Certains problèmes mondiaux qui ont marqué les dernières années, dont les relations internationales tendues, les perturbations des transports et l’imprévisibilité climatique, ont mis la sécurité alimentaire au premier plan. De tels facteurs, d’une part, peuvent donner lieu à des changements de politiques et à des modifications législatives dans les pays producteurs de denrées alimentaires comme le Canada, de manière à assurer une plus grande sécurité alimentaire à l’échelle nationale. Ils peuvent, d’autre part, faire en sorte que des investisseurs étrangers (provenant notamment de pays ou de régions aux prises avec des enjeux de sécurité alimentaire ou devant composer avec des écarts de production prononcés) s’intéressent aux terres agricoles d’autres territoires, y compris celles du Canada. Le présent bulletin examine les différentes approches adoptées au pays quant à la réglementation entourant l’achat de terres agricoles, en particulier par des étrangers.
ACHETER DES TERRES AGRICOLES AU CANADA
Il faut d’abord savoir que tous les investissements étrangers au Canada peuvent être assujettis à la Loi sur Investissement Canada (la « LIC ») et aux exigences qui y sont prévues en matière d’examen, même si peu d’investissements ont été rejetés au bout du compte depuis l’adoption de cette loi.
Il convient ensuite de souligner que la législation fédérale autorise chaque province et territoire à restreindre l’acquisition de biens (ce qui comprend les terres agricoles) par des non-Canadiens. Les provinces et les territoires ont adopté diverses approches pour réglementer l’acquisition de terres par des étrangers.
- Colombie-Britannique : Aucune restriction ne vise la propriété étrangère de terres agricoles.
- Alberta : Les non-résidents et les entités étrangères ne peuvent pas être propriétaires de plus de 20 acres de terres agricoles au total. Les sanctions infligées en cas de non-conformité peuvent être considérables et peuvent comprendre la vente en justice de la terre.
- Saskatchewan : Les non-résidents et les entités étrangères ne peuvent pas être propriétaires de plus de 10 acres de terres agricoles au total, sous réserve de certaines exemptions limitées.
- Manitoba : Les non-résidents et les entités étrangères ne peuvent pas être propriétaires de plus de 40 acres de terres agricoles au total, sous réserve de certaines exemptions limitées.
- Ontario : Aucune restriction ne vise la propriété étrangère de terres agricoles.
- Québec : Toute acquisition de terres agricoles par des non-résidents ou des entités étrangères doit être autorisée par l’autorité chargée de la réglementation dans le secteur agricole de la province.
- Nouvelle-Écosse : Aucune restriction ne vise la propriété étrangère de terres agricoles.
- Nouveau-Brunswick : Aucune restriction ne vise la propriété étrangère de terres agricoles.
- Terre-Neuve-et-Labrador : Aucune restriction ne vise la propriété étrangère de terres agricoles.
- Île-du-Prince-Édouard : Les particuliers et les entreprises, y compris les entités étrangères, peuvent être propriétaires, respectivement, d’au plus 1 000 acres et d’au plus 3 000 acres de terres agricoles.
- Territoires du Nord-Ouest, Yukon et Nunavut : L’acquisition de terres agricoles est assujettie à un cadre réglementaire distinct en vertu de la Loi sur les terres territoriales.
Dans la mesure où les investisseurs étrangers pourraient être assujettis à deux paliers de réglementation, ceux-ci devraient : 1) être au fait de la législation fédérale en matière d’investissement étranger, laquelle constitue un premier obstacle aux investissements étrangers entrants, et comprendre que l’application de cette législation peut varier en fonction d’événements géopolitiques; et 2) être au fait de la réglementation en vigueur dans chacune des provinces et dans chacun des territoires du Canada, afin de déterminer si un investissement dans des terres agricoles est même envisageable.
PROPOSITIONS AMÉRICAINES CONCERNANT LES INVESTISSEMENTS DANS DES TERRES AGRICOLES
Aux États-Unis, le gouvernement fédéral a établi des exigences en matière de divulgation d’information assez strictes en ce qui a trait à la propriété étrangère de terres agricoles. Certains États ont par ailleurs adopté des lois qui interdisent ou restreignent la propriété étrangère de biens immobiliers, ce qui comprend, dans certains cas, les terres agricoles, ainsi que les investissements étrangers dans de tels biens. Cela dit, une approche plus centralisée a été proposée au Congrès dans les dernières années, laquelle pourrait éventuellement entrainer des répercussions importantes sur la façon dont les terres agricoles peuvent être acquises aux États‑Unis.
