Le 2 mai 2023, le projet de loi C-47, Loi no 1 d’exécution du budget de 2023 (le « projet de loi sur le Budget ») a passé l’étape de la deuxième lecture devant la Chambre des communes. Ce projet de loi porte sur la mise en œuvre des initiatives stratégiques décrites dans le Budget 2023 du gouvernement fédéral, publié le 28 mars dernier (le « Budget »), et propose d’apporter d’importantes modifications aux lois qui régissent les institutions financières sous réglementation fédérale (les « institutions financières »).
Le présent bulletin traite des principales modifications visant les institutions financières.
BAISSE DU TAUX D’INTÉRÊT CRIMINEL
Comme il est indiqué dans le Budget, le projet de loi sur le Budget modifierait le Code criminel afin d’abaisser le taux d’intérêt criminel à un taux annualisé de 35 %. À l’heure actuelle, selon ce qui est indiqué dans le Budget, le taux d’intérêt criminel a été fixé à 60 % et est exprimé sous la forme d’un taux annuel effectif équivalant à un taux annualisé de 47 %. La modification proposée fait suite à des consultations sur les prêts à conditions abusives menées par le ministère des Finances en août 2022. Elle concorde avec le taux d’intérêt criminel fédéral dont le plafond est actuellement en vigueur à l’égard des taux d’intérêt sur les contrats de consommation. Le gouvernement a également indiqué que des consultations additionnelles seront lancées en vue d’envisager une baisse supplémentaire du taux d’intérêt criminel.
Le taux d’intérêt criminel établi dans le Code criminel s’applique aussi bien aux contrats commerciaux qu’aux contrats de consommation. Le projet de loi sur le Budget propose la création d’un pouvoir réglementaire permettant au gouvernement d’exempter certaines ententes de l’interdiction relative au taux d’intérêt criminel prévue dans le Code criminel, bien qu’aucun règlement en ce sens n’ait été proposé à ce jour.
En ce qui a trait aux prêts sur salaire, il est annoncé dans le Budget que le gouvernement entend modifier l’exemption du Code criminel pour les prêts sur salaire afin d’obliger les prêteurs sur salaire à facturer au plus 14 $ CA par 100 $ CA empruntés, ce qui correspondrait au plafond le plus bas en vigueur dans les provinces.
Les changements apportés au taux d’intérêt criminel et au plafond sur les prêts sur salaire ne seraient pas rétroactifs à l’égard des ententes ou des arrangements existants.
NOUVEAU POUVOIR PERMETTANT D’AUGMENTER LA COUVERTURE D’ASSURANCE DE LA SADC
Le projet de loi sur le Budget prévoit un pouvoir nouveau mais temporaire permettant au ministre des Finances (le « ministre ») d’augmenter la somme prévue au titre de la couverture d’assurance-dépôts de la Société d’assurance-dépôts du Canada (la « SADC ») de 100 000 $ CA, soit la somme actuelle, à une somme supérieure, y compris en ce qui concerne une couverture complète. Cette modification à la Loi sur l’assurance-dépôts du Canada est structurée de telle sorte que le pouvoir discrétionnaire du ministre serait valide jusqu’au 30 avril 2024. Pour être en mesure d’augmenter la couverture, le ministre doit estimer que cela est nécessaire pour promouvoir la stabilité ou maintenir l’efficacité du système financier au Canada, et avoir obtenu l’autorisation du cabinet fédéral. La modification ferait concorder en grande partie le cadre de l’assurance-dépôts de la SADC avec l’exception relative au risque systémique (systemic risk exception) prévue dans la législation américaine sur les banques, de sorte que les autorités canadiennes pourraient augmenter la couverture d’assurance-dépôts dans des situations de crise sans devoir faire modifier la loi.
NOUVELLES OBLIGATIONS RELATIVES À L’INTÉGRITÉ ET À LA SÉCURITÉ IMPOSÉES AUX INSTITUTIONS FINANCIÈRES
Le projet de loi sur le Budget propose de nouvelles mesures concernant la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt et la Loi sur les sociétés d’assurances afin que les institutions financières puissent se protéger contre les menaces à leur intégrité ou à leur sécurité. Ces mesures visent également les risques connexes posés au système financier du Canada et à la sécurité nationale. Plus précisément :
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les institutions financières seraient tenues d’établir des politiques et des procédures adéquates pour se protéger contre toute menace à leur intégrité ou à leur sécurité, notamment une ingérence étrangère;
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les pouvoirs d’examen du Bureau du surintendant des institutions financières (le « BSIF ») seraient élargis de manière à inclure expressément une évaluation du caractère adéquat de ces politiques et procédures. Le pouvoir du BSIF de donner des directives et de conclure un accord prudentiel serait également étendu afin de s’appliquer aux lacunes décelées en matière d’intégrité et de sécurité;
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le ministre possèderait de nouveaux pouvoirs lui permettant d’ordonner, s’il déterminait qu’un actionnaire direct ou indirect d’une institution financière poserait une menace à l’intégrité ou à la sécurité de l’institution financière ou du système financier canadien, ou à la sécurité nationale du Canada, à cet actionnaire de se départir de ses actions. L’ordre pourrait également suspendre l’exercice des droits de vote rattachés aux actions.
