Le 9 décembre 2024, le gouvernement du Canada (le « gouvernement fédéral ») a annoncé des modifications au Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la République populaire de Chine (le « Règlement »), ajoutant huit particuliers au nombre des personnes physiques chinoises visées par des sanctions en vertu du Règlement. Ces personnes nouvellement sanctionnées, lesquelles sont d’anciens ou d’actuels hauts fonctionnaires de la République populaire de Chine (la « Chine »), sont impliquées dans de graves violations des droits de la personne au Xinjiang et au Tibet, et dans la répression menée contre les adeptes du Falun Gong, une pratique spirituelle.
Dans son communiqué, le gouvernement fédéral indique que l’imposition de ces nouvelles sanctions vient en réponse aux violations des droits de la personne commises au Xianjiang et se joint aux autres mesures récentes visant à contrer l’importation de biens issus du travail forcé. Ce faisant, le gouvernement fédéral signale une stratégie plus vaste ayant pour but de lutter contre les violations des droits de la personne en Chine par l’intermédiaire d’un éventail de restrictions commerciales. Les entreprises devraient se préparer à devoir composer avec d’autres restrictions commerciales éventuelles visant la Chine.
1. Sanctions canadiennes contre la Chine
L’imposition de ces nouvelles sanctions constitue la première modification de la liste des sanctions canadiennes contre la Chine depuis l’établissement de cette liste en 2021, laquelle était composée à l’époque de quatre personnes physiques et d’une entité chinoise.
En vertu du Règlement, il est interdit à toute personne et à toute entité au Canada, ainsi qu’à toute personne ou entité canadienne se trouvant à l’étranger, d’effectuer des opérations avec les personnes dont le nom figure sur la liste des personnes sanctionnées figurant au Règlement (soit, en réalité, un blocage de biens). Plus précisément, il leur est interdit de participer à une opération portant sur un bien qui appartient à une personne sanctionnée, ou encore de fournir des biens ou des services financiers à une telle personne.
De plus, aux termes du Règlement, il est interdit de faire sciemment quoi que ce soit qui occasionnerait ou faciliterait la réalisation de toute opération interdite.
2. Élargissement des restrictions commerciales pour lutter contre le travail forcé et le travail des enfants
Ces nouvelles sanctions contre la Chine constituent les plus récentes initiatives législatives et stratégiques mises en œuvre par le gouvernement fédéral dans le cadre de son engagement plus général à lutter contre le travail forcé et le travail des enfants. Les autres mesures prises par ce dernier comprennent les suivantes :
- En juillet 2020, le gouvernement fédéral a modifié le Tarif des douanes afin d’interdire l’importation de biens issus du travail forcé. Selon le gouvernement fédéral, cette modification constitue le fondement des mesures visant à contrer la production de biens issus du travail forcé en provenance du Xinjiang.
- En janvier 2021, le gouvernement fédéral avait annoncé une gamme de mesures ayant pour but de lutter contre les violations des droits de la personne en Chine et de réduire le risque que des biens issus du travail forcé entrent dans les chaînes d’approvisionnement canadiennes et mondiales. Ces mesures comprennent la publication d’un avis sur la conduite des affaires avec des entités liées au Xinjiang, l’élaboration d’attentes en matière de conduite responsable des entreprises relativement aux affaires avec de telles entités, l’obligation pour les entreprises ayant recours au soutien du Service des délégués commerciaux de signer une déclaration d’intégrité sur la conduite des affaires avec des entités du Xinjiang, ainsi qu’une surveillance accrue des demandes de licence d’exportation pour des biens destinés à la Chine.
- En mai 2023, le gouvernement fédéral a adopté le projet de loi S-211, Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement et modifiant le Tarif des douanes, en vertu duquel les entreprises canadiennes sont désormais tenues de déposer des rapports publics sur les mesures qu’elles ont prises à l’égard du travail forcé et du travail des enfants au sein de leur chaîne d’approvisionnement. Le groupe Commerce international de Blakes a publié de nombreux articles sur ce sujet, y compris deux Bulletins Blakes en novembre 2024 : Loi canadienne sur l’esclavage moderne : Survol de la toute première période de déclaration et Mise à jour des lignes directrices sur la législation canadienne visant le travail forcé et le travail des enfants.
