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Projet de loi 29 de la Colombie-Britannique : Répercussions de la Mortgage Services Act auprès des prêteurs hypothécaires

Par Greg Umbach et Jenissa Sunderji (étudiante d’été)
16 août 2024

Le projet de loi 29 de la Colombie-Britannique (le « projet de loi ») abroge la loi intitulée Mortgage Brokers Act de cette province et la remplace par une nouvelle loi, soit la Mortgage Services Act (la « Loi »), laquelle établit un régime d’octroi de permis et de réglementation à l’intention des maisons de courtage hypothécaire, des courtiers principaux et des prêteurs hypothécaires. Même si la majeure partie des dispositions de la Loi ne sont pas encore en vigueur, le projet de loi n’aura pas moins d’importantes répercussions auprès des prêteurs hypothécaires non institutionnels et non canadiens.

Le projet de loi a été rédigé essentiellement en réponse au rapport de la commission d’enquête sur le recyclage des produits de la criminalité en Colombie-Britannique (Commission of Inquiry into Money Laundering in British Columbia) (le « rapport Cullen »), publié en 2022. La Loi remplacera la Mortgage Brokers Act, R.S.B.C. 1996, c. 313, laquelle a fait l’objet d’un examen dans le cadre du rapport Cullen et est considérée désuète et insuffisante pour aborder les réalités du secteur. 

Sommaire

La Loi établit un régime d’octroi de permis à l’intention des prêteurs hypothécaires. Les répercussions précises de la Loi auprès des prêteurs hypothécaires dépendront de règles qui n’ont pas encore été adoptées. La Loi impose une obligation d’inscription aux prêteurs hypothécaires qui ne sont pas par ailleurs exemptés, ce qui concerne notamment les particuliers et les prêteurs non canadiens. Si les règles suivent le modèle du régime s’appliquant aux courtiers hypothécaires, elles imposeraient des exigences en matière de formation et d’expérience auprès des demandeurs souhaitant obtenir un permis d’exercer l’activité de prêteur hypothécaire dans la province. Elles établiraient également un régime de vérification des antécédents des demandeurs. L’organisme responsable de la réglementation des services financiers en Colombie-Britannique, soit la BC Financial Services Authority (la « BCFSA »), sera responsable d’appliquer la Loi.

Recommandations du rapport Cullen 

La recommandation 29 du rapport Cullen suggère que [TRADUCTION] « la province adopte une loi à l’intention des prêteurs hypothécaires privés et prévoyant l’inscription de ces derniers, la surveillance de leurs activités et l’application de la loi. Ce régime devrait être distinct du régime applicable aux courtiers de prêts. »

Bien que le rapport Cullen propose que la législation régissant les activités des prêteurs hypothécaires soit distincte de celle visant les courtiers hypothécaires, ce n’est pas le résultat final. Selon les débats à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique à ce sujet, les prêteurs privés ont été ajoutés au champ d’application de la Loi afin que le régime d’octroi de permis, lequel se fonde sur celui prévu à la Real Estate Services Act, s’applique également à eux. Le fait de fusionner le régime de réglementation des prêteurs hypothécaires avec celui des courtiers hypothécaires et des courtiers principaux était également considéré comme un moyen d’éviter les écarts législatifs et de réduire au minimum le fardeau réglementaire imposé aux prêteurs.

Exigence d’inscription des prêteurs hypothécaires

En vertu du paragraphe 3(3) de la Loi, il est interdit à toute personne physique ou morale de fournir des services hypothécaires ou d’accorder des prêts hypothécaires à moins d’être titulaire d’un permis de prêteur hypothécaire, de maison de courtage hypothécaire, de courtier principal ou de courtier hypothécaire ou d’en être dispensé. Ces services comprennent également la prise d’hypothèques sur des biens réels en Colombie-Britannique.

De plus, l’article 4 de la Loi prévoit notamment que sont exemptées de cette exigence d’inscription les personnes qui suivent :

  1. les sociétés d’assurance;
  2. les institutions d’épargne;
  3. un administrateur, un dirigeant ou un employé d’une personne appartenant à l’une ou l’autre des catégories indiquées en a) et en b), relativement aux services hypothécaires fournis au nom de cette personne.

