Le 15 novembre 2024, Sécurité publique Canada a publié une version mise à jour des Lignes directrices pour les entités (les « LDE mises à jour ») et des Lignes directrices pour les institutions fédérales (les « LDIF mises à jour ») (collectivement, les « lignes directrices mises à jour ») concernant la législation canadienne sur les chaines d’approvisionnement, soit la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement (la « Loi »). En vertu de la Loi, les entités déclarantes sont tenues de remplir et de soumettre à Sécurité publique Canada un questionnaire en ligne (le « questionnaire ») et un rapport (le « rapport ») au sujet des mesures qu’elles ont prises pour prévenir et réduire le risque que le travail forcé ou le travail des enfants ait été utilisé dans leurs chaines d’approvisionnement au cours de l’exercice précédent.
Lignes directrices mises à jour pour les entités
Comportant d’importants éléments qui ont été actualisés, les LDE mises à jour visent en outre à clarifier plusieurs questions courantes au sujet de la portée et de l’application de la Loi. Voici les principaux changements et points à retenir :
Lignes directrices pour déterminer si une entité est assujettie à la Loi
- Le fait de posséder des « actifs au Canada » se limite désormais à la marchandise corporelle. Un organisme ne doit pas inclure les actifs incorporels tels que la propriété intellectuelle, les titres et les bonnes volontés dans son évaluation visant à déterminer s’il possède des actifs au Canada. Ce resserrement de la définition permet de préciser que la possession de titres au Canada ne suffit pas, à elle seule, à assujettir des entités à la Loi. Il s’agit d’un revirement de position par rapport à la version antérieure des Lignes directrices pour les entités, laquelle incluait expressément les actifs incorporels aux actifs visés par la Loi.
- Les entités peuvent exclure les actifs incorporels du calcul du total « mondial » de leurs actifs. Les entités peuvent désormais ne pas tenir compte de leurs actifs incorporels dans l’évaluation visant à déterminer si le total mondial de leurs actifs atteint le seuil prescrit lié à la taille et, par conséquent, si elles sont assujetties à la Loi.
- Les entités peuvent continuer de déterminer si elles exercent des activités au Canada selon des considérations fiscales canadiennes. Une entité peut déterminer si elle exerce des activités au Canada en évaluant les facteurs pris en compte par l’Agence du revenu du Canada pour établir si une personne « exploite une entreprise au Canada » aux fins de la TPS/TVH. Ces facteurs comprennent notamment les lieux où les marchandises sont produites, vendues ou distribuées; les lieux où les employés sont situés; les lieux où les livraisons, les paiements, les achats ou les contrats sont effectués ou les actifs sont acquis; et les lieux où des actifs, des stocks ou des comptes bancaires sont situés.
- Le terme « employé » n’est plus défini par référence à la common law canadienne. Le terme « employé » désigne les personnes employées à temps plein, à temps partiel ou à titre temporaire au Canada ou dans tout autre ressort. Les entrepreneurs indépendants sont expressément exclus de cette définition.
Lignes directrices pour déterminer si une entité doit produire une déclaration
- Sécurité publique Canada ne cherchera pas à prendre des mesures d’application de la Loi à l’égard des entités qui s’occupent uniquement de la « vente » ou de la « distribution » de marchandises. Les entités qui vendent ou qui distribuent des marchandises, mais qui ne produisent pas des marchandises au Canada ou ailleurs, qui n’importent pas des marchandises produites à l’extérieur du Canada, ou qui ne contrôlent pas une autre entité qui produit ou qui importe des marchandises au Canada, ne sont pas tenues de produire une déclaration en vertu de la Loi. Sécurité publique Canada a par ailleurs indiqué qu’elle ne prendra aucune mesure d’application de la Loi contre de telles entités, même si le libellé à l’effet de telles mesures figure à la Loi.
- Les « marchandises » sont définies comme étant des « marchandises physiques corporelles ». L’immobilier, l’électricité, les services logiciels, les régimes et produits d’assurance et autres produits incorporels sont exclus de la définition de la production et de l’importation de marchandises.
- Une entité « importe » des marchandises si elle est la véritable importatrice qui a en réalité causé l’importation des marchandises au Canada. En général, une entité « [cause] l’importation [de] marchandises au Canada » si elle comptabilise ou paie les droits sur les marchandises importées. Les courtiers en douane, les courriers express, les consultants commerciaux et autres tiers autorisés à effectuer des transactions au nom de l’importateur ou à rendre compte des marchandises à la place de l’importateur ne seront généralement pas considérés comme des importateurs. Les LDE mises à jour soulignent par ailleurs que l’achat de biens produits à l’extérieur du Canada auprès d’un tiers, lorsque ce tiers est considéré comme l’importateur, ne compte pas comme une importation de marchandises.