Entre autres, il est proposé d’augmenter le nombre de représentants du secteur agricole au sein du Committee on Foreign Investment in the United States (« CFIUS »). Si cette proposition était adoptée, les investisseurs étrangers qui souhaitent acquérir des terres agricoles aux États-Unis pourraient devoir retenir les services de conseillers spécialisés afin qu’ils les accompagnent dans le cadre du processus d’examen. Il est également proposé d’ajouter les systèmes et chaînes d’approvisionnement agricoles aux définitions de « critical infrastructure » (infrastructure essentielle) et de « critical technologies » (technologies essentielles), ce qui donne à penser que le CFIUS pourrait examiner un investissement susceptible d’entrainer le contrôle étranger d’une entreprise qui ne serait pourtant pas liée directement au secteur agricole.
À QUOI S’ATTENDRE AU CANADA
Compte tenu des caractéristiques géographiques du Canada, il est intéressant de réfléchir à la manière dont nos propres cadres réglementaires pourraient évoluer en raison des préoccupations soulevées par la sécurité alimentaire, notamment au regard des nouveaux développements chez nos voisins du sud. Par exemple, au niveau fédéral, la production des rapports pourrait être simplifiée en créant une base coordonnée de données foncières. Notons que depuis janvier 2024, toutes les sociétés par actions constituées sous le régime des lois fédérales qui sont tenues de maintenir un registre des particuliers ayant un contrôle important (« PCI ») doivent désormais fournir les renseignements requis chaque année et à la survenance de tout changement aux fins de publication sur le site Web de Corporations Canada. Même si les nouvelles exigences en matière de déclaration visant les PCI ne sont pas directement liées à la propriété des terres, elles témoignent du fait que le gouvernement fédéral considère la transparence des entreprises comme faisant partie des questions de politique publique de plus en plus urgentes. Il n’est donc pas inconcevable qu’une approche réglementaire similaire, mais adaptée au secteur de l’agroentreprise, puisse être mise de l’avant, un peu comme c’est le cas aux États-Unis.
Il est possible aussi que le processus d’examen établi en vertu de la LIC devienne encore plus strict au fédéral. Les investissements étrangers font déjà l’objet d’une surveillance accrue au Canada quant aux incidences qu’ils pourraient avoir sur la sécurité nationale. De plus, aux termes des modifications proposées à la LIC qui devraient entrer en vigueur en 2024, la portée des opérations sujettes à l’examen pourrait être élargie de façon à introduire un nouveau régime obligatoire de dépôt préalable à la clôture pour certains investissements effectués dans des « activités commerciales réglementaires ». Comme la législation continue d’évoluer et que les partenaires commerciaux du Canada adaptent leur stratégie en matière d’investissements étrangers, y compris dans des terres agricoles, il n’est pas impossible que le gouvernement fédéral inclue les terres agricoles dans les activités commerciales réglementaires aux fins du nouveau régime de dépôt préalable à la clôture ou qu’il modifie autrement son approche à l’égard de l’examen des investissements étrangers dans les terres agricoles en vertu de la LIC.
Il est important de réfléchir à la façon dont ces modifications, lesquelles sont réglementaires en soi, auront des répercussions sur le plan des opérations, puisque la viabilité des investissements étrangers dans le secteur agricole aura une incidence sur le flux global des opérations qui entrent au pays. Au Canada, l’activité économique des investisseurs étrangers fait déjà l’objet d’une attention accrue et tout porte à croire que les terres agricoles deviendront un enjeu plus central pour déterminer qui réussira ou non à investir au pays.
Si vous avez des questions qui concernent les investissements étrangers entrants dans le contexte du secteur agricole au Canada, veuillez consulter un membre de nos groupes Agroalimentaire et produits alimentaires et embouteillés ou Investissement étranger.
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