Bien que les termes « société d’assurance » (insurance company) et « institution d’épargne » (savings institution) ne soient pas définis dans la Loi, une « société d’assurance » est définie dans la Interpretation Act de la Colombie-Britannique comme étant une société d’assurance qui est autorisée à exercer ses activités en vertu de la Financial Institutions Act de la Colombie-Britannique. Quant au terme « institution d’épargne », il y est défini comme étant une banque, une caisse de crédit, une société de fiducie extraprovinciale ou une filiale d’une banque qui est une société de prêt assujettie à la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt du Canada. De plus, le terme « banque » y est défini comme étant une banque assujettie à la Loi sur les banques du Canada. Ces deux définitions sont d’intérêt particulier pour les sociétés d’assurance non canadiennes qui offrent des produits d’assurance à des prêteurs, ainsi que pour les sociétés octroyant des prêts en Colombie-Britannique contre des garanties d’hypothèques. 

Il s’agit d’une pratique courante pour une banque ou un autre prêteur non canadien de prendre une sûreté sur des biens immeubles canadiens dans le cadre de financements multiterritoriaux de plus grande envergure lorsque le prêteur n’est pas assujetti aux lois canadiennes susmentionnées. Par exemple, plusieurs banques américaines ont des succursales ou des filiales canadiennes autorisées en vertu de la Loi sur les banques à titre de banques étrangères; or, ces banques américaines ne peuvent pas prendre une telle sûreté par l’intermédiaire de leurs filiales autorisées, ce qui soulève la question de savoir si elles seraient ainsi assujetties à l’exigence d’inscription prévue à la Loi. Plusieurs banques et sociétés d’assurance non canadiennes, ainsi que leurs filiales, ne sont ni inscrites ni autorisées en vertu de la Loi sur les banques ou de la Financial Institutions Act; cependant, elles peuvent prendre légalement une hypothèque sur des biens immeubles en Colombie-Britannique à titre de sûreté sur un prêt. Évidemment, un particulier qui est un prêteur, qu’il soit canadien ou non, sera habituellement assujetti aux exigences d’inscription prévues à la Loi, car il n’en est pas exempté.

Exigences relatives à l’obtention de permis et processus de demande

L’article 14 de la Loi établit les processus de base pour présenter une demande de permis ou pour renouveler, modifier ou rétablir un permis. La forme et la manière de ces processus, ainsi que les exigences quant aux renseignements précis devant être fournis dans le cadre d’une demande, doivent être élaborées par le surintendant de la BCFSA (le « surintendant »). Le demandeur devra également fournir tous les frais prescrits en lien avec sa demande et le permis. Ces détails n’ont pas encore été publiés, car ils doivent être élaborés par la BCFSA dans le cadre des règles en vertu de la Loi.

Les exigences relatives à l’obtention d’un permis sont énoncées à l’article 15 de la Loi. Toutefois, cette dernière ne fournit aucun détail au sujet des demandes de permis de prêteur hypothécaire, sauf pour préciser que le demandeur doit convaincre le surintendant qu’il satisfait aux exigences d’admissibilité établies par les règles. L’article 63 de la Loi prévoit que la BCFSA peut établir des règles qu’elle juge nécessaires ou souhaitables concernant l’octroi de permis ou la réglementation des titulaires de permis pour la prestation de services hypothécaires. De telles règles peuvent viser notamment les qualifications requises, y compris la formation et l’expérience, pour obtenir ou renouveler un permis, y compris des règles conférant un pouvoir discrétionnaire à la BCFSA pour la détermination de qualifications équivalentes.