- Des lignes directrices additionnelles sont fournies au sujet du sens du terme « contrôle ». Santé publique Canada invite les entités à consulter les lignes directrices du Bureau du surintendant des institutions financières sur le contrôle de fait afin que ces entités puissent déterminer si elles exercent un contrôle direct ou indirect auprès d’une filiale.
- Des précisions additionnelles sont apportées quant au « seuil de minimis » applicable à l’importation ou à la production de marchandises. Selon la version antérieure des Lignes directrices pour les entités, la Loi devait être comprise comme excluant les « transactions très mineures ». Les LDE mises à jour apportent toutefois des précisions à ce sujet, en indiquant que les « transactions très mineures » peuvent être interprétées conformément aux principes de minimis généralement acceptés dans le contexte des activités de chaque entité. Cela donne à penser que des importations de quantités très petites ou négligeables de marchandises dans le contexte des activités d’une entité pourraient être considérées comme des « transactions très mineures » et ne donneraient donc pas lieu à une obligation de déclaration.
Lignes directrices sur les exigences relatives aux rapports
- Les entités ne sont pas tenues de signaler des cas ou des allégations spécifiques de travail forcé ou de travail des enfants. Les LDE mises à jour réitèrent que les entités ne doivent pas divulguer de renseignements sensibles qui pourraient créer un risque juridique ou compromettre la vie privée de quiconque. Il n’est pas nécessaire de faire référence à des cas, personnes ou groupes spécifiques dans la description des problèmes identifiés et les mesures correctives prises.
- Les réponses spécifiques peuvent être anonymisées. Si une entité fait rapport sur des cas spécifiques de travail forcé ou de travail des enfants, les LDE mises à jour réitèrent qu’il est acceptable d’anonymiser les détails (par exemple, en décrivant une étude de cas généralisée).
- Une description générale de la manière dont une entité évalue et gère les risques suffit. Les exigences de déclaration prévues à la Loi n’ont pas pour objectif de certifier qu’une entité est « sans risque », mais de démontrer qu’elle a pris des mesures pour identifier et gérer les risques, si des mesures ont été prises.
- Les entités peuvent continuer d’indiquer où elles en sont dans le processus d’élaboration de leur réponse au travail forcé et au travail des enfants, même si les mesures n’ont pas encore été pleinement mises en œuvre.
- S’il existe des preuves de travail forcé ou de travail des enfants dans les activités ou les chaines d’approvisionnement d’une entité, mais qu’aucune mesure n’a été prise par cette dernière, il suffit de l’indiquer dans le rapport. La Loi a pour objectif d’encourager la transparence, et non pas de pénaliser les entités déclarantes.
Lignes directrices relatives au dépôt des rapports
- Les entités peuvent utiliser les rapports qu’elles ont produits conformément à la législation sur l’esclavage moderne d’autres ressorts, pourvu que ces rapports répondent aux exigences de la Loi.
- Il n’est plus obligatoire d’utiliser la formulation d’attestation de Sécurité publique Canada. La formulation d’attestation qui est prévue aux LDE mises à jour (et à la version antérieure de ces lignes directrices) constitue désormais un « exemple »; les entités bénéficient donc d’une certaine souplesse pour rédiger des attestations moins complexes, pourvu que ces dernières satisfassent aux exigences de la Loi.
- Il n’est pas nécessaire que le corps dirigeant d’une entité approuve le questionnaire de cette dernière. Cependant, l’approbation du rapport d’une entité par le corps dirigeant de cette dernière est exigée.
- Il appartient à l’entité déclarante de déterminer qui remplira le questionnaire. Une entité peut autoriser toute personne à remplir le questionnaire en son nom; cependant, Sécurité publique Canada peut communiquer avec cette personne pour obtenir des détails supplémentaires au sujet des réponses soumises par l’entité.
- Une attestation peut comporter une signature électronique ou dactylographiée. Cependant, la mention « signé » dans le champ de signature ne constitue pas une signature.
