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Lutte contre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel : nouvelles obligations pour les employeurs

13 septembre 2024
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Le projet de loi 42 donne des outils et des indications aux employeurs pour lutter contre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail. Dans cet épisode de notre balado, l'avocate de Blakes Catherine Gagné revient sur les principales mesures et explique ce que l'adoption du projet de loi implique pour les employeurs. 

Retranscription

Mathieu : Bienvenue à Volume d’affaires de Blakes. Je m’appelle Mathieu Rompré, heureux de vous retrouver pour le retour de notre balado en français.

Petite note d’intendance d’abord, vous noterez au cours des prochains épisodes que l’on s’est décontaminé, entre guillemets bien sûr, du thème entourant la bonne gouvernance en temps de COVID pour faire plutôt place à notre véritable essence, l’accompagnement juridique dans le vaste monde du droit des affaires.

Donc, aujourd’hui, on examine le projet de loi 42 qui a été récemment sanctionné et qui encadre la prévention et la lutte au harcèlement psychologique et à la violence à caractère sexuel en milieu de travail. On explore les principales modifications apportées par cette loi qui visent à offrir une meilleure protection aux travailleuses et travailleurs victimes de harcèlement ou de violence sexuelle, tout en mettant en place des processus de prévention plus concrets pour les employeurs.

Pour nous éclairer sur la portée de ces changements et donc des nouvelles obligations des employeurs, je suis accompagnée de Catherine Gagné, avocate chez Blakes et membre de notre groupe Travail et Emploi. Bonjour Catherine.

Catherine : Bonjour!

Mathieu : Catherine, avant d’aborder les changements législatifs, peux-tu nous dire dans quel contexte le projet de loi 42 a vu le jour?

Catherine : Oui, certainement Mathieu. On a vu dans les dernières années une hausse des recours concernant le harcèlement psychologique et sexuel au travail et une certaine volonté du gouvernement et des acteurs politiques de vouloir répondre à cette problématique et de mettre en place des mesures plus concrètes, ou plutôt de bonifier les mesures qui étaient existantes pour prévenir et combattre les situations de harcèlement psychologique au travail. Ça fait suite à d’autres mesures qui avaient déjà été mises en place au cours des dernières années, notamment en 2019, suite au mouvement MeToo et à la vague de dénonciations de comportements à connotation sexuelle non désirés. On avait déjà eu une première réponse du gouvernement, où on était venu ajouter de nouvelles règles pour les employeurs au niveau de la prévention du harcèlement sexuel dans le milieu de travail, par la mise en place d’une obligation pour les employeurs d’adopter, par exemple, la politique écrite et de la partager aux employés. Également, on est venu étendre la durée des recours pour les employés, faisant passer de 90 jours à deux ans pour pouvoir faire une plainte de harcèlement psychologique dans le milieu de travail. Donc, on avait déjà ces nouvelles obligations qui avaient été mises en place, mais force a été de constater, après des études qui ont été menées par le gouvernement et par un comité d’experts, qu’il y avait toujours des problématiques par rapport au harcèlement sexuel dans le lieu de travail et ce qui a mené à la mise en place des nouvelles dispositions qui sont introduites par le projet de loi 42, qui visent essentiellement à venir faciliter les recours et la reconnaissance des lésions qui découlent des violences à caractère sexuel dans le milieu de travail.

Mathieu : D’accord. Et est-ce que les employeurs ont accès à des outils pour les aider à atteindre ces nouveaux objectifs?

Catherine : Oui, en fait, il y a plusieurs outils qui ont été mis en place par le gouvernement avec le projet de loi 42. D’abord, il y a eu des modifications qui ont été apportées et qui seront apportées dans les prochaines semaines à la Loi sur les normes du travail et à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, pour venir bonifier les obligations de prévention de l’employeur et aussi faciliter la reconnaissance des lésions, comme je l’ai mentionné précédemment. Mais également, avec le projet loi 42, le gouvernement est venu mettre en place une équipe spécialisée en matière de violences à caractère sexuel au sein même du Tribunal administratif du travail (le « TAT »), qui entend essentiellement la majorité des plaintes de harcèlement en milieu de travail. Cette équipe va être composée de décideurs administratifs et de conciliateurs qui vont avoir reçu une formation particulière pour les amener à avoir une meilleure compréhension des situations de harcèlement en milieu de travail et d’être plus aptes à décider de cette matière. L’objectif évidemment de créer cette équipe-là, c’est de favoriser et de faciliter le processus pour les présumées victimes pour qu’elles soient entendues par des personnes qui sont sensibilisées à ce qu’elles ont vécu et qui sont outillées aussi pour entendre ces recours. Du côté des employés qui sont syndiqués, on est également venu apporter des outils similaires par des modifications au Code du travail. À partir du 27 mars 2025, tous les arbitres qui entendront des griefs en matière de harcèlement psychologique devront avoir suivi une formation obligatoire. Également, il y aura maintenant la possibilité introduite au Code du travail pour les parties à un grief, de pouvoir demander la tenue d’une conférence préparatoire pour faciliter l’audition du grief.

