUTRES MODIFICATIONS

Loi sur les normes du travail

Le Projet de loi modifie également la Loi sur les normes du travail afin d’assujettir à la cotisation permettant de financer l’application de cette loi certaines catégories d’employeurs actuellement exemptées, soit les municipalités, les établissements d’enseignement, le gouvernement et ses ministères, et l’Assemblée nationale.

Loi instituant le Tribunal administratif du travail

Le Projet de loi modifie aussi la Loi instituant le Tribunal administratif du travail afin d’y introduire notamment des dispositions permettant au Tribunal administratif du travail de prendre des mesures contre les comportements vexatoires ou la quérulence, et en lui accordant le pouvoir de rejeter d’office ou sur demande toute demande abusive ou dilatoire.

Pour en savoir davantage, communiquez avec :

Natalie Bussière                           514-982-4080

ou un autre membre de notre groupe Travail et emploi.

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