Dans sa décision récemment rendue dans l’affaire NorthWest Copper Corp. (l’« affaire NorthWest Copper »), la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique (la « Commission ») a rejeté une demande de NorthWest Copper Corp. (« NWST » ou la « Société ») dans laquelle celle-ci alléguait que trois actionnaires distincts avaient agi de concert et avaient omis de rendre publique l’information à fournir conformément au système d’alerte au sujet de leur action concertée et de leur propriété conjointe visant plus de 10 % des actions en circulation de la Société, comme l’exige le Règlement 62-104 sur les offres publiques d'achat et de rachat (le « Règlement 62-104 »).
La décision de la Commission offre des précisions sur une question fréquemment soulevée par les sociétés confrontées à des mesures de dissidence prises par de multiples actionnaires. Plus particulièrement, cette décision met la barre assez haute pour qui veut établir une relation d’alliés entre des actionnaires discutant entre eux de la possibilité de contester la composition d’un conseil d’administration en fonction. La formation de la Commission a également réaffirmé de précédentes décisions des organismes de réglementation des valeurs mobilières selon lesquelles même si une violation des règles du système d’alerte est établie, les organismes refuseront généralement d’accorder des redressements tels qu’une interdiction d’exercer des droits de vote et de solliciter des procurations. On pourrait s’attendre à ce que ces organismes rendent plutôt une ordonnance de communication d’information à des fins correctives.
Contexte
Le recours de la Société faisait suite à des mesures prises par deux actionnaires (MM. Ianno et Sawiak, lesquels détenaient respectivement 3,9 % et 0,4 % des actions ordinaires en circulation de la Société) en vue de modifier la composition du conseil d’administration de NWST (le « conseil »). Dans le cadre de leurs communications avec le conseil en 2022 et en 2023, MM. Ianno et Sawiak ont prétendu avoir l’appui d’un autre actionnaire important de NWST (M. Kimmel, lequel détenait 8,2 % des actions ordinaires en circulation de la Société).
En mai 2023, M. Sawiak a remis à NWST un préavis de son intention de proposer une liste de candidats dissidents à des postes d’administrateurs à l’assemblée générale annuelle de 2023 de la Société (l’« assemblée »), conformément aux dispositions relatives aux préavis des statuts de la Société. Dans son préavis, M. Sawiak a déclaré qu’il n’agissait pas de concert avec une autre personne physique ou morale (c.-à-d. ni avec M. Ianno ni avec M. Kimmel). Plus tard, M. Sawiak a publié un communiqué de presse annonçant sa liste de candidats dissidents à l’élection à l’assemblée. La Société a alors reporté la date de l’assemblée et envoyé une lettre aux conseillers juridiques de M. Sawiak dans laquelle elle alléguait que ce dernier agissait de concert avec MM. Ianno et Kimmel.
La Société a invoqué le fait que M. Kimmel ayant convenu de contribuer aux coûts de la sollicitation de procurations devant être engagés par M. Sawiak constituait une preuve que M. Kimmel agissait de concert avec MM. Sawiak et Ianno. La Société a également fait valoir qu’étant donné que MM. Kimmel, Sawiak et Ianno détenaient plus de 10 % des actions ordinaires en circulation de la Société, l’établissement allégué d’une relation d’alliés entre les trois actionnaires avait fait naître une obligation de déposer une déclaration selon le système d’alerte en vertu du Règlement 62-104, et qu’il n’était pas nécessaire qu’un membre du groupe ait subséquemment acquis des actions après la formation du groupe.
Ayant reporté la date de l’assemblée, NWST a demandé à la Commission, en août 2023, de rendre des ordonnances interdisant aux actionnaires intimés d’exercer les droits de vote rattachés à leurs actions dans le cadre de l’élection d’administrateurs à l’assemblée, empêchant les actionnaires dissidents de négocier des actions de NWST pendant six mois et obligeant M. Sawiak à se conformer aux règles du système d’alerte.
Décision de la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique
La formation de la Commission saisie de la demande de NWST a rejeté celle-ci.
Malgré la preuve de rapports et de discussions entre les actionnaires dissidents, la formation a statué que la Société ne s’était pas acquittée du fardeau requis pour établir que M. Kimmel avait agi de concert avec les autres personnes concernées. Par conséquent, le seuil de 10 % en matière de propriété d’actions fixé à l’article 5.2 du Règlement 62-104 n’avait pas été atteint et l’obligation de communication de l’information à fournir selon le système d’alerte prévue dans cet article ne s’appliquait donc pas.
Bien que la décision de la formation soit fondée sur les aspects particuliers de cette affaire, l’analyse des faits par la formation et l’application par celle-ci des normes juridiques relatives au fait d’agir de concert ont établi une barre relativement haute et laissent entendre que les actionnaires jouissent d’une certaine liberté de communiquer entre eux.