Mathieu : Je voudrais revenir sur les politiques auxquelles tu as fait allusion. On sait que ça fait cinq ans que les employeurs doivent avoir une politique en matière de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique, en vertu de la Loi sur les normes du travail. Avec le projet de loi, le gouvernement souhaite prescrire un contenu minimal à cette politique. Est-ce que tu peux nous en dire plus?

Catherine : Oui, Mathieu, c’est un bon point en fait, parce qu’à partir du 27 septembre 2024, il y aura une nouvelle obligation pour les employeurs concernant le contenu minimal de la politique sur la prévention et la prise en charge des situations de harcèlement psychologique au travail qui sera prévue dans la Loi sur les normes du travail. Jusqu’à maintenant, on avait une obligation générale pour les employeurs de mettre en place une politique qui prévoyait un processus de traitement des plaintes, mais sans précisions. Par exemple, par rapport aux différents items qui devaient être contenus dans la politique. À partir du mois de septembre de cette année, il serait important pour les employeurs de revoir leur politique pour s’assurer qu’ils rencontrent toutes les exigences du contenu minimal qui sera décrit à la Loi sur les normes du travail. Notamment, il faudra que la politique sur la prévention du harcèlement prévoie les méthodes qui sont utilisées par l’employeur pour identifier, contrôler et éliminer les risques de harcèlement psychologique dans le milieu de travail. La politique devra également prévoir les programmes d’information pour les employés et les programmes de formation spécifiques pour les représentants de l’employeur, qui seront appelés à intervenir dans le traitement des plaintes de harcèlement qui seront déposées ou lorsqu’ils sont mis au courant d’une situation de harcèlement psychologique. Il faudra également que la politique contienne des recommandations concernant les comportements à adopter lors de la participation à des activités sociales liées au travail. Par exemple, les fêtes de fin d’année, les fêtes d’été ou les cocktails qui peuvent se tenir dans l’environnement de travail. Il faudra également que la politique précise les modalités qui sont applicables pour faire une plainte ou un signalement à l’employeur ou pour fournir un renseignement, un document. On devra également préciser les mesures de protection pour les personnes concernées, donc les personnes impliquées dans la plainte et celles qui collaborent au traitement de la plainte ou au signalement, donc les mesures de confidentialité, les mesures contre les représailles. On inclura également des directives sur le processus d’enquête et le nom de la personne qui sera désignée pour prendre en charge les plaintes.

Mathieu : Très bien. En plus de rehausser sa politique, j’imagine que les employeurs doivent se conformer à de nouvelles obligations. Qu’est-ce qu’on sait à ce sujet?