En ciblant de hauts fonctionnaires chinois et en multipliant les mesures relatives au travail forcé qui désignent spécifiquement la Chine, le gouvernement fédéral manifeste son intention de lutter contre les violations des droits de la personne au moyen de restrictions commerciales et de sanctions directes.
3. Possibilité d’autres restrictions à l’importation de biens en provenance de la Chine
Le moment choisi pour apporter les modifications susmentionnées au Règlement donne à penser que le gouvernement fédéral aligne son régime de sanctions sur un plan plus vaste en matière de politique commerciale visant à lutter contre les violations des droits de la personne et les pratiques commerciales déloyales en Chine.
En effet, l’annonce de ces nouvelles sanctions survient peu après l’imposition de nouveaux tarifs douaniers à l’encontre de la Chine par le gouvernement fédéral, ainsi qu’à la suite d’une période de consultation de 30 jours sur de nouvelles mesures visant à renforcer l’interdiction d’importation des biens issus du travail forcé ou du travail des enfants, laquelle période de consultation a pris fin en novembre 2024. Comme nous en avons fait état dans notre Bulletin Blakes du 7 novembre 2024 intitulé Importation des biens issus du travail forcé : Le Canada lance des consultations publiques sur de nouvelles mesures, les mesures envisagées comprennent :
- la publication d’une liste de biens ou de régions spécifiés qui sont exposés au risque de travail forcé;
- un processus de traçabilité obligatoire qui inverserait le fardeau de la preuve, c’est-à-dire un processus par lequel il incomberait plutôt aux importateurs de biens figurant sur la liste publique mentionnée au point précédent de fournir des documents démontrant qu’aucun cas de recours au travail forcé n’a été repéré dans leur chaîne d’approvisionnement.
Ces mesures permettraient de mieux harmoniser l’approche adoptée par le Canada avec celle des États-Unis pour ce qui est de la lutte contre le travail forcé. Aux États-Unis, la législation pertinente interdit l’importation des biens en provenance de Xinjiang et prévoit également l’inversion du fardeau de la preuve, de telle façon qu’il incombe à l’importateur de démontrer qu’il n’existe aucun recours au travail forcé dans sa chaîne d’approvisionnement.
Ces mesures s’alignent également sur l’approche de plus en plus intransigeante des États-Unis en matière de commerce et de politique étrangère à l’encontre de la Chine. D’autres restrictions visant des produits chinois pourraient être adoptées, notamment l’imposition de nouvelles mesures tarifaires sur certains produits fabriqués.
4. Préparation en vue d’autres modifications réglementaires
La multiplication des sanctions, des restrictions et des interdictions accentue le risque de différends, notamment réglementaires, et d’un nombre accru de saisies à la frontière. Les entreprises canadiennes seraient avisées de prendre des mesures proactives susceptibles de les aider à s’adapter à cet environnement réglementaire en évolution, notamment :
- surveiller de près leur chaîne d’approvisionnement pour en assurer la conformité aux interdictions en matière de travail forcé et de travail des enfants;
- passer en revue leurs arrangements contractuels pour déterminer à quelle partie il incomberait d’assumer les coûts et les risques en cas d’inexécution si de nouvelles sanctions ou de nouvelles restrictions à l’importation étaient imposées;
- diversifier leurs sources d’approvisionnement et trouver des solutions de rechange, tant au Canada qu’à l’étranger, pour ce qui est des diverses composantes de leur chaîne d’approvisionnement, y compris aux termes de la panoplie des accords commerciaux internationaux du Canada (pour en savoir davantage à ce sujet, consultez la section IV de notre guide Faire affaire au Canada, intitulée Réglementation en matière de commerce et d’investissement).
Les entreprises ayant des préoccupations au sujet des répercussions possibles de ces mesures sur leurs activités devraient solliciter les services d’un conseiller juridique. Nous invitons les entreprises à communiquer avec les auteurs du présent bulletin ou tout autre membre de notre groupe Commerce international.
Ressources connexes
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