La formation a déterminé que même si M. Kimmel avait eu des discussions avec M. Sawiak, il ne s’était pas comporté comme un membre d’un groupe ayant un but commun. Qui plus est, le fait que M. Kimmel ait accepté de contribuer au financement des coûts que devait engager M. Sawiak ne prouvait pas l’existence d’un engagement ou d’une entente d’agir de concert. La formation a plutôt conclu que le comportement de M. Kimmel était conforme à celui d’un investisseur qui reste aux aguets et qui cherche des occasions de favoriser ses propres intérêts, d’une façon ou d’une autre. La formation a établi que l’unique but de M. Kimmel était de placer son propre représentant à la table du conseil. Elle a accepté la preuve présentée par ce dernier qu’en tout temps il avait agi de façon indépendante dans son propre intérêt et n’avait jamais été partie à une entente mutuelle selon laquelle il voterait avec MM. Sawiak et Ianno en vue de mettre en place une liste de candidats dissidents.
Bien que MM. Kimmel et Ianno aient discuté de leurs préoccupations au sujet du conseil et de la direction, la formation a déterminé que leurs discussions n’avaient pas débouché sur un plan d’action ou un engagement en ce sens. En ce qui concerne la preuve selon laquelle M. Sawiak avait prétendu avoir l’appui de M. Kimmel, la formation a fait valoir que la perception que M. Ianno ou M. Sawiak avaient de leur relation avec M. Kimmel ne comptait pas. Ce sont plutôt les intentions et les actions réelles de M. Kimmel qui devaient être examinées pour établir si celui-ci avait agi de concert avec les autres dans le but de faire élire les candidats dissidents proposés par M. Sawiak.
Même si la formation a conclu que M. Kimmel n’avait pas agi de concert avec les autres, ce qui rendait inutile la nécessité d’aborder les questions qui restaient en suspens, elle a décidé d’examiner certaines autres questions soulevées dans le cadre de cette affaire, fournissant ainsi des précisions utiles pour de futures courses aux procurations. Plus particulièrement :
- Application des règles quant à l’acquisition d’actions. La formation a rejeté l’affirmation de NWST selon laquelle aucune acquisition d’actions n’est requise pour entraîner l’obligation de faire une déclaration selon le système d’alerte. La formation a précisé que si les parties forment une relation d’alliés et détiennent ensemble du même coup plus de 10 % des actions en circulation, une interprétation littérale des règles indique que l’obligation de faire une déclaration selon le système d’alerte ne nait que dans le cas d’une acquisition subséquente d’actions.
- La barre est (judicieusement) haute. La formation a noté que la jurisprudence place la barre permettant d’établir que des parties agissent de concert relativement haut. En outre, elle a précisé que si la divulgation de blocs d’actions est importante, la libre circulation de l’information et des opinions entre les actionnaires d’une société ouverte l’est tout autant. La formation en est venue à la conclusion qu’il est préférable d’exiger une preuve suffisamment claire, convaincante et solide que les parties agissent de concert, et de risquer du même coup que certains groupes passent sous le radar, plutôt que de permettre la spéculation, laquelle créerait un climat incitant les actionnaires à éviter de discuter entre eux. Pour établir que les parties agissent « de concert », le demandeur doit être en mesure de démontrer selon la prépondérance des probabilités que les parties ont collaboré à l’atteinte d’un but précis commun, et non que les intérêts de celles-ci étaient simplement compatibles et qu’elles avaient discuté de leurs intérêts et objectifs respectifs.
- Le redressement approprié est la communication de l’information, et non la privation de droits. Bien qu’aucun redressement n’ait été demandé, la formation a indiqué que si elle avait tranché en faveur de NWST, tout préjudice ayant pu être causé à des investisseurs par l’absence de communication de certains éléments d’information aurait pu être corrigé par une ordonnance de communication, et que la privation du droit de voter ou l’imposition de restrictions similaires à l’exercice des droits des actionnaires auraient constitué des mesures punitives et disproportionnées par rapport à la non-conformité alléguée.
Conclusion
La décision de la formation d’aborder, de son propre chef, certaines questions soulevées dans la demande de NWST laisse croire que celle-ci souhaitait faire savoir que la valeur tactique d’éventuelles allégations de la même nature que celles formulées par NWST est limitée. La décision rendue dans l’affaire NorthWest Copper devrait également fournir aux actionnaires l’assurance que les commissions des valeurs mobilières canadiennes reconnaissent l’importance des communications entre actionnaires ainsi que l’existence d’une latitude considérable pour s’entretenir avec des dissidents.
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