La chaine d’approvisionnement traditionnelle subit une transformation profonde dans l’ensemble des secteurs d’activités à cause des tensions géopolitiques persistantes, de l’importance accrue accordée aux préoccupations et aux priorités environnementales, sociales et de gouvernance (« ESG ») ainsi que des séquelles de la pandémie. La chaine d’approvisionnement dans le secteur alimentaire, entre autres, fait l’objet d’un examen approfondi, les entreprises voulant pouvoir tabler sur la livraison de produits en temps opportun et en bon état. Bon nombre d’entre elles, d’ailleurs, ont été amenées à réévaluer leurs sources d’approvisionnement.
Enjeux juridiques
La transformation de la chaine d’approvisionnement soulève de nombreuses questions sur le plan juridique. En voici quelques exemples :
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Comment un fabricant de produits alimentaires peut-il s’assurer que les produits seront livrés dans les délais prévus?
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Comment les producteurs peuvent-ils assurer une certaine stabilité dans un contexte de roulement élevé du personnel et de formation insuffisante?
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Que peuvent faire les entreprises lorsqu’un transporteur augmente ses prix sans préavis ou à la dernière minute en raison de la hausse du prix du carburant?
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Comment les producteurs peuvent-ils composer avec la destruction des récoltes due aux crises climatiques?
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Comment l’approvisionnement en vivres peut-il être assuré dans un contexte géopolitique mondial incertain?
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Comment garantir le recours à des pratiques de travail justes et équitables tout au long de la chaine d’approvisionnement?
Clauses contractuelles
D’ordinaire, les contrats contiennent des clauses relatives à la responsabilité, à l’indemnisation et à la force majeure qui servent à protéger le fournisseur et le client. Or, comme ces types de clauses ne s’appliquent qu’une fois le problème survenu, celles-ci risquent de ne pas être suffisantes pour englober les écueils qui guettent les entreprises en raison de la précarité de la chaine d’approvisionnement, de l’introduction de nouvelles exigences législatives et de l’évolution des besoins des clients.
Les entreprises qui voudraient rendre leurs chaines d’approvisionnement plus fiables devraient faire preuve de proactivité en planifiant la continuité de leurs activités, en évaluant leur degré de dépendance et de vulnérabilité ainsi qu’en élaborant des stratégies novatrices pour gérer l’accès aux produits dont elles ont besoin, tout en veillant à faire affaire avec des fournisseurs responsables sur les plans environnemental et social. De plus en plus d’entreprises décident d’agir en tant que partenaires au sein de leurs chaines d’approvisionnement; elles espèrent que le fait de favoriser la flexibilité, de partager les risques et de résoudre les problèmes au fur et à mesure qu’ils surviennent leur permettra d’optimiser les résultats.
Le texte qui suit donne un aperçu de certaines clauses moins réactives pouvant être insérées dans les contrats en vue d’améliorer la fiabilité des chaines d’approvisionnement.
Non-exclusivité
Il est essentiel pour une entreprise non seulement d’établir des relations solides et transparentes avec ses fournisseurs, mais aussi de diversifier ses sources d’approvisionnement. Dans la mesure où des perturbations géopolitiques et environnementales continuent de déranger les chaines d’approvisionnement partout dans le monde, il n’est sans doute plus prudent pour les entreprises désormais de compter sur un seul fournisseur, une seule région ou un seul pays. Les entreprises devraient songer à se défaire des clauses d’exclusivité et d’achat minimal obligatoire dans leurs contrats d’approvisionnement. Elles devraient plutôt y inclure des clauses qui leur permettent de diversifier leurs sources d’approvisionnement pour parer à toute éventualité, notamment si un fournisseur donné n’était pas en mesure de répondre à une demande particulière ou si l’achat d’un produit auprès d’un fournisseur donné devenait financièrement intenable.
La pénurie mondiale de café, laquelle dure depuis bientôt trois ans et est en grande partie attribuable aux effets des changements climatiques sur les cultures au Brésil et en Colombie, est un bon exemple de la pertinence d’introduire de telles clauses stratégiques dans les contrats. Les torréfacteurs et les distributeurs de café au Canada qui achètent du café provenant uniquement de ces deux pays ont probablement de la difficulté à obtenir suffisamment de produits pour satisfaire la demande, alors que ceux qui se ravitaillent à plusieurs endroits sont mieux protégés en cas de problèmes.