Catherine : Oui, en fait, avec les modifications à la Loi sur la santé et la sécurité du travail, on est venu mettre des obligations de prévention claires et précises pour les employeurs. Donc, on est venu préciser, au-delà de l’obligation générale de l’employeur de prendre tous les moyens raisonnables pour protéger la santé physique et psychique de leurs employés, qu’il y a une obligation en matière de prévention du harcèlement et de la violence sexuelle sur le milieu de travail. On est aussi venu préciser que cette obligation implique à l’employeur de protéger ses salariés par rapport à des actions qui sont posées par d’autres salariés ou d’autres membres de l’entreprise. Mais on est venu ajouter que cette obligation va maintenant aussi s’appliquer à des gestes qui sont posés par des tiers. On pourrait penser à des clients ou à des fournisseurs externes. Donc ça, c’est quelque chose qui n’était pas tout à fait clair, à savoir est-ce que l’obligation de protéger nos employés des situations de harcèlement sexuel ou de violences à caractère sexuel s’appliquait également lorsqu’il y avait une situation impliquant un tiers. Mais là, on est venu le préciser dans la loi pour qu’il n’y ait plus d’ambiguïté. On est venu également prévoir des dispositions qui annulent les clauses d’amnistie qu’on pouvait voir dans les conventions collectives. Quand on parle de clause d’amnistie, c’est une clause qui indique qu’après un certain délai, par exemple une durée de 12 mois ou 18 mois, les mesures disciplinaires qui existent dans un dossier disciplinaire d’un employé ne pourront plus être utilisées pour justifier des mesures additionnelles plus sévères. Donc, c’est comme si elles disparaissaient essentiellement du dossier de l’employé. Ce qu’on est venu préciser dans la loi, c’est que maintenant, ces clauses ne seront plus valides ou applicables pour des mesures disciplinaires qui ont été imposées à des employés en raison d’une inconduite relative à de la violence physique ou psychologique sur le milieu de travail. Donc, on va venir favoriser des mesures disciplinaires progressives et pouvant ultimement mener à des congédiements pour ces motifs. On vient aussi donner la possibilité au tribunal administratif de verser des dommages et intérêts punitifs à des personnes salariées qui sont victimes de harcèlement psychologique, même lorsqu’ils reçoivent également une indemnisation de la CNESST pour une lésion professionnelle. Il y avait un certain débat jurisprudentiel, à savoir si quelqu’un qui reçoit déjà une indemnisation de la CNESST pour une lésion professionnelle avait la possibilité d’obtenir une indemnisation additionnelle pour la même lésion. Donc on est venu prévoir que le TAT aura maintenant ce pouvoir dans les cas de harcèlement psychologique. Et puis on est venu préciser que les employeurs ne pourront pas exercer des représailles ou des sanctions à un salarié pour les motifs qu’il fait un signalement ou qu’il a participé à la dénonciation d’une conduite de harcèlement psychologique commise envers une autre personne.

Mathieu : D’après ce que je comprends, d’autres lois sont également appelées à être modifiées, comme la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, ou encore la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Est-ce que c’est bien ça?

Catherine : Oui, effectivement. Au niveau de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, il y a deux modifications importantes qui entreront en vigueur le 27 septembre prochain. D’abord, on va avoir la création de présomption légale qui va favoriser la reconnaissance de lésions professionnelles qui sont survenues par le fait ou à l’occasion du travail, si elles résultent d’une violence à caractère sexuel commise par un membre de l’organisation. Donc, on va venir ici faciliter la reconnaissance de ces lésions-là lorsque la lésion ou la maladie survient dans les trois mois après avoir subi la violence à caractère sexuel sur le milieu de travail. Ce sera présumé alors être une lésion professionnelle. Également, on fait passer le délai pour déposer les réclamations auprès de la CNESST pour des indemnités de remplacement de revenu de six mois à deux ans pour les lésions et les maladies professionnelles qui résultent de violences à caractère sexuel. Donc on étend et on reconnaît, par cette modification, que parfois il peut s’écouler un certain temps avant que la lésion ou la maladie se manifeste après ce genre de situation. Donc, au lieu de limiter la période à six mois pour faire une réclamation, on permet maintenant aux employés d’aller jusqu’à deux ans après les événements. Et on est venu faire certains changements au niveau des règles relativement au droit d’accès au dossier médical du travailleur par l’employeur, qui viennent s’harmoniser un peu avec les nouvelles règles en matière de protection des renseignements personnels qui sont entrées en vigueur dans les dernières années. Au niveau de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, on est venu introduire une définition de ce qu’est la violence à caractère sexuel, définition qui va être reprise dans les autres lois, et on va lui faire référence. On va également préciser que la politique sur la prévention et la prise en charge de situations de harcèlement psychologique devra faire partie du programme de prévention qui sera requis par la Loi sur la santé et sécurité du travail à partir du 1ᵉʳ octobre 2025. Ça fait le tour des principales modifications.

Mathieu : Merci Catherine d’avoir pris le temps de partager ces précisions sur cet important sujet. J’invite les auditeurs qui souhaitent en apprendre davantage à visiter notre site Web, blakes.com. Merci de votre écoute et à bientôt.

À propos du balado Volume d’affaires de Blakes

Notre balado Volume d’affaires (anciennement Continuité) se penche sur les répercussions que peut avoir l’évolution du cadre juridique canadien sur les entreprises, et ce, dans notre réalité « post-COVID-19 » et dans l’avenir. Des avocates et avocats de tous nos bureaux discutent des défis, des risques, des occasions, des développements juridiques et des politiques gouvernementales dont vous devriez avoir connaissance. Nous abordons par ailleurs divers sujets qui vous importent et qui sont liés à la responsabilité sociale, comme la diversité et l’inclusion.

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