Paul Ciriello, conseiller stratégique de notre cabinet et de nos clients, a répondu à nos questions détaillées sur le contexte actuel du financement, ainsi que sur ce qu’il faut faire, et ce qu’il faut éviter, en ce qui a trait à la mobilisation de capitaux à l’approche de 2024.
Paul est le fondateur ainsi que l’associé administrateur général de Fairhaven Capital Partners et de Milk Street Investments, une plateforme de placements qui repose sur l’analyse prédictive. Ensemble, ces fonds ont investi environ 500 M$ US dans plus de 80 jeunes entreprises aux États-Unis et au Canada. Établi à Boston et à Cambridge, Paul a mené des placements et élaboré des stratégies de sortie substantielles pour différentes entreprises en démarrage dans les secteurs de la cybersécurité, de l’infrastructure d’entreprise, de la technologie mobile, des services financiers, des produits alimentaires et embouteillés, de la logistique et des chaînes d’approvisionnement, ainsi que de la technologie immobilière. Paul a siégé au conseil d’administration de plusieurs entreprises en démarrage et il prodigue des conseils à de nombreuses autres.
1. En tant qu’investisseur au Canada et aux États-Unis, que pensez-vous du contexte actuel pour les entreprises qui cherchent à réunir des fonds?
La conjoncture est difficile pour ces entreprises, mais de nombreux signes indiquent que le pire est derrière nous. Dans l’ensemble, pour les entreprises en situation de forte croissance et dans les marchés tout.ia, les perspectives de financement demeureront solides. Pour les entreprises dans d’autres marchés et situations, je m’attends à ce que les conditions s’améliorent également, mais de façon plus graduelle. Comme tous les marchés sont généralement corrélés, à mesure que le rendement du marché public augmente, le coût du capital diminue et les marchés de sortie s’améliorent, de même que les flux de capitaux vers les investissements privés existants et nouveaux.
Dans l’immédiat, les investisseurs existants, les fournisseurs de titres de créance ainsi que les subventions et les crédits d’impôt gouvernementaux représentent probablement les meilleures sources de capitaux pour les entreprises qui doivent réunir des fonds entre le dernier et le prochain cycle du marché. Les nouveaux investisseurs et les nouveaux fournisseurs de titres de créance sont, à juste titre, plus prudents au cours de cette période, consacrant la majeure partie de leur temps et de leurs ressources à leurs portefeuilles existants.
Je conclurais en disant que les revenus d’une entreprise en croissance sont toujours la meilleure source de capitaux pour une entreprise, quels que soient le cycle et le moment.
2. Comment la situation devrait-elle évoluer, selon vous, au cours des 12 à 24 prochains mois?
Je pense que nous sommes au début du prochain cycle d’innovation et d’investissement dans le secteur des entreprises privées. Je m’attends avant tout autre chose à une accélération des investissements dans les entreprises fondées sur l’intelligence artificielle – dans l’ensemble, peu importe le secteur de l’économie. Tous les processus dans tous les secteurs sont actuellement dans le collimateur des entrepreneurs et des investisseurs. Vous souvenez-vous quand les entreprises se sont dépêchées à passer en ligne? D’après moi, nous nous trouvons à ce stade-là pour ce qui est du tout.ia et ce sera l’une des principales tendances qui définiront le nouveau cycle économique vers lequel nous nous dirigeons.
En ce qui concerne les investissements de capitaux privés, je pense également que le bassin de capitaux privés sera réduit, car les petits fonds ayant des actifs non productifs ont de la difficulté à réunir des fonds de suivi et les investisseurs institutionnels consolident leurs investissements dans des fonds de capital-investissement et de capital de risque de plus grande taille de type « centre monétaire » (money center) – une espèce de fuite vers la sécurité.
Les entreprises devant réunir des capitaux au cours des prochains trimestres devraient s’attendre à ce que le processus prenne plus de temps et soit plus difficile que par le passé. Bien sûr, les investisseurs existants et leurs relations restent la voie la plus rapide vers de nouveaux capitaux.