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les lois fédérales relatives aux institutions financières permettraient également au BSIF d’exercer une supervision si la poursuite de l’exploitation de l’institution financière portait un préjudice à l’intégrité ou à la sécurité de celle-ci, posait un risque pour la sécurité nationale, ou si les déposants, les souscripteurs ou les créanciers de l’institution financière pouvaient être lésés par un ordre du ministre dont il est question ci-dessus.
Bon nombre de ces modifications proposées entreraient en vigueur le 1er janvier 2024. Toutefois, le projet de loi sur le Budget permettrait au BSIF de procéder à des examens des politiques et des procédures en matière d’intégrité et de sécurité immédiatement après la date de la sanction royale du projet de loi sur le Budget.
D’autres initiatives du gouvernement sont en cours en vue de renforcer l’intégrité et la sécurité ainsi que de traiter les menaces d’influence étrangère. Le gouvernement du Canada a lancé une consultation (actuellement en cours) pour la mise en œuvre d’un registre visant la transparence en matière d’influence étrangère. Par ailleurs, le 21 avril 2023, le BSIF a publié le Cadre d’exécution du test de la cyberrésilience fondé sur le renseignement (TCFR), qui propose une méthodologie pour repérer les vulnérabilités des institutions financières aux cyberattaques.
ORGANISME EXTERNE UNIQUE POUR LE TRAITEMENT DES PLAINTES
Le projet de loi sur le Budget modifierait également la Loi sur les banques afin de proposer un organisme externe de traitement des plaintes unique (l’« OTP ») appelé à remplacer les dispositions existantes qui permettent à de multiples OTP d’être autorisés par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (l’« ACFC »). Le nouvel OTP unique aurait le pouvoir d’établir des politiques, des procédures ainsi qu’un mandat avec l’approbation de l’ACFC. L’OTP soumettrait des rapports trimestriels à l’ACFC et, une fois par année, informerait cette dernière du nombre de plaintes à l’égard desquelles des banques auraient ignoré une recommandation finale.
MODIFICATIONS DE LA LÉGISLATION SUR LES SANCTIONS
Plusieurs modifications sont proposées à l’égard de deux importantes lois fédérales sur les sanctions, soit la Loi sur les mesures économiques spéciales (la « LMES ») et la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski) (la « LSM »). La plus importante de ces modifications propose, pour la première fois, des critères officiels permettant d’établir le contrôle relativement à des interdictions énumérées dans des listes en vertu de la LMES et de la LSM. Plus précisément, lorsqu’un règlement pris en vertu de la LMES ou de la LSM désigne une personne en tant que personne sanctionnée en vertu de ces lois, les entités contrôlées par ces entités désignées seraient alors réputées être elles-mêmes des personnes désignées. Dans la LMES et la LSM, le « contrôle » serait défini comme étant à la fois le contrôle juridique et le contrôle de fait. Toutefois, les critères permettant d’établir le contrôle sont énoncés autrement qu’ils ne le sont dans les lois fédérales relatives aux institutions financières. Plus précisément, une entité serait réputée contrôler une personne désignée si :
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la personne désignée détenait, même indirectement, au moins cinquante pour cent des actions ou des titres de participation de l’entité, ou des droits de vote de celle-ci;
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la personne désignée pouvait, même indirectement, modifier la composition ou les pouvoirs du conseil d’administration de l’entité;
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il était raisonnable, compte tenu des circonstances, de conclure que la personne désignée pouvait, même indirectement et par tout moyen, diriger les activités de l’entité.
Les critères permettant d’établir le contrôle ne sont pas intégrés dans d’autres lois fédérales sur les sanctions, comme la Loi sur les Nations Unies, la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus ou le Code criminel.
En outre, le projet de loi sur le Budget viendrait modifier la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (la « LRPCFAT ») afin d’obliger les entités régies en vertu de la LRPCFAT à déclarer les biens d’une personne désignée en vertu de la LMES ou de la LSM au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (« CANAFE »). À l’heure actuelle, la LRPCFAT exige que seuls les biens de personnes frappées de sanctions liées à des activités terroristes figurant dans des listes établies en vertu du Code criminel et du Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme soient déclarés au CANAFE.
MODIFICATIONS CONCERNANT LA LRPCFAT
D’autres modifications proposées à l’égard de la LRPCFAT sont résumées dans notre Bulletin Blakes d’avril 2023 intitulé De nouvelles modifications à la législation canadienne en matière de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité.
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Vladimir Shatiryan +1-416-863-4154
Paul Belanger +1-416-863-4284
Alan Fraser +1-416-863-3172
Ora Morison +1-416-863-2712
ou un autre membre de notre groupe Réglementation des services financiers.
Ressources connexes
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