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Nouvelles orientations sur les principes applicables aux prêts liés à la durabilité dans le contexte du financement de fonds

Par Fabien Lanteri-Massa, Rebecca Dawe et Grace Nguebou (stagiaire)
2 avril 2024

En mars 2024, des associations du secteur du financement de fonds ont annoncé la publication d’un nouvel ajout à la documentation sur les prêts liés à la durabilité, soit le Guide on Sustainability Linked Loan Principles in Fund Finance (le « Guide »).

La Fund Finance Association s’est jointe à l’Asia Pacific Loan Market Association et à la Loan Market Association, entre autres, pour produire le Guide, lequel fournit des conseils pratiques sur la mise en œuvre des principes applicables aux prêts liés à la durabilité (les « Principes ») dans le contexte particulier des opérations de financement de fonds. Le Guide décrit notamment les défis qui peuvent survenir, et les considérations à prendre en compte, dans le cadre de telles opérations. Il traite également de la façon dont les Principes peuvent s’appliquer efficacement dans le marché du financement de fonds sans s’éloigner par ailleurs de leurs objectifs primordiaux.

Depuis quelques années, le concept de finance durable est plus largement accepté. À la suite de la publication des Principes en mars 2019, de nombreux prêteurs et emprunteurs du secteur du financement de fonds se sont d’ailleurs appuyés sur ceux-ci pour s’orienter lorsqu’ils envisageaient d’intégrer des prêts liés à la durabilité à leurs opérations de financement de fonds. Or, même les fonds qui disposent de stratégies avancées qui intègrent les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (« ESG ») dans leurs décisions d’investissement ou leurs activités éprouvent parfois de la difficulté à appliquer les Principes aux facilités de financement de fonds.

En abordant chacune des composantes essentielles des Principes individuellement, le Guide examine les conflits potentiels entre ces composantes et les aspects structurels du financement de fonds. Il propose de surcroît une liste non exhaustive d’indicateurs clés de performance (« ICP ») potentiels.

Mise en contexte des prêts verts, des prêts sociaux et des prêts liés à la durabilité

Comme nous l’avons mentionné dans notre Bulletin Blakes de mai 2020 intitulé Nouveaux documents d’orientation sur les prêts verts et les prêts liés à la durabilité, il existe une distinction importante entre les prêts liés à la durabilité et les prêts verts ou les prêts sociaux, laquelle réside dans l’emploi du produit de ces types de prêt. Bien qu’il soit possible de structurer une opération de financement de fonds comme un prêt vert ou comme un prêt social lorsque le produit du prêt en question est affecté uniquement à des investissements verts ou sociaux, de nombreux emprunteurs peuvent trouver les restrictions relatives à l’emploi du produit trop contraignantes. De plus, les fonds d’investissement peuvent rencontrer des difficultés à satisfaire les critères stricts des prêts verts ou sociaux s’ils n’exercent pas de contrôle sur la gestion ou l’exploitation de leurs investissements. Malgré tout, les prêts verts ou sociaux peuvent être une option intéressante pour les fonds d’investissement axés sur des secteurs ayant un impact environnemental ou social.

Comme nous l’expliquons plus en détail ci-après, les prêts liés à la durabilité sont attrayants, quant à eux, en raison de leur structure durable et souple, de sorte qu’ils peuvent convenir aux emprunteurs d’un large éventail de secteurs, y compris des secteurs pour qui la transition vers la durabilité est généralement considérée comme plus ardue. Le fait que les prêts liés à la durabilité obligent les emprunteurs à déclarer à leurs prêteurs leur rendement par rapport à des ICP prédéterminés rend ce type de prêt particulièrement intéressant également, surtout dans un contexte où la communication de l’information au sujet des facteurs ESG figure parmi les priorités des prêteurs.

Prêts liés à la durabilité dans le cadre du financement de fonds : défis d’ordre pratique

Différentes raisons peuvent expliquer que le recours à des prêts liés à la durabilité dans le cadre d’opérations de financement de fonds pose des défis d’ordre pratique. Voici un aperçu des neuf défis décrits dans le Guide, étant entendu que cette liste n’est pas exhaustive :