Partage des risques
Des clauses plus souples et novatrices peuvent être introduites dans les contrats en vue de remédier à tout manquement dû à des problèmes dans la chaine d’approvisionnement. Il peut notamment être question dans ces clauses d’un certain partage des risques entre le fournisseur et le client.
Par exemple, si le prix d’un produit particulier augmentait à la suite d’un événement géopolitique ou d’une catastrophe climatique, le fournisseur et le client pourraient se répartir la hausse des coûts liés à la fourniture du produit. Si un fournisseur donné était aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre et que le délai de livraison des produits devait être prolongé, le fournisseur et le client pourraient se partager le coût des pénalités imposées tout au long de la chaine d’approvisionnement ou encore refiler la facture au client final (la personne ou le groupe qui utilise ou consomme le produit en question). Les parties à un contrat pourraient en outre convenir d’une offre excédentaire afin d’assurer un approvisionnement suffisant, en acceptant de partager le coût des frais d’entreposage supplémentaires.
Les clauses qui prévoient un partage des risques pourraient prendre la forme d’une annexe dans laquelle les parties établissent un « plan B » ou d’autres scénarios possibles en cas de problème avec le « plan A ».
Main-d’œuvre éthique
L’un des enjeux auxquels devront accorder de plus en plus d’importance les entreprises au moment de rédiger leurs contrats est le recours à une main-d’œuvre compétente et éthique. Aux termes du projet de loi S-211, Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement et modifiant le Tarif des douanes, adopté récemment, les entreprises seront tenues d’évaluer l’éthique de leurs fournisseurs, et d’en faire rapport. Elles pourraient être tenues responsables du non-respect de certaines exigences établies dans la loi, spécialement en ce qui a trait au recours au travail forcé ou au travail des enfants par certains fournisseurs.
Plus précisément, les entreprises devront produire des rapports annuels, dans lesquels elles décriront les risques de recours au travail forcé ou au travail des enfants tout au long de leurs chaines d’approvisionnement, ainsi que les mesures qu’elles ont prises pour gérer ces risques.
Les entreprises devront non seulement faire preuve de diligence raisonnable dans l’évaluation des fournisseurs et des producteurs avec lesquels elles font des affaires, mais elles devront aussi inclure dans leurs contrats commerciaux des clauses qui traitent spécifiquement de la qualité de la main-d’œuvre qui participera à chacun des maillons de la chaine de production.
Points de contrôle et canaux de communication
Les entreprises pourraient établir et maintenir des relations encore plus solides avec leurs fournisseurs si les contrats intervenus entre eux comprenaient des clauses prévoyant des points de contrôle réguliers, des jalons et des canaux de communication qui favorisent la détection et le signalement de tout problème courant ou prévisible dans la chaine d’approvisionnement. Le faire permettrait aux entreprises de planifier de façon proactive les divers scénarios dans lesquels elles pourraient se prêter à d’autres arrangements, notamment modifier leurs offres de produits ou chercher de nouvelles sources d’approvisionnement pour les produits clés dont elles ont besoin.
Facteurs ESG
Les entreprises dans le monde entier subissent une pression de plus en plus forte pour tenir compte des facteurs ESG dans leurs initiatives. Le fait de relocaliser certaines activités ou encore de choisir des fournisseurs situés plus près des points de vente peut être onéreux à court terme, mais peut comporter des avantages majeurs à long terme, notamment en réduisant les effets liés aux changements climatiques et en atténuant les risques que des problèmes liés au transport viennent perturber la chaine d’approvisionnement. Qui plus est, les clients et les autres parties intéressées pourraient considérer les entreprises soucieuses des facteurs environnementaux et sociaux comme responsables, et pourraient se tourner davantage vers celles-ci.
Les entreprises du secteur alimentaire doivent être conscientes des changements majeurs qui se produisent à l’échelle locale et mondiale et qui auront une incidence sur leurs chaines d’approvisionnement. En plus de prendre des mesures pour s’adapter à ces changements, les entreprises devraient veiller à inclure dans leurs contrats des clauses prudentes et créatives visant à atténuer les risques et à accroître la stabilité de l’accès aux ressources dont elles ont besoin.
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