Ce sont vos investisseurs actuels qui sont les plus disposés à financer votre croissance et qui connaissent le mieux l’entreprise. Comme nous le voyons depuis un an environ, les nouveaux investissements pourraient continuer d’être effectués selon des rajustements d’évaluation.
Il sera toujours plus facile de réunir des capitaux pour les entreprises à forte croissance qui répondent aux attentes et aux paramètres du marché ou les dépassent; je pense, par exemple, à la règle des 40 des entreprises de logiciel-service, et ce, quel que soit le cycle. La meilleure chose qu’une entreprise puisse faire pour attirer des capitaux et des acquéreurs est de maintenir sa valeur à la valeur du marché.
Une collecte de fonds doit être considérée comme un processus de vente stratégique. Les hauts dirigeants d’entreprises privées devraient continuellement mobiliser des fonds. Il ne faut pas attendre d’avoir besoin d’argent pour chercher à mobiliser des fonds, il s’agit plutôt d’un processus continu. Pour ce faire, il faut essentiellement prendre contact avec des investisseurs, les familiariser avec votre entreprise, comprendre leurs intérêts en matière d’investissement et entretenir vos relations avec eux. Ce n’est jamais une bonne idée de demander de l’argent à quelqu’un la première fois qu’on le rencontre. Commencez à courtiser d’éventuels investisseurs dès que possible et veillez à maintenir de bonnes relations avec eux au fil du temps.
Pour les entreprises qui chercheront à réunir des fonds pour la première fois, les conditions resteront sans doute difficiles au cours des 12 à 24 prochains mois, mais elles vont s’améliorer éventuellement. Nous pouvons d’ores et déjà identifier certaines des nouvelles entreprises et certains des nouveaux fondateurs qui marqueront le prochain cycle. Le secteur des entreprises en prédémarrage a été assez robuste au cours des dernières années et le restera à l’avenir. La raison pour cela simple : la plus grande création de valeur se produit au premier stade, lorsque le risque est le plus élevé. Alors, continuez à développer de bonnes idées et à rassembler les meilleures personnes. La persévérance est bien souvent synonyme de réussite.
Si vos tentatives échouent et que vous persistez à croire que vous avez une bonne idée ou que le marché est bon, n’abandonnez pas. Adaptez-vous plutôt. Écoutez les commentaires et apportez les modifications qui vous semblent logiques. Les fondateurs et les exploitants qui ne renoncent jamais sont parfois appelés affectueusement les « coquerelles » parce qu’ils ont une capacité de survie remarquable – soyez une coquerelle qui s’adapte!
3. Quelles sont les mesures qu’une entreprise devrait s’assurer de prendre lorsqu’elle se prépare à aborder des investisseurs potentiels?
Le plus important, c’est d’avoir une bonne idée qui cadre avec les intérêts de l’investisseur. Rappelez-vous que les bonnes choses arrivent aux bonnes entreprises. Le fait de créer une valeur réelle qui est reconnue par des tiers est la meilleure façon d’accéder au marché. Les investisseurs veulent saisir les occasions à fort potentiel et soutenir les équipes qui fonctionnent bien. Donc, numéro 1 : créez une bonne entreprise – ça se verra. Numéro 2 : faites vos devoirs auprès de la communauté des investisseurs et focalisez vos efforts sur les investisseurs qui répondent le mieux à vos besoins. Numéro 3 : Connaissez votre marché et ce qui le fait tourner, et comprenez quels sont les critères de sortie pour les acheteurs, car c’est le potentiel « à la sortie » qui suscite l’intérêt des investisseurs. En effet, les investisseurs veulent réaliser un rendement sur le capital investi, s’assurer que vous êtes en phase avec leurs intérêts et voir que vous avez un plan qui aboutira à la réalisation d’un rendement considérable. Il est important d’avoir un plan. Tout repose sur l’exécution. Une bonne entreprise est en mesure de mettre sur pied la meilleure équipe possible et de livrer des résultats tangibles.
Comme tout le reste, il est essentiel d’élaborer une stratégie – soit une façon d’évaluer vos efforts et de vous adapter en fonction des commentaires du marché. Vous ne pouvez pas gérer ce que vous ne mesurez pas.