- Les entités constituées sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA ») peuvent fournir à leurs actionnaires un exemplaire du rapport (accompagné de leurs états financiers annuels) en utilisant leurs moyens de livraison standards. Pour bon nombre de sociétés, une procédure de notification et d’accès conforme à la LCSA constitue un moyen de livraison standard.
- Les entités sont encouragées à tenir un répertoire de leurs rapports annuels, même si la Loi n’exige que la publication du rapport annuel actuel sur leur site Web.
Lignes directrices mises à jour pour les institutions fédérales
De moins grande ampleur que les LDE mises à jour, les LDIF mises à jour visent principalement à simplifier les lignes directrices émises antérieurement à l’intention des institutions fédérales. Elles soulignent la nécessité pour ces institutions de produire des rapports dans les deux langues officielles et leur rappellent qu’elles sont tenues de produire un rapport et un questionnaire. De plus, les LDIF mises à jour comportent trois éléments importants :
- Les gouvernements provinciaux et municipaux ne sont pas assujettis aux exigences de déclaration en tant qu’institutions fédérales. Néanmoins, certaines sociétés d’État provinciales et d’autres organismes gouvernementaux provinciaux ou municipaux peuvent être visés par la définition d’« entité ».
- Seuls les organismes qui répondent à la définition d’« institution fédérale » prévue à la Loi sont assujettis aux obligations incombant aux entités déclarantes en tant qu’institutions fédérales. D’autres organismes publics, tels que les universités et hôpitaux financés par l’État, ne répondent pas à la définition d’institution fédérale en vertu de la Loi. De tels organismes doivent évaluer s’ils répondent à la définition d’« entité » au sens de la Loi et déterminer s’ils sont assujettis aux obligations de déclaration.
- Les LDIF apportent des précisions au sujet de l’application du « seuil de minimis » applicable à la production, à l’achat et à la distribution de marchandises par une institution fédérale. Comme les LDE mises à jour, les LDIF mises à jour précisent le sens voulu de « transactions très mineures ». Cependant, les LDIF mises à jour prévoient expressément que les marchandises achetées au moyen d’une carte d’achat sont exclues de la portée de l’obligation de déclaration.
Principaux points à retenir
À la lumière des indications figurant aux lignes directrices mises à jour, les entités auraient avantage à évaluer, avant l’échéance du 31 mai 2025 (ou avant cette date pour certaines sociétés assujetties à la LCSA), l’applicabilité des exigences de déclaration prévues à la Loi pour les rapports devant être déposés au sujet de l’exercice en cours.
Comme il est indiqué dans les lignes directrices mises à jour et leurs versions antérieures, les entités doivent, dans leurs rapports, décrire les mesures concrètes qu’elles ont prises pour faire face aux risques de travail forcé et de travail des enfants, plutôt que de formuler des déclarations purement ambitieuses. Les lignes directrices mises à jour encouragent toutefois les entités d’indiquer également où elles se trouvent dans le processus d’élaboration de leur réponse au travail forcé et au travail des enfants, même si ces mesures n’ont pas encore été pleinement mises en œuvre. Comme l’année civile 2024 tire à sa fin, les sociétés devraient également profiter de l’occasion pour revoir les engagements ou les processus figurant dans leurs rapports initiaux. Elles pourraient ainsi profiter de cette période pour s’assurer qu’elles respectent les engagements qu’elles ont pris dans ces rapports, mais aussi mettre en œuvre les mesures qui feront partie du rapport pour l’exercice 2025.
Pour en savoir plus au sujet des développements entourant la législation canadienne sur le travail forcé et l’esclavage moderne, consultez notre Bulletin Blakes de mai 2023 intitulé Projet de loi S-211 : Obligation de faire rapport sur le travail forcé dans les chaines d’approvisionnement, notre Bulletin Blakes d’octobre 2023 intitulé Travail forcé et travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement : êtes-vous prêts à vous conformer à la Loi?, notre Bulletin Blakes de décembre 2023 intitulé Partie I : Nouvelle loi sur l’esclavage moderne : le Canada publie enfin des lignes directrices, notre Bulletin Blakes de janvier 2024 intitulé Partie II : D’importantes incidences devraient découler des lignes directrices relatives à la Loi sur l’esclavage moderne et notre Bulletin Blakes de novembre 2024 intitulé Loi canadienne sur l’esclavage moderne : Survol de la toute première période de déclaration.
Pour en savoir davantage au sujet de toute question abordée dans le présent bulletin, communiquez avec un membre de notre groupe Commerce international.
Ressources connexes
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