Bien qu’aucune règle n’ait encore été établie, la Loi est comparée à maintes reprises à la Real Estate Services Act et est décrite comme s’en inspirant. Il y a donc lieu de se tourner vers les règles prévues par la Real Estate Services Act pour avoir une idée de ce que la BCFSA pourrait établir comme exigences. Ces règles comprennent actuellement des exigences à l’égard des particuliers pour ce qui est de la formation, de la vérification des antécédents et de l’expérience (soit une expérience de 2 à 5 ans). Il reste à voir quelles seront les autres exigences que la BCFSA pourrait imposer aux prêteurs tenus d’obtenir un permis en vertu de la Loi.

Permis temporaires

En vertu de l’article 19 de la Loi, le surintendant peut délivrer un permis temporaire. Le titulaire d’un tel permis serait tenu, dans un délai prescrit ou avant une date précise, de satisfaire à des conditions spécifiques, faute de quoi, le permis serait annulé.

Défaut d’obtenir un permis

Exercice sans permis des activités visées par la Loi

L’article 6 de la Loi stipule qu’une hypothèque ne sera pas annulée, annulable ou inexécutoire si la personne ayant fourni des services hypothécaires liés à cette hypothèque ne détient pas de permis ou si cette personne produit une demande de renouvellement, de modification ou de rétablissement de permis qui comporte des irrégularités. 

Refus de délivrer ou de renouveler un permis

En vertu de l’article 15 de la Loi, le surintendant peut refuser de délivrer un permis si le demandeur ne satisfait pas aux critères susmentionnés. Il doit toutefois en aviser le demandeur à l’avance et lui donner l’occasion d’être entendu sur la question. Si une demande de permis est refusée, le surintendant doit fournir au demandeur un avis écrit du refus avec motifs à l’appui et l’informer de son droit d’en appeler du refus en vertu de la section 6 de la Loi. Cette section, intitulée Appeals to Financial Services Tribunal, comporte les dispositions relatives aux appels interjetés au tribunal des services financiers de la province. L’article 20 de la Loi autorise le surintendant à imposer des conditions ou des restrictions relativement à un permis, mais, comme pour un refus, il doit en aviser le demandeur et lui fournir les motifs à l’appui de ces conditions ou restrictions.

Infractions 

L’article 66 de la Loi comporte les dispositions relatives aux infractions. Quiconque contrevient au paragraphe 3(3) de la Loi (c.-à-d., l’exigence selon laquelle il faut détenir un permis pour exercer des activités de prêt hypothécaire) commet une infraction. De plus, quiconque contrevient aux articles 34 (vol), 35 (opération trompeuse) et 39 (entrave à une enquête) commet également une infraction. Il en est de même pour toute personne qui autorise ou qui permet la perpétration d’une infraction, ou qui y acquiesce. Les peines pour les infractions sont prévues à l’article 67. Une société déclarée coupable d’une première infraction est passible d’une amende pouvant s’élever à 1,25 M$ CA; pour une deuxième infraction, l’amende peut s’élever à 2,5 M$ CA. Les montants des amendes pouvant être imposées aux particuliers sont identiques à ceux des amendes imposables aux sociétés. De plus, un particulier déclaré coupable est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement, ou des deux. Le délai de prescription pour introduire des procédures est de six ans à compter de la date à laquelle le surintendant a pris connaissance des faits sur lesquels se fondent les procédures.

BCFSA et élaboration de règles

En vertu des articles 63 et 64 de la Loi, la BCFSA peut élaborer des règles relatives à l’administration de la Loi. Cependant, avant d’élaborer, de modifier ou d’abroger une règle, la BCFSA doit publier la règle proposée à des fins de consultation publique, obtenir le consentement du ministre des Finances de la Colombie-Britannique et se conformer aux procédures et aux exigences prévues aux règlements. En date des présentes, la BCFSA n’a pas encore publié ces règles et le processus relatif à l’obtention d’un permis.

Une fois en vigueur, ces règles et le processus d’inscription auprès de la BCFSA qui en découle auront une incidence importante sur les prêteurs hypothécaires institutionnels privés et non canadiens en Colombie-Britannique. Les prêteurs auraient avantage à consulter leurs conseillers juridiques dès les premières étapes d’une opération de prêt pour savoir s’ils sont assujettis à cette nouvelle obligation d’inscription prévue par la Loi.

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