  1. Les emprunteurs sont souvent nouvellement constitués, de sorte qu’ils ont peu de données historiques ou n’ont pas encore adopté une stratégie en matière de durabilité pour le fonds ou les sociétés de portefeuille. En raison de ce manque de données, il est difficile d’évaluer les progrès réalisés par l’emprunteur vers les objectifs de performance de durabilité (les « OPD ») établis.
  2. Il peut être difficile de cerner les ICP pertinents pour un fonds en raison des activités internes limitées de l’emprunteur, qui dispose souvent de petites installations physiques et d’un petit nombre d’employés. Dans de tels cas, une stratégie axée sur la durabilité ou sur les facteurs ESG peut alors être mise en œuvre au niveau du promoteur du fonds, au lieu du fonds lui-même. Au lieu d’appliquer ces stratégies aux prêts liés à la durabilité consentis individuellement à chaque fonds, il pourrait être plus efficace qu’elles soient adoptées par le promoteur et appliquées par ce dernier aux prêts liés à la durabilité.
  3. Compte tenu de l’importance croissante accordée aux facteurs ESG dans les stratégies d’investissement, les emprunteurs, conscients de l’incidence qu’ont les facteurs ESG sur les décisions de placement et voulant maximiser leurs chances de recueillir les fonds dont ils ont besoin, choisissent d’établir des ICP dans leurs opérations de financement de fonds d’investissement. Toutefois, comme il n’est pas possible de prévoir tous les investissements que fera un fonds, il peut être difficile d’identifier les ICP pertinents et d’établir des OPD ambitieux qui s’appliqueront uniformément à l’ensemble des investissements du fonds. Les prêteurs pourraient donc devoir effectuer des examens plus approfondis des processus de sélection et d’administration des investissements que la vérification diligente à laquelle ils procèdent habituellement.
  4. Bien que les fonds d’investissement tiennent de plus en plus compte des facteurs ESG, certains commencent tout juste à adopter une telle pratique, leur bassin d’investisseurs ayant des priorités différentes. Si les exigences imposées par le prêt lié à la durabilité proposé sont plus contraignantes que les exigences des investisseurs, en particulier en ce qui concerne la vérification par une tierce partie, ou dissuadent le fonds de faire des investissements que les investisseurs auraient souhaités, tant les fonds que les investisseurs pourraient considérer qu’un prêt lié à la durabilité ne constitue pas une affectation efficiente des ressources.
  5. La variété et l’ampleur des investissements réalisés par un fonds présentent des défis pour la vérification par une tierce partie, car il peut être coûteux et difficile de recueillir suffisamment de données et de trouver des vérificateurs appropriés. Le fait que les normes peuvent différer d’une société de portefeuille à l’autre ajoute également à la complexité. Les coûts élevés associés à la vérification pourraient dissuader certains emprunteurs de recourir à un prêt lié à la durabilité.
  6. Si un fonds n’exerce aucun contrôle sur les sociétés de portefeuille, il peut lui être difficile de recueillir les données requises ou d’évaluer l’atteinte des OPD. Il peut par ailleurs être inapproprié d’exiger d’un emprunteur qu’il prenne certaines mesures précises alors que la prise de ces mesures incombe plutôt à la société de portefeuille concernée. De même, si un fonds contrôle la plupart ou la totalité des sociétés de portefeuille, il est essentiel que les ICP établis diffèrent en fonction de chaque société de portefeuille.
  7. En ce qui concerne les fonds dédiés uniquement à l’atteinte d’objectifs ESG, un prêt lié à la durabilité pourrait ne pas pouvoir être octroyé, notamment si l’atteinte d’un ICP ou d’un OPD au-delà du simple « maintien du statu quo » ne peut être déterminée conformément aux Principes. Le cas échéant, un prêt vert ou un prêt social pourrait mieux convenir.
  8. Compte tenu de la courte durée de nombreuses facilités de financement de fonds (de 1 à 3 ans), les prêts liés à la durabilité ajustent généralement les prix après la première année. Ce délai plus court peut rendre difficiles la collecte et l’utilisation de données suffisantes pour justifier l’intégration d’une composante liée à la durabilité, ce qui pourrait réduire la valeur d’une telle intégration aux yeux d’un emprunteur.
  9. Les conventions du marché et les règlements applicables en ce qui a trait à l’application des principes de durabilité aux fonds d’investissement évoluent et varient selon les territoires. Les prêteurs et les emprunteurs devraient s’assurer d’être bien au fait des exigences applicables dans le cadre de la négociation des ICP et des OPD. Ils devraient s’assurer également que les OPD dépassent les normes réglementaires.

Indicateurs clés de performance (« ICP »)

Le Guide souligne le fait que dans les opérations de financement de fonds, les prêteurs et les emprunteurs ont des approches différentes pour ce qui est de l’intégration de dispositions en matière de durabilité dans les documents de leurs facilités de crédit. Les prêteurs et les emprunteurs s’entendraient, en revanche, sur ce qui suit : le choix des ICP et l’ajustement des prix doivent s’aligner sur des objectifs ambitieux en matière de durabilité, lesquels doivent être pertinents pour la principale stratégie d’affaires ou d’investissement de l’emprunteur et doivent dépasser les exigences standard. Les emprunteurs peuvent choisir les ICP qui correspondent à leurs activités internes ou aux investissements de leurs fonds d’investissement. Il est crucial que l’emprunteur et le prêteur définissent conjointement, de façon claire, des ICP et des OPD appropriées. Un ICP lié aux investissements d’un fonds peut être calculé en tant que pourcentage des investissements qui satisfont certains critères précis, ce qui mène à une conformité accrue au fil du temps, et peut éventuellement s’étendre aux opérations de chaque entreprise du portefeuille ou avoir un impact sur les mesures pour l’ensemble du fonds, comme la réduction des émissions financées. Il peut être nécessaire d’échelonner graduellement les ICP ou les critères d’admissibilité relatifs aux investissements du fonds. Par exemple, une période minimale peut devoir s’être écoulée avant qu’un investissement soit pris en compte dans l’évaluation de la conformité.

Calibrage des CRD

Les acteurs du marché devraient prendre connaissance des Principes pour obtenir des directives concernant l’établissement des OPD. Peu importe l’approche retenue pour la mise en œuvre des ICP dans le cadre d’une opération de financement de fonds, les OPD devraient toujours être suffisamment ambitieux et refléter les recommandations formulées dans les Principes, notamment en dépassant nettement le simple « maintien du statu quo », en permettant une analyse comparative par rapport à des références externes, en cadrant avec la stratégie de l’emprunteur en matière de durabilité et les lignes directrices externes applicables, et en étant assorties d’un échéancier prédéterminé. Il est de surcroît recommandé que les données sur les OPD soient comparées à des données historiques ou à des données de sociétés comparables au sein du secteur. Il peut s’agir d’utiliser les données historiques d’anciens fonds d’investissement du même promoteur ou encore de fonds d'investissement se trouvant dans une situation similaire à celle du fonds pour être en mesure d’évaluer si un emprunteur a réalisé des progrès suffisants vers l’atteinte des objectifs établis au cours d’une période.

Nous vous tiendrons informés des développements concernant les prêts liés à la durabilité dans le contexte du financement de fonds, tant à l’échelle internationale que nationale.

Pour en savoir davantage, communiquez avec :


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