4. Y a-t-il des choses qu’il serait important d’éviter?
Accéder au marché trop tard et être mal préparé. Il est préférable de ne pas attendre d’avoir épuisé vos liquidités avant de chercher à mobiliser des fonds. Cela peut paraître évident et, bien entendu, personne ne veut se retrouver dans une telle situation, mais il n’est pas rare que cela arrive. La probabilité que vous réunissiez des fonds auprès de nouvelles sources lorsque vous manquez d’argent diminue chaque jour, et votre levier financier suit la même trajectoire. Si vous pouvez éviter cette dynamique, ce sera toujours le mieux.
5. Lorsqu’une entreprise s’adresse pour la première fois à des investisseurs externes ou cherche à attirer de nouveaux investisseurs, comment devrait-elle s’y prendre pour identifier les bons investisseurs et réussir à les rallier?
Vous devriez continuellement entretenir vos réseaux de contacts aux fins du développement de vos affaires et de la recherche d’investisseurs. Dans un secteur d’activités comme le nôtre, votre succès dépend des contacts que vous avez et de ceux auxquels vous avez accès. Vous ne devriez jamais négliger cet aspect de vos affaires. Il y a quelques étés, nous avons embauché une jeune diplômée comme stagiaire d’été. Elle a passé tout l’été à tisser des liens au sein du milieu. Aujourd’hui, elle est chef nationale des opérations de recrutement au chapitre des ventes d’une entreprise technologique à forte croissance aux États-Unis – une championne du relationnel.
Avec de bons réseaux de contacts, vous êtes prêt à vous lancer. Essayez, lorsque vous rencontrez des investisseurs, de ne pas leur demander d’argent. C’est ce que j’appelle « mettre la table ». Veillez d’abord à apprendre à les connaître. Pour y arriver, ouvrez des portes en élargissant et en utilisant vos réseaux de contacts. Peut-être pourriez-vous regarder du côté des investisseurs qui ont fréquenté la même école que vous ou qui ont travaillé dans la même entreprise que vous ou encore qui privilégient des types d’investissement qui correspondent à vous et à votre entreprise ou qui ont un intérêt particulier avec lequel vous cadrez. Essayez de comprendre les investisseurs que vous souhaitez attirer. Outre un penchant vers un marché en particulier, quels sont les facteurs qu’ils prennent en compte au moment d’investir? À quel stade ou à quelle étape investissent-ils? Dans quelle mesure ont-ils l’habitude d’investir? Ont-ils des restrictions géographiques? Est-ce que certains paramètres généraux constituent des conditions préalables pour eux, comme le fait que les produits ne génèrent pas encore de revenus ou en génèrent peu? Ont-ils un acolyte ayant une expérience directe relativement à votre marché, à votre technologie ou à votre modèle? Essentiellement, soyez intelligent et bien préparé.
L’autre chose consiste à élaborer un discours ou un argumentaire, ou à créer une présentation à l’intention des investisseurs, qui diffère de ce que vous utilisez sur le plan commercial. Ciblez la perspective des investisseurs en abordant des sujets comme la taille et la croissance du marché, les raisons qui devraient les convaincre de saisir l’occasion qui s’offre à eux, ainsi que les mesures que vous prenez pour rendre votre entreprise prospère. Préparez-vous à répondre à deux questions : « Et alors? » et « Que vais-je tirer de l’investissement que vous aimeriez que je fasse? ». Bien sûr, le contenu de votre présentation variera en fonction du stade où se trouve votre entreprise, du marché et du secteur. La seule chose qui ne change pas, en revanche, c’est l’importance qui sera accordée à l’équipe qui est en place et à la capacité de celle-ci de tenir ses promesses.
6. Quand une entreprise devrait-elle commencer à chercher des investisseurs?
Aujourd’hui, demain et tous les jours. Il n’est jamais trop tôt pour établir des relations avec des investisseurs et comprendre leurs intérêts et leur processus décisionnel. Une meilleure information mène à de meilleurs résultats. Il convient de considérer la collecte de fonds comme l’une des principales responsabilités du chef de la direction. Être continuellement en train de mobiliser des fonds est une bonne stratégie que tous les fondateurs et dirigeants devraient adopter.
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